Comboni, en ce jour

Pendant le voyage d’animation missionnaire (1871), il célèbre dans la cathédrale de Dresda.
A Mitterrutzner, 1877
Ma confiance réside dans la justice de la Rome éternelle, et dans ce Cœur Divin qui palpita aussi pour la Nigrizia.

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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
401
Mgr. Luigi di Canossa
0
Vienne
27. 5.1871

N° 401 (377) - A MONSEIGNEUR LUIGI DI CANOSSA

ACR, A, c. 14/88

Vive Jésus, Marie et Joseph !

Couvent des Dominicains,

Vienne, le 27 mai 1871

Excellence Révérendissime,


 

[2463]
Avant la fin de ce mois de mai, je voudrais vous soumettre une affaire pour que vous y réfléchissiez et la souteniez si vous la jugez bien menée.

Pendant tout le mois, j'ai prié notre Mère la Reine de la Nigrizia pour qu'elle aussi s'en occupe.

Monseigneur le Comte Coudenhove, né à Vérone en 1819, a été pendant douze ans Provincial des Rédemptoristes en Amérique, et pendant huit ans Supérieur des Rédemptoristes à Vienne, puis comme vous-même avez quitté les Jésuites, lui aussi a dû quitter sa Congrégation, et il est maintenant Chanoine de la Cathédrale de Vienne ; c'est un bon et saint homme au sens strict du terme. Monseigneur Coudenhove m'a dit, et me le répète tous les jours, d'aller en Amérique pour quémander: 1°. parce qu'il assure que pour mille raisons, pour les langues que je connais, pour l'importance de l'Œuvre éminemment catholique etc. avec la grâce de Dieu, je réussirai à avoir de bons résultats.

2°. Parce que là-bas je pourrai avoir quelques Prêtres noirs très pieux, formés par les Rédemptoristes, et que nous pourrions voir avec certains d'entre eux s'ils sont aptes à l'Apostolat de l'Afrique Centrale. Comme des Prêtres européens vont en Afrique, ainsi, à plus forte raison quelque Prêtre noir de l'Amérique pourra y aller.


[2464]
Comme l'affirme Monseigneur Coudenhove, en Amérique le Pape Pie IX est considéré comme un grand saint par tous les bons et les mauvais catholiques (sauf par la colonie italienne), ainsi que par les protestants. S'il venait à mourir, il n'en serait que davantage estimé.

Il serait donc très important que notre quête pour la Nigrizia soit encouragée par Pie IX avec une ou deux lignes en latin, en disant par exemple que "Dieu donnera le centuple au ciel à celui qui aura donné aux pauvres de la Nigrizia, etc. ... que vos cœurs soient généreux avec les Noirs etc." C'est ce que mon ami de Londres Voghan a fait pour fonder le Séminaire des Missions Etrangères à Londres.

Il est allé à Rome, et Monseigneur Talbot a demandé au Pape de lui écrire deux ou trois lignes sur une feuille. Voghan alla en Amérique et il recueillit 300.000 francs. Monseigneur Coudenhove a vraiment raison !


[2465]
His positis, voici, à mon avis, ce que vous devriez faire pour la gloire de Dieu.

1°. Ecrire sur une belle feuille, sur un tiers de la page, une pétition à Pie IX en le priant de me bénir et de me permettre d'aller en Amérique, où de nombreux Evêques sont prêts à m'aider (ils me l'ont assuré !), pour chercher des secours afin d'implanter l'Œuvre de la Rédemption de la Nigrizia, qui comprend tout le centre de l'Afrique, et dont les débuts sont très prospères. Vous pouvez écrire toutes les raisons que vous jugez utiles, par exemple : l'avis favorable des Evêques, de Monseigneur Meurin, etc... et l'espoir d'une bonne réussite.

2°. Ecrire une lettre plus détaillée à Monseigneur Pacca, en lui demandant de saisir l'occasion la plus opportune pour présenter votre pétition au Pape, et pour le prier d'écrire quelques lignes qui puissent indiquer aux Américains que Pie IX lui-même a autorisé cette quête. Monseigneur Pacca serait très utile en cette affaire.


[2466]
Si, au contraire, Votre Excellence pense qu'il ne faut écrire qu'à Monseigneur Pacca, le prier de trouver le moment opportun pour en parler au Pape en lui présentant une feuille afin que le Pape écrive dessus, c'est la même chose.

Ce qui est dit dans le premier point est plus facile à obtenir, ce qui est dit au point deux est plus efficace en Amérique, parce qu'il montre que le Saint-Père Pie IX a agit motu proprio, et comme premier agent en cette affaire.

Si on obtient cela, on devra mettre la feuille sur laquelle se trouve la signature du Pape, dans un livre blanc, et les bienfaiteurs de première classe signeront à la suite.


[2467]
Je viendrai donc à Vérone, je ferai un saut au Caire pour voir si tout se passe bien, et puis je vous donne ma parole d'honneur que si Dieu me garde en vie, je vous apporterai sur la table du salon après deux ans en Amérique (depuis mon retour d'Egypte) 20.000 livres sterling, soit 500.000 francs. Et avec l'argent on fera des miracles pour la Nigrizia.

Monseigneur Coudenhove insiste pour que l'on fasse cela tout de suite parce que Pie IX est vieux. J'embrasse vos mains et je suis



votre humble fils,

Abbé Daniel



P.-S. Suite aux demandes du Père Stanislao, je lui ai envoyé 50 napoléons ; il recevra donc en tout 150 napoléons-or en 4 jours.






402
Rapport à la Soc. de Cologne
0
Cologne
6. 6.1871

N° 402 (378) - RAPPORT A LA SOCIETE DE COLOGNE

"Jahresbericht..." 19 (1871), pp. 10-100

RAPPORT DU REVEREND MISSIONNAIRE

DANIEL COMBONI

Cologne, le 6 juin 1871



N.B. : [Nous omettons ici les pp. 10-12 parce qu'elles sont identiques aux paragraphes 2171-74 du Rapport Historique (à Monseigneur Luigi Ciurcia) du 15 février 1870]


 

[2468]
Pourquoi la mission d'Afrique Centrale, après des efforts si importants, après tant de victimes si illustres, frappées par la mort, alors que naissaient tant d'espoirs pour atteindre un heureux succès, après des dépenses si grandes et après tant de sacrifices, a-t-elle dû interrompre sa grandiose et sublime œuvre de conquête et suspendre presque complètement toutes ses activités ?

Pourquoi, en 1861, a-t-on été obligé d'abandonner les florissantes missions du Fleuve Blanc que les Missionnaires avaient fondées avec peine et qui étaient les plus importantes et les plus centrales des régions à convertir ?

Pourquoi les Missionnaires, réduits à un petit nombre, après avoir fait preuve d'un zèle vraiment admirable, ont-ils dû quitter le centre de leur activité et se retirer en Egypte ?

Pourquoi la stagnation a-t-elle succédé à 15 années d'activité dans cette sublime mission d'Afrique Centrale, pourquoi la Mission était-elle incertaine de son avenir et pourquoi s'est-elle vue menacée dans son existence même ?


[2469]
Toute entreprise de grande importance, visant à un principe qui ennoblit l'humanité, a besoin, pour être apte à cette finalité, d'une organisation qui réponde au but et qui soit convenable. Le succès d'une grande œuvre qui doit être fondée ne dépend que de cela.

Une telle organisation doit avoir un but bien déterminé et clairement formulé, afin que l'édifice que l'on veut ériger ait une base solide et inébranlable.

Il doit y avoir un centre d'où peut se répandre l'activité, des moyens nécessaires et du personnel qui collabore, c'est seulement avec celui-ci qu'on peut espérer de bons résultats ; et on doit aussi imprimer, dans cette organisation le sceau de la durée et de la croissance progressive.


[2470]
Certes, la Mission d'Afrique Centrale possédait de nombreux hommes, fort capables, qui la firent démarrer, animés de la vigueur des héros et du courage le plus noble. Nous avons vu ici des ouvriers évangéliques doués de merveilleux talents, possédant toutes les vertus apostoliques, qui ont consacré toute leur énergie à la Mission, l'ont soutenue et ont essayé de la conserver.

La Mission avait des protecteurs puissants et des aides matérielles en abondance procurées par la généreuse charité des Autrichiens.

Toutefois il lui manquait les éléments qui ne devraient jamais faire défaut pour atteindre durablement un bon résultat. A la Mission manquait un centre d'activité, autant en Europe que sur les côtes d'Afrique. Ce centre aurait dû lui fournir des aides selon les besoins, il aurait dû être composé d'ouvriers évangéliques des deux sexes, capables d'exercer le ministère apostolique à l'intérieur de la Nigrizia.

Je le répète une fois encore, l'organisation de cette Mission ne correspondait pas au but visé et ne pouvait pas donner de bons résultats.


[2471]
D'excellents Prêtres, à tous égards, ont travaillé en Afrique Centrale, mais ils provenaient des diocèses du Tyrol, de Bavière, de Ljubljana et des régions froides d'Allemagne et d'Autriche. De là, ils sont allés directement dans les régions torrides d'Afrique Centrale, sans avoir auparavant effectué un apprentissage commun et similaire pour tous, dans le but d'aller dans ces régions.

Cet apprentissage que le Missionnaire aurait dû faire et les différentes étapes qu'il aurait dû franchir avant de commencer son activité, lui étaient indispensables.

Les Missionnaires étaient confrontés au climat torride du Fleuve Blanc sans avoir été auparavant acclimatés dans différents endroits situés entre ces régions et l'Europe.

Il aurait été tout d'abord urgent et nécessaire de fonder en Europe un Séminaire bien organisé afin d'y préparer les jeunes Prêtres pour la difficile et dangereuse mission d'Afrique Centrale. Ici et là sur les côtes de l'Afrique on aurait dû fonder des collèges où les Missionnaires auraient pu s'habituer au climat et vérifier, en même temps, s'ils étaient à la hauteur de cette tâche d'importance, et devenir ainsi des ouvriers aptes et valeureux pour le difficile apostolat de l'Afrique Centrale.


[2472]
Avant tout il aurait fallu fonder une Congrégation de Sœurs Missionnaires grâce auxquelles on aurait donné à la Mission une aide efficace et indispensable pour la diffusion de la Foi au sein des familles. Ces Sœurs Missionnaires sont indispensables et, à tous égards, elles sont essentielles.

Ensuite, on aurait dû ériger des Instituts sur les côtes africaines où Européens et Africains auraient pu vivre et travailler, et où les indigènes des deux sexes auraient pu être formés pour devenir eux-mêmes des apôtres de la Foi et de la civilisation parmi leurs compatriotes. Ceci a toujours été reconnu par l'Eglise comme le moyen le plus efficace pour conduire un peuple à la vraie Foi et accomplir ainsi, de la meilleure façon possible, la mission de l'Homme-Dieu, c'est-à-dire la conversion au christianisme.

La Mission de l'Afrique Centrale manquait de tous ces éléments, tout à fait nécessaires pour assurer l'accès de la religion de Jésus-Christ dans ces contrées si vastes et si lointaines.

En cela aussi nous devons cependant reconnaître une vérité, à savoir que les Œuvres de Dieu, comme il arrive dans les processus mystérieux de la nature, commencent par une semence minuscule, qui ensuite se développe et, de l'enfance, parvient à une maturité toujours plus grande, et c'est seulement petit-à-petit qu'elle grandit jusqu'à la perfection.

C'est ainsi qu'il devait en être aussi de cette Œuvre grandiose de charité chrétienne et de Rédemption qui a été semée sans éclat dans la terre, comme la graine de sénevé dont parle l'Evangile, qui a germé et qui poussera lentement jusqu'à donner enfin ses fruits.


[2473]
En ce qui concerne les éléments préparatoires et requis par l'objectif, on peut trouver dans mon "Plan pour la régénération de l'Afrique" une ébauche de tout ce qui est nécessaire pour ériger le grand édifice de l'évangélisation de la Nigrizia. Ce Plan, qui au début, avait été considéré comme une pure utopie et une illusion, même par certaines Sociétés importantes, a été entièrement approuvé par le très aimé Pape Pie IX. Il a aussi obtenu, petit-à-petit, l'approbation de certaines personnalités connues pour leur autorité et pour leur érudition, et surtout l'approbation de nombreux et vénérables Evêques et Vicaires Apostoliques d'Afrique.

Le Très Révérend Monseigneur Lavigerie, Archevêque d'Alger, m'a avoué en toute franchise que les grands Instituts qu'il a fondés dans son diocèse pour la Préfecture du Sahara, sont nés sur la même base, selon les principes mêmes de mon Plan.


[2474]
Encouragé par la parole du Vicaire du Christ et du zélé Monseigneur de Canossa, Evêque de Vérone et mon Supérieur, et soutenu de façon tout à fait particulière par les honorables membres de la Société de Cologne, j'ai surmonté toutes les difficultés qui s'opposaient de tous côtés à la réalisation de mon Plan, et je ne leur ai accordé aucune importance. L'ennemi du genre humain semblait avoir fait tout son possible pour détruire cette sainte Œuvre, en arrivant même à menacer d'anéantir le trône de notre Saint-Père Pie IX.

Mais dans les dispositions de sa Providence, Dieu a décidé que les œuvres qui doivent servir à sa plus grande gloire soient marquées par le sceau de la Croix, et puisqu'elles sont nées au pied de la Croix, elles aussi, comme l'Eglise en ce monde, doivent endurer les coups de la persécution et des hostilités que l'enfer invente contre elles. Mais Dieu a voulu sauver son œuvre !


[2475]
Et il l'a sauvée par l'intermédiaire de son très saint Vicaire sur cette terre. Grâce à l'aide de votre bien méritante Société et grâce à la charité de l'Allemagne catholique nous travaillons maintenant à la réalisation de mon Plan. Ce plan n'a pas seulement été reconnu par le Chef de l'Eglise et par vous-même comme répondant bien au but et parfaitement adapté à la fondation des Missions dans la Nigrizia, mais maintenant il jouit aussi de l'approbation des personnalités les plus sensées et les plus prudentes du siècle, ainsi que des plus hauts et des plus distingués dignitaires de l'Eglise, des Présidents de plusieurs Sociétés, et des hommes qui ont une solide expérience dans la fondation de grandes œuvres et surtout des œuvres missionnaires. Qu'on rende gloire à Dieu seul, car Lui seul est l'auteur de ce Plan ! Mais après Lui, c'est vous mes chers amis qui en avez le plus grand mérite. Songez, Messieurs, que si vous voyez maintenant l'Œuvre qui vient de commencer, les temps qui viendront verront les merveilleux résultats des Instituts d'Egypte qui constituent la base et le centre d'opérations d'où l'activité apostolique se répandra dans toute l'Afrique Centrale. Et cette œuvre est bien la vôtre ! Si notre postérité voit ensuite dans les contrées de la Nigrizia des millions d'âmes soumises à la Croix, et des exemples de bonnes mœurs et de vie civilisée, ce sera votre œuvre parce que vous en avez pris l'initiative.


[2476]
C'est à vous et à votre Société que la grande Œuvre doit son existence ; grâce à elle nous avons les espérances les plus joyeuses et les plus justes de parvenir au salut de la Nigrizia. Sans vous et sans votre Société, la grande Œuvre n'aurait pas pu être fondée et la Nigrizia serait encore dans l'obscurité pour de nombreux siècles et dormirait d'un sommeil de mort.

Le premier rayon de lumière est sorti de la sainte ville de Cologne, et de la tombe des trois Rois Mages, les premiers Apôtres des terres païennes. Cette lumière dissipera pour toujours les ombres du paganisme qui, depuis plus de quarante siècles, enveloppent dans les ténèbres l'horizon de la Nigrizia.


[2477]
Toutefois, pour l'administration et la direction des Instituts d'Egypte et des Missions d'Afrique Centrale, il faut avoir en Europe un corps enseignant formé d'excellents Prêtres, zélés et instruits, pour pouvoir poursuivre l'Œuvre même après ma mort. C'est une disposition de mon Plan, et aussi un souhait de Propaganda Fide.

En 1867, pour cela, sous les auspices de l'excellent Evêque de Vérone, Monsegneur Canossa, j'ai ouvert à Vérone un Collège pour les Missions de la Nigrizia, dans le but de former des Missionnaires européens pour l'apostolat de l'Afrique Centrale. Par manque de moyens, je n'ai pas pu acheter une propriété pour cet Institut et j'ai dû payer tous les ans le loyer pour une maison provisoire. Mais, avec l'aide de Dieu et de Saint Joseph, protecteur de notre Eglise catholique, j'ai finalement réussi à acheter à Vérone pour le-dit Institut un bâtiment convenable. Pour cela, j'ai reçu de l'extraordinaire munificence de Sa Majesté Apostolique l'Impératrice Marie Anne d'Autriche, un important don de 20.000 francs. En y ajoutant les autres petites sommes que nous avons reçues de la Providence, j'ai été en mesure de payer la totalité de la maison.

Et vous, qui montrez tant de zèle pour la conversion de la Nigrizia, priez Dieu afin qu'il garde encore pour longtemps sur terre cette insigne bienfaitrice du genre humain et de la Nigrizia. Que Dieu récompense avec sa bénédiction céleste cette pieuse princesse et son illustre époux, l'Empereur Ferdinand I°. Votre prière pénétrera le ciel et un jour vous aurez dans cette grande âme un intercesseur immortel.


[2478]
La Congrégation des "Vierges de la Charité" a aussi été fondée à Vérone, afin que les Instituts pour jeunes filles en Afrique puissent obtenir d'elle des Institutrices. Mais je vous parlerai de cela et d'autres choses plus tard.


[2479]
Après avoir présenté ces informations générales sur le progrès de l'Œuvre de la régénération de l'Afrique, je veux maintenant informer rapidement les bien méritants membres de la Société au sujet des points suivants :

1. Les Instituts des Noirs en Egypte ;

2. Le Postulatum, en faveur des Noirs d'Afrique Centrale, adressé au Sacré Concile Œcuménique Vatican ;

3. La petite expédition en Egypte, entreprise récemment par le Collège des Missions Africaines de Vérone.




[2480]
I - LES INSTITUTS DES NOIRS EN EGYPTE



Il y a actuellement en Egypte trois Maisons ou Instituts pour les Noirs :

A) La maison du Sacré-Cœur, Institut pour les Noirs ;

La maison du Sacré-Cœur de Marie, Institut pour les jeunes Noires ;

La maison de la Sainte Famille, école pour les filles noires au Vieux Caire.




[2481]
A) L'Institut du Sacré-Cœur de Jésus pour la conversion de l'Afrique



Le but principal est le suivant :

1. Education religieuse et morale des jeunes Noirs et leur formation dans toutes les sciences et les techniques utiles pour l'Afrique Centrale afin qu'ils puissent, après une formation complète, retourner dans leurs tribus pour y travailler comme propagateurs de Foi et de civilisation guidés par des Missionnaires européens.


[2482]
2. Acclimatation des Missionnaires européens, des professeurs et des artisans pour qu'ils puissent ensuite mieux supporter le climat et les fatigues de l'apostolat dans les régions de la Nigrizia.


[2483]
3. Là, les missionnaires européens apprennent l'arabe, les langues et les dialectes des tribus noires, ce qui est le plus nécessaires pour la Mission, et ils prennent connaissance des habitudes et des mœurs des musulmans avec lesquels ils seront en contact même dans les pays de la Nigrizia. Il s'entraînent à se comporter de la meilleure façon possible et avec la plus grande précaution, avec des hommes complètement corrompus. Ils apprennent à traiter avec le gouvernement égyptien et les autorités consulaires des nations étrangères.

Là, ils acquièrent aussi quelques notions de médecine et quelques techniques artisanales indispensables pour la Mission. Mais ils doivent surtout étudier la méthode et la pratique pour gagner de la façon la plus efficace possible des âmes à Dieu. En un mot, cet Institut est pour le Prêtre une école d'expérience et de probation, qu'il doit fréquenter pour bien apprendre à agir en missionnaire et pour pouvoir exercer de la manière la plus efficace et la mieux appropriée son ministère en Afrique Centrale.


[2484]
4. Le stage dans cet Institut est une période d'instruction et d'expérimentation, pendant laquelle on peut se rendre compte clairement si les susnommés Missionnaires européens et les coadjuteurs qui doivent se rendre dans les contrées de la Nigrizia sont vraiment dotés d'une chasteté à toute épreuve, de constance dans la Foi, d'humilité et d'abnégation, du dévouement le plus généreux, de véritable charité et de toutes les vertus nécessaires à l'apostolat.

Les missions d'Afrique Centrale présentent de graves difficultés et des dangers pour celui qui veut travailler pour la conversion de Africains, et cette sévère période de mise à l'épreuve est nécessaire afin que ceux qui partent là-bas pour répandre les vertus chrétiennes n'aient jamais à succomber eux aussi à l'immoralité : " ne cum aliis praedicaverint, ipsi reprobi efficiantur ".


[2485]
Cet Institut a aussi comme but secondaire la conversion au christianisme de la race éthiopienne (les Noirs) vivant en Egypte. D'après le rapport officiel de 1869-1870 de Levernay, rien qu'au Caire, les Noirs sont 25.000.

L'Institut en question a aussi une administration propre, autorisée par le Révérend Vicaire Apostolique, et avec cette autorisation, on peut aussi apporter beaucoup de bien à la colonie européenne et aux indigènes de n'importe quel rite et croyance.

Jouissant d'une grande autorité et d'une grande estime auprès de toutes les classes sociales, les Missionnaires profitent de ces privilèges, au bénéfice de la mission d'Egypte.


[2486]
En ce qui concerne les Noirs d'Egypte, nous avons déjà commencé avec beaucoup de discrétion et de circonspection à emmener à la conversion ceux qui se trouvent dans des familles catholiques et nous agissons avec une prudence encore plus grande avec les Noirs qui sont chez les hérétiques et les musulmans.

En général, nous attendons que la Providence les conduise dans nos Instituts et dans la plupart des cas, cela arrive quand ils sont malades ou abandonnés.


[2487]
Les Noirs qui se trouvent auprès des familles catholiques sont presque tous païens ou musulmans. La raison de ce phénomène préjudiciable au catholicisme vient du fait que, même chez les catholiques dont les mœurs sont exemplaires, on se heurte à une indifférence invétérée en ce qui concerne le salut de l'âme de leurs serviteurs noirs. Ils les considèrent davantage comme un article de commerce que comme des hommes, et ces chrétiens ne veulent pas qu'ils deviennent catholiques pour deux raisons : tout d'abord, parce que les Noirs, devenus catholiques, acquièrent, ce faisant, la liberté, et leurs maîtres craignent alors qu'ils ne veuillent plus rester à leur service. (Au contraire, nous pouvons leur démontrer que ceux qui sont devenus chrétiens par le Baptême, fournissent une preuve de fidélité encore plus grande à leurs patrons !). Deuxièmement, s'ils deviennent catholiques et si leurs patrons veulent les renvoyer, ils ne peuvent plus les vendre aux musulmans, pour gagner de l'argent, parce que ces derniers n'achètent pas de Noirs catholiques, mais seulement des païens ou des musulmans.

L'année dernière, nous avons déjà parlé de cet apostolat de nos Instituts en Egypte, dans un rapport fait par le Père Carcereri. Et nos chers amis de Cologne ont été informés de la malheureuse situation de la population noire en Egypte, surtout si les Noirs vivent dans des familles catholiques de rite différent.

Vous saurez évaluer les difficultés et les obstacles qui s'opposent à l'exercice le plus attentif et le plus habile du ministère sacerdotal, et quelles clairvoyance et discrétion sont exigées pour obtenir de bons résultats.

Vous saurez apprécier également les fruits que nous apportons ainsi à notre sainte Mère, l'Eglise. Vous serez enfin convaincus que l'apostolat parmi les Noirs en Egypte, bien qu'il soit le but secondaire de nos Instituts, réalise par lui-même, une partie vraiment essentielle de la mission.


[2488]
L'Institut du Sacré-Cœur de Jésus comprend :

1. les Missionnaires,

2. les catéchistes et coadjuteurs,

3. le catéchuménat et le pensionnat des Noirs,

4. un petit hôpital pour les Noirs.

Voici maintenant, exposées brièvement, les règles de vie pour les Missionnaires des Instituts d'Egypte, comme je les ai établies depuis 1868.


[2489]
La vie du missionnaire, qui a rompu de façon absolue et péremptoire toutes ses relations avec le monde et avec tout ce qui lui est humainement le plus cher, doit être une vie toute vécue dans l'Esprit et dans la fidélité à Dieu.

Le Missionnaire, pour le salut des âmes, doit travailler avec un intense esprit de Foi en Dieu et de charité envers les hommes. Pour atteindre un tel but, il est nécessaire qu'en plus d'un fidèle dévouement au devoir et d'un zèle ardent, il ait aussi un grand amour et une grande crainte de Dieu. Il est nécessaire aussi qu'il ait une bonne maîtrise de ses propres passions ; sa vie doit s'ouvrir à la ferveur pour les réalités spirituelles, et il doit se distinguer par un grand amour pour l'étude et par un grand désir de perfection et de vie intérieure.


[2490]
Pour que les Missionnaires des Instituts des Noirs se sanctifient, je leur ai prescrit les pratiques suivantes :

1. Observance rigoureuse du règlement et de l'horaire quotidien.

2. Tous les jours, Messe et Office divin, et confession toutes les semaines.

3. Matin et soir, prières et chapelet en commun.

4. Le matin, une heure de méditation en commun.

5. Examen de conscience. Lecture spirituelle, visite au Saint-Sacrement à la Chapelle et Communion spirituelle en privé.

6. Acte d'offrande à Jésus Christ de sa propre vie et de ses propres fatigues comme consécration à la mission, matin et soir en commun.

7. Leçon quotidienne d'histoire du Nouveau Testament, de la vie des martyrs et des Saints ou des missionnaires célèbres.

8. Chaque année, en Carême, Exercices Spirituels pendant dix jours, et retraite mensuelle le vendredi après le premier dimanche du mois.


[2491]
9. Mois de mars consacré au Patriarche Saint Joseph ; mois de mai consacré à la Bienheureuse Vierge Marie, avec exercices de piété chaque jour pendant ces deux mois ; neuvaines, octaves, triduum en commun, avec parfois sermons et chants en l'honneur du Saint-Sacrement, du Sacré-Cœur de Jésus, de la Sainte Famille, de l'Immaculée Conception, et d'autres fêtes de la Sainte Vierge, de Saint Joseph, des trois Rois Mages, des Saints Apôtres et des Martyrs, de Saint François-Xavier, des Saints Africains, etc., des âmes du Purgatoire, etc., pour notre Sainte Eglise, pour son Chef, pour la Propagation de la Foi, pour la conversion de la Nigrizia et pour le bien-être et le salut des bienfaiteurs de l'Œuvre de la régénération de l'Afrique.

10. Exercices personnels de piété.



Pour promouvoir la sanctification de l'âme, j'ai donné aux Missionnaires les prescriptions suivantes:


[2492]
1. Etude fréquente des Saintes Ecritures, de la Théologie Dogmatique, de la Morale, du droit Canonique, de l'Histoire de l'Eglise et des missions, des doctrines des hérétiques et des païens. Cette dernière matière est le principal objet de l'étude des missionnaires et porte surtout sur :

a) les principales exigences du ministère sacerdotal ;

b) les erreurs et les superstitions des populations de l'Afrique Centrale.


[2493]
c) les erreurs de l'Islam en général, et en particulier des musulmans d'Egypte, de Nubie et des populations musulmanes d'origine arabe qui vivent dispersées en Afrique Centrale et qui ont conservé les principes de la religion musulmane.

d) les erreurs des hérétiques et des schismatiques en tous genres et de tous les rites en général, et les différences particulières entre schismatiques et hérétiques d'Egypte, surtout celles des Coptes, Grecs, Arméniens, Anglicans, etc. et des Francs-maçons.

e) les préjugés pernicieux qui dominent parmi les catholiques de tous rites en Egypte et chez certains moines et prêtres orientaux, préjugés qui peuvent devenir un obstacle pour le progrès du catholicisme resté fidèle au Pape

f) les pernicieuses tendances et les vices qui dominent parmi les catholiques d'Egypte en raison de leur ignorance invétérée et les moyens les mieux appropriés pour y remédier.


[2494]
2. Etude approfondie des langues arabe, française, denka, berbère, bari etc.

3. Etude de l'histoire, de la géographie, de l'agriculture et des mœurs des régions de la Nigrizia.

4. Notions de médecine, de phlébotomie, de techniques artisanales qui sont utiles dans les pays de la Nigrizia.

5. Services rendus aux malades, assistance spirituelle et physique.

6 Prédication, explication du catéchisme, administration des Sacrements dans les Instituts des Noirs et dans les églises.


[2495]
Nos missionnaires, Prêtres et laïques, vivent ensemble comme des frères unis dans la même vocation, sous la direction et la dépendance du Supérieur.

Ils accomplissent avec zèle ce qu'on leur ordonne de faire, prêts à s'aider réciproquement. Ils ont de l'estime pour les autres Missionnaires d'Egypte, et ils s'efforceront d'entretenir de bonnes relations avec eux, même dans l'exercice de leurs offices spécifiques. Leur mission est surtout celle-ci : l'évangélisation de la Nigrizia.

Bien qu'ils n'y soient pas obligés par un vœu, ils se soumettent en tout au Supérieur par une obéissance religieuse et filiale, par amour de Dieu, du bon ordre et du véritable progrès de la sainte et sublime Œuvre, à laquelle ils se sont consacrés. La dépendance envers le Supérieur concerne l'exercice du ministère, l'accomplissement des différentes tâches qu'ils exercent dans l'Institut, les rapports avec les Noirs, la permission de s'absenter de la maison, et d'assumer des engagements à l'extérieur. En tout cela, chacun doit agir en parfait accord avec le Supérieur et avec son consentement et sa permission. Ce dernier se comporte envers eux comme un père et un frère. Il essaye de les seconder avec attention dans leurs efforts et d'exaucer leurs justes désirs. Et pour répondre à leurs besoins il assigne les différentes tâches en tenant compte de leurs aptitudes et de leur habileté.


[2496]
Le Supérieur est responsable de l'Institut et de ses membres. C'est à lui que reviennent la direction, l'administration et la surveillance de chacun, la représentation auprès des autorités locales, les négociations des affaires avec les gens de l'extérieur et les autres obligations inhérentes à la charge de Chef de l'Institut.

Dans les cas les plus importants, le Supérieur demande conseil aux confrères les plus experts et les plus prudents, surtout quand il s'agit d'entraîner des conséquences dangereuses pour l'Institut.


[2497]
Tous les Missionnaires vivent en communauté, se contentant de la nourriture, des vêtements, des livres et autres objets qu'ils reçoivent en fonction des rentrées de l'Institut. Il est permis aux seuls Prêtres d'utiliser, pour leurs besoins particuliers, ce qu'ils pourraient recevoir de leurs familles et de leurs revenus. Mais l'administration directe des biens personnels qu'ils possèdent dans leur patrie, leur est interdite. Ils cèdent aussi au profit de l'Institut les rentrées de dons et de Messes, etc.

Ils doivent assister le Supérieur, en tout ce qu'il leur demandera, selon les capacités de chacun, pour la formation des Noirs dans les différentes matières scientifiques et techniques, selon les programmes de chaque Institut.


[2498]
Suivant les dispositions particulières des Autorités ecclésiastiques compétentes, la direction spirituelle des Instituts pour les Noires, le ministère de la prédication, l'instruction religieuse dans les deux Instituts peuvent être confiés aux Missionnaires prêtres également ; mais si cela est demandé, il faut le discernement et l'accord préalable du Supérieur.


[2499]
Dans ses relations avec les personnes de l'extérieur, le devoir et l'intention de chacun est de gagner des âmes à Jésus-Christ, pour lequel ils ont quitté leur patrie, leurs parents, leur famille, en un mot, tout.

Bien que l'activité des Missionnaires se limite aux pauvres Noirs dans nos Instituts et au but particulier de cette mission, les Prêtres surtout saisissent les occasions propices, comme nous l'avons dit plus haut, pour faire à tous le plus de bien qu'ils peuvent, sans distinction aucune, se souvenant qu'ils sont les ministres de Celui qui a souffert et qui est mort pour tous. Cependant, s'agissant de la conversion d'adultes, chaque Missionnaire agit en accord avec le Supérieur, lequel, si un cas particulier l'exige, s'adressera au Vicaire Apostolique d'Egypte, l'autorité spirituelle qui représente le Saint-Siège. Le Baptême n'est pas administré aux jeunes garçons non catholiques, gravement malades, sauf en cas de danger de mort, et cela toujours avec les plus grandes précautions.


[2500]
Aucun Missionnaire ne peut entrer dans les Instituts des Noires, ni y exercer le ministère, ni y rendre un service de piété. Cela n'est possible que s'il a obtenu l'autorisation du Supérieur ou une permission spéciale, sauf en cas de nécessité urgente et imprévue et seulement en l'absence du Supérieur.

Cette interdiction s'applique aussi à tous les domestiques et tout manquement à cette interdiction est considéré comme une faute grave.


[2501]
Dans nos Instituts on observe la clôture, qui est absolument nécessaire, et qui est confirmée par sa pratique régulière dans toutes les communautés religieuses. Cependant, dans les Missions, elle est réglementée selon les circonstances et en certains cas selon la prudente discrétion du Supérieur.

Les femmes sont reçues dans la salle de réception, en tenant compte des quelques exceptions que le Supérieur peut faire pour certaines pieuses bienfaitrices, ou si une visite extraordinaire était annoncée.


[2502]
A moi seul revient tout ce qui concerne la direction générale des Instituts in omnibus et quoad omnia, toutes les affaires externes et toutes les tractations avec les autorités civiles, et en particulier avec les Consuls européens et le gouvernement égyptien, ainsi que la correspondance avec l'Europe et tout ce qu'il faut y faire. En mon absence, la direction générale des Instituts des Noirs et leur gestion économique en général, sont confiées au Père Stanislao Carcereri.

Le très pieux Abbé Bartolo Rolleri est instituteur des élèves noirs.

Le Père Giuseppe Franceschini enseigne plusieurs métiers et activités manuelles en tous genres. L'Abbé Pasquale Fiore est le directeur spirituel et l'aumônier de l'Institut du Sacré-Cœur de Marie, et l'Abbé Giuseppe Ravignani s'occupe de l'administration ordinaire de cet Institut pour les Noires. Tous se partagent la surveillance des jeunes étudiants et les autres occupations de l'Institut.

La pharmacie et les soins à apporter aux malades sont confiés à Pietro Bertoli. Domenico enseigne l'agriculture.


[2503]
L'Institut des Noirs occupe entièrement l'ancien Couvent maronite au Vieux Caire ; il a une vaste cour et l'église la plus grande et la plus belle du Vieux Caire. J'ai pris en location cette maison pour trois ans au prix de 1200 francs. Elle est adjacente à l'ancien édifice qui, comme le veut la légende, a servi de demeure à la Sainte Famille en Egypte.


[2504]
Les Règles établies pour mon Institut sont le fruit de longues observations et de l'expérience. Les Normes que j'ai déterminées pour l'Institut ne sont que le résumé essentiel de la conduite à suivre par les Missionnaires.

Je suis fermement déterminé à améliorer le Règlement avec la pratique et une longue expérience pour qu'il soit le plus approprié pour les Instituts. Je le soumettrai ensuite à la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi et à la suprême sanction du Saint-Siège.


[2505]
Depuis la fondation des Instituts il n'y a pas eu un seul moment où je ne me sois pas rendu compte de ma situation très difficile par rapport à ce que les affaires exigent, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de mes petits Instituts.


[2506]
En ce qui concerne ma position par rapport à l'extérieur de mes Instituts, j'ai été placé sous la protection et la bienveillance paternelle du représentant du Saint-Siège et je me suis rendu compte que l'accomplissement des devoirs d'un apostolat si important et difficile, comme celui d'Egypte, n'est pas facile si on considère les éléments extrêmement variés qu'il embrasse.


[2507]
Il faut traiter avec le corps ecclésiastique de la Mission, avec le Gouvernement égyptien et avec les autorités consulaires de France, d'Autriche et d'talie. Je me suis également trouvé au milieu d'un clergé de différents rites orientaux et parmi des sectes d'hérétiques et d'une franc-maçonnerie dominante.

Le chef d'un nouvel Institut doit avoir, à cet égard, un œil vigilant et attentif sur tout et il doit marcher sur la pointe des pieds.

Je n'ai pas négligé non plus de bien pondérer ma difficile position vis-à-vis des membres des Instituts, dont je suis le Chef. Il y avait des Religieux dont la forme d'institution était différente de celle des Prêtres séculiers, des Sœurs françaises, italiennes et orientales, de jeunes Noires rachetées par divers bienfaiteurs, et éduquées dans différents Instituts avec leurs propres Règles.


[2508]
C'étaient tous des éléments hétérogènes, que je devais avant tout mettre en parfaite harmonie, et les ramener à l'unité d'esprit et de bannière. Avec le plus grand soin et avec rigueur j'ai étudié le caractère, les qualités et les aptitudes de chaque personne afin de bien la diriger et de m'en servir au profit de la croissance et de la prospérité de notre grande entreprise. La grâce de Dieu a agi dans nos Instituts et sa bénédiction a été avec nous ; cela m'est apparu de façon très claire quand j'ai vu dans mes Missionnaires des hommes ayant une grande conscience, un caractère ferme, une grande fidélité à la vocation, une persévérance à toute épreuve, une véritable charité envers le prochain et un remarquable sens de l'abnégation.

Le Père Carcereri est supérieur aux autres Missionnaires tout particulièrement dans ces vertus. La Providence nous a aussi donné un vrai ami, un père et un conseiller dans la personne du Révérend Père Pietro da Taggia, Représentant du Vicaire Apostolique et Curé au Vieux Caire. Il travaille depuis 34 ans avec un grand zèle pour les missions. Il a déjà rendu d'excellents services à notre Institut ; il s'intéresse avec affection à notre œuvre. Il est pour la sainte mission un véritable réconfort et une aide précieuse en cas de besoin, lorsqu'il y a des croix et des souffrances ; nous lui en sommes donc extrêmement reconnaissants.


[2509]
Que Dieu nous le garde encore pour de nombreuses années ! Je peux affirmer la même chose à propos de Monseigneur Ciurcia, le Délégué Apostolique d'Egypte et Archevêque d'Irénopole ; il est à la fois, pour nous, un père et un guide dans notre tâche sublime. Entourés de si près par des hommes si serviables, dans les difficiles conditions de notre Mission, je n'oublie jamais de leur demander des conseils. Je soumets aussi les affaires de grande importance concernant les Instituts à nos Prêtres missionnaires et je demande leur avis. C'est un excellent moyen pour les initier à la pratique des affaires et pour les mettre au courant de tout ce que notre Œuvre sublime exige. Tout cela, plus tard, leur sera très utile si l'Œuvre se développe encore plus et s'agrandit davantage.

Toutes les démarches que j'ai faites pour nos Instituts et tous les projets sont d'abord étudiés et examinés à fond avec les échanges et les conseils des autres missionnaires et c'est seulement après que je décide d'agir résolument au nom du Seigneur.


[2510]
L'humanité, l'obéissance, le bon ordre et la parfaite harmonie qui règnent dans nos Instituts d'Egypte, je les dois d'abord à Dieu et aux nobles sentiments de nos Missionnaires et ensuite à cette façon d'agir si profitable et si opportune.

Nos Missionnaires sont ainsi graduellement préparés à diriger eux-mêmes un Institut. Je dirige dans l'esprit mes chers collègues missionnaires et je suis le guide de leur cœur, mais ils sont aussi l'objet de toute mon estime et de toute mon affection.

Nous sommes tous animés par un unique idéal, par un unique et ardent désir : sacrifier notre vie par amour de Dieu, par amour de sa Sainte Eglise et pour la malheureuse Nigrizia. Et nous, illustres Messieurs de la noble Société de Cologne, nous sommes disposés à mourir martyrs de la Foi ! (Vous vous souvenez bien que nos Missionnaires d'Afrique sont presque tous morts au tout début de leur apostolat).

Oui ! nous sommes prêts à mourir pour cela, mais nous voulons mourir avec une sage prudence, en agissant pour une grande Œuvre, pour sauver les âmes d'un peuple qui est le plus délaissé de la terre. Donc, avec joie, nous nous exposons aux plus grands dangers de mort, mais avec la prudence et la magnanimité qui conviennent aux véritables apôtres et martyrs de Jésus Christ.




[2511]
B) L'Institut du Sacré-Cœur de Marie pour la régénération de l'Afrique.



C'est ainsi que j'ai appelé l'Institut des jeunes Noires, lequel est confié à la direction des Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition. Il est situé près du Nil, en face des Pyramides, à trente pas de l'endroit où la fille du Pharaon a aperçu le petit Moïse dans l'eau.


[2512]
Le but principal et secondaire de cet Institut est analogue à celui de l'Institut des Noirs, à l'exception de quelques différences pour des raisons de formation.

Cet Institut vise surtout à former de jeunes filles catholiques destinées à coopérer à l'apostolat parmi les Noires, en Egypte et en Afrique Centrale.


[2513]
Cet Institut comprend :

1. Les Sœurs.

2. Les Noires missionnaires.

3. Les aspirantes et les assistantes.

4. Le Catéchuménat.

5. Un petit hôpital pour les Noires.

Les Sœurs, dont je suis le Supérieur ordinaire, sont tenues d'observer rigoureusement les Règles de leur Congrégation, dont je donnerai des détails une autre fois ; en 1831 elle a été approuvée par le Saint-Siège dans le but précis de former le personnel pour venir en aide aux missions étrangères.


[2514]
Les pratiques religieuses suivantes sont accomplies sous la direction des Sœurs et les filles noires de toutes les catégories de l'Institut y prennent part, surtout les Noires missionnaires, pour fortifier ainsi leur sainte vocation :

1. Accomplissement rigoureux de toutes les prescriptions.

2. Matin, midi et soir, prières en commun (selon mes intentions particulièrement au profit de la Mission de la Nigrizia).

3. Le matin, une demi-heure de méditation en commun.

4. Examen de conscience, exercices de piété, visite au Saint-Sacrement et communion spirituelle, lecture spirituelle au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner.

5. Confession et communion hebdomadaires suivant les conseils du Confesseur.

6. Explication de l'Evangile le matin et Catéchisme ou Doctrine Chrétienne l'après-midi dans l'Institut, le dimanche et les jours de fêtes dans la chapelle.

7. Chaque mercredi une heure d'adoration devant le Saint-Sacrement avec la Messe pour la conversion de la Nigrizia.

8. Exercices spirituels, chaque année du 10 au 19 mars, fête de Saint Joseph. Retraite mensuelle le dernier jeudi du mois.

9. En mars et en mai, tous les jours, Sainte Messe, et le soir, sermon, prières personnelles et exposition du Ciboire.

10. Le premier vendredi de chaque mois, Pratique de la Garde d'Honneur au Sacré-Cœur de Jésus.

11. Neuvaines, octaves, triduum en honneur de Jésus-Christ, de la Vierge Marie et des Saints, suivant les dévotions missionnaires établies par l'Institut des Noirs. Prières spéciales pour le triomphe de l'Eglise, pour la Conversion de l'Afrique et pour les bienfaiteurs de l'Œuvre africaine.

12. Exercices personnels de charité chrétienne.


[2515]
Les Sœurs et les Noires qui doivent travailler pour le salut des âmes se préparent à commencer l'apostolat dans la Nigrizia par les études suivantes :

Etude approfondie du Catéchisme et des différences avec les autres religions ; ce dernier argument sera adapté aux femmes catholiques. De temps en temps une missionnaire donne ce cours et explique par des exemples les différences entre les hérésies, comme on le fait dans l'Institut des jeunes Noirs.

A l'enseignement des controverses religieuses, il faut ajouter aussi l'instruction sur la meilleure façon de convertir à notre sainte religion les femmes noires de toute croyance superstitieuse. On leur montre la façon d'argumenter et les similitudes les plus pratiques et simples pour combattre et détruire les erreurs des croyances superstitieuses des femmes appartenant à l'Islam, au paganisme et aux différentes sectes etc.

Puisque, en Orient, les hommes peuvent très difficilement approcher les femmes et puisque les Missionnaires doivent être très circonspects en parlant et en conversant avec elles, nous comptons obtenir d'excellents résultats pour notre sainte Foi catholique, surtout grâce aux Sœurs et aux Noires qui, en tant que Missionnaires, ont une grande influence sur les femmes. Il me semble surtout très important et tout aussi nécessaire que les jeunes missionnaires noires soient instruites sur les différences religieuses, car c'est seulement ainsi que notre œuvre sera facilitée.

2. Les Noires missionnaires enseignent aux assistantes et aux malades la Foi et la morale chrétienne, et elles préparent les catéchumènes au Saint Baptême.

3. Etude des langues arabe et dinka.

4. Exercices pratiques d'aide et d'assistance spirituelle aux malades. Quelques notions de médecine et de pharmaceutique.

5. Apprentissage de tous les travaux manuels féminins de première nécessité pour la Nigrizia, surtout apprendre à confectionner des vêtements, à coudre, à cuisiner, à tisser.

6. En plus de l'arabe, apprentissage de l'italien, du français, du denka et de certains dialectes africains.

7. Exercices de cuisine, faire du pain et des plats avec les produits agricoles qui, grâce à une agriculture améliorée, peuvent être introduits aussi en Afrique Centrale. Fabrication de nattes et de couvertures avec des feuilles de palmier.


[2516]
Tous les travaux délicats et de valeur qui sont commandés par des gens de l'extérieur et notamment par des magasins européens, sont exécutés par les jeunes Noires sous la direction des Sœurs et des institutrices noires les plus chevronnées. Il s'agit d'ouvrages de broderie de toutes sortes en or et en soie. Les jeunes filles apprennent aussi à confectionner des vêtements, à coudre et à s'occuper du linge pour les Instituts. Les travaux de la cuisine, de la buanderie, et les soins apportés aux malades sont accomplis par les filles, à tour de rôle, chacune pendant une semaine.


[2517]
Parmi les Missionnaires noires il y en a seize qui ont une moralité à toute épreuve, de bonnes capacités et une vocation solide, elles sont parfaitement formées et prêtes à exercer avec succès leur apostolat en Afrique Centrale.

Elles sont très bien préparées et elles ont parfaitement appris l'art et la manière d'attirer les femmes noires et de leur permettre d'accéder au catholicisme, bien qu'elles soient fortement ancrées dans leurs croyances superstitieuses, ou qu'elles soient fanatiquement attachées à l'Islam.


[2518]
L'expérience nous a convaincus que cet Institut de filles est un élément très important pour gagner au christianisme la population féminine noire d'Egypte, provenant de nombreuses tribus.

En effet, quand les jeunes Noires, musulmanes ou païennes, conversaient avec nos filles et voyaient la bonne éducation et les connaissances qu'elles avaient acquises et la façon dont elles chantaient à l'église, surgissait, en elles aussi, le désir de devenir catholiques. Beaucoup d'entre elles ont embrassé notre sainte Foi et ont persévéré fidèlement. Le nombre des converties serait certainement beaucoup plus élevé, si elles n'avaient pas dû lutter contre la farouche opposition de leurs maîtres. Ces converties avaient été arrachées violemment du sein de leurs familles, achetées et revendues plusieurs fois par des hommes cruels, et exposées aux dangers les plus horribles. Malgré tout cela, après avoir reçu le Baptême, elles ont fait preuve d'une grande pureté de mœurs et ont gardé l'innocence baptismale.

Si maintenant nous constatons les si bons résultats obtenus par ces jeunes Missionnaires en Egypte, où il y tant d'obstacles à franchir, combien plus grande sera leur efficacité dès qu'elles iront parmi les tribus d'Afrique Centrale !

Là-bas il n'y a pas à lutter contre le fanatisme musulman, ni contre les dangereux préjugés de maîtres qui n'obtempèrent pas. Nous sommes convaincus qu'en très peu de temps, leurs consœurs noires seront rapidement gagnées à notre sainte Foi. C'est une preuve supplémentaire de l'opportunité de mon "Plan pour la régénération de l'Afrique".


[2519]
La catéchèse, dans les maisons des familles catholiques de très bonne réputation est toujours faite par deux filles noires accompagnées par une Sœur. Une telle mission, généralement accomplie pour le bien d'une Noire païenne ou musulmane, porte aussi d'autres fruits. En effet d'autres femmes aussi s'y joignent, soit par curiosité ou soit conduites par la grâce de Dieu, fermement résolues à devenir catholiques.


[2520]
Permettez-moi maintenant de faire une petite digression et de raconter aux membres de notre Société le cas sympathique de la jeune noire Giuseppina Condé. Elle avait été éduquée avec beaucoup de soins et d'amour à Salzbourg par les Ursulines et je l'ai reçue au Caire en septembre 1869, envoyée par le Révérend Primat et Archevêque de Salzbourg. Giuseppina Condé est née au sud du Darfour, et a été accompagnée en février de l'année dernière par une de nos Sœurs et par deux Missionnaires noires dans la maison d'un copte, où il y avait trois Noires auxquelles on devait enseigner la religion catholique. Il y avait aussi une autre jeune Noire venue, par curiosité, pour voir nos Missionnaires et pour parler avec elles. Celles-ci étaient là depuis seulement un quart d'heure quand, après avoir regardé Giuseppina Condé à plusieurs reprises, elle a fondu en larmes. Giuseppina, sans pouvoir en donner la raison, a commencé elle aussi à pleurer, et toutes les autres troublées faisaient de leur mieux pour consoler les deux filles.

A l'improviste, la jeune Noire qui pleurait, s'approche de notre Giuseppina et cherche une cicatrice sur sa nuque. Alors elle lui demande si son père ne s'appelait pas ainsi et ainsi. Et Giuseppina a répondu oui. Le fleuve des larmes des deux filles a alors doublé d'intensité et elles ne cessaient pas de se regarder. La jeune Noire inconnue pose alors de nouvelles questions : " Ta mère s'appelait-elle peut-être ainsi ? Et le village où tu es née ne s'appelle-t-il pas ainsi ? N'avais-tu pas une grande Sœur, une plus petite et un frère, et n'avaient-ils pas les noms suivants ? "... Giuseppina répondait oui à toutes les questions. Elles ne cessaient de pleurer, et la même jeune fille continue à poser des questions : " Quand tu étais encore dans ton village, ne t'appelais-tu pas ainsi ? " " Oui, je m'appelais ainsi ". "Te rappelles-tu ta grande sœur et son nom ? " " Oui, - a répondu Giuseppina, - et je l'aimais beaucoup ! " " Te souviens-tu comment les Giallabas t'ont arrachée des bras de ta sœur ? " " Je me souviens très bien de tout cela ", a répondu Giuseppina. " Eh bien, sache que je suis ta grande sœur."


[2521]
Les deux sœurs se sont alors jetées dans les bras l'une de l'autre. Giuseppina a su qu'un jour après elle, sa sœur avait été enlevée elle aussi de force avec sa mère. Après trois mois de voyage elles sont arrivées dans le Cordofan et elle-même a été vendue à un Nubien, qui l'a emmenée avec lui à Dongola et à Siut, où elle fut rachetée par un marchand turc. Ce dernier l'a vendue au Caire à un eunuque du harem du Sultan, qui l'a fait emmener à Constantinople, où elle est devenue une des nombreuses femmes d'un riche musulman, au service du harem impérial. Elle était bien traitée par cet homme qui lui donna des vêtements, des perles et des diamants. Mais quand il mourut, elle tomba dans la misère et fut vendue à un marchand de tabac qui allait au Caire. Un de ses fils a été vendu à Smyrne à un marchand. Elle était en Egypte depuis un an environ quand un matin elle s'est rendue dans la maison du copte et par hasard elle y a retrouvé sa sœur. " Je suis heureuse de t'avoir retrouvée " - a-t-elle dit à Giuseppina - mais je regrette de voir que tu es chrétienne ; j'espère que tu deviendras musulmane comme moi ". " Non, ma chère, au contraire, c'est moi qui souhaite que tu deviennes chrétienne. Je suis allée en Europe, j'ai vécu de nombreuses années en Allemagne ; j'ai été comblée de bienfaits et on m'a fait connaître le chemin qui mène au ciel. On m'a inculqué l'amour de la Sainte Vierge et je suis devenue chrétienne. Toi aussi tu dois connaître le bonheur d'être chrétienne ". L'autre n'apprécia pas ce discours, bien qu'elle fût contente que Guiseppina ait été en Allemagne ; mais elle ne voulait pas se persuader que sa sœur était devenue chrétienne. Giuseppina l'invitait à me rendre visite, mais elle a refusé par crainte que je la séquestre et que je fasse d'elle une chrétienne. " Viens, - lui dit Giuseppina, - allons ensemble chez le Père, tu verras comme il est bon ".


[2522]
Mais ce jour-là, elle n'a rien voulu savoir du bon Père. Elle est venue un autre jour, mais elle avait encore très peur. Elle voulait que je laisse aller sa sœur chez elle, mais j'ai refusé catégoriquement. Peu de temps après, elle venait souvent rendre visite à Giuseppina dans l'Institut et maintenant elle semble très prête à embrasser le christianisme. Toutefois, jusqu'à présent, je n'ai pas réussi à la racheter à son patron qui exige pour elle un prix exorbitant et qui a, en fait, peu envie de la vendre. Prions la Mère et la Reine de la Nigrizia, la Vierge Immaculée, pour qu'elle nous aide, afin que cette âme aussi soit sauvée.

Le petit hôpital de notre Institut a une pharmacie qui coûte 2.000 francs et fournit des médicaments également aux deux autres maisons et en plus à de nombreux pauvres de la ville.


[2523]
Les Sœurs sont animées par un excellent esprit, elles sont exemplaires dans leur vie religieuse et pleines de dévouement et de zèle pour notre Œuvre. Et, pour ce qui nous concerne, nous n'omettons jamais d'affermir leur vocation, de les aider et de les faire progresser.

La Supérieure est Sœur Veronica Pettinati, d'Empoli ; auparavant elle avait été Supérieure à Malte et à Jérusalem. Elle est vraiment à la hauteur de sa mission.

La maison du Sacré-Cœur de Marie est un vaste et solide bâtiment avec un petit jardin potager, que j'ai pris en location auprès de M. Baharu Abut, un Grec catholique, pour la somme de 1.600 francs par an.



C) L'Institut de la Sainte Famille




[2524]
En Egypte la condition des pauvres Noirs est vraiment pénible et triste. De nombreuses années d'expérience m'ont convaincu que non seulement les musulmans et les infidèles, mais aussi, sauf de rares exceptions, les chrétiens catholiques de caractère bon et irréprochable, considèrent les malheureux Noirs non pas comme des hommes, et des êtres doués de raison, mais comme des objets qui procurent des gains. En général, un cheval, un lama (sic !), un âne, un chien, une gazelle, sont beaucoup plus appréciés qu'un Noir ou qu'une Noire.

Leur valeur est seulement proportionnelle au prix qu'ils ont coûté ou à l'argent qu'ils peuvent rapporter par leur travail ou en se prostituant. Le Noir, en tant qu'être doué de raison, n'a ici aucune valeur. Une seule catégorie de Noirs est à l'honneur : celle des eunuques qui sont les gardiens des harems. Sur cent Noirs qui, à l'âge de 7 ou 8 ans, sont soumis à cette opération barbare, il y en a peut-être vingt qui restent en vie. Etant donné qu'un eunuque coûte entre 500 et 1000 thalers de Prusse, il est davantage estimé à cause du prix très élevé.

Nos chers bienfaiteurs allemands reconnaîtront ici le bien qu'ils font quand ils donnent leurs aumônes pour ces malheureuses populations noires.

Ces pauvres, violemment arrachés à leurs familles, doivent faire des voyages éprouvants et dangereux pour tomber ensuite entre les mains de maîtres barbares, qui les revendront huit ou dix fois. Et ensuite ces pauvres esclaves finissent par devenir des sujets de mépris et des victimes de la cruauté.

La charité allemande, qui soutient nos Instituts, est l'œuvre la plus noble de civilisation pour le bien de cette grande partie de la famille humaine, qui est la plus souffrante et la plus délaissée de la terre, et les Noirs seront ainsi élevés non seulement à la hauteur de la Foi chrétienne, mais aussi à la hauteur de la civilisation européenne.


[2525]
Un jour la Nigrizia éclatera dans un chant de louanges et de remerciements en l'honneur de la généreuse Allemagne catholique, à laquelle elle doit sa résurrection.

L'existence d'un Institut dans lequel les Noirs apprennent la Foi et tous les aspects de la culture, comme dans les Instituts d'Europe, a déjà fait des miracles en Egypte. En effet, pour de nombreux Egyptiens, il semblait impossible que l'on puisse civiliser les Noirs et que ces derniers aient les mêmes capacités que les Blancs. Aujourd'hui, ils sont convaincus que cela est devenu une réalité radieuse.

Bien que pour cela, un tel Institut soit, aux yeux des musulmans d'Egypte, une preuve évidente et éloquente, son activité n'était pas dirigée vers l'extérieur, car nous devions agir avec beaucoup de précautions, pour ne pas tomber, à cause du fanatisme musulman, dans des querelles dangereuses, et pour ne pas exciter la susceptibilité des différentes sectes présentes dans le pays des Pharaons.

J'ai alors pensé à un moyen pour élever davantage la race noire et pour montrer sous un jour plus favorable, vis-à-vis de ces hommes qui n'ont qu'un semblant de civilisation. Le droit que la race noire possède et qui doit lui être reconnu auprès des Blancs, devrait apparaître de façon encore plus évidente pour les Egyptiens. Et j'ai voulu aussi démontrer encore plus au monde, en le prouvant par un exemple éloquent, que d'après l'esprit sublime de l'Evangile, tous les hommes, Blancs et Noirs, sont égaux devant Dieu et qu'ils ont droit à l'acquisition et aux bénédictions de la Foi et de la civilisation chrétienne de l'Europe.


[2526]
Parmi les moyens que j'ai imaginés pour atteindre ce but, le plus pratique et le plus approprié, vu les conditions dans lesquelles nous étions l'an dernier, a été l'érection d'une école publique au Vieux Caire, dans laquelle ne devaient travailler que des Institutrices noires. Elle devait être mise en place tout à fait à l'européenne et devait être fréquentée par des jeunes filles de n'importe quelle race. Je pensais que cela contribuerait grandement à mettre davantage à l'honneur la race noire en Egypte. En même temps, les Missionnaires noires pouvaient considérer leur travail dans cette école comme une espèce de noviciat et comme une période de mise à l'épreuve pour s'exercer au futur apostolat d'Institutrices et de Missionnaires en Afrique Centrale.


[2527]
Ces deux raisons, jointes à la nécessité vraiment urgente d'avoir au Vieux Caire une école publique pour filles, m'ont poussé à ouvrir un petit Institut dédié à la "Sainte Famille". Après avoir obtenu l'autorisation du Révérend Archevêque, le Vicaire et Délégué d'Egypte qui le 23 mai 1869 me fit parvenir un Décret, j'ai pu ouvrir une école dans le centre de l'ancienne Babylone d'Egypte, à quelques pas de la sainte Grotte, où la Sainte Famille, s'était reposée lors de sa pénible fuite.


[2528]
Dans cette école, 5 Missionnaires noires enseignent sous la direction de Sœur Caterina Valerio, une franciscaine du Tiers Ordre de Vérone, et de Sœur Faustina Stampais, ma cousine, de Maderno, (diocèse de Brescia).

On y apprend le catéchisme et la morale chrétienne, ainsi que toutes les matières élémentaires, l'arabe, le français, l'italien, l'allemand, l'arménien, et tous les travaux manuels féminins depuis le tricot jusqu'à la broderie en or et en soie.

L'école est fréquentée par des filles catholiques d'Orient de tous les rites et par des Européennes, mais aussi par des Grecques, des Arméniennes, des schismatiques et des musulmanes. Mais, très peu de filles coptes se sont présentées car le Patriarche des Coptes schismatiques leur avait interdit de fréquenter l'école de notre Institut. J'ai eu pour cela un entretien avec lui, qui n'a cependant abouti à aucun résultat. Il m'a dit : " Je ne souhaite pas que les filles coptes fréquentent votre école ; elles n'ont rien à apprendre des Noires, et puis je crains qu'elles deviennent protestantes ". On voit jusqu'où va la science d'un tel Patriarche !

J'ai essayé en vain de lui faire comprendre que la religion protestante est plus éloignée de la Foi catholique que de la Foi copte et que ses prêtres coptes seraient plus en mesure d'enseigner le protestantisme que la Foi catholique.


[2529]
Cette maison appartient aux Révérends Pères Franciscains de la Terre Sainte, auxquels je paye donc un loyer annuel de 360 francs.

L'enseignement scolaire est donné gratuitement. Seules quelques familles allemandes originaires de Bavière payent quelque chose tous les mois.





DEPENSES ET MOYENS DE SUBSISTANCE

DES INSTITUTS D'EGYPTE




[2530]
En ce qui concerne les moyens pécuniaires et matériels de nos Instituts j'ai mille raisons de remercier la Providence. Bien que les temps présents soient si tristes et que depuis 1867 des événements et des tempêtes de toutes sortes se soient abattus sur nos Instituts, le nécessaire n'a jamais fait défaut grâce aux admirables dispositions de Dieu (il est vrai cependant que le démon menace toutes les œuvres de bien). Nous en sommes arrivés à ce point avec succès et nous espérons travailler encore de la même manière, jusqu'à ce que nos Instituts aient leurs propres ressources.


[2531]
Jusqu'à présent l'aide la plus importante nous a été apportée par l'Allemagne catholique, représentée par la bien méritante Société de Cologne, qui est la fondatrice directe de nos Instituts pour les Noirs en Egypte et la meilleure promotrice de l'Œuvre de la régénération de l'Afrique. Que Dieu la pousse à continuer et à intensifier ses aides ! La protectrice de cette grande œuvre est la Société de Cologne, qui est elle aussi une œuvre sublime de Dieu ! Nos prières à Dieu visent à ce que cette Société se propage et s'agrandisse toujours davantage.


[2532]
Un grave inconvénient réside dans le fait que nos Instituts d'Egypte ne possèdent encore aucune maison. Les trois maisons d'Egypte nous coûtent chaque année la somme de 3.160 francs pour le loyer.

Avec les réparations, qui s'avèrent nécessaires, la somme s'élève chaque année à 4.000 francs. Mais elle s'élèvera dorénavant à 3.550 francs seulement. Si nous voulons acheter une maison pour la mission cela nous coûterait 80.000 francs.

La maison du Sacré-Cœur de Marie m'a été offerte pour 60.000 francs. Mais pour certains changements et des améliorations il faut 20.000 francs supplémentaires. Les maisons sont très chères en Egypte. Pour rendre possible l'achat d'une maison, du moins pour commencer, l'illustre Société de Cologne, avec une sollicitude louable et incomparable, m'a envoyé la belle somme de 10.000 francs.

Cet exemple digne d'éloge a été suivi par un illustre bienfaiteur, qui a donné dans le même but 3.000 francs. Certes, il manque encore beaucoup d'argent pour pouvoir acheter une maison. Que Dieu inspire un semblable esprit de charité aussi à d'autres bienfaiteurs, afin que ce projet important pour notre grande œuvre se réalise rapidement.


[2533]
Les dépenses nécessaires rien que pour les besoins les plus urgents des trois Instituts d'Egypte s'élèvent chaque année à 25.000 francs. Tout en agissant avec la plus grande parcimonie, une telle somme s'est avérée nécessaire chaque année. Voici maintenant un bref récapitulatif des entrées et des sorties de trois années de nos Instituts d'Egypte, c'est-à-dire depuis leur fondation jusqu'à aujourd'hui, tout y est compris : les voyages, les donations en argent et en vivres, les dépenses pour le mobilier.



ENTREES ET ACTIF DES INSTITUTS DU CAIRE

PENDANT LES TROIS PREMIERES ANNEES DE LEUR FONDATION


[2534]


Donations en espèces Francs

1. L'illustre Société de Cologne pour le rachat des Noirs 33.050

2. La Société de la Propagation de la Foi de Lyon et de Paris 11.000

3. La Ludwigverein de Munich 1.500

4. La Société de l'Immaculée Conception de Vienne 1.000

5. La Société pour les Ecoles d'Orient de Paris 1.200

6. La Société du Saint-Sépulcre de Cologne 500

7. L'Institut des Moniales Cisterciennes de Landshut en Bavière 2.000

8. L'Institut de la Visitation de Beuerberg en Bavière 1.260

9. Dons de bienfaiteurs privés parmi lesquels se distinguent Leurs Majestés l'Empereur Ferdinand 1er et l'Impératrice Marie-Anne d'Autriche, Son Altesse le Duc de Modène Francesco V, Son Altesse royale le Prince Georges de Saxe et son épouse, Son Altesse le Prince Charles de Löwenstein etc. 19.470

10. Gains des travaux effectués par les Noires dans les Instituts

du Caire. 3.680

11. Pour les Saintes Messes des Missionnaires (honoraires des messes) 5.400


[2535]


Donations en nature

12. Mlle Duchène de Paris, Mme Maurin Bié, Mlle Dephies, de la Société de Rome (Œuvre Apostolique de Rome) Tissus, vêtements, chemises etc. pour une valeur de 3.640

13. Dons de café, sucre, fromage, farine, et autres 4.000

14. De la famille du missionnaire Rolleri, des moniales de la Bienheureuse Vierge de Crémone, blé, jambon etc. 700

15. 9 Barils d'huile de mon père Luigi Comboni 750

Total en francs 89.150




[2536]


Economies réalisées grâce à mes initiatives et à des concessions extraordinaires

16. Plusieurs Sociétés ferroviaires, qui ont leur siège à Paris, M. Pointu Directeur des chemins de fers du Sud à Vienne, M. Behm Directeur à Innsbruck ; M. Talabot à Paris etc. Ils m'ont offert des tickets de voyage gratuits en Italie, en France

et en Allemagne. Voyages s'élevant à 1.600



Ticket de voyage gratuit pour le Caire des jeunes Noires postulantes de la mission, des Frères laïques, et des ouvriers ; transport gratuit de 274 colis de Marseille à Alexandrie grâce à Son Excellence le Ministre des Affaires Etrangères de France (le gouvernement français a concédé la gratuité du voyage pour quelques missionnaires) et le gouvernement égyptien 12.000

Total des entrées en francs 102.750



DEPENSES ET PASSIF DES INSTITUTS DU CAIRE

PENDANT LES TROIS ANNEES DEPUIS LEUR FONDATION



1. Frais de voyages pour 36 personnes avec le transport des bagages de l'Europe au Caire 15.600

2. Mes voyages en Europe 2.200

3. Location des maisons du Caire 8.160

Pour moi et pour les Instituts, lettres, envois et réception de colis... 2.600

5. Dépenses pour le culte, bougies, huile, vin, farine, bancs confessionnaux, lavabos etc. 2.900

6. Pharmacie, honoraires pour le médecin ordinaire et aussi pour un spécialiste, petites dépenses pour l'hôpital 4.800

7. Nourriture, vêtements, prise en charge de 72 personnes, moyens de transport, charrette, âne, et pour le rachat des filles et garçons noirs 39.000

8. Lits en fer, lavabos, meubles, mobilier nécessaire à l'artisanat, tout le nécessaire pour l'autel etc. Tous les objets que les trois Instituts possèdent se chiffrent à environ 26.000

Total des dépenses 101.260

Total des recettes et actif francs 102.750

Total des dépenses et passif francs 101.260

fonds de caisse francs 1.490




[2537]
Les aumônes nécessaires et qui doivent être données aux pauvres en espèces ou en nature, dans chaque mission, n'ont pas du tout été prises en compte.

Vous avez ainsi, à grands traits, une idée de la fondation et des finalités de nos trois Instituts des Noirs d'Egypte et des Règles qui y sont observées. Ils doivent être considérés comme la première pierre de cet édifice grandiose de charité chrétienne et de civilisation que la Divine Providence, dans son admirable sagesse, semble vouloir ériger pour la conquête morale et spirituelle de la Nigrizia de l'Afrique Centrale.

Il me resterait encore quelques mots à dire à propos des résultats obtenus par ces Instituts, mais je me réserve de le faire dans un autre Rapport plus tard.


[2538]
Je veux encore évoquer pour vous que le représentant du Saint-Siège, le Révérend Monseigneur Ciurcia, Vicaire et Délégué Apostolique d'Egypte et d'Arabie, a toujours manifesté une grande bienveillance envers les Instituts et envers moi-même, il a exprimé avec affection sa satisfaction à la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi, et il a donné les informations les plus flatteuses sur les Instituts. Ces derniers ont également donné une excellente impression aux Evêques et Vicaires Apostoliques de Chine, d'Inde, d'Amérique et d'Orient qui, à l'occasion de leur voyage pour le Concile Œcuménique Vatican, leur ont fait l'honneur d'une visite.

Je me souviens avec une reconnaissance particulière et avec vénération du Révérend Monseigneur Léo Meurin du Diocèse de Cologne, illustre apôtre de l'Inde, Evêque d'Ascalona, Vicaire Apostolique de Bombay et Administrateur intérimaire du Vicariat de Poona. En tant que membre de la Compagnie de Jésus, il possède une finesse particulière pour juger un Institut missionnaire et sait évaluer avec une grande précision si un Institut Apostolique récemment érigé se maintiendra et se développera. Les illustres messieurs qui ont eu la chance de jouir de la conversation de ce grand apôtre de l'Inde, auront sûrement entendu de sa bouche des informations sur les travaux et sur les progrès de nos Instituts (cfr. Les Annales de l'année dernière).

Je n'oublierai jamais la bienveillance digne d'éloge dont il a usé avec nous en Egypte, à Rome et partout ailleurs. Ce digne fils de Saint Ignace, à qui l'apostolat de l'Inde a été confié, est devenu l'imitateur des saintes vertus de son glorieux Père et prédécesseur François-Xavier. L'Inde et le Concile Vatican doivent à Monseigneur Meurin des services de première importance. C'est pour moi une joie et un honneur que cet Illustre Evêque soit de Cologne.


[2539]
L'Egypte, à l'occasion de la solennelle ouverture du canal de Suez, a été honorée de la présence des Princes d'Europe les plus puissants parmi lesquels l'Illustre Prince de la Couronne de Prusse et l'Impératrice Eugénie.

Pour rendre hommage à la vérité et pour accomplir un devoir de reconnaissance, je parlerai de la conduite vraiment apostolique de Sa Majesté l'Empereur d'Autriche.


[2540]
L'heureux événement de la solennelle ouverture du canal de Suez a eu lieu a la mi-novembre 1869 ; il a répandu ses rayons lumineux sur les saintes missions d'Orient et en particulier d'Egypte.

Parmi les Princes d'Europe qui avaient pris part aux fêtes organisées avec splendeur et magnificence orientales par Son Altesse le Khédive d'Egypte Ismaïl Pacha, il y avait aussi Sa Majesté l'Empereur d'Autriche. Cette présence en Egypte du noble descendant des Habsbourg a été un grand honneur aux yeux des hommes, au moment mémorable de l'inauguration d'une œuvre de gloire et de portée mondiale ; mais aux yeux de Dieu, selon les dispositions mystérieuses de la Providence, ce fut un événement très heureux pour le catholicisme en Orient.

Oui, cette présence a été un vrai apostolat au bénéfice des Missions Catholiques. Quand un Empereur si puissant ne dédaigne pas de se prosterner sur la tombe du Sauveur, ni de témoigner sa vénération pour les Lieux Saints sanctifiés par la présence de l'Homme-Dieu pendant sa vie terrestre, en Terre Sainte et en Egypte, il donne ainsi un exemple magnifique et éloquent. Il n'a pas omis non plus de manifester son estime aux Prêtres de ces Sanctuaires qui dans ces terres prêchent l'Evangile de la paix et de tout bien, aux infidèles.

En effet le grand monarque, dès son arrivée dans la Sainte Ville de Jérusalem, s'est agenouillé aux pieds d'un pauvre Père Franciscain, et s'est confessé auprès de lui pour recevoir ensuite le pain des anges près du Sépulcre de Celui qui est le Roi des rois et le Seigneur des armées. Ce fut un spectacle édifiant non seulement pour les catholiques mais aussi pour les Turcs et pour les hérétiques. A son arrivée à Suez et au Caire, sa première préoccupation a été d'assister à la Sainte Messe dans les modestes temples de Dieu qui s'y trouvaient, et c'est seulement ensuite qu'il a visité les superbes et glorieuses merveilles des siècles passés.


[2541]
Le 23 novembre est un jour dont je me souviendrai éternellement. Ce jour là, Sa Majesté Impériale, à 11 heures du matin, a daigné recevoir le corps diplomatique et les consuls d'Egypte. Une heure avant, le Révérend Monseigneur Ciurcia rassemblait auprès de lui les Evêques des Catholiques Orientaux Uniates et les Supérieurs des Instituts de la capitale d'Egypte ; à 11 heures, nous nous sommes rendus dans le magnifique palais de Giarizah.

Dès que Sa Majesté Impériale a su que nous, les représentants de la Religion catholique en Egypte, étions arrivés, nous avons été reçus tout de suite, sans avoir demandé d'audience, et le corps diplomatique a dû attendre. Après la brève et vibrante allocution de Monseigneur Ciurcia, l'Empereur a répondu par des paroles de bienveillance et d'encouragement, et nous a promis d'aider et de protéger les intérêts de la Religion catholique en Orient. L'Empereur s'est ensuite adressé à chacun des Evêques et Supérieurs des Instituts et il a dit quelques mots de complaisance. Ces propos ont également été adressés à ma modeste personne avec une amabilité particulière, et Sa Majesté m'a exprimé l'intérêt qu'elle porte pour la régénération de l'Afrique Centrale, dont l'Empereur a toujours été un protecteur efficace depuis la fondation du vaste Vicariat.

La reconnaissance et la considération que le catholicisme et ses Représentants spirituels ont trouvé dans la personne d'un tel Prince n'ont pas manqué de produire chez les Turcs une impression d'émerveillement et de respect.


[2542]
Ils ont remarqué qu'un Empereur exprimait ouvertement face à tout le monde son estime la plus sincère et son respect pour sa Sainte Religion, et qu'il traitait aussi très cordialement tous ses Clercs, des Evêques aux plus humbles Prêtres. Ils ont dû en tirer la conséquence évidente qu'ils ne devaient plus opposer d'obstacles à l'apostolat catholique et qu'ils devaient accorder une liberté totale à notre Sainte Religion et que les Missionnaires et les Représentants de cette Sainte Religion en Orient devaient être respectés.

En effet, dans le cas opposé, un souverain européen si puissant aurait pu dénoncer leurs abus de pouvoir et leur injustice. Etant donné que la façon d'agir de l'Empereur d'Autriche a eu des conséquences positives pour l'apostolat, on doit se souvenir de lui pour l'éternité dans les Annales de la Mission, et les Missionnaires d'Egypte se souviendront de lui avec une reconnaissance éternelle.

Parmi les illustres personnalités qui ont présidé à l'ouverture du canal de Suez et qui ont honoré de leur visite nos Instituts, je dois citer aussi Son Altesse Royale l'Archiduc Rainero avec son épouse et l'Archiduc Ernesto, lesquels se sont entretenus amicalement avec les jeunes filles africaines et, très aimablement ils leur ont demandé des informations les concernant personnellement.



II.




[2543]
L'Œuvre de la régénération de la Nigrizia est une œuvre vraiment urgente, très difficile et étendue plus que toute autre.

Pour réaliser le projet dans ses grandes lignes comme je l'ai conçu dans mon esprit, et pour lui donner des bases durables, il faudrait la participation générale de tous les catholiques du globe, réunis ensemble, afin de libérer ces pauvres peuples noirs de la nuit du paganisme et pour que se lève sur eux la lumière vivifiante de la Foi en Jésus-Christ. Nous ne devons pas oublier que ces peuples représentent la dixième partie de tout le genre humain !

Je ne trouve pas de mots pour décrire le chagrin que j'éprouve, ma profonde affliction, et le poids qui m'afflige en pensant à la désolation et à la léthargie dans lesquelles ces malheureux sont plongés ! J'ai été le témoin oculaire de ces chaînes spirituelles et de la profonde misère de ces malheureux.

Penser à une misère humaine aussi épouvantable qui pèse sur ma chère Nigrizia m'empêche très souvent de dormir la nuit, et le matin je me lève plus fatigué encore que la veille, après une journée d'intense travail. Et pendant ces longues nuits pleines de soucis, avant que je m'en rende compte, je cours en imagination sur les terres desséchées d'Afrique Centrale, encore inexplorées et qui sont le théâtre de conditions les plus déconcertantes. Puis, toujours dans mon imagination, je parcours toute l'Europe civilisée et je regarde autour de moi pour voir si apparaît un rayon d'espoir, qui puisse être bienfaisant pour mes pauvres Noirs !


[2544]
Ah ! Je me prosterne à nouveau résolument aux pieds des monarques et des puissants de cette terre pour les conjurer, avec des fleuves de larmes, d'ouvrir leurs mains et de dépenser une partie de leurs trésors pour le salut de ces malheureux ! Je laisse ensuite mon regard parcourir la partie la plus privilégiée du troupeau de Jésus-Christ, et je contemple les séminaires les plus florissants des plus importants diocèses du monde catholique, et je voudrais choisir parmi eux les jeunes les plus forts, les fleurs et les espoirs du sacerdoce, pour les pousser à tourner le dos héroïquement au monde, à quitter leur patrie et à venir en aide à ces malheureux, à briser les chaînes de leur esclavage et à leur apporter la bonne nouvelle, et la Foi catholique.


[2545]
Une nuit, alors que j'étais plongé dans de telles pensées, je revenais tout juste du chevet du lit de mort d'un pauvre homme qui habitait sur la rive du Nil d'où on voit les célèbres Pyramides, vrai symbole de l'esclavage du peuple hébreu qui avait été forcé de bâtir ces anciens et célèbres monuments en y répandant sa sueur.

Mon esprit a été frappé comme par un éclair par l'idée de profiter du Concile Œcuménique et de me présenter à tous les Evêques du monde catholique rassemblés autour de la tombe de Saint Pierre pour conférer avec le Vicaire de Jésus-Christ sur les problèmes les plus importants de l'Eglise catholique et sur son influence dans le monde entier.

Pendant quelque temps j'ai gardé dans mon cœur cette idée. Ensuite j'ai prié et j'ai fait prier pour moi les meilleurs parmi les premiers fruits de la Nigrizia régénérée. Après avoir longuement consulté mes collègues de mission et une très mûre réflexion, j'ai décidé de partir pour Rome où je suis arrivé, via Messina, le 15 mars, jour de mon anniversaire.

Après avoir bien considéré tout ce qui pouvait être avantageux pour mon projet, et avoir eu des entretiens fréquents avec les Prélats du Concile Œcuménique les plus importants, surtout avec le Cardinal Barnabò, j'ai été invité à écrire un "Postulatum Pro Nigris Africae Centralis " qui devait avoir les qualités nécessaires pour pouvoir être ensuite pris en considération par l'assemblée conciliaire.


[2546]
Ainsi par une aide particulière de la grâce divine et par un effort impossible à décrire, j'ai réussi à le soumettre à la Commission.

J'ai dû contacter 600 Evêques, dont beaucoup ont signé le Postulatum.

Cette Commission était composée de Cardinaux, de Patriarches, d'Archevêques et d'Evêques, et elle avait été nommée par Sa Sainteté Pie IX pour recueillir et examiner les propositions des Pères du Concile.

Mon Postulatum a été approuvé par cette Commission, parce que le sujet proposé était utile à l'Eglise universelle ; aussi la Commission a-t-elle donné son accord pour qu'il soit soumis au Concile.

Le 18 juillet 1870, jour mémorable pour l'Eglise Catholique, le Postulatum a été finalement soumis à Sa Sainteté Pie IX par Monseigneur Alessandro Franchi, Archevêque de Thessalonique et Secrétaire de la Commission pour les Postulata et le Pape a daigné le signer et a décidé qu'on le discuterait au Concile sous la rubrique "De Missionibus Apostolicis".


[2547]
En bref, je ne peux pas énumérer tous les avantages que le Postulatum apportera dans l'avenir, parce qu'il recommande à l'Eglise Universelle la grave situation de la Nigrizia et de l'Afrique Centrale.

Le Postulatum a été accueilli avec beaucoup d'intérêt par les Evêques du Concile, dont l'attention était retenue alors surtout par l'importante question de la définition dogmatique de l'Infaillibilité du Pape. Parmi tous les avantages que le Postulatum met en évidence, je voudrais n'en relever que deux :


[2548]
1. Dès que le grand problème indiqué par le Postulatum sera discuté au Concile, et qu'une décision conciliaire apportera une réponse pour le bien de l'apostolat dans la Nigrizia, cette réponse sera sans aucun doute un monument éternel de protection pour toutes les populations de l'Afrique Centrale, et pour tous les siècles tous les catholiques la considéreront comme une interpellation gravée dans leur cœur par le Saint Concile Œcuménique et ils y reconnaîtront un appel perpétuel, qui s'étend à tous les peuples de la chrétienté catholique, pour promouvoir avec zèle la conversion des Noirs et aider sans cesse les missions d'Afrique Centrale, jusqu'à ce que la Nigrizia soit devenue chrétienne.


[2549]
2. Dès que le Concile Œcuménique Vatican aura solennellement sanctionné le principe de l'apostolat dans la Nigrizia, nous en verrons par la suite les excellents résultats. Pour l'Afrique Centrale, nous verrons non seulement des collaborateurs et des apôtres très zélés sortir des diocèses catholiques, mais nous verrons aussi les catholiques du monde entier, qui par des contributions en argent, se préoccuperont de fournir les aides matérielles qui sont nécessaires, afin que toutes les entreprises qui doivent être accomplies pour la conversion de la Nigrizia, puissent mieux progresser.

[Suit ici le Postulatum et la lettre avec laquelle Comboni demande aux Pères du Concile de le signer]



III.




[2550]
Le Postulatum a probablement encouragé la réalisation de la dernière petite expédition en Egypte que j'ai organisée vers la fin du mois d'octobre de l'an dernier. Je raconterai dans les pages suivantes comment la première impulsion a été donnée.

C'était le 29 juin, jour de la commémoration des glorieux Princes des Apôtres. La Basilique du Vatican offrait au monde un spectacle unique. Le Chef suprême de l'Eglise célébrait la Messe Pontificale et on y exhibait tout l'éclat, toute la splendeur et la beauté du culte de l'Eglise de Jésus-Christ.

Jamais une telle cérémonie n'avait été aussi sublime et magnifique qu'en cette occasion, grâce à la présence des Pères du Concile, au nombre de plus de 600, dans leurs riches et somptueux vêtements, qui faisaient leur entrée dans la principale basilique du monde.


[2551]
Pour avoir la place la plus favorable qu'il était possible d'obtenir pour bien voir, quelques personnalités distinguées m'avaient prié de les accompagner au Vatican et de les conduire près de la Confession de Saint-Pierre du côté de l'Evangile. Ces personnes ne voulaient pas seulement bien voir les cérémonies de la Messe Pontificale, mais je devais aussi leur dire les noms et les diocèses des Evêques qui passaient à côté de nous pour se rendre dans le chœur de Saint-Pierre. Ces personnalités savaient très bien que je pouvais leur donner les meilleures informations, parce que je connaissais presque tous les Evêques car j'avais eu des entretiens avec eux à propos du Postulatum, ou bien parce que j'avais fait leur connaissance dans leurs diocèses, ou encore dans d'autres circonstances, à Rome. Alors que le cortège des Cardinaux et des Prélats passait à cet endroit et que je disais leurs noms et celui de leurs diocèses, de nombreuses personnes s'empressaient autour de moi pour entendre les noms.

Parmi elles il y avait un jeune chanoine de l'Archidiocèse de Trani, dans le royaume de Naples, lequel, sans que je m'en rende particulièrement compte, tendait l'oreille plus que tout autre à ce que je disais. De nombreux Prélats se suivaient, sans cesse, l'un derrière l'autre, mais alors que l'un d'entre eux passait à côté de nous, le jeune chanoine m'a aussitôt accosté et m'a demandé : "qui est ce Prélat ?". Je lui ai répondu tout de suite : "C'est Monseigneur Bianchi Dottula, l'Archevêque de Trani, de Nazareth et de Barletta et l'Administrateur perpétuel du diocèse de Bisceglie". Le chanoine esquissa un sourire avec un air d'approbation et se tourna vers ses amis, et moi je n'y ai plus fait attention. A ce moment le Saint-Père est apparu sur la sedia gestatoria, il est monté sur le trône et il a commencé le Pontifical. Je me suis rapproché des Evêques et j'ai parlé en arabe avec quelques Prélats d'Orient. J'étais contraint de parler dans d'autres langues avec ceux qui m'entouraient, car Rome était à cette occasion l'univers.


[2552]
J'ai alors remarqué que le jeune chanoine me suivait pas à pas et captait chaque mot, quand je parlais en latin, en italien ou en français.

Deux mois plus tard il m'a confessé qu'il n'avait osé me parler à ce moment-là, mais qu'il avait prié un de ses camarades de m'adresser la parole.

Comme j'avais donné une réponse polie à son camarade, le jeune homme s'est alors donné du courage et il a commencé avec moi le dialogue suivant : "Veuillez excuser ma question, Monsieur, mais vous devez avoir en tête une affaire bien importante pour entreprendre tous ces voyages dont j'ai pris connaissance de votre bouche !"

" Le but de mes voyages", lui ai-je répondu, "consiste à recueillir des aumônes et des moyens de subsistance pour ma mission et à chercher des Missionnaires, animés par le vrai esprit d'abnégation et de zèle, qui m'aident dans ma grande entreprise ". Après que le chanoine eut entendu ma réponse, ses yeux ont rencontré les miens dans un regard plein de vivacité et d'ardeur.

J'ai alors parlé à nouveau avec les autres personnes et je leur indiquais les noms des Princes et des Princesses qui se trouvaient dans la loge des Princes.

Puis mon chanoine est revenu à l'improviste et m'a posé cette question : "D'après vous quelle est la mission la plus appropriée pour un Napolitain ?" "La mission d'Afrique" lui ai-je répondu immédiatement. Et ceci a excité encore plus le jeune chanoine. Mon esprit a subitement été éclairé d'une lumière et j'ai eu l'idée de gagner ce jeune à l'Afrique ; je me suis séparé amicalement des autres pour m'occuper principalement de lui et pour sonder le terrain. Et voici la question qu'il m'a posée : " Oh ! Dites-moi dans quelle contrée êtes-vous missionnaire ?" "En Egypte, ai-je répondu, sans lui préciser que j'étais missionnaire d'Afrique Centrale. Le jeune chanoine a aussitôt ajouté : " Ma joie serait grande si je pouvais être missionnaire sous votre direction ! Mais l'Egypte n'est pas la Mission que j'ai choisie pour moi. C'est l'Afrique Centrale et la Nigrizia, car après avoir lu le Postulatum Pro Nigris Africae Centralis, proposé au Concile par un certain Abbé Comboni, duquel j'ai également lu le Plan pour l'évangélisation de la Nigrizia, j'ai été pris de la sympathie la plus profonde pour ces populations.


[2553]
Oui, il me semble qu'il n'existe rien de plus important et de plus méritoire au monde que cette sublime tâche. Bien que je me sois déjà présenté à mon Archevêque et qu'il se soit mis en relation avec un Evêque lazariste d'Amérique, pour que je puisse me consacrer à sa Mission, après la lecture du Postulatum et du Plan que mon Archevêque m'avait transmis, j'ai été pris d'un amour si fort pour l'Afrique Centrale et d'une sympathie si vive pour ces populations que mon Archevêque n'a pas voulu s'y opposer et m'a dit : "Priez pour que le Seigneur vous manifeste sa volonté". N'avez-vous jamais entendu parler de la Nigrizia et de cette grande œuvre missionnaire ?" Je ne savais pas ce qui m'arrivait en écoutant ce jeune parler ainsi ! "Oui", lui ai-je répondu, "je connais cette œuvre missionnaire de la Nigrizia. Puisque les missionnaires qui vont en Afrique Centrale doivent passer par l'Egypte, j'ai eu l'occasion de les connaître tous et je suis très au courant du but de leur Mission". " Oh ! comme je suis content - a répondu le jeune chanoine - " vous qui êtes au courant de tant de choses, vous devez sûrement connaître l'Abbé Comboni qui collabore pour cette Œuvre ! " "Bien sûr !" - lui ai-je dit - "je le connais très bien". "C'est à lui que je dois parler, j'ai déjà demandé à mon Archevêque l'adresse de Comboni mais il n'a pas pu me l'indiquer. Il m'a dit qu'il le connaît très bien et il m'a conseillé de demander l'adresse de Comboni à l'Evêque de Vérone, qui la connaît certainement. Après la fin du Pontifical, j'irai tout de suite chez lui pour avoir des renseignements à ce sujet". Je lui ai alors répondu :

" Si vous voulez, je peux moi aussi vous dire où habite Comboni : il habite 47 Piazza del Gesù, au troisième étage". "Merci beaucoup", a dit le jeune chanoine tout content et il a copié l'adresse, " maintenant je n'ai plus besoin d'aller chez l'Evêque de Vérone, j'irai directement chez Comboni". " Mon cher, si vous allez tout de suite chez lui, ce sera en vain. Sûrement vous ne trouverez pas Comboni chez lui, il n'est jamais à la maison, c'est un vagabond de première classe, il a tellement d'affaires à régler qu'il rentre chez lui seulement pour dormir. Mais si vous voulez le trouver, allez chez lui demain à deux heures de l'après-midi. Peut-être que vous le trouverez à la maison, quand il rentre fatigué de la promenade à Saint Paul hors les murs ".


[2554]
J'ai renvoyé cette visite à un autre jour intentionnellement pour avoir le temps de me renseigner en détail au sujet de cet homme auprès de l'Illustre Archevêque, avant de prendre contact avec lui et de lui donner une réponse. "Demain à deux heures, je serai donc chez l'Abbé Comboni".

Ces dialogues avaient eu lieu pendant que Pie IX célébrait la Messe Pontificale. Quand le Saint-Père de sa voix sonore, qui retentit claire et distincte dans l'immense basilique, a chanté le Pater Noster, le jeune chanoine, qui avait su par les voisins que l'Abbé Comboni c'était moi, s'est approché de moi et m'a dit : " Vous êtes donc l'Abbé Comboni !" "Faites comme si c'était moi", ai-je répondu. "Alors

- a-t-il ajouté - "à partir de maintenant je me consacre à votre grande entreprise et je veux m'exposer à tous les dangers de l'apostolat de la Nigrizia. Disposez de moi immédiatement et traitez-moi comme un simple bout de bois. Je vous prie de faire une seule chose : allez voir mon Archevêque et poussez-le à me permettre de me consacrer à votre Œuvre. Je suis sûr que Dieu, par l'intermédiaire de Monseigneur l'Archevêque, m'accordera cette grâce. Je me soumets à vous pour toujours et je vous promets l'obéissance la plus inconditionnée".


[2555]
Quelle admirable disponibilité ! Mon Dieu, que tu es bon ! A l'instant même où le jeune chanoine me promettait solennellement de se vouer corps et âme à l'œuvre missionnaire de la Nigrizia, à quelques pas de la tombe du Prince des Apôtres, en présence du Vicaire de Jésus-Christ et des représentants du catholicisme, le Révérend Archevêque de Trani offrait à l'Evêque de Vérone le jeune chanoine Pasquale Fiore pour les missions de l'Afrique.

Après la Messe Pontificale, j'ai recommandé au nouvel aspirant de multiplier ses prières à Dieu et à la Reine des Apôtres pour pouvoir connaître la décision du ciel. Je me trouvais chez l'Evêque de Vérone, et dès qu'il m'a vu il m'a dit que la Divine Providence nous avait, peut-être, accordé comme collaborateur pour l'Œuvre africaine un homme remarquable dans la personne d'un excellent jeune chanoine qui lui a été offert par l'Archevêque de Trani. Il m'a chargé de parler avec l'Archevêque de Trani et d'examiner le candidat pour voir s'il avait une véritable vocation. Ceci serait vraiment inutile, parce qu'il suffirait d'avoir l'avis de Monseigneur Bianchi Dottula, qui est un illustre Prélat, fin connaisseur du cœur humain et qui savait très bien comprendre l'importance et la grandeur de cette activité missionnaire, à laquelle le nouveau candidat voulait se consacrer.


[2556]
En fin d'après-midi, quand je suis allé rendre visite à l'Archevêque de Trani, celui-ci m'a raconté toute l'histoire de la vocation de Pasquale Fiore.

Il m'a avoué qu'il endurait vraiment un grand sacrifice en se privant d'un des ecclésiastiques les plus importants et les plus zélés de son diocèse. Mais, comme il voyait que c'était la volonté de Dieu, il était tout à fait d'accord et il lui donnait volontiers son consentement. Mais avant de prendre une décision d'une telle importance, nous avons dû faire un triduum à la Mère de Dieu, afin de pouvoir connaître la volonté divine. Arrivés au troisième jour du triduum, le 2 juillet, jour de la Visitation de la Vierge, je suis retourné chez l'Archevêque et après quelques mots il m'a dit tout de suite que Dieu avait vraiment appelé le chanoine Fiore à l'apostolat en Afrique ; et c'est ainsi que tout s'est terminé.

Plus tard Fiore m'a raconté comme il avait eu la vocation pour les missions, vocation dans laquelle on reconnaît clairement la main de Dieu. Nous avons décidé qu'il retournerait tout d'abord dans son village natal pour régler toutes les affaires de sa vaste paroisse et de sa famille. Je l'appellerais ensuite, en automne, à Vérone au Collège des Missions Africaines et là, l'Evêque de Vérone et moi-même, nous déciderons comment l'employer de la façon la plus appropriée pour le bien de la grande œuvre.


[2557]
Ce ne sera pas sans intérêt pour vous, Messieurs, si je relate ici les détails qui ont poussé le chanoine Fiore à se décider pour l'Afrique.

Le chanoine Fiore est un jeune prêtre de 30 ans, dont la famille, très aisée, habite dans la ville de Corato. Sa mère, une dame très pieuse, âgée de 48 ans, nourrissait envers son fils un amour extraordinaire, et celui-ci répondait à cet amour maternel avec les mêmes sentiments, et une telle affection qu'il ne pouvait vivre que pour Dieu et sa mère. Cet amour intense envers la mère avait été la raison pour laquelle, au début de sa carrière sacerdotale, il ne s'était pas orienté vers les Missions étrangères, par lesquelles il se sentait fortement attiré.

En famille il a reçu une excellente éducation et dans le Séminaire de son diocèse, il s'est distingué pour ses capacités intellectuelles, pour sa piété et l'amour de l'étude ; c'est ainsi qu'à la fin de ses études, il a été choisi par son Archevêque pour régler certaines affaires ecclésiastiques de grande importance. Il a montré tellement de prudence, de zèle et d'habileté, qu'à l'âge de 26 ans seulement, on lui a confié la grande paroisse de Corato qui comptait 32.000 âmes. A l'époque du choléra qui a sévi deux fois de façon horrible dans cette ville, son esprit d'abnégation a été vraiment admirable. En 1867, au moment de la manifestation la plus virulente de cette épidémie à Corato, de 140 à 150 personnes mouraient chaque jour. La grande activité et le zèle vraiment apostolique que Fiore a montré pendant les tribulations de sa ville, ont eu pour effet que l'Archevêque, suite à la demande de nombreuses personnes, l'a nommé Chanoine du Chapitre de Corato et il a dû, en outre, exercer la lourde tâche de Curé de la paroisse et de confesseur de nombreuses religieuses dans les monastères de cette contrée.


[2558]
L'exercice quotidien de son office spirituel ne l'empêchait pas de donner à sa mère les preuves d'affection les plus tendres. Quand, à midi, il rentrait à la maison, avant tout il souhaitait voir sa mère, et à chaque fois qu'il allait à l'église, il passait saluer d'abord sa mère. Tous deux semblaient incapables de vivre séparément. Mais lorsque il a ressenti plus fortement encore la vocation à consacrer sa vie aux Saintes Missions, son âme était troublée car il craignait que l'affection intense éprouvée pour sa mère puisse devenir un grave obstacle à la réalisation de son projet. Que de fois le jeune chanoine a été sur le point de briser ce lien du sang, pour fuir vers un monde lointain et pouvoir ainsi offrir son âme à Dieu seul ! Que de fois à grand-peine, il a su résister à la tentation d'abandonner sa maison pour entrer dans un Institut missionnaire ! Mais l'amour pour sa mère était toujours plus fort que lui.


[2559]
Son âme se trouvait dans cet état quand une affaire administrative particulièrement urgente l'a appelé à Rome. C'est seulement avec de grandes difficultés qu'il a réussi à se séparer, pour quelques jours, de sa mère très aimée.

A son arrivée à Rome, il a rencontré un collègue qui voulait faire les Exercices Spirituels dans une communauté religieuse, mais sans en avoir pu trouver encore l'occasion. Or, un matin, alors que Fiore célébrait une Messe chez les Jésuites, il vit une annonce sur laquelle était indiqué un cours d'Exercices Spirituels chez les Pères Jésuites à San Eusebio et la date du commencement. Il a alors demandé à un Père Jésuite si son ami pouvait prendre part à ces Exercices. Ayant reçu de lui une réponse affirmative, dès qu'il lui fut possible, il alla chez son collègue pour lui donner la nouvelle. Fiore fut invité par ce dernier à faire les Exercices avec lui.

Tout d'abord le jeune chanoine refusa parce qu'il venait de les faire peu de temps auparavant. Mais, suite à l'insistance de son ami, il dut aller avec lui à San Eusebio. Là, ils ont appris qu'il n'y avait qu'une seule place. Fiore, donc repartit chez lui, tout triste, parce que désormais, il percevait une voix intérieure qui le poussait toujours plus à refaire les Exercices Spirituels précisément à ce moment, et parce que l'occasion lui en avait été offerte. Il s'est mis d'accord à ce sujet avec son Archevêque qui lui a conseillé de retourner à San Eusebio et d'essayer à nouveau d'obtenir une place pour faire les Exercices Spirituels. Après avoir supplié avec insistance il a obtenu l'autorisation des bons Pères. C'était le célèbre Père Curci un Jésuite qui prêchait les Exercices. Il y a eu cinq prédications sur la vocation de l'homme, dans lesquelles l'élan était plus que jamais sublime, et le Père a dépeint avec une telle force les arguments et avec une telle inspiration les vanités de ce monde et la caducité de toutes les choses terrestres, que Fiore n'a plus hésité un seul instant à embrasser l'apostolat des Missions étrangères et à quitter sa mère très aimée pour laquelle il nourrissait tant d'affection. L'amour pour les âmes malheureuses qui agonisaient encore sous la domination de Satan, et son ardent désir de les libérer et de les affranchir, ont remporté la victoire sur l'amour envers sa mère ! Il a alors totalement confié son état d'âme à son Archevêque et l'a prié de lui indiquer une mission, où il pourrait offrir sa vie pour le salut des âmes. Son Archevêque parla de cela à un Evêque américain, et il était déjà sur le point de prendre avec lui une décision définitive, quand la Providence, comme je l'ai déjà dit en a disposé autrement.


[2560]
Un autre homme remarquable nous a été donné par Dieu, un homme dont l'expérience dans la cure d'âmes nous sera très utile pour la malheureuse Nigrizia. Il s'agit de l'Abbé Giuseppe Ravignani, âgé de 36 ans, Curé de Povegliano où il a exercé son ministère avec une grande sagesse et un dévouement extraordinaire pendant onze ans, en laissant parmi ses paroissiens un tel souvenir de bonté, qu'ils n'oublieront jamais leur Curé. L'Abbé Ravignani avait souhaité depuis longtemps se consacrer aux Saintes Missions, mais de nombreux obstacles, imprévus, ont encombré son chemin et retardé sa décision.

Son œuvre dans la paroisse était si bien organisée et si incomparable qu'il agissait comme s'il devait, pour ainsi dire, l'exercer dans des pays étrangers. Il agissait comme si chaque jour était le dernier de sa vie, toujours généreux envers les hommes et visant, à tous les égards, le salut des âmes.


[2561]
En décembre 1869 il a été envoyé à Jérusalem pour une affaire très importante. Arrivé en Egypte, il a rendu visite à nos Instituts et a vu tout le bien que l'on y faisait. Après avoir connu en profondeur l'esprit qui y règne et qui n'a pour but que le salut et l'élévation des âmes des hommes les plus délaissés et les plus malheureux de cette terre, a mûri en lui la décision de se consacrer à l'apostolat de l'Afrique Centrale.

Il a poursuivi son voyage en Terre Sainte, en visitant les Lieux Saints, baignés par la sueur et le sang du Divin Rédempteur, et son âme profondément pieuse, à la vue du Calvaire, du Saint-Sépulcre et de la Grotte de Bethléem, a été envahie par la ferveur la plus ardente. Sur le Golgotha, il a été saisi par un ardent désir de pouvoir donner lui aussi sa vie pour le même idéal pour lequel a donné toute sa vie et tout son précieux sang, un Dieu fait homme.

Puis il est retourné au Caire, s'est présenté à nos Missionnaires, et s'est offert à eux pour la Mission.

Mais comme j'étais déjà parti pour Rome pour recommander notre grande cause des Noirs aux représentants de l'Eglise réunis en Concile, il est venu lui aussi à Rome, et s'est mis à la disposition de Monseigneur de Canossa, Evêque de Vérone, pour notre œuvre missionnaire. Après avoir longuement réfléchi et recueilli les renseignements nécessaires, nous l'avons provisoirement envoyé à Vérone.

Le départ de la nouvelle expédition en Egypte avait été fixé pour septembre, et Ravignagni devait s'y joindre.


[2562]
Pietro Bertoli, de Venise, aussi, est un homme vraiment excellent. Il a été pendant pas mal d'années membre de l'Institut des Ministres des Infirmes et durant dix ans, il a été premier infirmier du grand hôpital de Mantoue. Il possède d'excellents talents, une santé robuste et sa conduite morale est irréprochable.

S'il avait fait des études plus régulières, il aurait très bien réussi aussi dans la carrière ecclésiastique, mais la pauvreté de sa famille était trop grande ; il a été contraint de rester à la maison et d'exercer le métier de son père.

Cependant, quand ce dernier mourut, Pietro Bertoli s'est consacré aux soins des malades chez les Oblats de Saint Camille, et à Mantoue, grâce aux soins assidus apportés aux malades dans le grand hôpital - il y en avait 600 - et grâce au travail accompli à côté des meilleurs médecins de la ville, il a eu l'occasion la plus opportune d'acquérir de nombreuses connaissances théoriques et pratiques en médecine et en chirurgie. Puisqu'il s'est montré si utile dans ce domaine en Italie, il ne manquera pas d'être aussi d'une grande utilité dans les Missions parmi les Noirs, où il peut servir comme médecin-chef. Sa vocation aux Missions d'Afrique s'était déjà manifestée depuis plus de trois ans, et j'ai donc décidé de l'envoyer au Caire.


[2563]
Je dois aussi parler du Frère laïque Domenico Polinari ; c'est un valable enseignant d'agriculture, matière qu'il connaît parfaitement. Il possède aussi d'autres connaissances utiles.


[2564]
Je parlerai une autre fois de Sœur Giuseppina. Elle est de née près Tibériade le célèbre lac qui est de première importance dans de nombreux récits bibliques. Elle est entrée au noviciat de Bethléem de Judée, puis a été appelée dans un monastère de Jérusalem et plus tard à Deir-el-Zamar en Syrie, où elle a enseigné longtemps aux jeunes filles arabes. Par la suite, sa Supérieure Générale, Sœur Emilie Julien, qui l'avait envoyée à Marseille pour une affaire, me l'a confiée, et elle a été pressentie pour notre Institut du Sacré-Cœur de Marie. Je l'ai envoyée en Egypte par Messine à la fin du mois d'octobre.


[2565]
Notre petite expédition devait partir pour l'Egypte en septembre, mais les moyens financiers nous manquèrent. L'horrible guerre qui a éclaté entre deux puissantes nations qui sont pourtant les plus civilisées du monde, a absorbé les âmes et les a détournées de l'intérêt pour nos Missions.

Dieu sait quand le monde aura à nouveau une paix sûre et durable. Bien que l'Allemagne ait touché le sommet de la gloire et ait célébré les triomphes les plus éclatants, je sais combien cette généreuse nation a souffert à cause des conséquences douloureuses de la guerre, ce farouche ennemi du genre humain. Malgré cela, ce fut la magnanime Société de Cologne qui m'a offert à nouveau les moyens nécessaires pour la petite expédition en Egypte.

Le 30 octobre, à bord du Saturno, les Missionnaires sont partis de Trieste où je les ai accompagnés ; après avoir subi des bourrasques épouvantables, en passant par Alexandrie, le 8 novembre 1870, ils sont arrivés au Caire.


[2566]
Et moi ?... Un capitaine doit toujours se trouver là où sa présence est la plus urgente et la plus importante pour la lutte, et là où son commandement promeut davantage la grande Œuvre.

En Egypte, l'Œuvre de notre Mission a très bien commencé, et nos Instituts, pour ainsi dire, peuvent fonctionner tout seuls. Il ne leur manque que les moyens de subsistance, l'argent. Puisque le monde gît dans une obscurité totale et que l'horizon est partout si sombre que l'on ne sait pas où trouver des aides sûres pour l'avenir, je reste en Europe où je m'emploie à chercher des moyens, en faisant de mon mieux. Mais dans des conditions aussi tristes, quels moyens pourrais-je trouver en Italie et en France ? Il est inutile d'espérer une aide financière de ces pays. Et l'Allemagne catholique ? L'Allemagne catholique est la nouvelle Rome, elle guérit toutes les blessures, et sa bienfaisance et ses sources de secours sont intarissables. L'Allemagne ne diminuera pas ses aides à cause du mandat que la Providence lui a confié : défendre et protéger la Nigrizia.

Messieurs, vous avez participé à la fondation de l'Œuvre sainte, qui, au milieu d'épouvantables tempêtes, d'incertaine est devenue une réalité et vous l'aidez pour qu'elle continue. La guerre fait certainement tarir de nombreuses sources d'aides ; le commerce languit, et l'obole de la veuve et de l'orphelin est de plus en plus difficile à avoir, mais permettez-moi de vous répéter que la bienfaisance de l'Allemagne est inépuisable ! Si vous pensez à l'épouvantable, à l'invraisemblable effusion de sang de la guerre actuelle, qui engloutit des centaines de milliers de vies humaines, tout cela n'est encore qu'une pâle idée de la grande misère dans laquelle gisent des millions de pauvres Africains. Courage donc ! ""Non pervenitur ad magna praemia nisi per magnos labores. ("On ne parvient à de grands résultats qu'au prix de grands efforts").

Votre bienfaisance, qui ne diminue jamais, a déjà sauvé de nombreuses âmes, parce qu'elle a aidé et appelé à la vie une œuvre qui est la plus catholique du monde. La constance, l'imperturbabilité dans vos œuvres de charité concourent aussi à la consolider et à la faire croître.


[2567]
Pour que les Instituts d'Egypte et les œuvres missionnaires, qui naîtront aussi bientôt sur le sol d'Afrique Centrale, portent en eux le sceau d'une fondation durable, en 1867 j'ai fondé à Vérone, sous la protection du Révérend Monseigneur di Canossa, un petit Collège pour les Missions Africaines pour former des Prêtres européens, afin que nos Instituts et la Mission d'Afrique Centrale aient toujours avec ce Séminaire de nouveaux Missionnaires et des Coopérateurs.

J'ai nommé Supérieur du Collège le pieux et savant Abbé Alessandro Dalbosco ; auparavant, il avait travaillé avec moi comme Missionnaire en Afrique Centrale.

On ne pouvait penser à une personne plus apte que lui pour cette tâche. C'est un homme aux mœurs austères, connaissant en profondeur l'esprit humain et les difficultés de l'activité missionnaire en Afrique Centrale, il est aimable, convaincant dans ses argumentations, et connaissant parfaitement la Dogmatique, la Morale, le Droit Canonique, les Lois canoniques orientales, l'Histoire et les coutumes d'Orient, les tribus noires, l'arabe, l'italien, l'allemand, le français, l'anglais, le nubien et le grec. Il nous a semblé qu'avec cet homme le ciel avait fait un cadeau à l'Œuvre naissante, pour laquelle l'Abbé Alessandro a donné sa vie.

Hélas ! il a été affecté par les grandes fatigues de l'apostolat en Afrique, d'autant plus qu'il souffrait d'une maladie abdominale, qui a commencé à se développer déjà à Khartoum et qu'il avait négligée pendant les quatre années passées à Legnago, totalement pris par son travail. Quand il est revenu de l'Assemblée générale de Bamberg, il a dû rester alité pendant plusieurs mois, et il est mort le 15 décembre 1868, en laissant orphelin une fois de plus, notre petit Collège missionnaire de Vérone, tout comme l'Œuvre du Bon Pasteur, dont il était le secrétaire.


[2568]
Ce fut une dure perte pour le Collège de Vérone. Il est donc plus que jamais important que les Instituts d'Egypte et le Collège de Vérone se donnent la main, marchent ensemble et s'aident mutuellement, afin que nous puissions atteindre l'unique sublime idéal, qui consiste à planter de façon stable la Foi chrétienne en Afrique Centrale.

J'ai donc dû rester à Vérone, et j'y resterai pendant quelque temps encore, pour donner à ce Collège la meilleure orientation, pour le consolider, et surtout pour répondre aux souhaits du Cardinal Barnabò, qui, avec sa façon de faire facétieuse, m'a déjà dit plus d'une fois : "Mon cher Comboni, ou bien tu m'écris noir sur blanc que tu vivras encore 35 ans, ou bien tu mets bien en place le Collège de Vérone pour qu'il donne de bons Missionnaires pour l'Afrique. Dans les deux cas, tu as de grandes espérances de pouvoir accomplir, le plus tôt possible, une grande activité missionnaire en Afrique Centrale. Mais si tu n'organises pas le Collège de Vérone, ou s'il t'arrivait un accident qui te porterait dans l'autre monde, ta belle œuvre pourrait peut-être partir en fumée !" Comme je n'ai trouvé pour le moment personne qui m'assure que je vivrai encore 35 ans, et pas même un seul jour, il est donc nécessaire que je m'occupe sérieusement du Collège de Vérone.

Bien que, comme Saint Paul, j'aie déclaré avec toute la sincérité de mon cœur "Servus inutilis sum", et puisque je sais très bien que je ne peux faire que très peu ou rien du tout, en ceci je donne entièrement raison au Cardinal, qui est le Supérieur de Propaganda Fide.

Un grand Serviteur de Dieu, le vénérable Benaglio Corte de Bergame, mort en 1836 en odeur de sainteté et dont le procès de béatification va bientôt commencer, a dit : "Les grandes œuvres de Dieu ne sont jamais accomplies par les savants ni par les saints mais par ceux qui en ont eu l'inspiration de Dieu".


[2569]
Cette sentence que les Saints Pères aussi expriment me console beaucoup parce que je sais avec une grande certitude qu'il me manque beaucoup pour être saint et savant ; me font même défaut les principes de la perfection et de la prudence des Saints. Mais malgré cela je suis convaincu d'accomplir la volonté de Dieu, en me faisant le promoteur de l'Œuvre africaine. Dieu, par son Vicaire sur terre, m'a confié cette mission et moi je donne ma vie pour cette œuvre sainte que j'ai commencée.

J'ai donc dû travailler avec toutes mes forces pour le Collège de Vérone, parce qu'il doit me former des collaborateurs aux grandes capacités pour l'œuvre évangélisatrice en Afrique Centrale et pour les Instituts d'Egypte. J'espère que par la suite, quand ces derniers seront sur le terrain de leur activité missionnaire, avec la grâce de Dieu, ils obtiendront de nombreuses conversions, feront prospérer nos Missions autant en Egypte que dans la Nigrizia. Et, si ensuite les magnanimes catholiques de la grande nation allemande se convainquent de ces succès, ils s'enflammeront avec un zèle toujours plus grand pour le développement de la sainte entreprise et feront affluer toujours plus de moyens à la Société de Cologne, qui sera ainsi en mesure de nous apporter des secours toujours plus importants.

Le développement de la mission africaine se réalisera ainsi à partir de Cologne et de Vérone, alors on touchera au but, c'est-à-dire, l'établissement et la victoire de la Foi catholique sur tout le territoire de la Nigrizia.

J'ajoute aussi ici un bref programme de toute l'activité dans notre mission, programme que j'ai fait imprimer en Allemagne sur des feuilles volantes.



PROGRAMME

DE LA REGENERATION DE LA NIGRIZIA




[2570]
La religion chrétienne, source de salut et fondement de la civilisation des peuples, malgré les efforts répétés et héroïques accomplis pendant 18 siècles, n'a jamais pu s'enraciner profondément au sein des peuples d'Afrique Centrale.

Il s'agit, environ, de la dixième partie du genre humain, soit 100 millions de malheureux fils d'Adam, appartenant en grande majorité à la race noire, qui gisent encore dans les ténèbres et les ombres de la mort.

L'Europe, qui a le devoir d'apporter la civilisation dans le monde entier, après avoir été elle-même arrachée par la force admirable de l'Evangile au joug infâme du paganisme, doit déployer, avec un zèle renouvelé, son immense puissance pour le noble idéal de travailler afin d'illuminer et sauver ce continent malheureux et délaissé, pour l'appeler à faire partie du grand troupeau de notre Pasteur commun.


[2571]
Pour la réussite de cette sublime et utile entreprise il est nécessaire, en Europe et sur les côtes de l'Afrique, que s'organisent toutes les œuvres qui peuvent introduire l'apostolat catholique en Afrique Centrale, selon la méthode exposée dans le "Plan pour la régénération de l'Afrique," fondé sur le principe de régénérer l'Afrique par l'Afrique.

Jusqu'à présent, la sainte entreprise embrasse ce qui suit, c'est-à-dire :



I. EN EGYPTE




[2572]
A - La maison du Sacré-Cœur de Jésus, dirigée par les membres du Collège des Missions Africaines de Vérone. Son but est le suivant :

1. L'éducation religieuse et morale des jeunes Noirs et leur instruction dans les sciences et les techniques qui leur sont nécessaires pour pouvoir ensuite travailler comme apôtres, sous la direction de Missionnaires européens, au sein de leurs tribus en Afrique Centrale.

2. La possibilité que les Missionnaires européens s'acclimatent et acquièrent les connaissances nécessaires pour la pratique du ministère apostolique à l'intérieur de l'Afrique.

3. Enfin l'instruction religieuse et la conversion des Noirs qui vivent en Egypte.

La maison du Sacré-Cœur de Jésus comprend :

a) les Missionnaires

b) les catéchistes et les coadjuteurs

c) le catéchuménat et l'école pour les Noirs

d) un hôpital pour les Noirs abandonnés.




[2573]
B - La maison du Sacré-Cœur de Marie, dirigée par les Sœurs de Saint Joseph. Son but est l'éducation religieuse et morale des jeunes Noires et l'apprentissage des travaux féminins afin qu'elles puissent ensuite travailler avec succès comme porteuses de la religion et de la civilisation auprès de leurs tribus.

Cette maison comprend :

1. Les Sœurs ;

2. Les jeunes Noires qui se consacrent aux Missions ;

3. Les aspirantes et les auxiliaires ;

4. Le catéchuménat et l'école ;

5. Un petit hôpital pour les Noires abandonnées.




[2574]
C - La maison de la Sainte famille.

Son but est une école publique pour le Vieux Caire, dirigée par les Missionnaires noires (voir ci-dessus B, n.2), pour les filles de toute couleur et de toute religion. L'enseignement concerne principalement la Foi et la morale catholiques, les sciences et les travaux féminins ; les cours sont donnés en plusieurs langues.

Ces Instituts sont sous la juridiction de Son Excellence le Vicaire et Délégué Apostolique d'Egypte.



II. EN EUROPE




[2575]
1. Le Collège des Missions Africaines de Vérone. Son but est la formation des grands séminaristes et des jeunes Prêtres pour l'apostolat en Afrique, mais aussi la mise à l'épreuve de leur vocation et de celle des catéchistes et des coadjuteurs qui veulent servir dans les missions d'Afrique.



2. L'Institut des femmes missionnaires pour l'Afrique à Vérone. Son but est la formation de Sœurs pieuses et zélées, destinées à diriger les Instituts féminins pour les filles d'Afrique Centrale.




[2576]
3. La pieuse Association du Bon Pasteur, Elle a été érigée canoniquement à Vérone et a été enrichie de nombreuses Indulgences plénières par Sa Sainteté Pie IX. Son but est la collecte de pieuses donations et d'aumônes pour pouvoir faire vivre le Collège des Missions Africaines de Vérone et le susnommé Institut des femmes missionnaires pour l'Afrique.

Son Excellence Monseigneur Luigi Marquis de Canossa, Evêque de Vérone, est le Président de la grande Œuvre de la régénération de l'Afrique.

L'Abbé Daniel Comboni, Missionnaire Apostolique d'Afrique Centrale et Supérieur des Instituts pour les Noirs en Egypte, est le Vicaire, et le Directeur Général de cette entreprise.



Abbé Daniel Comboni

Missionnaire Apostolique d'Afrique Centrale

et Supérieur des Instituts pour les Noirs en Egypte






403
Prop. de la Foi, Lyon
0
Vérone
7.1871

N° 403 (379) - A LA PROPAGATION DE LA FOI DE LYON

APFL,1871 Afrique Centrale

Vérone, juillet 1871

Messieurs,


 

[2577]
Vous avez bien voulu insérer dans le numéro 255 des Annales de mars 1871 un extrait assez court mais précis de mon rapport détaillé sur l'histoire du Vicariat Apostolique de l'Afrique Centrale depuis son érection en 1846 jusqu'en 1867, époque de la création des Instituts d'Egypte pour les Noirs, fondés dans le noble but d'éduquer des indigènes des deux sexes afin d'établir solidement la Foi et de perpétuer le ministère apostolique parmi les tribus d'Afrique Centrale.

Je vous donne un résumé extrêmement succinct de ce qui se fait pour fonder l'activité apostolique de cette grande et laborieuse Mission avec une méthode nouvelle et plus sûre.


[2578]
Puisque l'expérience a démontré que le missionnaire européen ne peut supporter longtemps le climat et les fatigues apostoliques dans ces régions enflammées, et que l'Africain, de son côté, ne peut vivre longtemps en Europe pour y recevoir une formation qui lui permette d'exercer le saint ministère, après y avoir longuement réfléchi, nous avons décidé de choisir certains endroits, sur les côtes de l'Afrique, où l'Européen et l'Africain puissent vivre. Ceci dans le but de former un clergé africain et de préparer des hommes et des femmes qui puissent, peu à peu, et de manière stable, implanter la Foi et la civilisation dans les vastes tribus d'Afrique Centrale, où nous pénétrerons graduellement, après avoir établi sur le chemin parcouru, des postes sûrs, aux endroits les plus convenables pour y fonder des Missions.


[2579]
C'est dans ce but et avec le consentement du Saint-Siège, que les Instituts pour les Noirs ont été fondés dans la capitale d'Egypte, ce lieu m'avait été indiqué par l'immortel Pontife Pie IX, lui-même, comme le point de départ et le premier centre d'action le plus approprié pour atteindre notre saint but.

La base, et le plan sur lesquels ces Instituts sont organisés est le "Plan pour la Régénération de l'Afrique par l'Afrique elle-même". C'est la nouvelle méthode d'action apostolique au profit de la Nigrizia qui a été jugée la plus raisonnable et la plus appropriée par Sa Sainteté Pie IX, par notre très prudent Vicaire et Délégué Apostolique, par plus de trois cents Cardinaux et Evêques, par les Chefs les plus distingués des Missions en Afrique et par un grand nombre de respectables et éminentes personnalités, de toutes les classes de la société, qui avaient été consultées pour cette affaire.


[2580]
Les Instituts fondamentaux établis au Caire pour l'apostolat de l'Afrique Centrale sont deux :

1. L'école des garçons, qui est dédiée au Sacré-Cœur de Jésus, est dirigée par les Missionnaires du Collège des Missions de la Nigrizia établi à Vérone sous les auspices du vénérable et zélé Evêque Monseigneur Luigi Marquis de Canossa.

L'école des filles, qui est dédiée au Sacré-Cœur de Marie, est dirigée par les Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition de Marseille.

Il y a aussi une petite maison, dédiée à la Sainte Famille, pour les filles du Vieux Caire gérée par des institutrices noires.

Ces maisons sont sous la paternelle juridiction de Monseigneur Luigi Ciurcia, Archevêque d'Irenopole, Vicaire et Délégué Apostolique d'Egypte.

Les Instituts des Noirs en Egypte ont deux buts principaux ; voici le principal en 4 points :


[2581]
1. Education religieuse, morale, intellectuelle et artistique des Africains des deux sexes, pour leur enseigner la Foi, la morale, les sciences et les techniques qui sont nécessaires en Afrique Centrale ; afin que, après avoir terminé leur formation, et en suivant la vocation qui leur aura été suggérée par la Providence, ils retournent dans les tribus de la Nigrizia pour être, sous la direction des Missionnaires européens, les apôtres de la Foi et de la civilisation au profit de leurs compatriotes.


[2582]
2. Permettre aux Missionnaires, aux Sœurs et aux Frères coadjuteurs européens de s'acclimater, pour qu'ils puissent mieux supporter le climat brûlant de la Nigrizia Centrale, les peines et les fatigues de l'apostolat.


[2583]
3. Pour que les Missionnaires et les Sœurs puissent étudier l'arabe et les différentes langues des Africains et les autres idiomes nécessaires pour la Mission. Pour qu'ils prennent connaissance des coutumes orientales, des habitudes et du caractère des musulmans avec lesquels on a toujours affaire.

Pour qu'ils apprennent aussi, en même temps, un peu de médecine, de chirurgie, de phlébotomie, de chimie, de pharmaceutique et les techniques les plus nécessaires ; et qu'ils étudient surtout les moyens de gagner des âmes à Dieu.

En un mot, les Instituts d'Egypte sont pour l'apôtre une école d'expérience et de mise à l'épreuve pour se préparer à bien accomplir les tâches du missionnaire et le Saint Ministère en Afrique Centrale.


[2584]
4. Les Instituts d'Egypte sont aussi une forme d'apprentissage et de mise à l'épreuve pour bien s'assurer que les Missionnaires, les Sœurs et les Frères coadjuteurs, destinés à l'apostolat dans les régions centrales de la Nigrizia, soient pourvus d'un haut degré de chasteté à toute épreuve, de la Foi, de l'humilité, de la constance, de la charité, de l'abnégation et des vertus apostoliques qui sont nécessaires pour tenir le coup dans les missions ardues et dangereuses du centre de l'Afrique, afin que, pendant qu'ils s'efforcent de convertir des âmes privées de Foi et de tout, ils ne courent le risque d'être eux-mêmes pervertis... "ne cum aliis praedicaverint ipsi reprobi efficiantur".


[2585]
Le but secondaire de ces Instituts est l'évangélisation de la race noire et éthiopienne en Egypte, qui d'après les statistiques de Leverney, de 1870, comprend dans la seule ville du Caire 25.000 personnes. En outre, nos prêtres exercent leur ministère autant pour la colonie européenne que pour les indigènes de tous rites, cela selon les intentions et l'autorisation du vénérable Archevêque Vicaire Apostolique d'Egypte.


[2586]
La pratique a démontré, par des preuves incontestables, que les nouveaux Instituts du Caire sont un des éléments d'apostolat les plus importants en faveur de la race noire établie en Egypte. Rien que de voir nos élèves et surtout les institutrices noires, bien instruites et bien élevées, converser entre elles, et en les entendant chanter les louanges du Seigneur, donne envie à de nombreuses païennes et musulmanes de devenir catholiques.

Pendant ces trois années, plusieurs d'entre elles après avoir abjuré leurs superstitions et leurs fausses croyances, sont entrées dans le sein de notre sainte religion et y ont persévéré. Dans chacun des deux Instituts fondamentaux il y a les catéchumènes, une école et une infirmerie pour les Africains malades ; ici beaucoup d'entre eux trouvent, avec la santé du corps, aussi le salut de l'âme. D'autres passent des infirmités corporelles à la béatitude éternelle.


[2587]
En ce qui concerne les Noirs d'Egypte, presque tous ont été amenés des tribus de l'intérieur, après avoir été violemment arrachés du sein de leur famille par les assassins nubiens appelés "giallaba " : marchands d'esclaves.

Après de terribles souffrances et d'incroyables violences, après de longs et funestes voyages à travers des régions inhospitalières et arides et des déserts immenses, ils arrivent en Egypte où ils sont vendus à des prix généralement assez élevés. Les Instituts sont providentiels pour ces malheureux et nous cherchons, avec beaucoup de prudence et de réserve, mais avec la plus grande sollicitude, la conversion de ceux qui sont dans des familles chrétiennes et auprès des musulmans. Dieu a largement béni les efforts de notre Institut.


[2588]
Les Noirs au service des familles catholiques sont presque tous païens ou musulmans ; la cause de cette plaie qui dévore la race noire en Egypte, même à l'ombre du catholicisme, est la négligence séculaire et habituelle des maîtres pour le salut de leurs esclaves qu'ils considèrent comme des objets et non comme des personnes. Ils ne veulent absolument pas qu'ils deviennent catholiques et cela pour deux raisons :

1°. parce que les Noirs, du moment qu'ils se font catholiques, deviennent libres et leurs maîtres craignent de les voir se soustraire à leur servitude sans réfléchir qu'avec la grâce du Baptême (nous le leur avons prouvé maintes fois par de multiples exemples ) les Noirs deviennent plus fidèles à leurs patrons et plus laborieux.

2°. Parce que du moment que leurs esclaves Noirs deviennent catholiques, ils ne peuvent plus les vendre aux musulmans qui n'achètent jamais d'esclaves chrétiens.


[2589]
Pour vous donner une petite idée de la grande importance de ce but secondaire de l'apostolat de nos Instituts d'Egypte en faveur de la race noire, je vous envoie un rapport circonstancié et consciencieux écrit par l'un de mes plus chers Missionnaires, le Père Stanislao Carcereri, vice-supérieur de mes Instituts. Après avoir lu ce rapport, vous pourrez vous rendre compte de la malheureuse condition de la race noire en Egypte, et vous comprendrez les difficultés et les obstacles que rencontre notre ministère sacerdotal, la prudence et la discrétion dont nous avons besoin, et vous vous rendrez compte aussi des bons résultats que l'Eglise pourra obtenir.

Vous conclurez enfin que l'apostolat parmi les Noirs en Egypte, qui n'est que le but secondaire de nos Instituts, constitue à lui seul une mission importante.


[2590]
Je vous enverrai bientôt du Caire un rapport sur l'organisation et les bons résultats des Instituts des Noirs en Egypte, espérant qu'avec le personnel déjà prêt dont je dispose pour l'apostolat de la Nigrizia, je pourrai bientôt, avec la bénédiction du Saint-Siège, ouvrir une vaste Mission en Afrique Centrale.

Dans l'attente, je me permets, Messieurs, de vous faire remarquer que les Instituts des Noirs d'Egypte sont le fondement de l'important et difficile apostolat en Afrique Centrale et que pour les faire prospérer j'ai tous les éléments nécessaires, à l'exception d'un seul, d'une importance capitale : l'argent !

Les désastres de la France qui ont eu des retombées sur toutes les Missions du monde, m'ont également plongé dans de graves embarras. Mes Instituts sont pauvres et invoquent vivement votre générosité et votre assistance.


[2591]
La sainte entreprise progressera en proportion des moyens pécuniaires, et si votre extraordinaire charité nous accorde de généreux secours, l'Eglise du Christ sera heureuse et glorieuse de voir flotter l'étendard de la Croix parmi les peuples les plus délaissés et les plus malheureux de l'univers, parmi les Noirs d'Afrique Centrale, dont la superficie est deux fois plus grande que celle de toute l'Europe et comprend plus de cent millions de malheureux enfants de Cham, soit la dixième partie du genre humain.


[2592]
Il n'y aucune difficulté, ni climat brûlant, ni souffrances, ni efforts, ni privations, ni sacrifices, que mes bons Missionnaires et mes Sœurs ne soient prêts à endurer pour sauver ces âmes délaissées et malheureuses. Nous sommes tous prêts à supporter la vie la plus dure, un lent martyre, le climat équatorial de l'Afrique Centrale et la mort la plus douloureuse, pour réussir notre sainte et difficile entreprise. C'est le seul, petit et insignifiant tribut que nous pouvons offrir à Dieu pour la conversion de la malheureuse Nigrizia.

Votre charité et celle des généreux associés de l'Œuvre incomparable de la Propagation de la Foi concourront, par amour de Dieu, à nous aider avec de pieuses aumônes, et les Noirs d'Afrique Centrale seront acquis dans quelques années à la Foi et à la civilisation chrétienne.

Daignez accepter...



Abbé Daniel Comboni

Missionnaire Apostolique d'Afrique Centrale

Supérieur des Instituts des Noirs en Egypte



Texte original français, corrigé.






404
Mons. François A. Des Georges
0
Venice
3. 8.1871

N° 404 (380) - A MONSEIGNEUR FRANCOIS A. DES GEORGES

APFL, 1871 Afrique centrale

Venise, le 3 août 1871

Mon très Révérend Père,


 

[2593]
J'ai fait envoyer à M. Laverrière des rapports en italien sur mon Œuvre Missionnaire et je profite de l'occasion pour m'adresser à votre grande charité en vous suppliant, les larmes aux yeux, de plaider ma cause auprès du Conseil.

Ma cause est parmi les plus importantes de l'apostolat catholique, parce que je travaille avec succès, pour établir le christianisme parmi cent millions d'infidèles, là où ni les Missions Etrangères, ni les Missions Africaines, ni les Pères du Saint- Esprit, ni les Dominicains, ni les Jésuites, ni les Bénédictins, ni les Franciscains etc. n'osent étendre leur activité. Il faut absolument et contre tout obstacle planter la Foi en Afrique où Satan domine depuis 40 siècles.


[2594]
Comme j'ai actuellement des éléments indigènes bien préparés pour entreprendre une Mission en Afrique Centrale, j'ai été obligé de faire beaucoup d'efforts pour bien établir le Collège des Missions de la Nigrizia à Vérone ; c'était la condition nécessaire que Propaganda Fide et le Pape ont exigée pour nous accorder une vaste Mission dans le Centre de l'Afrique. Grâce à Dieu, l'affaire a réussi. La maison de Vérone a été entièrement payée par Sa Majesté l'Impératrice Marie-Anne, et des candidats très zélés arrivent toujours. Ainsi, dans quelques mois, je pourrai me rendre en Egypte avec d'autres Missionnaires.


[2595]
Après avoir obtenu l'approbation de l'incomparable et vénérable Monseigneur Ciurcia, l'Evêque de Vérone et moi-même préparons les rapports pour les démarches à accomplir auprès du Saint-Siège, ainsi je ne tarderai pas trop à faire une expédition au Centre de la Nigrizia.


[2596]
Je suis très préoccupé à cause de mes Instituts d'Egypte. Je vous envoie la liste des personnes que je dois nourrir, vêtir, loger, etc. Mais je ne sais pas comment je ferai à l'avenir. Comme vous voyez, il y a 102 bouches à nourrir. Plusieurs sont mortes ; et j'en ai placé d'autres dans des familles catholiques.

Un Missionnaire est rentré en Europe à cause de sa santé et une Sœur est à Ste. Afrique. Dans les Instituts, à présent, ne restent à ma charge que 64 personnes, toutes ont signé l'Adresse à Pie IX. Il faut y ajouter aussi les 13 jeunes garçons et filles qui sont arrivés récemment ; il y a donc, hic et nunc 77 personnes à nourrir.


[2597]
Ne sachant comment faire pour maintenir mes Instituts vu que la Propagation de la Foi ne m'a envoyé que 1.400 francs (3.600 francs de l'année 1870 ont été envoyés depuis), je suis allé en Allemagne pour implorer des secours auprès de plusieurs Sociétés, comme l'avait fait le Séminaire des Missions Africaines de Lyon qui par l'intermédiaire de l'Internonce Apostolique de Lucerne, s'était adressé à Vienne. Mais hélas ! la Société de Cologne, après tant de demandes réitérées ne m'a même pas accordé un sou, parce qu'elle n'avait rien recueilli. La Société de Munich m'a accordé 300 florins de Bavière (614 francs) et la Société de Marie pour l'Afrique Centrale (dont le nom existe à peine) m'a accordé après de nombreuses prières, 50 florins (101 francs). J'ai rendu visite à mes Rois, à mes Princes, à mes Princesses, à mon cher Comte de Chambord, à mes amis. Ils m'ont tous donné leur obole, mais maintenant, tout est terminé ; mes Instituts n'ont plus rien à manger. Je suis sûr que Dieu les aidera, mais c'est uniquement la Propagation de la foi qui me donne quelque espoir.


[2598]
Au nom de Dieu, je demande deux grâces à la Propagation de la Foi :

1°. une aide importante pour faire vivre mes Instituts d'Egypte ;

2°. que l'on m'accorde chaque année, pendant cinq ans, une somme pour payer la maison. Il y a une grande maison qui coûte plus de 100.000 francs et que je pourrais acheter à moitié prix, mais je n'ai pas d'argent.


[2599]
Je vous supplie de m'obtenir du Conseil ces deux grâces. Faites-lui ces réflexions :

1) Les Instituts des Noirs en Egypte ont une importance capitale, comme vous pourrez le voir dans le rapport que j'ai adressé il y a quelques jours à M. Laverrière, pour établir durablement la Foi au Centre de l'Afrique qui est peuplé de la dixième partie de toute l'humanité. La conversion de l'Afrique Centrale peut dépendre de ces Instituts.

2) Tous les individus qui composent mes Instituts (102 personnes) reçoivent tout de moi, des pieds aux cheveux : la nourriture, les vêtements, le logement, les outils etc., et la location des trois maisons me coûte 2.760 francs par an.


[2600]
3) Les élèves africains n'apportent rien à l'Institut, sauf leur propre peau.

Je dois leur fournir la nourriture, les vêtements, le logement, les outils de travail, etc.

4) Je dois non seulement leur fournir tout, mais il faut aussi faire des dépenses pour les racheter, chacun coûte de 300 à 600 francs. Je ne reçois gratuitement que les jeunes malades ; ceux qui sont en bonne santé, je dois les payer.

5) Les Instituts ont une infirmerie et on a eu jusqu'à 38 malades.


[2601]
Si la Propagation de la Foi me donne 6.000 francs par an, comme elle les accorde à beaucoup d'autres missions, je lui promets de fonder en 15 ans 4 Vicariats Apostoliques en Afrique Centrale, et de régénérer 60.000 païens.

Mais comme je n'ai rien, je ne peux faire grand-chose. La Propagation de la Foi peut m'aider en faisant ce qu'elle fait avec les autres missions.


[2602]
Il faut que vous sachiez que je sais parfaitement ce qui se passe dans le monde et que, dans mes jugements, je ne me trompe pas souvent. Dieu et l'Œuvre, voilà mes espoirs !



Signé : Daniel Comboni

Texte original français, corrigé.






405
Mgr. Luigi di Canossa
0
Fulda
12. 8.1871

N° 405 (381) - A MONSEIGNEUR LUIGI DI CANOSSA

ACR, A, c. 14/89

Que Jésus et Marie soient loués pour l'éternité.

Fulda, le 12 août 1871

Excellence Révérendissime,


 

[2603]
Vous trouverez ci-joint des timbres pour vos gentils petits neveux.

J'ai reçu plusieurs nouvelles du Caire. Les missionnaires se portent très bien et ils souhaitent réellement se rapprocher toujours davantage du but de la Sainte Entreprise et aller au Centre de l'Afrique. Cela est une véritable grâce de Dieu. Mais que Votre Excellence se garde de prendre à la lettre ce que dit notre bon Père Stanislao. Laissons-le parler, mais nous, nous devons suivre notre Plan avec la tête froide. Quand le Père Stanislao voulait avec insistance que nous confiions la maison du Caire et ses rentes aux Camilliens, le Caire était tout, c'était une grande mission, etc. Après lui avoir fait comprendre que nous ne confierions à personne nos Instituts fondamentaux, même si nous aidons tous les Ordres à prendre en charge une partie de l'Afrique Centrale, le Caire est devenu alors pour le Père Stanislao une pure perte de temps, et il a dit qu'il fallait faire un coup d'état, et aller dans le Cordofan sans toutes les autorisations de Rome.

Il insiste maintenant pour aller en Nubie d'ici le mois de septembre... Tous les autres membres de nos Instituts m'écrivent comme des saints, et disent ne vouloir accomplir que la volonté des Supérieurs, etc.

Il faut donc que nous prenions ce qu'il y a de mieux chez le Père Stanislao et que nous mettions de côté ce qu'il y a d'exagéré.


[2604]
Puisque en septembre une grande caravane arrive à Siut ou Taka dans la Haute-Egypte (à trois jours du Caire en bateau à vapeur), suite à mille prières, j'ai permis au Père Stanislao de partir là-bas quelques semaines avec l'Abbé Rolleri, et j'ai chargé notre bon chanoine de la direction intérimaire.


[2605]
Depuis deux mois la correspondance du Père Stanislao est une continuelle plainte : il dit qu'il ne sait quoi manger, etc. J'ai toujours envoyé de l'argent, mais je l'ai obligé à me rendre compte des 1.100 napoléons-or et même plus que je lui ai envoyés en 15 mois. J'ai finalement reçu le compte-rendu que j'apporterai à Vérone. Voici le total des dépenses et de ce qu'il a reçu, etc. Votre Excellence se rendra compte que peu de missions ont eu une si grande Providence dans une période aussi difficile. Voici ad litteram les comptes donnés par le Père Stanislao :

1°. Total des dépenses jusqu'à la fin juillet 1871 Francs 30.292 ;00

2°. Total réel reçu jusqu'à juillet 1871 " 28.061 ;50

3°. Reste passif débit " 2.230 ;50




[2606]
Il a dépensé 30.292 francs en 15 mois sans compter les caisses de provisions que je lui ai envoyées, ni l'huile (17 tonnelets) que mon Père lui avait envoyé pour toute l'année etc.

En plus des 28.061 francs que je lui ai procurés, il a dû recevoir au début du mois d'août 44 thalers que je lui ai expédiés de Dresde et aussi du blé.


[2607]
Votre Excellence comprendra qu'au lieu de se plaindre, il devrait chanter le Te Deum et remercier Dieu, car je sais que dans d'autres missions, où il y a un Evêque Vicaire Apostolique, et un Evêque Coadjuteur, et de nombreux Missionnaires et Instituts, ils n'ont même pas reçu 10.000 francs. Le pauvre Archevêque et Vicaire Apostolique Monseigneur Ciurcia est allé en Belgique et ira à Prague pour ramasser de l'argent.

Les religieux ne savent pas d'où vient l'argent, ni combien d'efforts il coûte. Je l'ai constaté mille fois. Mais nous réglerons tout à Vérone selon la sagesse et les souhaits de Votre Excellence.

Je pense que pendant mon absence nous pourrons décider de confier l'administration à l'Abbé Ravignani, et d'accepter la démission du poste d'administrateur que le Père Stanislao m'a présentée plusieurs fois.


[2608]
Demain je serai à Cologne où je travaillerai beaucoup pendant une semaine, et je vous écrirai. J'enverrai une autre lettre de change de Cologne au Caire.

Avec le Père Stanislao j'essaie de tenir serrés, le plus possible, les cordons de la bourse. J'aurais pu lui envoyer à nouveau de l'argent, mais je ne l'ai pas fait, parce que je fais de belles économies en lui serrant la ceinture. Il est très peu prudent quand il écrit. Rappelez-vous les scènes faites à l'arrivée de Falezza au Caire.

Il vous a écrit, il a écrit au Vicaire Apostolique, à Rome et à qui sait combien d'autres personnes contre mon imprudence. Il semblait que j'avais envoyé un serpent pour ruiner les Instituts.

La Supérieure, au contraire, m'a écrit plusieurs fois qu'elle est très contente de cette jeune fille. Bref, faisons bon usage des grandes qualités du Père Stanislao et ne nous servons pas de ses défauts. Le bon Père Pietro qui l'aime beaucoup, ne voit qu'avec les lunettes du Père Stanislao, tant que je suis absent ; mais quand je suis au Caire, il voit avec les miennes. Utilisons donc nos lunettes ! Benedic hunc



votre indigne fils

Abbé Daniel Comboni






406
Card. Alessandro Barnabò
0
Cologne
15. 8.1871

N° 406 (382) - AU CARDINAL ALESSANDRO BARNABO

AP SC, Afr. C., v. 8, ff. 22-23v

Vive Jésus, Marie et Joseph !

Cologne (Prusse), le 15 août 1871

Presbytère de Saint Jacob

Eminent Prince,


 

[2609]
Fidèles aux instructions que Votre Eminence a daigné nous donner plusieurs fois, Monseigneur l'Evêque de Vérone et moi-même nous nous sommes engagés avec davantage d'énergie à consolider la fondation du Collège des Missions de la Nigrizia à Vérone.


[2610]
Bien qu'à tous égards, nous vivions en des temps orageux, nous avons réussi, avec la grâce de Dieu, à acheter tout l'établissement, et à le doter d'une rente pour pourvoir chaque année aux besoins de quelques candidats aux Missions Africaines. La fort pieuse Marie-Anne d'Autriche, à laquelle je me suis adressé avec une prière énergique, m'a d'ailleurs offert 20.000 francs-or pour cet achat. Puisque la Sainte Œuvre commence à être connue en Europe, je reçois de toutes parts des pétitions d'aspirants pour la difficile entreprise ; mais nous nous limitons pour le moment à n'accueillir que les quelques élèves qui donnent davantage d'espérances de réussite. Nous ne nous agrandirons pas davantage tant que le Saint-Siège ne nous confiera pas une Mission particulière en Afrique Centrale, pour laquelle de nombreux membres des Instituts d'Egypte sont déjà prêts. Nous soumettrons bientôt à la Sacrée-Congrégation les Règles et le Décret Episcopal d'érection canonique du nouvel Institut de Vérone.


[2611]
La Divine Providence m'a largement couvert de ses bénédictions pour soutenir toutes les dépenses de mes trois maisons d'Egypte. De nombreux bienfaiteurs impériaux, royaux et princiers d'Allemagne s'intéressent beaucoup à mon Œuvre et ont largement contribué avec leurs dons à combler le manque énorme de contributions des Sociétés Bienfaitrices de la Propagation de la Foi.

J'en suis reconnaissant envers le Seigneur.

Les Etablissements d'Egypte marchent très bien, et le Vicaire Apostolique, qui est très bon avec nous, en est très satisfait.

Sept prêtres missionnaires possédant un excellent esprit et de belles qualités sont déjà prêts pour se lancer du Caire vers les déserts enflammés de la Nigrizia de l'intérieur ; et j'en conduirai bientôt trois autres en Egypte avec quelques Frères Coadjuteurs.

Je suis en train de préparer les matériaux pour la construction de l'édifice. On commencera la construction quand Dieu et le Saint-Siège le voudront.


[2612]
Je me permets de supplier Votre Eminence de m'accorder la grâce de transmettre, de ma part et de celle de mes Instituts d'Egypte et de Vérone, les plus vives et les plus respectueuses félicitations à Sa Sainteté pour l'événement extraordinaire qui aura lieu la semaine prochaine, pendant lequel notre vénérable Pie IX, l'unique parmi tous les Pontifes, dépassera le nombre d'années de Saint Pierre passées sur la Chaire de Rome. Lors de la précédente solennité du 16 juin, les 65 membres de mes Instituts d'Egypte, et spécialement les Institutrices africaines, se sont privés de tout pour offrir leur "obole de Saint Pierre", et de plus au moyen de toutes les monnaies qui ont cours en Egypte. La Nigrizia a été très bien représentée dans les grandes fêtes du XXVème anniversaire de l'Elévation du plus glorieux des Papes au Suprême Pontificat. Ah ! qu'il obtienne pour nous tous la Bénédiction Apostolique, et qu'elle soit pour nous un grand réconfort dans l'entreprise ardue et laborieuse à laquelle nous nous sommes consacrés.

Je ne cesserai jamais de prier pour que le Seigneur vous accorde une bonne santé et une longue vie ; j'embrasse maintenant votre Pourpre Sacrée et je me déclare avec le plus profond respect, dans les Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie



votre dévoué et indigne fils

Abbé Daniel Comboni






407
Mgr. Luigi di Canossa
0
Paderborn
17. 8.1871

N° 407 (383) - A MONSEIGNEUR LUIGI DI CANOSSA

ACR, A, c. 14/90

Que Jésus et Marie soient loués pour l'éternité.

Paderborn (Westphalie), le 17 août 1871

Excellence révérendissime,


 

[2613]
J'ai reçu la fameuse lettre du 27 juillet et un extrait de celle du 21 adressée à Votre Excellence par le Père Stanislao. J'en suis encore fortement troublé, donc, avant de répondre, j'attends, le moment où je serai plus calme.

En attendant j'adore la bonté de Dieu qui daigne m'accorder tant de croix, et qui nous guide sur les durs chemins du Calvaire, au pied duquel est née notre entreprise ardue et sainte ; et c'est justement là, sur le Calvaire, que Dieu élèvera cette Œuvre si apostolique, pour récompenser par de nombreuses consolations, le cœur magnanime de Votre Excellence qui a beaucoup souffert pour elle, peut-être à cause de mon incapacité et de ma désorganisation.

Cette croix pèse lourdement sur mon cœur, et connaissant un peu les voies de la Providence et la grande bonté de Dieu, qui fait naître ses Œuvres au pied de la Croix, je vois très clairement, comme la lumière du soleil, une aurore de grandes consolations, qui prépare notre faible nature à soutenir des tempêtes encore plus terribles et des croix encore plus lourdes pour le salut de la Nigrizia.


[2614]
Je vous dirai maintenant un seul mot à propos des finances.

Le 31 juillet dernier, Carcereri, en râlant, m'a donné la comptabilité des recettes et des dépenses de nos Instituts d'Egypte depuis mon départ du Caire.

Le passif, après avoir payé le loyer des maisons jusqu'à la fin juin 1872, s'élève à 30.292 francs.

L'actif, qu'il a reçu de moi ou par mon ordre, s'élève à 28.061 francs et 50 centimes.

A cela il faut ajouter :

1°. 400 thalers de Prusse que je lui ai envoyés de Dresde et de Bamberg.

2°. Quelques caisses de provisions que j'ai envoyées au Caire.

3°. Mon père a envoyé de l'huile pour toute l'année dernière et pour celle en cours.

4°. Plus de 3.000 francs en parements sacrés et objets pour le culte que j'ai envoyés de Vienne par Marseille.


[2615]
J'aurais pu envoyer davantage, mais j'ai pensé aux aspects négatifs du système de mon regretté Abbé Mazza, et j'ai toujours tâché de ne pas imiter le saint homme dans ce domaine. Pour les messieurs du Caire, je tiens serrés les cordons de la bourse, afin qu'ils s'habituent à faire des économies.

Il me semble, en voyant l'actif et le passif, que nous devons plutôt remercier la Providence de Dieu qui nous a accordé davantage de subsides qu'à tant de pauvres Evêques missionnaires qui, en ces temps si difficiles, n'ont même pas reçu la moitié de ce que nous avons eu.


[2616]
Quant à la somme exagérée des 10.000 francs de dettes à Marseille, Votre Excellence a reçu des informations exactes par le Père Stanislao lui-même au cours de l'été 1869. Comme nos Sœurs de Marseille ont un crédit de plus de 3.000 francs chez mon créditeur M. Laurent, pour être sûres d'être payées, elles m'ont prié de les payer moi-même et non M. Laurent. Je me suis donc arrangé de cette façon avec la Mère Générale depuis le mois de mars de cette année. Comme je l'ai écrit à la Mère Générale, je ne reconnais pas les sommes exagérées de nombreux objets qui m'ont été envoyés sans que je les ai demandés ; je ne reconnaîtrai que ce que je pourrai en toute conscience et en étant juste. Cette dette s'élève maintenant à moins de 9.000 francs, et j'ai déjà payé 3.500 francs. J'attends les comptes exacts de Marseille, et une juste solution à cette affaire.

Les Franciscains du Caire ont plus de 100.000 francs de dettes, les Frères 20.000 et aujourd'hui toutes les Missions ont des dettes. Et nous, ne devrions-nous pas remercier Dieu car en des temps si difficiles nous n'avons que 4 ou 5.000 francs de dettes, et plus de 30.000 francs d'objets nous appartenant au Caire ?

En outre, nous avons dépensé plus de 100.000 francs pour notre Œuvre. Monseigneur, remercions Dieu de tout cœur, et ne cessez jamais de reprendre et exhorter



votre pauvre et indigne fils

Abbé Daniel






408
Père Stanislao Carcereri
0
Cologne
7. 9.1871

N° 408 (384) - AU PERE STANISLAO CARCERERI

AP SOCG, v. 1005, f. 151

Cologne, le 7 septembre 1871


 

[2617]
.....C'est la dernière fois que je vous parle des Camilliens et je ne veux pas que vous me répondiez à ce sujet. Je veux un silence total. Voilà !

Faites en sorte que l'exploration en question soit bien faite et prouvez l'utilité de l'endroit où nous nous fixerons, au Cordofan ou ailleurs, ce qui sera une seconde étape, et dans trois ans nous aurons un magnifique Vicariat Apostolique et une belle maison Camillienne en Afrique Centrale à l'endroit que vous estimerez le plus approprié.

Pour moi le but des Camilliens est surtout l'éducation des garçons, la formation du Clergé local séculier et régulier. A ce propos, une expérience de trois ans nous a appris qu'il est plus facile, que ce soit au niveau des coûts ou de la qualité, d'avoir des sujets en Afrique Centrale qu'au Caire. Saint Camille doit donc implanter ses tentes au centre de l'Afrique.

Conservez cette lettre et vous verrez que dans trois ans, si je suis encore vivant, vous ne me la jetterez pas en plein visage...



Abbé Daniel Comboni



[Extrait d'une lettre de Comboni retranscrite par l'Abbé Carcereri dans un de ses rapports]






409
Mgr. Lavigerie
0
Vérone
2.11.1871

N° 409 (385) - A MONSEIGNEUR CHARLES M. LAVIGERIE

APBR, B. I, 469

Vive Jésus, Marie et Joseph !

Vérone, le 2 novembre 1871

Monseigneur,


 

[2618]
Dans le Bulletin N°4 de l'année 1871 de l'Œuvre des Ecoles d'Orient, j'ai lu que vous pouvez disposer de quelques agriculteurs et ouvriers arabes qui sont déjà capables d'enseigner aux autres ce qu'ils ont appris et qu'ils seraient fidèles jusqu'à la mort.


[2619]
Je soumets mon idée à votre grand cœur apostolique. Le 21 octobre j'ai envoyé du Caire au Cordofan par la voie de Khartoum quatre Missionnaires comme explorateurs, afin de préparer deux maisons, une pour les garçons africains, l'autre pour les filles africaines, et d'y établir un premier groupe d'indigènes qui sont déjà prêts dans mes Instituts d'Egypte. J'ai maintenant besoin de quelques enseignants en agriculture et dans les arts et métiers ; s'ils sont arabes, c'est encore mieux. Pourriez-vous, Monseigneur, mettre à ma disposition pour le mois de mars prochain six ou sept de ces bons convertis qui soient inébranlables dans la Foi et capables d'enseigner leurs métiers aux jeunes noirs ?

J'espère, mon bien cher et vénérable Monseigneur, que nous nous rencontrerons, dans peu d'années, avec nos œuvres dans le désert. Vous viendrez du Nord et moi du Sud-est. J'espère que vous aurez encore la possibilité de nous aider avec votre admirable Institution de Frères agriculteurs et hospitaliers. J'espère aussi vous rendre visite à Alger.


[2620]
Je prie, en même temps, votre charité de m'envoyer à Vérone, par la poste courante, quelques exemplaires de vos admirables Constitutions de l'Institut des Frères agriculteurs, car ceux que Votre Excellence m'a donnés à Rome m'ont été pris par différentes personnalités qui voulaient prendre connaissance de votre admirable entreprise, surtout en Allemagne.


[2621]
En attendant votre réponse, il faut qu'il y ait un lien de prières qui nous unisse dans les Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie puisque Dieu nous a confié une mission identique. Lors du Congrès Général de Mayence j'ai dit que mon dernier mot sera toujours : "Ou la Nigrizia ou la mort". Plus fidèle et plus loyal que Garibaldi qui s'est retiré honteusement de Mentana après avoir proclamé : "Ou Rome, ou la mort", je saurais accomplir mon devoir.

Je vous prie, Monseigneur, de saluer de ma part mon bon Francesco Ambar. J'espère qu'il continuera à bien se comporter. Recevez tous les hommages de Monseigneur Canossa. J'embrasse avec respect votre main consacrée et j'ai l'honneur de me déclarer avec la vénération la plus profonde et un dévouement éternel



votre humble et dévoué

Abbé Daniel Comboni

Missionnaire Apostolique d'Afrique Centrale

Supérieur des Instituts des Noirs en Egypte



Texte original français, corrigé.






410
Conseil O.B.P. (Rapport)
1
Vérone
21.11.1871
N° 410 (1155) - RAPPORT AU CONSEIL SUPERIEUR

DE L'ŒUVRE DU BON PASTEUR

ACR, A, c. 25/19



Vérone, le 21 novembre 1871