Comboni, en ce jour

Pendant le voyage d’animation missionnaire (1871), il célèbre dans la cathédrale de Dresda.
A Mitterrutzner, 1877
Ma confiance réside dans la justice de la Rome éternelle, et dans ce Cœur Divin qui palpita aussi pour la Nigrizia.

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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
431
M.me A. H. De Villeneuve
0
Rome
16. 2.1872
N° 431 (403) - A MADAME A. H. DE VILLENEUVE

ACR, A, c. 15/180 n.1



Rome, le 16 février 1872

47 piazza del Gesù, 3ème étage,

Très chère Madame,



[2831]
La triste nouvelle que Sœur Caterina vient de me communiquer, m'a brisé le cœur. Que je suis malheureux ! J'aurais bien voulu être à Paris pour assister Désiré et pour consoler une mère incomparable comme vous, chère Madame.

Peu de personnes vous connaissent bien comme je vous connais, peu de personnes vous comprennent comme je vous comprends, peu de personnes ou personne au monde n'est aussi toute empli de douleur que je le suis à cause de cette épreuve que le Bon Dieu vous a donnée. Je suis convaincu que Dieu veut faire de vous une vraie sainte.

La vie humaine est sanctifiée uniquement au pied du Calvaire. Le Bon Dieu a permis cette souffrance, Madame, pour que vous soyez heureuse dans l'éternité. Rappelez-vous, Madame, qu'après le Calvaire Jésus-Christ est ressuscité.

Dieu vous prépare de grandes consolations ! Courage, Madame, notre sainte Religion, notre chère Foi nous enseignent qu'il y a la vie militante et la vie triomphante. Ceux qui sont dans la vie triomphante sont, par la Foi, en communication parfaite avec la vie militante.

Vous devez penser aux vôtres qui sont au ciel, comme présents à vous ; ils vous voient, vous écoutent, comptent vos larmes, vos soupirs, vos joies.

Courage, chère Madame !


[2832]
Je voudrais être à Paris pour pleurer avec vous, pour vous consoler, pour vous témoigner mon affection. Je ressens vos peines, mais unissez-les à celles de Jésus-Christ que vous aimez ardemment. Il veut faire de vous une sainte. Je prierai beaucoup le Sacré-Cœur de Jésus qui sera obligé de vous consoler. Vous êtes une mère incomparable, et c'est pour cela que Jésus et Marie seront avec vous.

Dieu exaucera vos vœux.


[2833]
Et pour mon cher Auguste qui a un cœur si bon, mon Dieu, quelle peine ! Mon cher Auguste qui avait tant d'affection pour les siens, et Marie ! Marie qui aime tant son bon mari, son cher Désiré. Je ne peux écrire sans trembler.

Mais dites à Auguste et à Marie de se jeter aux pieds de Jésus-Christ, qu'ils se cachent dans le Cœur de Jésus Christ, et c'est là, dans cette source intarissable de consolation qu'ils trouveront leur réconfort. Dans l'attente il faut trouver la consolation nécessaire dans la prière. Mon secrétaire et moi nous célébrerons la Messe pour Désiré pendant tout ce Carême. J'ai célébré la Messe ce matin dans l'Eglise de la Mort, où il y a chaque jour l'indulgence plénière pour les Défunts. Je prierai le Sacré-Cœur de Jésus jusqu'à ce que Dieu vous ait consolée.

Je vous prie, Madame, de m'écrire quelques lignes ; je pense que je serai soulagé si je vois votre écriture. Courage, Madame ! Dieu vous consolera sans aucun doute et vous récompensera de vos vertus héroïques même ici sur terre.

Daignez agréer l'expression de mon éternelle affection avec laquelle je serai toujours



votre dévoué et affectionné

Abbé Daniel Comboni



Texte original français, corrigé.






432
Rapport historique Vic. A.C.
0
Rome
25. 2.1872
N° 432 (404) - RAPPORT HISTORIQUE SUR LE VICARIAT APOSTOLIQUE

D'AFRIQUE CENTRALE

AP SOCG, v. 999, ff. 522-530v



Le 25 février 1872



RAPPORT HISTORIQUE

sur le VICARIAT APOSTOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE

depuis sa fondation jusqu'à aujourd'hui

présenté à la Sacrée-Congrégation de Propaganda Fide

par l'Abbé Daniel Comboni le 25 février 1872



Eminent et Révérend Prince,



[2834]
Invité par Votre Eminence à rédiger un rapport sur le Vicariat Apostolique d'Afrique Centrale, je présenterai rapidement l'histoire de ce Vicariat depuis sa fondation jusqu'à nos jours, et je soumettrai humblement le plan d'action qu'à mon avis les Missionnaires du nouvel Institut des Missions pour la Nigrizia auraient à suivre, afin d'en reprendre les activités difficiles et importantes, si la Sacrée-Congrégation daigne lui confier la tâche de planter durablement la Foi dans ces contrées lointaines.


[2835]
Ce qui est sûr et certain, c'est que dans les pays d'Afrique Centrale habités peut-être par plus de cent millions de Noirs, qui constituent la dixième partie de tout le genre humain (comme je l'ai déclaré dans le Postulatum au Concile Vatican pro Nigris Africae Centralis), le Christianisme ne s'est jamais établi, ou que du moins actuellement on peut dire qu'il n'en reste aucun vestige.

Les tentatives faites par le Saint-Siège à différentes époques, soit du côté Sud du Mozambique en 1637, soit du côté Ouest avec les Pères Capucins d'Espagne en 1645, 1658 et 1660, soit du côté Nord de Tripoli et de Salé avec les Mineurs Réformés qui sont arrivés en 1706 jusqu'au vaste royaume de Bornou, soit enfin du côté Est quand les Missionnaires ont parcouru la partie méridionale de la Nubie Supérieure, n'ont eu aucun résultat en faveur des régions de l'intérieur de l'Afrique.

Les efforts les plus importants et les plus sérieux de la Sacrée-Congrégation pour ces populations infidèles écrasées sous le joug de l'Islam et du paganisme, ont été faits sous les glorieux Pontificats de Grégoire XVI et de l'immortel Pie IX.

L'extrait d'un volume intitulé Voyages au Cordofan a été présenté à la Sacrée-Congrégation en 1844 ; cet ouvrage mettait en évidence la possibilité et la nécessité d'envoyer des Missionnaires à l'intérieur de l'Afrique, dont les habitants semblaient prêts à accueillir la prédication de l'Evangile.


[2836]
En même temps, le Chanoine Casolani de Malte, de retour d'un voyage sur les côtes Nord de l'Afrique, où il a rencontré quelques Maltais qui avaient des contacts avec les contrées situées au-delà de la Berbérie et après avoir aussi parcouru l'Est, où il avait rencontré le Père Massimiliano Ryllo, polonais Supérieur des Jésuites en Syrie, avec lequel il avait discuté de l'importance d'une Mission catholique à l'intérieur de la Nigrizia, a exposé à l'Eminent Cardinal Préfet Fransoni les raisons les plus importantes et les avantages qu'en tirerait l'Eglise si on essayait d'implanter le christianisme en Afrique Centrale.


[2837]
Suite à cela, après avoir bien pesé le tout, l'Eminent Cardinal Préfet a ordonné de faire des enquêtes pour connaître précisément l'état des régions intérieures de l'Afrique, les langues, les mœurs et les coutumes de ces populations, leurs rapports avec les étrangers et les possibilités qu'il y avait d'y fonder une Mission.


[2838]
Le Père Venanzio de San Venanzio, Préfet Apostolique de Tripoli, dont le territoire est frontalier avec la future Mission que l'on voulait y fonder, a été interpellé par l'Eminent Cardinal auquel il a répondu qu'il était opportun de faire une expédition en partant de la Berbérie par la voie de Ghadamis, au-delà du Grand désert, où depuis 1706, avait été établi un Préfet Apostolique des Mineurs Réformés dans le royaume de Bornou, comme on peut le voir dans les Archives de cette Préfecture.


[2839]
Pareillement, l'Eminent Cardinal avait chargé ce même Chanoine Casolani, qu'il savait avoir des connaissances similaires, de rassembler toutes les informations qui pouvaient être utiles au projet, et il a reçu un intéressant rapport daté du 5 juin 1845, dans lequel sont clairement décrites l'immensité et la fertilité des pays au-delà du Grand Désert, où sont signalés les frontières géographiques, les principales montagnes, les fleuves, les lacs, les produits du sol, la forme du gouvernement, les forces, le caractère, les coutumes et les habitudes de ces peuples, les différents types de production indigène, le système commercial, les superstitions et les religions dominantes de l'idolâtrie et de l'Islam.

Le Chanoine a fait suivre le tableau général de l'Afrique Centrale par des informations sur la géographie locale, et a confirmé l'avis du Préfet Apostolique de Tripoli, c'est-à-dire que l'unique voie pour arriver dans ces contrées presque entièrement inconnues était celle de Berbérie et de Ghadamis, ville située à 100 lieues au Sud-Ouest de Tripoli ; et il terminait son rapport en affirmant qu'il était plus opportun d'ajouter à cette Préfecture le Grand Désert et toute l'Afrique Centrale, et qu'il fallait mettre à la tête d'une telle Mission un habile Vicaire Apostolique ayant reçu le titre épiscopal.

Ce dernier, devant bien connaître la langue arabe, prendrait avec lui un certain nombre d'excellents Missionnaires ecclésiastiques et séculiers, se rendrait avec eux à Ghadamis sans but apparemment religieux, et commencerait à conquérir l'âme de ces populations spécialement par l'exercice de la médecine et des métiers les plus utiles dans ces régions, et avec l'exercice de la charité chrétienne.


[2840]
L'Eminent Cardinal Préfet, assuré de la participation active du Chanoine Casolani qui s'est mis à la disposition du Saint-Siège, après quelques contacts avec le Révérend Général des Jésuites, duquel il a obtenu le susnommé Père Ryllo pour l'implantation de la Mission, à laquelle il a également associé le Dr. Ignazio Knoblecher élève du Collège de Propaganda Fide, a présenté, en janvier 1846, aux Eminents et Révérends Cardinaux composant la Sacrée-Congrégation, une proposition de projet pour établir une nouvelle Mission dans les régions d'Afrique Centrale ; les décisions suivantes ont été prises :

1. d'envoyer les Révérends Messieurs Casolani, Ryllo et Knoblecher en Afrique Centrale, et spécialement à Ghadamis pour explorer sur place le pays et les dispositions de ces peuples afin d'y installer de façon stable une Mission.

2. De nommer à la tête de cette expédition le Chanoine Casolani en lui donnant le titre d'Evêque, Vicaire Apostolique.

3. D'étendre les frontières de la Mission non seulement à l'Afrique Centrale mais aussi jusqu'au Grand Désert.


[2841]
En se basant sur ces délibérations, Sa Sainteté Grégoire XVI par un Bref du 3 avril a érigé en Vicariat Apostolique ladite Mission, avec les frontières qui sont encore actuellement :

Au Nord, la Préfecture de Tripoli, le Vicariat de Tunis et le Diocèse d'Alger.

A l'Ouest, les Vicariats de la Sénégambie et des Guinées.

A l'Est, les Vicariats d'Egypte, d'Abyssinie et des Gallas.

Au Sud, les Montagnes de la Lune (qui, si elles existent réellement, se trouvent à quelques degrés au-delà de l'Equateur).


[2842]
Le Vicariat Apostolique d'Afrique Centrale, sans la grande étendue occupée par la récente Préfecture du Sahara confiée depuis 1868 à l'Archevêque d'Alger, est le plus vaste et le plus peuplé du globe.


[2843]
Alors que Monseigneur Casolani, après avoir reçu la consécration épiscopale, était en train de régler ses affaires de famille à Malte, le Père Ryllo a été informé de la bonne réussite des expéditions que Son Altesse Mohammed Ali Vice-Roi d'Egypte avait fait faire le long de la vallée du Nil au Soudan, et surtout de celles de 1838 et 1842 dirigées par M. d'Arnaux, qui avait suivi le Fleuve Blanc jusqu'au 5ème degré de latitude Nord ; le Père a donc convaincu l'Eminent Cardinal Fransoni avec de solides arguments qu'il valait mieux pénétrer dans la nouvelle Mission du côté oriental, c'est à dire par la voie du Nil, et de fixer comme point d'appui la ville de Khartoum.

En effet, la situation géographique et l'importance politique de cette ville en font un lieu opportun et sûr pour la fondation de la première Mission catholique, car c'est aussi le chef-lieu des dernières conquêtes égyptiennes au Soudan et le centre naturel des communications entre l'Egypte et les contrées de l'intérieur de la Nigrizia.


[2844]
Il a donc été décidé d'abandonner le projet de Monseigneur Casolani qui était de suivre la voie de Tripoli et de Ghadamis.

Comme l'Evêque Casolani n'a pas voulu se conformer à cette décision, il a décliné la responsabilité de guider ladite expédition. C'est pour cela que la Sacrée-Congrégation a mis à la tête de la Mission le Père Ryllo avec le titre de Pro-Vicaire Apostolique.


[2845]
Le susnommé Dr Ignazio Knoblecher de Ljubljana, le Père Pedemonte de Gênes, de la Compagnie de Jésus et l'Abbé Angelo Vinco de l'Institut Mazza de Vérone se sont associés à la nouvelle expédition avec Monseigneur Casolani, venu en simple Missionnaire.

Le Père Ryllo a embarqué pour l'Egypte au printemps 1847 après avoir obtenu du Vice-Roi un Firman de protection auprès des chefs du Soudan. Par la voie de Philae et de Dongola, il est arrivé le 11 février 1848 à Khartoum : ville de cabanes en paille et en briques avec 15.000 habitants, dont la plus grande partie est composée d'esclaves arrachés de force aux tribus de l'intérieur.

Khartoum est située dans la Nubie Supérieure près du point de conjonction du Nil Bleu et du Nil Blanc entre le 15ème et le 16ème degré de latitude Nord et entre le 30ème et le 31ème degré de longitude Est selon le méridien de Paris. Il faut deux mois pour aller de Khartoum au Caire.


[2846]
Après avoir acheté un terrain avec quelques pauvres cabanes qui servaient d'habitation aux Missionnaires, le Père Ryllo est, tout de suite, tombé malade à cause d'une violente dysenterie ; et s'est envolé pour le repos éternel le 17 juin, laissant la direction de la Mission au Dr. Knoblecher.


[2847]
Peu de temps après, la mauvaise nouvelle des révolutions qui déchiraient l'Europe est arrivée. Propaganda Fide a fait savoir aux Missionnaires qu'elle ne pouvait plus désormais pourvoir aux besoins du Vicariat et qu'elle leur rendait la liberté de rentrer en Europe pour être ensuite envoyés dans d'autres Missions. Monseigneur Casolani, frappé par les fièvres, est retourné définitivement à Malte. Le nouveau Supérieur Knoblecher ne s'est pas démoralisé pour autant.

Il a fait cultiver le terrain acheté par son prédécesseur et y a bâti une modeste maison avec une chapelle. Il a racheté quelques esclaves noirs pour leur enseigner la Foi. Il a demandé et obtenu du Général des Jésuites, le Père Zara de Vérone et deux Frères laïques.

Et après avoir exploré plusieurs tribus du Fleuve Blanc jusqu'au 3ème degré, en laissant à la tête de la Mission un des susnommés Pères Jésuites, il est retourné en Europe et, dans sa patrie, il a obtenu les faveurs de la Cour de Sa Majesté Apostolique ainsi que des Evêques d'Autriche, et a réussi à fonder la Société de Marie à Vienne, qui, protégée par l'Empereur et enrichie de plusieurs indulgences par le Souverain Pontife avec le Bref du 5 décembre 1852, a été chargée de fournir les moyens nécessaires au maintien de la Mission.

En effet, cette Société appelée Marienverein, puissamment soutenue par l'Illustre Chanoine Professeur Mitterrutzner de Brixen, a fourni pendant plusieurs années d'abondantes ressources au Vicariat.


[2848]
Le Dr Knoblecher est allé à Rome où il a rendu compte de ses activités à la Sacrée-Congrégation, et il a été nommé Vicaire Apostolique lors de l'audience du 10 août 1851.

Il repartit, emmenant avec lui de nombreux laïcs et cinq Prêtres slaves, par la voie de Trieste et débarqua à Alexandrie le 2 septembre. Il a ensuite acheté un confortable bateau qu'il a nommé Stella Mattutina, et il est arrivé sans encombre à Khartoum à la fin du mois de décembre. Il laissa les prêtres Kociiancic et Milharcic à la tête de cette mission et il conduisit les autres dans la tribu des Baris où il a fondé la Mission de Gondocoro, située entre le 4ème et le 5ème degré de latitude Est de Paris.


[2849]
Il est inutile de donner ici la description géographique de cette région à l'Est du Vicariat Apostolique, où s'est particulièrement déployée l'action des nouveaux Missionnaires et de ceux qui les ont suivis jusqu'en 1861.

Je me dispense aussi pour le moment de parler du caractère docile de ces populations fort malheureuses qui gémissent sous le poids de l'esclavage le plus inhumain et je ne parlerai pas du métier barbare que les musulmans et les Giallabas de Nubie exercent en pénétrant, comme s'ils étaient des amis, dans le sanctuaire des pacifiques familles des Noirs et en arrachant ensuite violemment des bras maternels les garçons et les filles, parfois en tuant et en égorgeant les parents qui s'y opposent, pour les emmener comme esclaves sur les marchés du Cordofan et de Nubie et pour remplir les harems des Turcs.

Il est inutile de faire remarquer que pour supprimer cette plaie si ignominieuse pour l'humanité, les traités signés maintes fois par les puissances européennes où les rigueurs hypocrites des autorités consulaires et musulmanes ne servent à rien ; seul l'apostolat catholique actif et la prédication de l'Evangile réussiront avec le temps à triompher de cette barbarie et à détruire radicalement l'horrible traite des Noirs.

Il est aussi inutile de parler de la fertilité extraordinaire du sol des pays visités, des différentes superstitions, des traditions qu'on retrouve dans l'Ancien Testament, des coutumes des populations qui habitent le long du Fleuve Blanc, de l'idolâtrie et du fétichisme qui y dominent, des dégâts de la propagande musulmane au sein de ces tribus, et des bonnes dispositions des Noirs, surtout les jeunes, à embrasser le Christianisme.

Il est inutile de mentionner tout ce que les 32 Missionnaires ont réussi à faire dans la Nigrizia lors des sept expéditions sous la sage et intelligente direction de Knoblecher. Ces missionnaires sont presque tous morts victimes de la charité, pour le salut de ces âmes.

Un bref extrait de mon rapport sur l'histoire du Vicariat depuis sa fondation jusqu'à nos jours a été publié dans les Annales de la Propagation de la Foi en mars 1871.


[2850]
Je me limiterai à dire deux mots sur les résultats positifs obtenus sous la direction de Knoblecher jusqu'au mois d'avril 1858.

1°. On a fondé la Mission de Khartoum. La maison, très grande, et la petite église avec le vaste jardin potager entouré d'un mur, qui donne de bons produits ; tout a été construit par la Mission et a coûté plus de 60.000 écus romains.

2°. On a fondé la mission de Gondocoro ; elle est à deux mois de voyage de Khartoum. Une maison avec une belle chapelle et un jardin y ont été construits, le tout a coûté 30.000 écus environ.

3°. On a fondé la Mission de la Sainte Croix dans la tribu des Kichs entre le 6ème et le 7ème degré de latitude Nord et entre le 28ème et le 29ème degré de longitude Est par rapport à Paris, et elle est à environ 40 jours de Khartoum et à 20 jours de Gondocoro. Elle était composée d'une vingtaine de cabanes et d'une église en pisé entièrement construite par nous et qui a coûté des centaines d'écus.


[2851]
4°. On a visité toutes les tribus qui se trouvent à droite et à gauche du Fleuve Blanc, et parmi lesquelles se signalent celles des Schilluks, des Dinkas, des Gianghés, des Nuers, des Kichs, des Tuics, des Ghogs, des Eliabs, et des Baris.

On a étudié les superstitions, le caractère, et la condition sociale de ces peuples afin de trouver la façon la plus facile et le chemin le plus sûr pour les amener à la foi.

De plus, on a pratiqué la médecine et la charité pour gagner l'amitié des chefs et de tous les Noirs qui ont su distinguer le Missionnaire qui leur faisait du bien, de l'aventurier blanc qui les maltraitait et volait leurs enfants et leurs biens.


[2852]
5°. On a étudié certaines langues du pays, parmi lesquelles la langue Dinka qui est parlée dans plus de 22 tribus et par des millions d'indigènes, et la langue Bari qui est parlée par les Noirs vivant entre le 5ème degré de latitude Nord et l'Equateur.

L'Illustre Professeur Mitterrutzner a composé à l'aide de nos manuscrits et publié dans ces deux langues des dictionnaires, des catéchismes, de nombreux dialogues et la traduction des Psaumes et de l'Evangile de Saint Luc.

Les publications dans ces deux langues, dont la science en Europe ignorait même le nom, seront très utiles aux futurs Missionnaires d'Afrique Centrale.


[2853]
Enfin, cent idolâtres environ sont devenus catholiques. Et il est ici utile de remarquer qu'on a jugé bon de baptiser, sauf de rares exceptions, seulement ceux qui se consacraient entièrement au service de la Mission, et qui pouvaient ensuite être pris en charge par cette dernière et, si nécessaire, être emmenés à Khartoum ou en Egypte pour faire assurer la persévérance de leur Foi.

Des milliers d'Africains auraient embrassé notre sainte Religion, mais comme la Mission n'était pas stable à cause de la mort fréquente des Missionnaires et qu'il était difficile de maintenir le ministère sacerdotal et de s'occuper régulièrement des convertis, il a été jugé préférable d'attendre le moment où il serait possible de consolider et de perpétuer la Mission. C'est ce que m'a répété plusieurs fois Knoblecher.


[2854]
Pendant ce temps, naissaient en Europe deux nouvelles Institutions qui se préparaient pour consacrer leurs activités à former du personnel pour l'Afrique.

La première était l'Institut pour les sujets les plus brillants fondé à Vérone par le très zélé Abbé Nicola Mazza, lequel, par l'intermédiaire du défunt Monseigneur Besi a présenté en 1853 à l'Eminent Cardinal Préfet une humble pétition pour obtenir une petite part de l'Afrique Centrale à évangéliser par ses Prêtres.

Son Eminence a envoyé le requérant chez le Pro-Vicaire Apostolique pour traiter l'affaire. Après avoir tout réglé avec ce dernier, l'Institut Mazza a envoyé dans les deux expéditions de 1853 et de 1857 sept Missionnaires de Vérone dont je faisais moi aussi partie. Cinq d'entre eux sont morts, un s'est retiré définitivement dans sa patrie et le dernier, le plus insignifiant de tous, se trouve toujours, servus inutilis, sur le champ de la Mission.


[2855]
L'autre institution est celle du Père Lodovico de Casoria, Franciscain, qui a créé deux Collèges à Naples en 1854, un masculin accueillant plus de 80 jeunes noirs et l'autre féminin accueillant plus de 120 jeunes filles noires.

Le pieux instituteur éduquait ces garçons et ces filles noirs, rachetés pour la plupart par le défunt Père Olivieri de Gênes, afin de préparer du personnel pour les Missions d'Afrique Centrale.


[2856]
Alors que brillait l'espoir de consolider le Vicariat de l'Afrique Centrale, avec ces importants moyens, le Dr Knoblecher, de retour à Rome pour régler les affaires de la Mission, mourait à Naples le 13 avril 1858.

Trois jours après, son Vicaire général aussi, l'Abbé Giuseppe Gostner du Diocèse de Trente mourait à Khartoum. Les Supérieurs des Missions de la Sainte Croix et de Gondocoro ainsi que quelques Missionnaires moururent aussi en cette période.


[2857]
Le Révérend Abbé Matteo Kirchner, de retour du Fleuve Blanc en août de la même année, recevait de la Sacrée-Congrégation l'ordre de prendre en main les rênes du Vicariat. Et comme il y avait de moins en moins de Missionnaires et peu d'espoir d'en avoir d'autres pour l'avenir, il vint à Rome et il demanda quelques sujets au Révérend Père Général des Franciscains, qui pour les Instituts des garçons noirs de Naples et pour la Mission de la Haute-Egypte avait déjà fait des démarches auprès de ce Vicariat. Kirchner obtint trois missionnaires, dont le Père Giovanni Reinthaller-Ducla de Gratz, et repartit pour l'Afrique.


[2858]
Son premier souci, après avoir consulté les Missionnaires, a été d'essayer d'arracher ses compagnons d'apostolat à l'inexorable mortalité qui menaçait de disparition la Mission. Il a été décidé qu'une résidence unique et centrale serait établie à un endroit du territoire moins exposé à l'influence meurtrière du climat. Les Missionnaires iraient donc une fois par an visiter les Missions de Khartoum et du Fleuve Blanc, qui entre-temps étaient confiées à un bon et influent catholique du pays.

L'endroit choisi, dans ce but, fut Schellal, un village situé au début des cataractes d'Assouan, en face de l'île de Philae, à 1.000 kilomètres de Khartoum, au niveau de la frontière entre l'Egypte et la Nubie, à environ 40 miles au-delà du Tropique du Cancer, entre le 30ème et le 31ème degré de longitude Est par rapport à Paris.

Propaganda Fide prit en charge les frais de cette fondation, après avoir obtenu de Saïd Pacha Vice-Roi d'Egypte le terrain nécessaire pour y bâtir l'établissement.


[2859]
Mais entre-temps la mort avait frappé d'autres Missionnaires.

Le Pro-Vicaire Kirchner, effaré par tant de pertes et poussé par la nécessité d'assurer à la Mission un nombre suffisant de Missionnaires, décida de confier ce difficile Vicariat à un Ordre Religieux.


[2860]
Pour cela il est venu à Rome et avec l'accord de Propaganda Fide, il s'est à nouveau adressé au Général des Franciscains et ce dernier, avec l'appui de son Conseil a déclaré formellement être prêt à assumer entièrement la Mission si elle était déclarée appartenant aux Franciscains.

Ce projet, auquel Son Excellence le Conseiller Aulique Frédéric de Hurter, historiographe de l'Empire autrichien et Président du Comité de Marienverein à Vienne, a entièrement adhéré au profit des Franciscains, a été soutenu pour les raisons suivantes :

1°. Les avantages qu'offrait un important Ordre Religieux en mesure de fournir du personnel selon les besoins.

2°. L'Ordre Séraphique est en possession des institutions de Naples créées par le Père Lodovico de Casoria, qui sont entièrement au profit de ces contrées éloignées et difficiles.

3°. L'accord des quelques Missionnaires restés sur ces terres, presque abandonnés à eux-mêmes, craignant d'être eux aussi victimes du climat et des fatigues apostoliques, n'ayant plus l'espoir de voir arriver de nouveaux renforts, toujours moins nombreux et moins préparés, car ils doivent être recrutés à la va-vite dans des diocèses différents.


[2861]
L'actuel Eminent Cardinal Préfet a donc exposé au Saint-Père, lors de l'audience du 5 septembre 1861, son humble avis et lui a demandé d'approuver le projet, en laissant le Vicariat comme il se trouvait, mais en le confiant entièrement à l'Ordre des Franciscains selon les règles en vigueur dans les Vicariats similaires, et en continuant à le diriger par l'intermédiaire d'un Religieux Pro-Vicaire Apostolique sans caractère épiscopal, jusqu'à ce que les résultats puissent pousser la Sacrée-Congrégation à y nommer un Vicaire Apostolique Evêque.

Le Rescrit Pontifical a été favorable comme le montre le document de l'audience citée (p. 1792 vol. 139), et rédigé dans les termes suivants : "Ss.mus etc. benigne annuit, et propositam cessionem probavit et confirmavit, iuxta votum Card. Praefecti relatori." La disposition Pontificale a été communiquée au Général des Franciscains avec la lettre du 12 septembre 1861 (Vol. 352 p. 505).


[2862]
Après avoir entièrement confié la Mission à l'Ordre Séraphique, les Prêtres rescapés de l'Institut Mazza de Vérone ont dû se retirer. Cet Institut a ensuite présenté à l'Eminent Cardinal Préfet un nouveau projet visant à fonder une mission dans quelques tribus africaines, mais cela n'a pas pu se faire à cause du manque de moyens.


[2863]
Après la prise en charge du Vicariat Apostolique de la part de l'Ordre des Mineurs Franciscains, la Sacrée-Congrégation nomma Pro-Vicaire Apostolique le susnommé Père Giovanni de Ducla Reinthaller. Il reçut de nombreuses lettres d'obéissance en blanc de la part de son Général. Il se présenta ensuite dans plusieurs Couvents de Vénétie, du Tyrol et d'Autriche, et il réussit à recruter 34 Religieux Prêtres et Laïcs. Le Père Général avait auparavant adressé une lettre Circulaire aux Religieux des Provinces Franciscaines citées ci-dessus.

Cet important groupe de fils de Saint François arriva en Egypte au mois de novembre. Le Père Reithaller prit possession de Schellal à la mi-janvier 1862. Puis il partit pour installer les nouveaux Missionnaires dans les anciennes Missions. Certains sont morts pendant le voyage, et lui-même tomba malade chez les Schiluks. Ramené ensuite à Khartoum, et puis à Berber, il mourut. Ensuite, d'autres Missionnaires aussi succombèrent.

L'arrivée d'un deuxième groupe de 23 autres Franciscains n'a pas suffi à compenser ces pertes. On décida alors d'abandonner les deux Missions du Fleuve Blanc et de se retirer à Khartoum et à Schellal. Quelque temps après, on abandonna aussi cette dernière. Il ne resta que la Mission de Khartoum occupée par un seul Prêtre Franciscain, le Père Fabiano Pfeifer de Eggenthal dans le Tyrol, avec deux laïcs. Ce Père est resté isolé pendant cinq ans sans aucun compagnon Prêtre auquel pouvoir se confesser.


[2864]
Le Père Reinthaller n'a pas eu de successeur dans ses difficiles fonctions. Après sa mort, la Sacrée-Congrégation confia provisoirement la direction de la Mission au Vicaire Apostolique d'Egypte.

L'Ordre Séraphique envoya en Afrique Centrale environ 60 Missionnaires Prêtres et Laïcs ; 22 succombèrent, les autres partirent pour l'Egypte, pour la Terre Sainte ou pour l'Europe.


[2865]
En 1865 la Sacrée-Congrégation avait permis au Père Lodovico da Casoria d'occuper la Mission de Schellal avec quelques-uns de ses Frères et jeunes garçons noirs tertiaires ; j'avais été chargé de les accompagner ; mais il a dû abandonner la Mission au bout de sept mois, par faute de moyens. Les quatre-cinquièmes des garçons et de filles noirs de Naples sont morts ou ont quitté l'Œuvre. Les garçons qui restaient sont devenus Religieux ou bien inutiles à l'œuvre. Quelques jeunes filles noires sont devenus religieuses.

En un mot, l'Afrique Centrale n'a jusqu'à présent tiré aucun profit de cette sainte institution.






[2866]
De toutes les Missions du Vicariat, il ne reste aujourd'hui que celle de Khartoum, sous la direction du Père Dismas Stadelmeyer d'Innsbruck qui est assisté par le Père Hilaire Schletter du Tyrol et par deux Frères laïques. Ces deux Pères œuvrent pour les quelques catholiques qui se trouvent à Khartoum.


[2867]
Je viens donc de vous présenter un très court rapport historique du Vicariat de l'Afrique Centrale. Face à cette longue série d'épreuves et au spectacle de tant de victimes, il est normal de se poser cette question : pourquoi un si beau groupe de Missionnaires zélés, guidés par un chef aussi habile que le Dr Knoblecher, n'a-t-il pas réussi à implanter de façon stable la Foi dans aucun endroit de cette importante mission ? Pourquoi l'Ordre Séraphique, si puissant, n'a-t-il pas pu continuer une entreprise déjà installée et possédant tous les moyens ?


[2868]
L'Apostolat de la Nigrizia est en soi sans doute très ardu et laborieux.

A mon avis l'insuccès de la Mission pendant la première période, sous la direction de Knoblecher, a été causé par les raisons suivantes :

1°. En Europe il n'y avait pas de Séminaire exclusivement consacré à former des candidats pour une mission si difficile. Il faut éduquer et former l'ouvrier évangélique avant de lui confier un dur travail apostolique. Il faut lui apprendre l'abnégation et le sacrifice, et lui tracer, pour ainsi dire, la voie pour atteindre le but pour lequel il doit consumer toute sa vie. Et pour cela, il faut du temps et un travail constant.

Au contraire, les Missionnaires de Knoblecher, bien que possédant un excellent esprit et de nombreuses vertus, ont été recrutés à la va-vite dans plusieurs diocèses et ont été aussitôt envoyés dans la Mission sans qu'ils soient préparés auparavant convenablement à la grande entreprise, et sans les rendre, par une sérieuse formation apostolique, aptes à affronter les dangers et les difficultés.


[2869]
2°. En Egypte, où l'Européen peut vivre et travailler, bien que le climat soit très chaud, mais intermédiaire entre le climat de l'Italie et celui de l'Afrique, il n'y avait pas un Institut où le Missionnaire aurait pu s'habituer petit à petit à la chaleur, aux habitudes, à la nourriture et à la façon de vivre africaines.

Les Missionnaires de Knoblecher partaient d'Allemagne, où il y avait un climat très froid, et se lançaient sans étapes intermédiaires vers les pays les plus chauds du globe, s'exposant ainsi à une mort presque certaine.

Pourquoi de nombreux marchands européens ont-ils vécu et vivent-ils encore depuis de longues années en Afrique Centrale alors que les Missionnaires de Knoblecher sont morts ? C'est parce que ces commerçants, que j'ai tous connus, ne sont pas allés dans les pays sans avoir passé auparavant quelques années sur les côtes d'Afrique ou dans une des villes de la Haute-Egypte. Je crois que nos Missionnaires vivraient encore s'ils avaient fait la même chose.


[2870]
3°. Le mode de vie des Missionnaires allemands n'était pas approprié à ce climat. Il ont suivi dans la Mission leur façon de vivre en Allemagne, surtout pour ce qui concerne la nourriture comme la consommation de viande et de boissons. Ils ne pouvaient évidemment pas s'habituer brusquement à la très opportune frugalité et à la sobriété des Africains, car ils passaient trop rapidement de leur patrie à la Nigrizia. Pour pouvoir vivre en Afrique une grande frugalité de nourriture et de boissons est nécessaire. Un régime alimentaire sobre est une des conditions essentielles pour vivre longtemps dans ces régions. Et il est impossible de s'habituer à cela sans en faire l'apprentissage par une formation apostolique particulière et sans une longue pratique de l'abnégation et du sacrifice dans les Instituts préparatoires à des Missions si difficiles.


[2871]
4°. A cette Mission manquait le Clergé indigène, ainsi que de jeunes catéchistes natifs du pays pour aider les Missionnaires dans leur ministère.


[2872]
5°. Enfin à la mission faisaient aussi défaut l'élément féminin et une maison de Religieuses pour former des Institutrices noires et des femmes missionnaires indigènes qui sont indispensables dans une Mission si lointaine et si dangereuse.


[2873]
L'illustre Dr Knoblecher aurait sûrement pourvu à tout cela par la suite ; on lui doit tout de même tout le bien qui a été fait en Afrique Centrale grâce à ses grands talents, à son caractère ferme, à son inébranlable constance, à sa grande perspicacité, à son travail remarquable, à son grand esprit et à son grand cœur.


[2874]
En ce qui concerne le cuisant échec de la Mission durant sa deuxième période sous la direction des Franciscains, outre certaines des raisons que nous venons d'exposer, il me semble qu'il faudrait ajouter la raison suivante :

Pour travailler à une entreprise si difficile, que le Seigneur a voulue, ont été choisis dans l'Ordre des Mineurs les sujets les moins aptes à atteindre les objectifs.

Au lieu de mettre à la tête du Vicariat un religieux Allemand, sachant mieux prêcher que gouverner, n'ayant aucune expérience des Missions étrangères et n'étant pas habitué au climat de l'Afrique, et au lieu d'exposer aux risques d'une œuvre si difficile un groupe de jeunes religieux recrutés en hâte dans plusieurs couvents de trois vastes provinces, parlant des langues différentes et ayant des caractères différents, parfois sans même avoir entendu les Supérieurs locaux ou sans avoir suivi leurs conseils, il aurait fallu choisir parmi les membres de cet Ordre célèbre un habile Responsable qui aurait déjà passé de nombreuses années dans l'exercice du Ministère en Terre Sainte ou en Haute-Egypte (et il y en avait sûrement), et qui serait donc déjà habitué à vivre dans les pays d'Orient.

En profitant de l'aide des Franciscains, avec un plan d'action bien étudié et prudent, il aurait pu petit à petit construire des bases solides pour réussir dans sa sainte entreprise.


[2875]
Si les efforts louables et généreux des Instituts des filles et des garçons noirs fondés à Naples par le Père Lodovico de Casoria n'ont pas donné de fruits, c'est parce que généralement les Noirs ne peuvent pas vivre en Europe, même pas dans les pays du Sud, ni mûrir par une formation complète pour le ministère dans leur patrie. Ils sont arrivés en Europe accablés par les horreurs de l'esclavage, par les mauvais traitements des musulmans et par la fatigue de longs et pénibles voyages. L'air européen est trop différent pour eux, et j'ose affirmer avec conviction que l'Egypte est tout juste le pays idoine pour former les Noirs car l'expérience nous a montré que, pour de nombreux jeunes Noirs, même le climat égyptien est trop diffèrent et leur est donc nocif. Il faut aussi en Egypte prendre beaucoup de précautions pour que le séjour soit supportable aux indigènes d'Afrique Centrale devenus esclaves à cause de l'inhumaine barbarie des Giallabas.


[2876]
Puisque il semble que le célèbre Ordre des Mineurs ait l'intention de se retirer complètement du Vicariat à cause du manque de personnel, dans quelques jours je ferai donc suivre ce bref Rapport historique par un autre sur les Œuvres de Vérone et d'Egypte qui sont nées sous les auspices de Monseigneur Canossa Evêque de Vérone et de Monseigneur Ciurcia Vicaire Apostolique d'Egypte, pour aider les Missions d'Afrique Centrale.

Je conclurai en vous présentant en deux mots le plan d'action qui à mon avis devrait être suivi pour faire resurgir et prospérer ce très important Vicariat, en soumettant le tout humblement à la sagesse et aux décisions de la Sacrée-Congrégation, prêt, avec mes compagnons et ceux qui dépendent de nous, à nous sacrifier entièrement jusqu'à la mort pour cet apostolat ardu et laborieux de l'Afrique Centrale, afin de procurer, de la façon qui conviendra le mieux au Saint-Siège, le salut de ces âmes qui sont les plus malheureuses, les plus nécessiteuses et les plus délaissées du monde.

Entre-temps, j'ai l'honneur de me déclarer respectueusement



votre humble, indigne et obéissant fils

Daniel Comboni

Supérieur des Instituts des Noirs en Egypte

et Missionnaire d'Afrique Centrale






433
Chanoine Giovanni C. Mitterrutzner
0
Rome
28. 2.1872
N° 433 (405) - AU CHANOINE G. C. MITTERRUTZNER

ACR, A, c. 15/67



Vive Jésus, Marie et Joseph !

Rome, le 28 février 1872

Très cher ami et Père en Jésus-Christ,



[2877]
En vous remerciant de tout cœur pour votre lettre, pour les cartes géographiques, et la biographie de Knoblecher, etc., je vous demande un autre service.

Dans le dernier travail que je présenterai à Propaganda Fide je dois mettre en lumière le Plan que j'ai l'intention de suivre pour occuper le Vicariat Apostolique d'Afrique Centrale, quelles sont les Missions que je veux prendre, s'il est nécessaire ou non d'en fonder d'autres, quelle sera la résidence habituelle du Pro-Vicaire Apostolique, etc.

Bref, je dois expliquer à la Sacrée-Congrégation le Plan que j'ai l'intention de mettre en œuvre avec les forces dont je dispose hic et nunc.

Ces forces sont les suivantes :

9 Missionnaires Prêtres.

1 Grand Séminariste de Jérusalem, étudiant en théologie.

7 Sœurs.

20 Institutrices noires.

7 Frères laïques et 1 Africain.


[2878]
Faut-il reprendre Khartoum ? Gondocoro ? Schellal ? Le Cordofan ?

En outre, nous avons les Instituts suivants :

l'Institut des Missions pour la Nigrizia à Vérone.

L'Institut des Pieuses Mères de la Nigrizia à Vérone.

Trois maisons au Vieux Caire.


[2879]
Avec ces éléments et avec ces forces, que feriez-vous si vous étiez à ma place ? J'attends votre vénérable opinion à ce sujet.

Hier, on a commencé à imprimer les Rapports confidentiels sur l'Afrique Centrale, c'est-à-dire les Règles de l'Institut de Vérone, la fameuse lettre au Pape de la Société de Cologne, la lettre de la Marienverein de Vienne, la lettre du Général des Franciscains déclarant qu'il se retirait de l'Afrique Centrale, le Décret de l'érection canonique de l'Institut de Vérone et d'Egypte de l'Evêque de Vérone et du Vicaire Apostolique d'Egypte ; la lettre de l'Evêque de Vérone au Pape dans laquelle il demande une Mission pour nous dans la Nigrizia.

Il y a aussi mon Rapport que j'ai terminé hier de rédiger, sur toute l'histoire du Vicariat depuis 1844 jusqu'à aujourd'hui.

Tout est sous presse et je suis chargé de la correction des épreuves de cette Ponenza, qui est la deuxième sur l'Afrique Centrale, la première a été présentée au mois de janvier 1846. Je suis en train d'écrire le Plan dont je vous parle et je vous prie de m'aider.

Le nom du bien méritant Dr. G. Mitterrutzner ressort dans le Rapport sur l'Histoire africaine. Notre Rapport sera présenté à la Congrégation des Cardinaux qui aura lieu tout de suite après Pâques, et je dois me choisir un Cardinal Rapporteur ; j'en ai tout à fait le droit, etc.


[2880]
Je vous remercie pour l'argent recueilli pour moi. J'écrirai à Monseigneur Gasser à Salzbourg. Je vous prie de m'envoyer cet argent en monnaie autrichienne ou italienne à Rome, parce que j'en ai besoin ici. A Rome, directement à Piazza del Gesù, 47, 3ème étage.

Je serai ce soir à 18.00 heures chez le Pape, et je lui demanderai une grande bénédiction pour vous. Tous mes hommages à Son Altesse Révérendissime.

votre



Daniel Comboni




[2881]
P.-S. J'aimerais savoir de combien d'argent la Société de Marie peut disposer chaque année au profit du Vicariat. La Sacrée-Congrégation le demandera peut-être. Ensuite j'écrirai à tous les Archiducs, les Princes et les Nobles autrichiens que je connais pour qu'ils envoient de l'argent à la Marienverein.

Par ailleurs, j'écris également aux Princes et aux Nobles du reste de l'Allemagne pour qu'ils aident la Société de Cologne.

Je reçois aussi des aides de Lyon et de Paris, ce qui fait que les moyens entrent dans le haec omnia adiicientur vobis, et nous pouvons nous consacrer entièrement au quaerite prium regnum Dei et iustitiam eius.

Propaganda Fide s'intéresse beaucoup à l'Afrique Centrale. Le Postulatum a été le premier coup de grâce ; et la Marienverein, Cologne et l'Institut de Vérone ont été le deuxième.

Notre pauvre Abbé Beltrame, je regrette de le dire, est entré dans la Mafia des Italiens à Vérone après avoir lu la lettre du Cardinal Barnabò écrite au nom du Pape, dans laquelle Son Eminence se félicitait avec moi pour avoir renoncé à la décoration de la Couronne d'Italie, et disait ne pas pouvoir en conscience un Prêtre catho...

[N.B. : Le manuscrit est incomplet ].






434
Card. A. Barnabò (Rapport)
0
Rome
2. 3.1872
N° 434 (406) - RAPPORT AU CARDINAL ALESSANDRO BARNABO

AP SOCG, v. 999, ff. 570-581



Rome, le 2 mars 1872



LES INSTITUTS DE VERONE ET D'EGYPTE

pour la REGENERATION de la NIGRIZIA

et

PLAN D'ACTION APOSTOLIQUE

à suivre dans la reprise

du Vicariat d'Afrique Centrale



Eminent et Révérend Prince,



[2882]
Puisque l'Ordre Séraphique semble disposé à renoncer au Vicariat d'Afrique Centrale, d'après le Document du 5 janvier dernier du Révérend Père Général des Mineurs, qui se trouve dans le Sommaire N°. III, p. 10, selon le souhait de Votre Eminence, je présente ci-dessous succinctement le Plan d'action apostolique qui, à mon humble avis, devrait être suivi par le nouvel Institut des Missions pour la Nigrizia lors de la reprise de ce Vicariat difficile, si le Saint-Siège veut bien le lui confier.


[2883]
Pour cela, je dois avant tout faire quelques simples remarques :

1°. sur la situation particulière de l'Institut et sur les forces dont il peut, hic et nunc, disposer.

2°. sur la situation actuelle du Vicariat d'Afrique Centrale.

Je ferai suivre le Plan en question comme corollaire à tout cela.


[2884]
En ce qui concerne le premier point, à Vérone existent deux Instituts préparatoires masculin et féminin qui ont été créés suivant le Plan pour la Régénération de l'Afrique, exclusivement pour servir, selon les vénérables dispositions du Saint-Siège, à l'Apostolat de l'Afrique Centrale. Ces Instituts sont les suivants :

1°. L'Institut des Missionnaires pour la Nigrizia.

2°. L'Institut des Pieuses Mères de la Nigrizia.

Ces Instituts, qui marchent sous la direction et la vigilance de Monseigneur l'Evêque de Vérone et d'un Conseil Central choisi, composé des personnalités les plus perspicaces et les plus distinguées du Diocèse, ont pour but de former, avec une solide éducation, des hommes véritablement apostoliques, et de vertueuses femmes missionnaires, afin que, après un noviciat de plus de deux ans à Vérone et trois années passées dans les Maisons d'Egypte, ils se consacrent entièrement aux Missions de l'Afrique Centrale.


[2885]
La règle essentielle que ces Instituts se sont fixée, outre les autres normes prescrites pour former l'esprit et cultiver les bonnes dispositions des élèves garçons et filles, est de faire un bon choix des candidats, et de les éduquer à l'esprit de sacrifice ; de cela dépendra non seulement l'heureux début des Instituts, leur prospérité et leur durée, mais aussi leur plus grand bien et celui des Missionnaires et surtout celui des âmes et des missions qui leur seront confiées dans la Nigrizia.


[2886]
Dans l'Institut des Missionnaires, on essaie d'inculquer profondément, de graver et bien enraciner dans l'âme des candidats le véritable caractère du Missionnaire de la Nigrizia, qui doit être une perpétuelle victime de sacrifice destinée à travailler durement et à mourir, sans voir peut-être les fruits de ses efforts.


[2887]
Le Supérieur de l'Institut et le Maître des Novices font donc sentir aux élèves, dès le début, que la vie d'un homme qui, d'une façon absolue et péremptoire a brisé tous ses liens avec le monde et avec tout ce qu'il a naturellement de plus cher, doit être une vie vécue dans l'esprit et dans la Foi.

Le Missionnaire qui n'aurait pas un fort sentiment de Dieu et un vif intérêt pour Sa gloire et pour le bien des âmes, ne serait pas apte à accomplir son ministère et finirait par se trouver dans une espèce de vide et de désolation intolérables.

En effet, son travail ne sera pas toujours entouré par la dévote sollicitude, par l'ambiance favorable, presque d'admiration, qui se déploie autour du Prêtre œuvrant parmi des âmes éclairées et des cœurs sensibles.


[2888]
Ce réconfort humain peut même soutenir un zèle peu fondé en Dieu et dans la charité. Mais le Missionnaire d'Afrique Centrale ne peut et ne doit pas toujours l'espérer. Il œuvre parmi des gens qui sont abrutis par les horreurs de l'esclavage le plus inhumain, [...] dans lequel ils ont été jetés par l'adversité et l'effrayante cruauté de leurs ennemis et de leurs oppresseurs. Ces Noirs malheureux sont habitués à voir leurs enfants violemment arrachés du sein de leur mère pour être condamnés à une servitude pitoyable et perpétuelle, sans aucun espoir de les revoir. Ils voient souvent leur conjoint ou même leurs parents égorgés sans pitié sous leurs yeux.

Et puisque les scélérats, auteurs de ces horribles crimes n'appartiennent pas à leur race, mais sont des étrangers, alors, ces malheureux Africains, habitués à être toujours trahis et maltraités de la façon la plus cruelle, considèrent parfois le missionnaire avec méfiance et horreur, parce qu'il est étranger [...].

Ce dernier, au lieu de trouver une juste correspondance à son affection pour ces populations, se heurte à des résistances néfastes, à une inconstance lamentable et à de déplorables trahisons.


[2889]
C'est pourquoi le Missionnaire doit souvent placer l'espoir de récolter les fruits de son travail dans un avenir lointain et incertain ; il doit parfois se contenter de semer avec beaucoup de peine, au milieu de mille privations et dangers, en vivant un lent martyre, une semence dont la moisson ne viendra que pour ses successeurs.

Il doit se considérer comme un individu anonyme parmi d'autres ouvriers, qui n'attendent pas les résultats de leur travail personnel mais plutôt les fruits d'un travail fait en commun et par d'autres auparavant, mystérieusement dirigé et mis en œuvre par la Providence.


[2890]
En un mot, le Missionnaire de la Nigrizia doit souvent réfléchir sur le fait qu'il travaille à une Œuvre de grand mérite certainement, mais vraiment ardue et laborieuse, et qu'il n'est qu'une pierre cachée sous terre qui ne viendra peut-être jamais au jour, et qui fera partie des fondations d'un nouvel édifice colossal que seules les générations futures verront émerger du sol, s'élever petit à petit sur les ruines du fétichisme, et grandir pour accueillir en son sein les plus de cent millions de malheureux fils de Cham qui, depuis plus de quarante siècles, gémissent, soumis à l'emprise de Satan.

Le Missionnaire de la Nigrizia, totalement dessaisi de lui-même et de tout réconfort humain, travaille uniquement pour son Dieu, pour les âmes les plus délaissées de la terre, et vise l'éternité.


[2891]
Poussé par la pure vision de son Dieu, le Missionnaire a dans toutes ces situations de quoi soutenir et nourrir abondamment son propre cœur, qu'il ait à cueillir le fruit de son labeur et de son apostolat soit de ses propres mains soit de celles d'un autre ; il a ainsi le cœur réchauffé par le pur amour de Dieu, et le regard illuminé par la foi en contemplant la grandeur et l'aspect si sublime de l'Œuvre éminemment apostolique pour laquelle il se sacrifie.

Alors toutes les privations, toutes les gênes continuelles, les plus durs travaux deviennent dans son esprit un paradis sur terre, la mort même, et le martyre le plus cruel devient la récompense la plus désirée et la plus chère pour son sacrifice.

La pensée toujours tournée vers le grand but de leur vocation apostolique, insuffle nécessairement aux élèves de l'Institut le véritable esprit de sacrifice.


[2892]
Les élèves se forment à cette disposition essentielle en ayant toujours les yeux fixés sur Jésus-Christ, en l'aimant tendrement, et en essayant de toujours mieux comprendre ce que veut dire un Dieu mort sur la Croix pour le salut des âmes et en renouvelant souvent le don total d'eux-mêmes à Dieu.

En certaines circonstances de plus grande ferveur ils font tous ensemble une consécration formelle et explicite à Dieu d'eux-mêmes, chacun se vouant avec humilité et confiance dans sa grâce, même jusqu'au martyre.

Nos candidats, formés par ces principes, deviennent de dociles instruments dans les mains de Dieu et de ses Représentants légitimes, pour coopérer à cette difficile entreprise.


[2893]
Ce que je dis de l'Institut masculin se pratique aussi dans l'Institut des Pieuses Mères de la Nigrizia, dont les novices sont formées dans le même esprit.


[2894]
Je suis très content de faire remarquer à Votre Eminence que les demandes de bons sujets qui veulent actuellement entrer dans la Maison masculine de Vérone sont nombreuses ; et j'espère qu'avec l'aide du Seigneur, cette Maison pourra fournir de vrais et nombreux apôtres, au profit de la malheureuse Nigrizia.


[2895]
L'Institut des Missions pour la Nigrizia à Vérone a une maison filiale au Caire qui est consacrée au Sacré-Cœur de Jésus, elle a été fondée le jour de la fête de l'Immaculée Conception en 1867, et son but est exposé dans le Sommaire N°. IV, Article 5, p. 19.


[2896]
Dans cet Institut égyptien, qui constitue un second Noviciat et une Ecole préparatoire de pastorale pratique pour les Missionnaires d'Afrique Centrale, outre les autres disciplines, il y a l'étude spécifique de la Controverse africaine, les cours ont lieu deux fois par semaine sur les points suivants :

A. sur les aspects les plus importants et actuels du ministère des missionnaires.

B. sur les erreurs et les superstitions de l'Afrique Centrale.

C. sur les erreurs de l'Islam en général et les caractéristiques des Musulmans d'Egypte, de Nubie et des nomades de la Nigrizia de race arabe.

sur les erreurs des hérétiques et des schismatiques de toutes espèces et tous rites en général, et sur les particularités qui existent chez les hérétiques et les schismatiques d'Egypte présentées par les Coptes, les Grecs, les Arméniens, les anglicans et les Protestants.

E. sur les préjugés pernicieux qui dominent chez les Catholiques de tous rites en Egypte, et chez certains Moines et Prêtres catholiques Orientaux, ces prèjugés pouvant être un obstacle au progrès du vrai Catholicisme Romain.

F. sur les tendances pernicieuses et sur les vices qui dominent chez les Catholiques européens en Egypte, et sur la manière pratique d'y remédier.

G. sur les principes diaboliques et sur les dégâts considérables provoqués en Orient par la franc-maçonnerie.


[2897]
Grâce à ces études soignées et bien accomplies on peut mettre en place peu à peu une méthode pratique de travail pour procurer, avec la grâce de Dieu, le salut des âmes.

En outre on étudie soigneusement les erreurs, les superstitions et les fausses croyances des femmes infidèles, musulmanes et hétérodoxes pour composer ensuite une espèce de Manuel adapté aux capacités et à l'intelligence des Sœurs et des Institutrices noires afin qu'elles s'en servent efficacement pour la conversion et pour la plus grande utilité des femmes.

Cet Institut pour les Noirs est composé :

1°. des Prêtres Missionnaires ;

2°. des Clercs et Catéchistes ;

3°. des Frères coadjuteurs ;

4°. du catéchuménat pour les Noirs ;

5°. des élèves noirs ;

6°. d'une petite infirmerie pour les Noirs malades et abandonnés.


[2898]
Les Prêtres Missionnaires sont les suivants :

1°. Abbé Daniel Comboni, Supérieur, 40 ans.

2°. Abbé Pasquale Fiore, chanoine, Vice-Supérieur, 40 ans.

3°.Abbé Bartolomeo Rolleri, 30 ans.

4°. Abbé Giuseppe Ravignani, 37 ans.

5°. Abbé Stanislao Carcereri, des Camilliens, 29 ans.

6°. Abbé Giuseppe Franceschini, 25 ans.

7°. Abbé Vincenzo Jermolinski, 32 ans.

8°. Abbé Giovanni Losi, 30 ans.

9°. Abbé Pietro Perinelli, 29 ans.

10°. Abbé Calis de Jérusalem, étudiant en théologie, 21 ans.




[2899]
A dix minutes de distance de l'Institut des Noirs au Caire, il y a la Maison des jeunes filles noires, consacrée au Sacré-Cœur de Marie et fondée aussi en 1867, dans le but de former de bonnes Missionnaires indigènes pour coopérer à l'Apostolat en Afrique Centrale ; cette maison est dirigée par les Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition.


[2900]
Dans cet Institut, en plus des autres pratiques et matières d'étude présentées dans mon rapport adressé à Votre Eminence le 15 avril 1870, en plus de l'école paroissiale du Vieux Caire, exclusivement gérée par les Institutrices noires qui donnent des cours en plusieurs langues, il y a aussi une école interne où les jeunes filles noires apprennent de façon plus approfondie le catéchisme afin qu'elles soient bien formées à être de véritables Missionnaires efficaces dans leur patrie en Afrique Centrale.


[2901]
Un Missionnaire, de temps en temps, donne des cours dans cette école ; il explique alors et développe les idées et les arguments qui ont été discutés dans l'Institut masculin. Selon les matières, a lieu une espèce de débat dans lequel on apprend la méthode la plus efficace pour détourner les femmes noires de n'importe quelle superstition, et on présente les arguments et les raisonnements les plus concrets et simples pour combattre et supprimer les erreurs et les superstitions des femmes païennes et musulmanes.


[2902]
Nous avons constaté avec l'expérience que l'Institut des jeunes filles noires au Caire est un élément important de l'apostolat au profit des femmes noires demeurant en Egypte.

En voyant nos jeunes filles si bien instruites et si bien élevées, en parlant avec elles, en les entendant chanter à l'église, beaucoup de femmes, même des musulmanes, désirent devenir catholiques. Et nous, après de nombreuses mises à l'épreuve, nous les avons admises dans l'Eglise, où elles persévèrent avec constance. Ô ! combien plus utile encore sera l'œuvre de ces filles noires dans leur pays natal, en Afrique Centrale.

Cette Maison comprend :

1°. les Sœurs.

2°. les institutrices noires missionnaires.

3°. le pensionnat pour les jeunes filles noires.

4°. le catéchuménat pour les filles.

5°. l'infirmerie pour les femmes malades et abandonnées.


[2903]
Dans cet Institut, il y a, en plus des autres personnes, 20 Institutrices noires dont la moralité est à toute épreuve et dont les capacités sont remarquables.

Elles sont prêtes à exercer convenablement leur ministère en Afrique Centrale. Chacune connaît bien l'italien, le français ou l'allemand ; elles parlent toutes l'arabe et quelques-unes la langue maternelle des tribus de la Nigrizia.

Ces 20 Institutrices noires sont très habiles dans l'art d'enseigner et d'attirer leurs compatriotes à la Foi, même si ces dernières sont profondément enracinées dans leurs superstitions ou sont des fanatiques de l'Islam.


[2904]
Ces deux Instituts des Noirs en Egypte préparent des éléments indigènes pour l'apostolat d'Afrique Centrale, mais ils rendent aussi un service efficace à la Mission d'Egypte, avec l'autorisation du Vicaire Apostolique, surtout au profit des Noirs demeurant au Caire où ils gémissent dans les conditions les plus pitoyables, comme le montrent les deux rapports publiés dans le fascicule de janvier 1872 dans les Annales de la Propagation de la Foi.


[2905]
Pour fonder les Instituts de Vérone et pour faire vivre ceux du Caire érigés en 1867, j'ai dépensé la somme de 54.000 écus romains ; cette somme a été offerte par la charité des pieuses Associations Catholiques pour la Propagation de la Foi et par mes bienfaiteurs privés.


[2906]
Aujourd'hui pour reprendre en charge le Vicariat d'Afrique Centrale, nous pouvons disposer hic et nunc du personnel suivant :

8 Prêtres Missionnaires.

9 Frères coadjuteurs.

4 Sœurs, parmi lesquelles une de Bethléem.

20 Institutrices noires.


[2907]
Si on parle maintenant de la condition actuelle du Vicariat d'Afrique Centrale, il est nécessaire de faire remarquer à Votre Eminence que l'action apostolique des anciens Missionnaires, dont je faisais moi aussi partie, s'est déployée uniquement sur la partie Orientale du Vicariat, c'est-à-dire du Tropique du Cancer dans la Nubie Inférieure jusqu'à l'Equateur entre le 25ème et le 35ème degré de longitude de Paris.

Des quatre Missions fondées, il n'en reste que trois : Schellal, à plus d'un mois de voyage de la Mission de Khartoum, et à deux mois de voyage de Gondocoro, la troisième Mission. L'ancienne Mission de la Sainte Croix chez les Kichs a été détruite.


[2908]
La conquête musulmane s'est également étendue sur cette même ligne jusqu'aux sources du Nil, et la propagande protestante ne tardera pas à suivre les mêmes traces.


[2909]
Son Altesse Ismaïl Pacha, Vice-Roi d'Egypte, soit pour agrandir ses possessions, soit pour s'assurer un Royaume qui lui serve de refuge en cas de complications politiques ou à cause des manigances de Constantinople ou des manœuvres de la Russie qui pourraient lui enlever le trône d'Egypte, a déjà partiellement réalisé son dessein de conquête de l'Afrique Centrale jusqu'aux sources du Nil. Pour cela, il s'est servi des musulmans, des protestants et des francs-maçons.


[2910]
Depuis 1866 il a définitivement pris possession de la grande tribu des Schilluks, et il en a fait une province égyptienne, dont le Mudir, ou Gouverneur, réside à Hellah-el-Kakah sur la rive gauche du Fleuve Blanc au 10ème degré de latitude Nord.


[2911]
A la fin de l'année 1869, il a envoyé dans le centre de l'Afrique le protestant anglais Baker avec le titre de Pacha du Soudan, ou de la Nigrizia, avec 7 bateaux, 2.600 soldats de toutes sectes et une grande somme d'argent. Et en faisant croire aux Diplomates que le but d'une telle entreprise était d'introduire la civilisation européenne dans ces tribus, d'y abolir et d'y supprimer l'esclavage, il a fait stationner plusieurs détachements de soldats sur les points principaux du Fleuve Blanc, comme à l'embouchure du Sobat et du Bahar-el-Ghazal, chez les Dinka, les Nuers, les Kichs, les Eliabs et à Gondocoro, et il a entrepris la construction d'une route carrossable de Gondocoro jusqu'à Nyanza Albert, ou Luta N'Zige, qui est la première source du Nil découverte par lui-même en 1864, à 2 degrés de latitude de distance de Gondocoro.


[2912]
Suite à cette violente invasion, la plupart des Noirs du Fleuve Blanc se sont retirés à l'intérieur, vers l'Ouest, pour fuir l'oppression des conquérants, lesquels, malgré la grande sévérité de M. Baker, arrachent violemment du sein des familles les jeunes Noirs, enlèvent les filles, maltraitent les habitants, et pratiquent cruellement la traite des esclaves, comme me le confirment les informations que j'ai eues d'Egypte et les lettres personnelles de M. Baker publiées récemment dans les journaux allemands.


[2913]
De surcroît, le Vice-Roi d'Egypte a la ferme intention de prolonger le chemin de fer de la Haute-Egypte jusqu'à Khartoum par la route du Désert de l'Atmour, et de mettre en place la navigation à vapeur sur le Fleuve Blanc et sur les sources du Nil, qui sont de très grands lacs, où le climat est salubre et doux.

Dans quelques années il y aura donc une voie ferrée d'Alexandrie jusqu'à Khartoum, la possibilité de naviguer en bateau à vapeur de Khartoum jusqu'à Gondocoro, de circuler sur une route carrossable de Gondocoro jusqu'au Nyanza Albert et pour les Européens de faire du commerce jusqu'aux sources du Nil.

Avec ce progrès matériel (dont les Missions d'Afrique Centrale pourront profiter pour les communications), peut-être que dans ces régions lointaines arrivera l'immoralité causée par l'influence néfaste des propagandes musulmane, protestante et maçonnique. Et si l'apostolat catholique tarde à s'établir dans ces régions, il rencontrera toujours davantage d'obstacles et d'oppositions.


[2914]
Face à cette situation, en voyant le courage et la persévérance des ennemis de la Religion qui prennent les plus grands risques dans ces contrées reculées, en voyant aussi le spectacle de plus de 70 Européens dont des Allemands, des Hollandais et des Anglais participant à l'expédition de Baker, qui affrontent actuellement le climat brûlant de l'Afrique pour une gloire éphémère et pour des intérêts mondains, il me semble que le zèle catholique et l'action bénéfique de l'Eglise ne doivent pas rester en arrière.

La Mission possédant déjà une grande maison à Khartoum et un important poste à Gondocoro, qui est la base des opérations pour lancer notre action jusqu'aux sources du Nil, où le climat est salubre, et puisque nous connaissons déjà les principales langues, les coutumes et le caractère des populations qui habitent sur les rives du Fleuve Blanc, il ne serait pas bon d'abandonner le projet d'évangéliser ces vastes tribus qui constituent la partie orientale du Vicariat.


[2915]
Bien qu'il soit approprié de déployer notre activité sur cette grande ligne qui va de Schellal à Khartoum jusqu'aux sources du Nil, il ne faut pas perdre de vue le Centre du Vicariat et surtout les tribus des Noirs de l'intérieur qui habitent le Sud et le Sud-Ouest du Cordofan et du Darfour, à savoir les Teqaleh, les Djebel Nouba, les Fertit, les Birket, les Abodima, les Ming, etc., qui étant loin des centres de communication de la prétendue civilisation moderne, sont moins exposées aux néfastes influences des musulmans et des aventuriers européens, donc plus simples, plus intègres, et plus faciles à évangéliser.

La porte pour pénétrer chez ces tribus de l'intérieur est le Cordofan, dont la capitale, El-Obeïd, siège d'un Gouverneur égyptien, est reliée au Grand Caire par un service postal hebdomadaire, et peuplée principalement de Noirs provenant des tribus intérieures citées ci-dessus.


[2916]
Après avoir bien considéré toutes ces données, et bien évalué tout le travail accompli par les Missionnaires d'Afrique Centrale avec lesquels j'ai partagé pendant quelques années les fatigues de cet apostolat difficile, après avoir réfléchi sur toutes les vicissitudes, les études, les explorations et les observations perspicaces faites par le défunt Pro-Vicaire Knoblecher, que Votre Eminence connaît certainement et qui sont en partie enregistrées dans les Annales de la Société de Marie de Vienne, je ne dois pas cacher à Votre Eminence que j'ai parcouru les volumes et les œuvres écrits dans plusieurs langues de tous les voyageurs les plus célèbres, qui ont visité au siècle dernier ou récemment l'une ou l'autre partie des régions centrales incluses dans le Vicariat, en y pénétrant par le Nord, par le Nord-Est ou par le Sud. Parmi eux, et j'en ai connu quelque-uns personnellement, les noms suivants figurent dans l'histoire de l'Afrique Centrale :

Poncet, qui a exploré le pays en 1698

Pater Krumps 1701

Browne 1793-96

Hornemann 1798

Sceikh Mohammed Ebn-Omar el-Tansi 1803

Burckhardt 1816

Cailland 1817

Drovetti 1818

Edmond Stane 1819

Lyon 1819-20

Minutoli 1820

Sultan Taima 1821

Maior Denham 1822

Clapperton 1822

Oudney 1822

Mohammed Bey 1823

Rüppel 1824

Pacho 1826

Bezoni

Brocchi

Limant de Bellefont 1827-32

Prudhoe 1829

Moseki 1832

Hotroyd 1837

Russeger 1838

Thibaut 1838-60

Kotscky 1839

D'Arnaud 1840-41

Werne 1840-41

Pallme 1844

Figari 1844

Hudson 1844

Brun Rollet 1844-59

Lepsuis 1845

Dr. Penay 1846-60

Richardson 1846-51

John Petherik 1847-59

Brehm 1848

B(...)ore von Müller 1848

F. Fresnet 1848

Dr. Over 1849

Bayard Taylor 1851

Lafargue 1851-70

Barth, le plus respectable de tous 1852-64

Em. Dandol 1853

De Schlieffen 1853

Latif Effendi ou De Bono 1853-66

Vogel 1854

Malzac 1854-61

Vayssière 1854-63

Frères Poncet 1854-64

D'Escayrac de Lauture 1855

Rossi 1856

Th. de Heugling 1856-60

Hansal 1857

Hartemann 1860

Loian 1860

Karnier 1861

Speke 1862-63

Grant 1862-63

Baker 1864-72


[2917]
Pendant de nombreuses années j'ai minutieusement étudié et analysé l'essentiel de tout ce qui a été écrit par ces courageux explorateurs de l'Afrique Centrale, en faisant attention aux voies parcourues, au caractère des tribus visitées, aux traditions et à l'histoire vraie ou fausse de ces populations, et j'ai étudié quasiment tout ce qu'il est possible de savoir en Europe sur ces vastes régions très peu connues entre les frontières du Vicariat.

Après avoir tout longuement analysé et réfléchi, je suis profondément convaincu que la voie la meilleure et la plus sûre pour atteindre le but visé par le Saint-Siège, avec les forces actuelles et futures fournies par l'Institut de Vérone et d'Egypte, est celle qui est brièvement présentée dans le plan suivant.



PLAN D'ACTION APOSTOLIQUE




[2918]
Tout d'abord, je voudrais dire qu'à mon avis il est très opportun que la Sacrée-Congrégation ne fasse pour le moment aucun changement des frontières du Vicariat, et qu'elle maintienne celles établies par le Décret Apostolique du 3 avril 1846, sauf la Délégation du Désert du Sahara confiée en 1868 à l'Archevêque d'Alger ; ainsi les nouveaux Missionnaires auront un terrain plus varié et plus grand pour choisir des contrées assez salubres et pourront s'établir dans les tribus et chez les peuples les plus simples et les plus disponibles à recevoir la Foi et la civilisation chrétiennes.


[2919]
Dans la condition actuelle des pays et des populations d'Afrique Centrale, à mon avis il ne faut pas perdre de vue la partie orientale du Vicariat mais plutôt y apporter tous nos soins et, nécessairement, de concentrer en même temps le gros de nos activités dans la partie centrale de ce Vicariat, surtout au Sud et au Sud-Ouest du Cordofan et du Darfour.


[2920]
La base des opérations pour la partie orientale du Vicariat est Khartoum. La base des opérations pour la partie centrale est El-Obeïd, capitale du Cordofan. A mon humble avis, il serait bon d'envoyer quelques Missionnaires à Khartoum, et de créer en même temps une nouvelle Mission à El-Obeïd pour y concentrer petit à petit, après avoir fait des enquêtes poussées, la plus grande partie du personnel formé dans les Instituts des Noirs en Egypte.

Dans la capitale du Cordofan il y a, à ma disposition, une grande maison avec un jardin et un terrain pour y construire une église dès que Votre Eminence donnera son accord pour la fondation de cette Mission projetée.


[2921]
Les raisons pour garder la Mission de Khartoum sont les suivantes :

1°. A partir de Khartoum, on est en mesure de veiller sur les intérêts des populations du Fleuve Blanc, et d'avoir l'œil sur les résultats de l'expédition égyptienne de Baker, afin de saisir le temps et l'occasion opportuns pour envoyer des Missionnaires chez quelques-unes des tribus du Fleuve Blanc, de rétablir l'ancienne résidence de Gondocoro et de prolonger, si nécessaire, notre activité jusqu'aux sources du Nil.

2°. Khartoum est la dernière résidence d'un consul autrichien, par l'intermédiaire duquel, au besoin, les intérêts de la Mission dans toutes les grandes possessions égyptiennes d'Afrique Centrale, peuvent être protégés.

3°. A Khartoum il y a quelques catholiques dont il faut s'occuper et de nombreux Noirs à gagner au Christ.

4°. A Khartoum, en plus de la maison, nous devons nous occuper du jardin potager, et améliorer la production au profit de la Mission.


[2922]
Les raisons pour fonder une nouvelle Mission à El-Obeïd sont les suivantes :

1°. Presque tous les élèves noirs et les Institutrices africaines de nos Maisons d'Egypte sont originaires du Cordofan et membres des tribus voisines qui vivent au centre du Vicariat.

2°. Aucune secte protestante et aucune loge maçonnique n'ont encore pénétrés dans le Cordofan pour gâcher la population.

3°. Au Cordofan la présence de l'Islam est très faible, ainsi que dans les tribus arabes nomades des régions environnantes.

4°. Les habitants d'El-Obeïd sont en grande partie païens et hostiles à l'Islam.

5°. El-Obeïd est éloignée du centre d'action du Gouvernement Egyptien, elle a affaire actuellement avec la partie orientale du Vicariat, elle est donc encore loin de la néfaste influence des francs-maçons, des athées et des débauches des Européens remorqués habituellement par le Gouvernement Egyptien.

6°. El-Obeïd est en communication directe avec de nombreuses tribus du centre du Vicariat.

7°. A El-Obeïd arrivent chaque année de nombreux chefs des tribus de l'intérieur pour apporter leur tribut au Gouverneur Egyptien du Cordofan.

La Mission est donc en mesure de nouer des rapports avec ces derniers pour s'installer petit à petit dans leurs régions.

8°. Nos Missionnaires étant les premiers à s'être installés définitivement dans le Cordofan, peuvent réussir plus facilement à faire pénétrer dans l'âme de ces peuples les principes de la Foi catholique, et à neutraliser l'action des sectes protestantes, si plus tard elles aussi arrivent, pour s'installer dans ces contrées.

9°. Au Cordofan la vie n'est pas chère et l'eau y est assez bonne.


[2923]
10°. Nos Missionnaires explorateurs qui se trouvent actuellement au Cordofan me confirment toutes ces informations que j'ai depuis longtemps.

Ils ont été très bien accueillis par le Gouverneur grâce aux lettres de recommandation envoyées l'été dernier par Sa Majesté l'Empereur François Joseph Ier à son Consul Général en Egypte.

De nombreux Turcs, des païens et quelques coptes hérétiques demeurant à El-Obeïd sont allés demander à nos Missionnaires d'ouvrir une école catholique dans la ville pour instruire la jeunesse.


[2924]
Pour toutes ces raisons, il me semble donc qu'il faut occuper rapidement Khartoum, créer une nouvelle Mission à El-Obeïd, et se servir de celle de Schellal comme d'une étape vraiment opportune, en attendant d'être sur place pour juger s'il est convenable ou non d'installer définitivement, dans cette Mission, un Institut pour l'éducation des Noirs.


[2925]
Quant à la Résidence ordinaire du Chef de toute la Mission, il me semble que, pour le moment, il faudrait la fixer à Khartoum, car c'est la Mission qui possède actuellement tout le nécessaire pour les premières urgences, qui est en communication avec le Fleuve Blanc et avec le Cordofan, et qui est reliée au monde civilisé par la poste et le télégraphe.

Si, plus tard notre activité dans le Cordofan est féconde en bons résultats, il sera alors plus opportun d'établir la résidence du Supérieur dans la ville d'El-Obeïd.


[2926]
Khartoum est à deux mois de voyage du Caire, à 35 jours de Schellal, à 15 jours d'El-Obeïd, et à environ deux mois de Gondocoro.

El-Obeïd est à 40 jours de Schellal et à deux mois de voyage du Caire par la route de Dongola, située au-dessus du 18ème degré de latitude Nord, entre le 28ème et le 29ème degré de longitude Est de Paris. Dans cette ville, à mi-chemin entre Schellal et El-Obeïd. il serait ensuite opportun de fonder une mission.


[2927]
Le service postal marche très bien, sans interruption jour et nuit ; grâce à des agents spéciaux, le courrier parcourt toute la distance d'El-Obeïd jusqu'au Caire en 38 jours seulement.

L'envoyé spécial du défunt Pro-Vicaire Knoblecher allant, une fois par an, en Egypte pour prendre les Saintes Huiles chez Monseigneur le Délégué Apostolique, pourrait assurer le transport de provisions. Ce transport se faisait habituellement en 70 jours environ du Caire à Khartoum et en 4 mois et demi du Caire à Gondocoro.


[2928]



[2929]
Du reste, puisqu'on n'a encore jamais réussi à enraciner de façon stable la Foi en Afrique Centrale, et que les grandes difficultés rencontrées ont découragé non seulement les Congrégations qui étaient en mesure d'envoyer des Missionnaires dans ces régions, mais aussi la Société de Marie et tout l'empire autrichien, il est nécessaire d'aller de l'avant, pas à pas, et d'agir avec prudence et lenteur, deux conditions essentielles pour assurer de bons résultats à la sainte entreprise.

Le premier but qu'il faut viser en reprenant l'activité dans ce Vicariat difficile est de prouver avec les faits que l'établissement d'une Mission stable en Afrique Centrale est possible et faisable avec le personnel indigène qui est en train de se préparer.

Il est donc nécessaire que le territoire où l'on doit déployer notre activité soit assez vaste, de façon à pouvoir choisir les endroits qui seront les moins malaisés pour s'y installer et pour pouvoir en même temps apporter tous les soins en faveur de ces tribus et de ces peuples qui se révèlent être les plus aptes à recevoir l'Evangile.


[2930]
Quand, avec les sujets formés par nos Instituts de Vérone et d'Egypte, nous aurons prouvé, avec les faits, qu'il est possible, en divers endroits d'Afrique Centrale, de faire fonctionner une Mission et que, petit à petit, elle peut devenir stable et durable, se ranimera le zèle de la Société pour la Propagation de la Foi et d'autres illustres bienfaiteurs, et se réveillera le courage de ces Associations ecclésiastiques et religieuses qui sont en mesure de servir pour l'évangélisation de la Nigrizia.

Certaines d'entre elles, surtout de fondation récente, qui ont un bon esprit, pourraient d'ici peu y participer directement. L'Institut de Vérone, si Dieu le bénit pourra les aider de différentes manières, soit en accueillant temporairement leurs membres dans ses Maisons d'Egypte pour les acclimater et pour les préparer à l'apostolat du Centre, soit en les accueillant dans ses Missions d'Afrique Centrale, et en les aidant de toutes les manières possibles, jusqu'à ce qu'ils aient une bonne expérience pratique du ministère en Afrique pour pouvoir assumer seuls des Missions de l'intérieur qui seraient plus tard érigées par le Saint-Siège en Préfectures ou Vicariats Apostoliques.


[2931]
Je termine ce rapport en me permettant de faire remarquer à Votre Eminence l'importance capitale des Instituts des Noirs en Egypte où les candidats perfectionnent leur propre vocation, s'acclimatent et s'exercent au ministère apostolique, où se forment aussi pour l'apostolat avec le Clergé indigène, toutes les autres personnes, et où tout est mis en place pour assiéger la formidable forteresse de la Nigrizia.


[2932]
J'ajoute encore une prière à Votre Eminence pour que vous daigniez nous aider en tout avec votre sagesse, car nous avons le besoin absolu d'être guidés par l'incomparable prudence et la sagesse de la Sacrée-Congrégation.

En effet, nous sommes résolus à ne pas faire un seul pas sur ce chemin ardu et dangereux sans avoir auparavant reçu les ordres vénérables et les sages conseils de Propaganda Fide, la maîtresse absolue de nos sentiments, de nos actions et de notre vie.

J'embrasse votre Pourpre Sacrée et j'ai l'honneur de me déclarer avec respect



votre dévoué et humble fils

Abbé Daniel Comboni






435
Prop. de la Foi, Lyon
1
Rome
13. 3.1872
N° 435 (407) - A LA PROPAGATION DE LA FOI DE LYON

"Les Missions Catholiques" 146 (1872), p. 253



Rome, le 13 mars 1872

Brèves nouvelles.





436
Société de Cologne
0
Rome
29. 3.1872
N° 436 (408) - A LA SOCIETE DE COLOGNE

"Jahresbericht..." 20 (1872), pp. 54-58



Rome, le 29 mars 1872



Au président et aux membres de la Société de Cologne

pour le rachat et l'éducation des jeunes Noirs.



[2933]
Messieurs, en vous envoyant le Rapport sur la nouvelle expédition dans le Cordofan faite immédiatement après la réunion du 4 septembre de l'an dernier lors de laquelle vous avez pris la décision, riche de conséquences, de m'accorder immédiatement 2.000 francs, je me dois de vous expliquer, en quelques mots, les raisons qui m'ont poussé à réaliser cette expédition qui a donné de magnifiques résultats en si peu de temps.

Messieurs, vous avez discuté cette affaire le 4 septembre 1871, et aux paroles vous avez fait suivre les actes. Vous vous êtes prononcés en faveur du "Cordofan" et, seulement 210 jours après, le 1er avril 1872, l'expédition dans le Cordofan était accomplie et le compte-rendu de celle-ci est déjà entre vos mains !

L'Eglise et la civilisation chrétienne vous sont donc débitrices d'un merci.


[2934]
Ayant obtenu de très bons résultats dans mes Instituts pour les Noirs en Egypte, j'ai cru qu'était venu le moment d'avancer vers l'intérieur de l'Afrique, afin que, grâce aux résultats qu'on aurait obtenus, on ait la preuve plus convaincante que l'évangélisation de cette immense partie du monde est possible et réalisable, bien qu'elle ait obstinément résisté pendant de nombreux siècles aux tentatives les plus héroïques de l'Eglise et de la civilisation.

Cela, à vrai dire, n'est possible que grâce au personnel que j'ai formé dans ce but dans les Instituts du Caire, autrement dit : la régénération chrétienne de la Nigrizia doit se faire par les Noirs eux-mêmes.


[2935]
J'ai moi-même participé aux projets difficiles du défunt Pro-Vicaire Knoblecher et de ses Missionnaires, qui avaient pénétré dans la partie orientale du grand Vicariat d'Afrique Centrale, le plus vaste et le plus peuplé du monde.

A partir du Nil, nous sommes allés au-delà des Tropiques jusqu'à l'Equateur et nous y avons déployé notre activité missionnaire. Je me suis trouvé parmi les peuples du Fleuve Blanc, j'y ai fait de nombreuses explorations et j'y ai beaucoup souffert. J'ai eu des rapports personnels avec les grands explorateurs Linant Bey, M. d'Arnaud, Speke, Grant et Baker, et j'ai eu beaucoup d'entretiens avec les Giallabas et avec les marchands arabes qui sillonnent continuellement le pays et le connaissent donc mieux que les explorateurs européens. J'ai aussi étudié soigneusement toute la littérature qui a été publiée à ce sujet ainsi que les ouvrages des explorateurs depuis 1698 jusqu'à aujourd'hui.


[2936]
Je me suis convaincu ainsi que si on veut fonder une Mission, il est absolument nécessaire de l'établir loin des rives du grand Nil Blanc, c'est-à-dire à l'intérieur du pays, car l'expérience nous a appris que ces contrées près du Nil, surtout après la saison des pluies équatoriales, sont meurtrières pour la santé des Européens.

On m'avait toujours assuré qu'au Sud et à l'Est du Cordofan, il y avait des montagnes, des fleuves, des lacs et de magnifiques forêts ; ces affirmations sont tout à fait confirmées par les renseignements que je viens de recevoir et par les explorations précédentes.


[2937]
Par conséquent, le Cordofan convient admirablement bien pour la fondation d'une Mission qui deviendrait le centre d'action apostolique pour recommencer à prêcher l'Evangile et à porter la civilisation à ces nombreuses tribus des régions équatoriales qui vivent encore dans les ténèbres du paganisme.

Il me semble que le choix du Cordofan a été le meilleur, vu que la plupart des élèves de nos Instituts d'Egypte qui proviennent des tribus des régions centrales sont passés par le Cordofan.


[2938]
Pour mieux vérifier l'exactitude de ces observations et de ces informations, j'ai pensé qu'il serait, tout de même, prudent et utile d'envoyer avant tout dans le Cordofan quatre explorateurs, sous la direction du très zélé Père Carcereri, pour sonder le terrain et pour voir s'il serait possible de fonder une Mission quelque part dans le Cordofan avec l'aide des coadjuteurs indigènes. Ainsi grâce à eux on établirait un centre d'action pour l'apostolat à l'intérieur de la Nigrizia.


[2939]
Je leur ai suggéré de prendre le chemin à travers le désert de l'Atmour et de passer par Khartoum, et je leur ai demandé de faire des recherches approfondies sur les conditions actuelles des contrées du Fleuve Blanc, de recueillir des informations sur les résultats de la dernière expédition de Son Altesse le Khédive vers Gondocoro et les sources du Nil, sous la conduite de Samuel Baker, et en même temps de trouver le moyen le plus sûr et le plus facile pour pénétrer dans le Cordofan. Les résultats de ces recherches ont dépassé mes attentes.

Nos quatre explorateurs sont arrivés au bout de 82 jours, sains et saufs, dans la capitale du Cordofan, El-Obeïd qui, d'après le Père Carcereri, est une ville de 100.000 habitants, dont les deux tiers sont des esclaves noirs encore païens.

Cette grande ville est sise sur un haut plateau et son climat semble être bon.

De là, il est facile d'aller petit à petit dans les tribus du Sud et du Sud-Ouest ; ainsi, plus tard avec nos élèves indigènes des Instituts d'Egypte, on pourra résoudre le grand problème consistant à faire de ces habitants d'Afrique Centrale des chrétiens et des hommes civilisés. Pour atteindre ce but on a travaillé en vain jusqu'à présent depuis 18 siècles.


[2940]
Messieurs, maintenant je m'adresse à vous en vous suppliant pour vous pousser à lancer un appel ferme à tous les catholiques allemands, à toutes les associations catholiques et surtout aux Evêques, qui sont si zélés et si charitables, non seulement pour accroître les moyens de secours, qui concernent la Société de Cologne qui est l'auteur de cette grande œuvre de régénération chrétienne de la Nigrizia, mais aussi pour recommander à tous les membres de cette pieuse Société pour le rachat et l'éducation des pauvres Noirs, d'adresser tous les jours pour nous de ferventes prières à Dieu tout-puissant, afin que, dans son infinie miséricorde, Il daigne bénir nos pas et nos efforts en faveur de ces populations, que nous allons chercher maintenant dans leur propre pays.

Le salut des 100 millions de pauvres fils de Cham qui peuplent le vaste espace interne de l'Afrique peut dépendre de la fondation de cette Mission dans le Cordofan.


[2941]
Quant à moi et à mes compagnons de mission, vous savez que c'est avec une grande joie que nous consacrons notre vie au bien de cette partie du monde, encore quasiment inconnue et dans le malheur, pour la gagner à Jésus-Christ. L'unique programme que nous voulons accomplir, avec l'aide de Dieu et avec toute la prudence et la circonspection humaines, est le suivant : "OU LA NIGRIZIA, OU LA MORT". "AUT NIGRITIA AUT MORS"

Recevez, Messieurs, l'assurance de ma reconnaissance la plus grande pour votre aide envers notre Œuvre et pour la généreuse charité de tous les membres.

C'est avec une immense estime et affection que j'ai l'honneur de me déclarer



votre très obligé

Abbé Daniel Comboni

Directeur des Instituts des Noirs en Egypte

Texte original allemand.






437
Card. Alessandro Barnabò
1
Rome
3.1872
N° 437 (1157) - AU CARDINAL ALESSANDRO BARNABO

AP SOGC, v. 999, f. 553



Rome, Mars 1872

Mots d'introduction de Comboni à l'appendice de la Ponenza





438
Prop. de la Foi, Lyon
0
Rome
1. 4.1872
N° 438 (409) - A LA PROPAGATION DE LA FOI DE LYON

APFL, Afrique Centrale



Vive Jésus, Marie et Joseph !

Rome, le 1er avril 1872

Au Président et aux Membres du Conseil

de l'Œuvre de la Propagation de la Foi

Messieurs,



[2942]
En vous envoyant le Rapport officiel sur la nouvelle expédition du Cordofan accomplie par mon brave Missionnaire le Père Carcereri, je dois vous informer qu'ayant constaté les bons résultats de nos Instituts des Noirs en Egypte, j'ai pensé que le moment était venu de pénétrer vers le Centre de l'Afrique, pour démontrer avec les faits que l'évangélisation de cette immense partie du monde, qui a résisté pendant de nombreux siècles à tous les efforts généreux de l'Eglise catholique et de la civilisation chrétienne, est possible et réalisable, par les indigènes formés dans nos maisons d'Egypte, c'est-à-dire que selon mon Plan, la Régénération de la Nigrizia est possible par la Nigrizia elle-même.

La laborieuse activité du défunt Pro-Vicaire Knoblecher et de ses Missionnaires, à laquelle j'ai moi aussi participé, était toute au profit de la partie orientale du Vicariat de l'Afrique Centrale, c'est-à-dire sur la ligne du Nil du Tropique du Cancer jusqu'à l'Equateur.


[2943]
Me trouvant depuis plusieurs années parmi les Noirs du Fleuve Blanc, après avoir beaucoup voyagé à l'intérieur de l'Afrique et ayant aussi étudié en profondeur les écrits de tous les plus grands explorateurs de l'Afrique Centrale depuis 1698 jusqu'à aujourd'hui, je me suis convaincu qu'il faut essayer d'établir une Mission à l'intérieur de la Nigrizia près des Petites Montagnes, loin des rives du Nil Blanc. En effet ces contrées, après la saison des pluies équatoriales, sont néfastes pour la santé des Européens.

Or, d'après les renseignements que j'ai reçus, j'ai trouvé que le Cordofan pouvait admirablement convenir pour y fonder une importante Mission qui soit le centre de l'action apostolique pour répandre la prédication de l'Evangile chez les nombreuses populations noires d'Afrique Equatoriale qui gémissent encore dans les ténèbres du paganisme, et cela d'autant plus que presque tous les élèves noirs des Instituts d'Egypte viennent du Cordofan et des tribus voisines.


[2944]
Mais pour mieux vérifier le bien-fondé de mes recherches, encouragé par le Père Carcereri et par tous mes Missionnaires d'Egypte, j'ai cru prudent et nécessaire avant tout, d'envoyer quatre explorateurs dans le Cordofan sous la direction du pieux et zélé Père Carcereri, pour sonder le terrain et pour voir s'il était possible de réaliser une Mission quelque part à l'intérieur du Cordofan, et de créer un Centre d'action pour travailler efficacement à l'apostolat de ce grand et laborieux Vicariat.

Je leur ai ordonné de suivre la route du désert de l'Atmour et de Khartoum afin de recueillir les informations les plus exactes possibles sur la condition actuelle des régions du Fleuve Blanc que j'avais visitées en 1858 et en 1859.

Je leur ai aussi demandé de m'informer sur les résultats réels de la dernière expédition de Son Altesse le Vice-Roi d'Egypte à Gondocoro et aux sources du Nil, commandée par M. Samuel Baker, et de prendre aussi connaissance de la route la plus sûre et la plus facile pour pénétrer dans le Cordofan.


[2945]
Les résultats de cette exploration ont dépassé mes espérances.

Les quatre explorateurs sont arrivés sains et saufs, après 82 jours de voyage, dans la capitale du Cordofan, El-Obeïd, qui, d'après le Père Carcereri, est une ville, peuplée de 100.000 habitants, dont les deux tiers sont païens et esclaves.

Cette grande ville est située sur un plateau où le climat est supportable, et d'où l'on pourra s'installer petit à petit dans beaucoup de tribus du Sud et de l'Ouest, de façon à résoudre le grand problème de l'évangélisation de l'Afrique Centrale, grâce aux sujets indigènes que nous formons en Egypte, ce qui a été impossible jusqu'à aujourd'hui comme nous le montrent les faits et l'histoire pendant 18 siècles.


[2946]
Quand les affaires que je traite actuellement avec Propaganda Fide seront résolues et que Monseigneur Canossa, Evêque de Vérone, chef de mon Œuvre, et Monseigneur Ciurcia, Vicaire Apostolique d'Egypte, et la Sacrée-Congrégation de Propaganda Fide m'en donneront la permission, je partirai du Caire pour Khartoum et le Cordofan avec une grande caravane de Missionnaires, de catéchistes, d'agriculteurs, d'artisans, de Sœurs et d'Institutrices noires.

Et nous arborerons là-bas pour la première fois l'étendard de la Croix, là où la lumière de l'Evangile n'a jamais brillé.


[2947]
Messieurs, je m'adresse à vous, les larmes aux yeux et avec toute l'ardeur de mon âme, pour vous supplier instamment de venir à notre secours, non seulement par une aide financière importante, mais aussi en recommandant aux pieux associés de la Propagation de la Foi d'élever chaque jour des prières ferventes vers Dieu Tout-Puissant, afin que, dans sa miséricorde infinie, Il daigne bénir nos pas et nos laborieuses démarches pour la conversion des peuples de l'Afrique Centrale. Le salut de cent millions de malheureux fils de Cham, de cet immense Vicariat gisant encore dans l'ombre de la mort dépend de la fondation de la Mission du Cordofan, ainsi que de nos Instituts pour les Noirs en Egypte.


[2948]
Mes chers compagnons de ce grand apostolat qui viennent de l'Institut des Missions de la Nigrizia à Vérone et moi-même, nous sommes trop heureux de consacrer toute notre vie et de mourir pour cette partie du monde quasiment inconnue. Le programme perpétuel, que nous exécuterons avec prudence et sagesse, aidés par la grâce de Dieu, sera toujours le suivant : "Ou la Nigrizia ! Ou la mort !" (Aut Nigritia, aut Mors !).

Dans l'attente, je vous envoie, Messieurs, le Rapport officiel de l'exploration de mes Missionnaires que mon cher confrère Carcereri vient tout juste de m'envoyer de la capitale du Cordofan.

Messieurs, veuillez accepter l'assurance de mon respect et de ma reconnaissance éternelle avec lesquels j'ai l'honneur de me déclarer



votre très dévoué serviteur

Abbé Daniel Comboni

Supérieur des Instituts des Noirs en Egypte



Texte original français, corrigé.






439
Mgr. Giuseppe Marinoni
0
Rome
11. 4.1872
N° 439 (410) - A MONSEIGNEUR GIUSEPPE MARINONI

APIME. v. 28, pp. 17-21



Vive Jésus, Marie et Joseph !

Rome, le 11 avril 1872

Monseigneur,



[2949]
J'ai reçu votre lettre il y a huit jours et je n'ai pas répondu tout de suite parce que je ne connaissais pas encore la date de mon départ.

Ici, à Rome, je suis sur des charbons ardents car je ne peux pas partir tout de suite en Egypte.

Notre Eminent Cardinal m'a promis que, lors de la première Congrégation des Cardinaux du mois d'avril, mon Rapport serait examiné. En vue de cela un Sommaire de 87 pages est déjà imprimé depuis plus de vingt jours. Au chargé des minutes il ne reste à faire que le résumé en se basant sur ce Sommaire.


[2950]
Mais bien que notre bon Giacobini chargé des minutes soit toujours sollicité et pressé par moi, jusqu'à présent et pour différentes raisons il n'a pas encore fait ce travail ; entre-temps la Congrégation a été fixée pour le 15 de ce mois et mon Rapport ne pourra pas être examiné. L'Eminent Barnabò, Monseigneur Simeoni et Giacobini m'ont assuré que cette affaire sera traitée, à la prochaine réunion des Cardinaux à la fin du mois d'avril ou au début du mois de mai. Moi je dois attendre ! J'espère pouvoir repartir à la mi-mai. Cependant je ne suis sûr de rien car les fainéants de Rome ne se pressent pas trop ! Mais à vrai dire, notre Giacobini est brave et travailleur ; il est actif auprès de Propaganda Fide, du Professorat, de plusieurs Cercles Catholiques etc.


[2951]
His positis, quid faciendum ? Si le jeune candidat peut attendre un mois ou un mois et demi, je serais heureux de l'accompagner en Egypte ; s'il ne peut pas attendre, je pense que, comme il est venu seul à Rome, il pourra également partir seul jusqu'à Trieste et embarquer à bord de la Lloyd's.

Je peux le recommander à Monseigneur Schneider, Prévôt du Chapitre. Je peux ensuite faire venir du Caire à Alexandrie un de mes Missionnaires pour l'accueillir et le conduire au Caire ou le faire accompagner jusqu'à Suez, etc.

Bref, vous n'avez donc qu'à commander et je serai prêt à vous obéir.

Si je quitte Rome sans avoir réglé mes affaires, elles risquent d'attendre jusqu'aux calendes grecques. Vous savez bien comment cela se passe ici.


[2952]
Dans tous les cas, donnez-moi vos ordres. Dès que je connaîtrai le jour de la discussion de mon Rapport, je vous écrirai parce que je pourrai alors fixer la date précise de mon départ. Saluez tout le monde de ma part.

Quant au Bulletin, je l'ai donné à mes Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition, Piazza Margana, et j'ai prié la Supérieure de le distribuer chez les Dames Romaines qui sont liées à son Institut et qui travaillent pour l'Œuvre Apostolique des Missions dont elle est la Présidente.

La semaine dernière ont été distribués plus de 200 chasubles, des calices et une grande quantité de linge pour l'église, etc. ...

J'ai parlé de vos besoins, mais je suis arrivé trop tard. Chaque année, au mois de janvier, faites une demande pour toutes vos Missions et vous aurez, chaque année, des parements sacrés, des vases etc.

La Supérieure s'est immédiatement abonnée pour avoir le Bulletin et elle espère trouver des associés. Voici son adresse :

Révérende Mère Supérieure

des Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition

18, Piazza Margana, Rome

En espérant vous écrire rapidement, je me recommande à vos prières et je me déclare dans les Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie



votre humble et dévoué fils

Abbé Daniel Comboni

Missionnaire Apostolique




[2953]
P.-S. Je félicite l'Abbé Scurato pour sa nouvelle nomination. Mais je félicite surtout votre pensée pleine de générosité.

Dans le cas où il y aurait des émeutes il serait bon que le jeune candidat aille à Trieste et se présente à Monseigneur Schneider en mon nom. Ensuite, nous lui ferons poursuivre le voyage.

Le Pape est en excellente santé et plein d'espoir.






440
Père Germano Tomelleri
0
Rome
24. 4.1872
N° 440 (411) - AU PERE GERMANO TOMELLERI

APCV, 1458/306



Vive Jésus, Marie et Joseph !

Rome, le 24 avril 1872

Très cher et Révérend Père,



[2954]
Jusqu'à présent je n'ai pas répondu à votre aimable lettre du 7 avril dernier parce que j'ai été malade et que j'ai eu beaucoup de choses à faire.

Je vous remercie de tout cœur de votre bonté pour m'avoir donné de sages conseils, et je vous assure que je saurai en tirer profit.

Vu toutes les épreuves que ma Supérieure a surmontées, l'Evêque, l'Abbé Squaranti, moi-même et tous ceux qui l'ont connue, sont de l'avis que c'est une femme remarquable et je crois qu'elle soutient la comparaison avec Sœur Oberbizer et Sœur Nespoli qui, d'après moi, sont les Supérieures les plus solides de Vérone. Espérons que cela dure.


[2955]
Quant à Angela Rossolani, j'ai entre les mains la lettre qu'elle m'a écrite lors de la Semaine Sainte, dans laquelle elle m'a dit qu'elle était heureuse d'être dans mon Institut, et où elle me supplie, les larmes aux yeux, de l'accueillir définitivement (parce que je ne l'ai accueillie que provisoirement).

Mais comme elle était, non seulement trop vieille, mais aussi maladive, et puisqu'elle voulait manger de la viande le vendredi et le samedi, qu'elle était extrêmement bavarde, et de surcroît pas du tout idoine et apte à devenir religieuse, j'ai ordonné qu'elle soit renvoyée chez elle. Elle a résisté pendant un mois, mais comme elle a fini par se quereller avec la Supérieure, cette dernière s'est résolue à lui lire mes lettres et finalement elle est partie. Si elle n'a pas été capable de rester dans un couvent à Brescia quand elle était jeune, comment peut-elle y rester maintenant alors qu'elle est vieille et maladive ?


[2956]
Quant aux autres qui se sont présentées, elles ont toutes été des bonniches qui voulaient entrer chez nous pour assouvir leur faim, et j'ai donc ordonné de n'en recevoir aucune. Seules donc les deux novices, que j'y avais laissées, se comportent bien et sont très contentes. Je ferai venir des postulantes étrangères bien motivées. On ne convertira pas l'Afrique avec les bonnes de Vérone.

Il est nécessaire d'établir la Maison Mère à Vérone, dans la ville, pour que la Supérieure puisse bien examiner les candidates. Montorio deviendra une maison filiale.


[2957]
Hier, j'ai reçu du Cordofan une lettre datée du 6 mars. Le Père Carcereri et Franceschini se portent très bien et sont contents. Ils ont une grande maison à El-Obeïd, ville de 100.000 habitants, où nous espérons implanter une grande Mission. Le 12 février, j'ai reçu le rapport officiel de l'exploration, qui a été imprimé à l'imprimerie secrète de Propaganda Fide.

Quand je viendrai à Vérone, je vous informerai au sujet de tout. En attendant, tout le monde va très bien à El-Obeïd et j'espère les embrasser au mois d'octobre prochain. Franceschini est fort comme un lion. Mais depuis leur départ du Caire, ils n'ont plus reçu de nouvelles de notre part, excepté un télégramme via Khartoum. Les lettres se sont peut-être perdues. Priez pour moi et pour eux.

Aujourd'hui, j'ai vu le Saint-Père qui est en excellente santé. J'ai vu aussi Baccichetti et Guardi. Saluez tous les confrères de ma part et je vous prie de transmettre tout de suite la lettre ci-jointe au Père Carcereri.

Priez pour



votre affectionné et reconnaissant

Abbé Daniel Comboni