Comboni, en ce jour

Dans une lettre à Elisabetta Girelli (1870) de Vérone l’on lit:
Nous sommes unis dans le Sacré-Cœur de Jésus sur la terre pour être unis ensuite au Paradis pour toujours. Il faut courir à grands pas sur les chemins de Dieu et de la sainteté, pour ne s'arrêter qu'au Paradis.

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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
351
Père Luigi Artini
0
Rome
25. 3.1870
N° 351 (329) - AU PERE LUIGI ARTINI

APCV, 1458/247



Rome, le 25 mars 1870

Révérend Père,



[2197]
Je vous demande une grâce spéciale, et il faut que vous me l'accordiez. Je vous prie de m'envoyer à Rome par retour du courrier le Rapport que le Père Stanislao vous avait envoyé par l'intermédiaire de Bachit, à propos de l'Apostolat des Noirs en Egypte et des progrès de notre Œuvre pendant la deuxième année.

Comme je dois présenter, d'ici une semaine, un Rapport à Propaganda Fide sur l'économie et sur les progrès de l'Œuvre, ce rapport du Père Stanislao peut donc m'être utile. J'ai laissé mon exemplaire en Egypte parce que le Père Stanislao, sur la base de celui-ci et de celui imprimé à Turin, doit en rédiger un pour la Propagation de la Foi de Lyon et de Paris. Quand ce rapport sera imprimé, on imprimera celui que l'on m'envoie à Turin ; les Français sont très jaloux. Dès que je m'en serai servi, je vous l'enverrai par la poste ou je vous le porterai moi-même, même si pendant mon séjour à Rome, nous le publions dans le "Museo."

J'irai donc à la poste tous les jours jusqu'à ce que je le reçoive, parce que j'en ai vraiment besoin et qu'il me facilitera la tâche.


[2198]
Ce matin, j'ai vu Tezza ; il souhaite vivement aller au Caire. Le Frère Giuseppe m'a dit que le Cardinal, lors d'un voyage dans son carrosse, lui a parlé favorablement .

Aujourd'hui j'ai reçu la très longue lettre du Père Stanislao datée du 18 de ce mois. A Rome on parle en bien de ce fils incomparable, Monseigneur Canossa en est très content ; c'est un vrai Père et Chef de l'Œuvre. Vous verrez que d'ici un an on réalisera beaucoup de projets, et Saint Camille nous accordera de nombreuses grâces.


[2199]
Ayons confiance en Dieu ; il faut rire des hommes et des saints qui sont encore vivants, ce qui importe c'est l'Eglise, le Pape, Rome, le zèle pour la gloire de Dieu et une bonne conscience, tout le reste et tous les autres peuvent être foulés aux pieds.

J'embrasse avec déférence vos mains, et avec tout le respect et l'affection filiale je me déclare



votre humble et dévoué

Abbé Daniel Comboni






352
Card. Alessandro Barnabò
0
Rome
3.1870
N° 352 (330) - AU CARD. ALESSANDRO BARNABO

AP SC Afr. C., v. 7, f. 1360



Vive Jésus, Marie et Joseph !

Rome, mars 1870

Eminent Prince,



[2200]
Comme j'ignore l'adresse actuelle dans la Ville Eternelle de notre vénérable Vicaire Apostolique, je me permets d'envoyer à Votre Eminence le Rapport ci-joint sur le Vicariat de l'Afrique Centrale, que ce même Prélat, mon Supérieur, m'a vivement recommandé de rédiger.

Votre Eminence, qui est si charitable, voudra bien me pardonner si j'ose vous demander de lui faire parvenir ce document, mais prenez votre temps.

Je vous présente mes hommages, j'embrasse votre Pourpre Sacrée, et je me déclare



votre humble et dévoué fils

Abbé Daniel Comboni






353
Père Luigi Artini
0
Rome
10. 4.1870

N° 353 (331) - AU PERE LUIGI ARTINI

APCV, 1458/253

Vive Jésus, Marie et Joseph !

Rome, le 10 avril 1870

Très cher et Révérend Père,

[2201]
Je vous remercie infiniment des rapports que vous m'avez envoyés et que j'ai bien reçus. Ici à Rome ils ont été lus par de nombreuses et illustres personnalités, qui ont admiré dans la personne du Père Stanislao un très digne fils de Saint Camille. Dans le rapport que j'ai remis à la Sacrée Congrégation de Propaganda Fide, je me suis fait un devoir de parler des grands services que le Père Stanislao rend à la mission et je lui ai consacré une page de louanges comme il le méritait, le Cardinal en tiendra compte.

Barnabò semble avoir vraiment changé d'avis par rapport à ce qu'il pensait auparavant. Il avait mille raisons d'être perplexe, car à cause d'un ennemi, et de nombreuses personnes influencées par ce dernier, la Mission de l'Afrique Centrale avait été tellement discréditée, qu'il devait certainement nourrir une certaine crainte. Mais quand quatre Evêques sont allés lui dire ce qu'il en était réellement, quand de nombreuses personnes, témoins oculaires, lui ont dit la vérité, le Cardinal m'a dit qu'il était content que tout se passe bien, et il interviendra en fonction de ce qu'il verra clairement dans mon rapport.


[2202]
Louange à Dieu qui mortificat et vivificat.. Je vous souhaite de bonnes fêtes de Pâques, ainsi qu'au digne Père Tomelleri, à tous, au frère Bonzanini (J'étais allé le saluer à l'église des Saints Vincenzo et Anastasio, mais le sacristain au "Paradis"était le frère Bonomini).


[2203]
Le Frère Bertoli est à Rome, et nous l'avons accepté au Caire, mais il faut la permission de l'Evêque, qui a quelques doutes. Monseigneur Cavriani m'en a fait de grands éloges, et il me l'a recommandé, mais j'aimerais connaître votre avis.

Si vous approuvez sa vocation à l'Apostolat, je m'occupe de la solution de la controverse. Je vous prie donc, en votre âme et conscience de me donner votre avis, pour que je sache à quoi m'en tenir.

Vendredi avec Monseigneur l'Evêque je suis allé chez le Pape ; il m'a accueilli comme un Père et il a fait allusion aux déplorables événements du monastère où se trouvaient les jeunes Africaines et à l'ex Vice-Gérant Archevêque de Petra, etc.

Il m'a dit qu'il était réconforté par les progrès de la Mission et des jeunes Noires ; puis il a ajouté : "Que le Seigneur fasse grandir la sainte œuvre, qu'il la fasse grandir". Il répéta cela quatre fois, etc. etc.


[2204]
Le Père Zanoni est venu me voir et il est resté trois heures avec moi. Nous avons parlé de choses banales puis il m'a proposé d'aller à Tripoli et, de là, pénétrer en Afrique Centrale, de trouver un époux pour les jeunes Africaines, etc. Je lui ai répondu que je n'avais pas besoin de ses conseils, et que j'ai d'autres personnes qui m'en donnent. Puis il demanda : " Le Père Stanislao est-il devenu raisonnable ?"

Je lui ai répondu aussitôt qu'une telle question était l'indice que lui (le Père Zanoni) n'était pas devenu raisonnable. Puis il me demanda : " Pourquoi n'avez-vous pas répondu à mes lettres ? " "Parce que - ai-je répondu - je ne devais pas y répondre. Si vous saviez tout ce que je sais, à ma place, vous n'auriez pas répondu non plus ". Il a voulu continuer mais je lui ai coupé aussitôt la parole. S'il a quelque chose à dire, qu'il aille chez le Pape, à Propaganda Fide, chez l'Evêque de Vérone ou même chez son Général et je leur donnerai les réponses nécessaires.

Je ne veux pas discuter avec lui, sauf pour le ramener sur le bon chemin, ou bien s'il veut se confesser et faire pénitence de ses pêchés.


[2205]
Nos deux missionnaires du Caire ont écrit une magnifique lettre au Père Guardi, lettre de véritables fils et religieux. Je l'ai transmise aussitôt au Père Guardi qui l'a lue avec empressement. Mais à vrai dire, l'autre jour, l'Evêque l'a vu assez démoralisé. Je n'y comprends plus rien !

Les propos du Père Guardi et du Père Tezza sont beaux, mais je ne suis pas sûr de leur sincérité. Je reste sur mes gardes, parce que je ne vois clair chez aucun des deux. L'expérience de nombreuses années m'a enseigné la plus grande prudence.

Je ne trouve pas chez les Pères Guardi et Tezza, les qualités des Pères Stanislao et Franceschini qui sont de véritables religieux. Moi je suis habitué à aller de l'avant en toute loyauté. On veut me faire croire que le Père Tezza est cor unum et anima sola avec le Père Zanoni, qui vit ici à Rome, et se promène souvent tout seul.

On remarque qu'ici aussi on garde la plus grande prudence avec ces deux individus, c'est mieux ainsi.

Monsieur Girard, rédacteur de Terre Sainte (que l'Evêque avait nommé son représentant en France) est venu me voir. Il m'a dit que nous étions discrédités en France, et que dans quelques lettres le Père Zanoni avait déclaré que notre Œuvre s'était écroulée à cause de l'immoralité. Il m'a dit qu'il pouvait me monter les lettres qu'il a à Grenoble. Je lui ai répondu qu'il était fou, tout comme celui qui lui avait écrit ces lettres.


[2206]
En France nous sommes à l'apogée, nous recevons des secours en argent et en nature. L'Œuvre des Ecoles d'Orient me donne de l'argent ; la Propagation de la Foi de Lyon m'a donné 10.000 francs et m'a écrit hier une magnifique lettre, et j'espère qu'elle me donnera une belle somme d'argent si je réussis à convaincre Propaganda Fide. A Lyon on tient prêt mon Rapport et j'ai écrit qu'un autre arrivera du Père Stanislao (je lui ai demandé de faire un seul rapport avec les deux autres, l'un imprimé à Turin, et le deuxième est celui que j'ai reçu).

Ici à Rome j'ai découvert deux nouveaux complots pour nous abattre. De l'un je vous parlerai de vive voix, et de l'autre voici brièvement quelques mots.

Le rédacteur de Terre Sainte (à Paris, je lui avais donné mon opinion sur son journal qui parle trop en mal des Franciscains et qui exagère à propos des Orientaux), a dit qu'il voulait nous écraser puisque je lui avais interdit, jusqu'au moment opportun de parler de notre Œuvre dans son journal (parce que la Propagation de la Foi et l'Œuvre des Ecoles d'Orient ne sont pas favorables à cet homme et à son journal la "Terre Sainte"). Son plan consistait à installer au Caire les religieux et les religieuses de la Congrégation des Trinitaires de France, et de nous évincer avec les Sœurs de Saint Joseph. (Le Père Zanoni avait parlé en mal des Sœurs de Saint Joseph, en disant qu'elles n'étaient que propres-à-rien etc. Je ne peux cependant affirmer si, en France, il a écrit des lettres contre les Sœurs).


[2207]
Le Provincial des Trinitaires a fait imprimer un manifeste confirmant son engagement avec l'Abbé Comboni pour la régénération de l'Afrique, et affirmant que Comboni partage son idée de s'implanter au Caire etc. ; pour cela il demande de l'argent pour fonder une maison à Cerfroids, près de Paris, et pour construire le Couvent de Saint Félix de Valois. Je ne savais rien de tout cela, et je ne l'ai cru que quand j'ai pu lire de mes propres yeux le manifeste. Le fait est que le Père a recueilli beaucoup d'aumônes et qu'il construira bientôt son Couvent, même avec l'argent donné pour les Instituts des Noirs en Egypte. Transeat.

Il paraît que Monsieur Girard a écrit à l'Evêque de Vérone en disant que l'Abbé Comboni est zélé, plein d'enthousiasme (? ?), mais quant à la prudence... quant à la discipline ... il n'en a pas trop. Il a proposé que l'unique personne qu'on pourrait mettre à la tête de l'Œuvre soit le Père Callisto... le Supérieur des Trinitaires.


[2208]
L'Evêque en a tenu compte... mais quand il a parlé à Rome avec l'honnête homme Monsieur Girard... il a changé d'avis, et on n'en parle plus. Le Père Callisto prit une bonne dérouillée. Le Général des Trinitaires l'avait laissé faire à condition qu'il ne compromette pas le nom d'une personne qui appartenait à l'Institut des Trinitaires, mais maintenant il a l'intention de le confiner dans un couvent pour qu'il y vive comme un bon religieux.

Monsieur Girard est tombé de la lune quand je lui ai dit que je m'occupe moi-même de mes affaires, que je ne veux pas les mêler avec celles des Trinitaires, et que j'ai deux Camilliens saints et bons... "Comment ? - a-t-il dit - on ne m'a pas parlé en bien de ceux-ci ". J'ai conclu alors qu'il vaut mieux ne pas avoir affaire aux Trinitaires et à Monsieur Girard, qui est un homme très zélé, son cœur est bon mais sa tête est perverse. Il est resté humilié, et il m'a prié de demander à l'Evêque d'écrire une lettre pour son Journal, mais je ne le ferai jamais.


[2209]
Nous avons confiance en Dieu, nous gardons notre attachement à Propaganda Fide ; l'Evêque de Vérone est très zélé, et nous restons attachés à lui comme vous l'avez dit.

L'Evêque a fait un bel éloge au Pape des deux Camilliens du Caire, et le Saint-Père en a été très satisfait. Mais l'Evêque a peu confiance en la personne du Père Guardi. Je suspends mon jugement, et je reste sur mes gardes.

En revanche, je suis heureux de communiquer avec vous, mon Père, et je crois plus en vous qu'en tous les Camilliens de Rome, parce que vous aimez vraiment les missions. Je n'ai jamais douté de vous. J'ai toujours eu une profonde vénération pour vous depuis que vous êtes venu à San Carlo pour y prêcher les Exercices Spirituels. Ce que vous avez fait est dû aux circonstances, mais j'ai toujours été le même envers vous. A Vérone nous sommes plus sincères que ceux de Rome. Un ongle du Père Stanislao vaut davantage que tous les Pères de Rome ; celui-ci est un véritable religieux.


[2210]
J'ai donc confiance en Dieu, et je compte beaucoup sur les nôtres qui sont au Caire et sur vous. L'Evêque vous salue de tout cœur. Bonnes fêtes aussi au Père Bresciani. Je prie pour vous tous les jours. Hier j'ai reçu une lettre de Stanislao datée du 1er avril. Au Caire tout le monde se porte bien. Bénissez votre pauvre



Abbé Daniel






354
Abbé Gioacchino Tomba
0
Rome
18.4.1870

N° 354 (332) - A L'ABBE GIOACCHINO TOMBA

AMV. Cart. "Missione Africana"

Rome, le 18 avril 1870

Mon très cher Abbé Gioacchino.


 

[2211]
Je saisis cette occasion propice pour vous envoyer mes salutations, mes hommages et pour vous souhaiter de bonnes Fêtes à vous et à tous les membres des deux Instituts.

Je suis venu à Rome pour les affaires de mon Œuvre. J'ai préparé un Postulatum au Concile pour attirer l'attention de l'Eglise sur la façon d'ouvrir les portes de l'Eglise à la malheureuse Nigrizia, et j'ai de nombreux Archevêques et Evêques qui en parleront au moment voulu pendant le Concile.

Au Caire mes trois Instituts marchent très bien, et dans les trois maisons il y a 14 catéchumènes de 15 à 38 ans. Je viens de recevoir du Caire les vœux de nos jeunes filles que je dois vous transmettre à vous, et à toutes les filles de l'Institut. Toutes nos filles, abque ecceptione, cheminent comme il faut, sont animées par l'esprit missionnaire et ont une grande affection pour l'Institut qui les a élevées.

Je suis allé chez le Pape avec notre Evêque, il a demandé à Sa Sainteté de mettre un écriteau sous nos parements présentés à l'Exposition Romaine, pour qu'il indique que ces magnifiques travaux ont été exécutés par les jeunes filles pauvres de l'Institut Mazza de Vérone. Le Pape fut d'accord, et le jour même l'Evêque a porté l'écriteau à l'Exposition ; j'ai parlé de cela à de nombreuses Altesses Royales et Impériales qui sont à Rome et elles ont admiré ces travaux exécutés pour Leurs Majestés de Prague.


[2212]
Comme l'Evêque ne m'avait rien dit (il me l'aurait dit sans doute plus tard ), s'il m'est permis de vous donner un conseil, je pense qu'il faudrait que vous écriviez quelques mots pour remercier l'Evêque, surtout parce que c'est lui qui a donné des informations au Journal de l'exposition pour faire l'éloge des travaux et des filles qui les ont exécutés. Je dis cela, car, d'après ce que je sais, personne ne l'a remercié. L'Evêque m'avait montré un grand nombre de lettres reçues de plusieurs Instituts de Vérone pour lui souhaiter de bonnes fêtes, mais je n'ai rien entendu a propos de notre Institut, si ce n'est quelques éloges de telle ou telle autre personne.


[2213]
Recevez mes hommages affectueux. Saluez de ma part les Prêtres, les Institutrices, et Betta, beaucoup de salutations de ma part à l'Abbé Cavatoni.

Il y a eu des querelles terribles entre les Pères du Concile à propos de l'infaillibilité du Pape et aussi quelques comportements peu édifiants de la part de ceux qui étaient contre l'infaillibilité. La conclusion est que les Evêques d'Italie sont les plus radicalement attachés au Saint-Siège, après il y a les Espagnols, les Américains, les Irlandais, les Anglais etc. etc. Les derniers sont les All....ands, dont beaucoup sont cependant des défenseurs acharnés de la Papauté et de l'Infaillibilité.

Le "Josephinisme", "le Césarisme" et le "Gallicanisme " en sont l'origine.

Ces disputes sont arrivées à un tel point que la définition de l'Infaillibilité est nécessaire, sinon personne n'y croirait.

Nous sommes un peu en difficultés avec les Evêques Orientaux qui ont du mal à renoncer à leur prétendu droit de nommer leurs Evêques, ce droit sera dorénavant réservé au Saint-Siège. Il y aura quelques défections parce que les Consulats et les Représentations diplomatiques européennes favorisent le schisme. Mais nous mettons notre confiance en Dieu.



Votre affectionné

Abbé Daniel Comboni






355
Card. A. Barnabò (Rapport)
0
Rome
4.1870

N° 355 (333) - AU CARDINAL ALESSANDRO BARNABO

AP SC, Afr. C. ; v.7, ff. 1378-1392

Rome, avril 1870

RAPPORT

à la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi

sur l'Œuvre naissante

de la Régénération de l'Afrique par l'Afrique elle-même

Eminent Prince,

[2214]
Si je n'ai pas jugé opportun jusqu'à présent de présenter à Votre Eminence le tableau général sur les progrès de l'Œuvre présidée par l'Illustre et Révérend Monseigneur Luigi Marquis de Canossa, Evêque de Vérone, dont je suis le représentant bien que j'en sois indigne, c'est parce qu'il ne faut pas se présenter devant le tribunal suprême de Propaganda Fide avec de simples projets, aussi louables soient-ils. L'expérience m'a appris qu'il est nécessaire d'y aller avec des faits réels et positifs.

La fondation d'un Institut, son Règlement, son action apostolique, ses ressources, sa stabilité doivent être prouvés, mis à l'épreuve, assurés, et ceci ne se fait qu'avec le temps et avec la maturité nécessaire. Les chefs suprêmes peuvent alors compter sur du solide, délibérer en toute sécurité, et décider sans compromettre ni l'autorité ni la dignité de l'Eglise.

C'est pour cela qu'après avoir commencé cette sainte Œuvre, fait les premières expériences et donné les preuves suffisantes pour concevoir des espoirs fondés de voir la réussite de celle-ci, je me présente à Votre Eminence, avec la logique des faits et de solides bases.


[2215]
Ce qui a été fait jusqu'à présent a été accompli en franchissant d'importants obstacles, des difficultés, et tout cela malgré les temps difficiles que nous vivons et en suivant la prudente réserve de Propaganda Fide qui a sagement jugé qu'il était opportun de ne pas donner son accord moral et son appui formel à une Œuvre qui n'en est qu'au stade expérimental.

La fermeté constante des deux Prélats qui la président à Vérone et en Egypte et l'heureuse concordance des membres des Instituts, ont soutenu énergiquement, avec l'aide de la grâce, la sainte Œuvre qui, j'en suis sûr, obtiendra l'appui tant souhaité de la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi.


[2216]
Pour donner une idée du progrès de cette œuvre qui a pour but d'implanter de façon durable la Foi en Afrique Centrale et de conduire la malheureuse Nigrizia dans la bergerie du Christ, je parlerai :

Des Instituts naissants d'Egypte qui sont nés sous les providentiels auspices de Monseigneur Ciurcia.

II. Des petites Œuvres de Vérone présidées par Monseigneur Canossa

III. De la nécessité que les Œuvres naissantes d'Egypte et de Vérone fonctionnent et se développent de façon simultanée afin d'atteindre, petit à petit, le but fixé.



I. Les Instituts pour les Noirs en Egypte.




[2217]
Je dois avant tout dire qu'après avoir obtenu l'autorisation formelle, avec une lettre autographe du Vicaire Apostolique à l'Evêque de Vérone datée du 2 août 1867, d'installer en Egypte des Instituts pour les Noirs, il aurait mieux valu, avant de transférer au Caire les missionnaires, les Sœurs et les jeunes Africaines selon ma première intention, que je m'y rende seul pour mettre en place les deux maisons ; je serais ensuite retourné en Europe pour conduire le groupe en Egypte, et pour l'installer dans les deux maisons préparées.

Mais après l'épisode inattendu et les pénibles événements que j'ai dû vivre avec le précédent Vice-Gérant Monseigneur Castellacci, comme Votre Eminence le sait, et pour éloigner les funestes conséquences qui auraient pu compromettre pour toujours ma personne et l'Œuvre-même, j'ai été contraint de me jeter dans les bras de la Providence et de conduire tout le groupe en Egypte.

A Rome j'ai dû faire face à d'énormes dépenses, car je n'ai pas reçu en temps voulu toutes les jeunes Africaines du Monastère des Viperesche, ainsi qu'à Marseille, pour maintenir pendant 40 jours une partie du groupe qui s'y était déjà rendu. Toutes ces dépenses m'ont empêché de prendre au Caire deux Maisons suffisamment éloignées l'une de l'autre.


[2218]
Alors, à l'exemple de nombreux Instituts de France, j'ai pris en location le Couvent des Maronites au Vieux Caire, qui est formé de trois maisons séparées ; j'ai installé les hommes dans une maison, les femmes dans une autre, et les Pères Maronites ont gardé la troisième pour eux.

J'ai établi un Règlement sévère et adapté aux deux communautés, lesquelles, bien qu'éprouvées par de longues et terribles maladies, fonctionnaient assez bien.

Il n'y aurait rien eu à redire, si n'avait pas eu lieu le douloureux accident du quinquagénaire Père Zanoni, Camillien.

Pour des raisons importantes et prudentes, comme je l'ai expliqué dans ma lettre du 22 septembre 1868 de Paris, j'avais confié la cure spirituelle de l'Institut Féminin au Père Zanoni. La Providence a veillé avec un amour plein de sollicitude sur les pauvres Instituts. Avec l'aide de la grâce divine, d'une vigilance accrue et de la vertu ferme et bien enracinée des jeunes Africaines, il ne s'est rien passé de grave par rapport à ce que cet imprudent religieux avait provoqué. Ce fut plutôt pour nous tous une solennelle leçon, un avertissement salutaire pour rester sur nos gardes, pour nous méfier de tout et pour avancer avec beaucoup de prudence dans l'avenir.


[2219]
Son Excellence le Vicaire Apostolique, dans sa paternelle sagesse, avait délégué, pour le représenter auprès de nous, le Révérend Père Pietro de Taggia Curé du Vieux Caire, et ancien missionnaire franciscain expérimenté dont le zèle apostolique et la piété sont singuliers. Ce dernier a été chargé de veiller sur nous et de nous aider par sa sagesse, son autorité. D'accord avec lui j'ai pris une grande bâtisse près du Nil et nous l'avons convenablement divisée avec son approbation et sous ses yeux. J'y ai installé séparément les deux petites communautés et j'ai établi un Règlement bien adapté qui a été suivi à la lettre. Une telle solution ne devait être que provisoire, car quand je suis revenu d'Europe où je m'étais rendu avec l'autorisation du Vicaire Apostolique, j'ai cherché une nouvelle maison pour les missionnaires. Je n'ai pas cessé de chercher, même après les refus humiliants et répétés que j'ai dû essuyer des Turcs et des hérétiques qui rejetaient mes demandes ou demandaient jusqu'à 9.000 francs par an de location ; mais j'ai finalement trouvé une maison à 12 minutes de la première, et j'y ai installé l'Institut masculin. J'ai alors promulgué le Règlement (Annexe A, ) dont l'essentiel a été suffisamment observé depuis le début de la fondation.


[2220]
Les Règles définitives d'un Institut sont toujours le fruit de longues observations et de l'expérience. Les Règles que j'ai définies ne sont que le résumé substantiel de la conduite à suivre des Missionnaires, car j'avais la ferme intention de déterminer, par la pratique et par l'expérience de façon plus réfléchie, le Règlement le plus approprié pour l'Institut et de le soumettre à la Sacrée- Congrégation pour la suprême sanction du Saint-Siège.

Je me suis parfaitement rendu compte dès le début de la délicatesse de ma position autant à l'extérieur qu'à l'intérieur de mes petits Instituts.


[2221]
Dociles aux providentiels conseils du sagace Représentant du Saint-Siège, les Instituts et moi-même sommes restés sous son regard paternel. J'ai bien pu comprendre sa délicate position dans cet important et difficile apostolat qui embrasse tant d'éléments si différents.

J'ai eu affaire aux Révérends Pères Franciscains et aux autres corps moraux de la mission, au Gouvernement égyptien, aux autorités Consulaires de France, d'Autriche et d'Italie, au Clergé des divers rites orientaux, aux sectes protestantes et hérétiques, aux musulmans et à la Franc-maçonnerie dominante. Le chef d'un nouvel établissement doit avoir l'œil vigilant à tout cela, en agissant avec la plus grande prudence.


[2222]
Je n'ai pas tardé à comprendre aussi ma délicate position vis-à-vis des personnes composant les Instituts dont j'étais responsable : il y avait des religieux Camilliens dont la forme d'institution n'est pas identique à celle des Prêtres séculiers, des Sœurs françaises et italiennes, de jeunes Africaines rachetées par plusieurs bienfaiteurs et éduquées selon les Règles de différents Instituts ; ils étaient tous des éléments hétérogènes, que je devais mettre en parfaite harmonie, et ramener prudemment à une seule pensée sous un seul drapeau. J'ai donc étudié avec soin le caractère, les tendances, le niveau de vertu et les capacités de chacun afin de bien diriger toutes ces personnes et de pouvoir me servir de celles qui pouvaient être utiles au bon fonctionnement de l'Œuvre.


[2223]
Parmi elles, j'ai surtout étudié le Père Stanislao Carcereri, et j'ai trouvé qu'il était un homme de conscience, de caractère, d'ordre et de fermeté ; c'est un excellent connaisseur du Plan de l'Œuvre, très zélé et capable de bien s'occuper d'un Institut. Comme toute la responsabilité des Etablissements pèse sur moi, vu que la malice du monde est immense et que la perfidie du démon engendre des ennemis même dans l'air qu'on respire et que je peux mourir d'un jour à l'autre, j'ai nommé ce digne religieux Vice-Supérieur des Instituts, et je l'ai choisi comme témoin de tous mes agissements. J'ai donc pris l'habitude de communiquer toutes les affaires d'une certaine importance au Père Carcereri ou au Représentant du Vicaire Apostolique, le Père Pietro, qui m'a fait profiter de ses conseils.


[2224]
Je n'ai pas omis non plus de soumettre aussi aux autres compagnons Prêtres tout ce qui était d'une certaine importance pour les Instituts, dans le but d'initier chacun d'entre eux à la connaissance et à la pratique des affaires de l'Œuvre (ce qui sera très utile dans l'avenir quand elle se développera davantage).

Chaque avancée, chaque action, chaque affaire concernant les Instituts ont été d'abord mûrement méditées et réfléchies, diligemment soumises à consultation, discutées et au nom du Seigneur, ont été par moi décidées. Je dois cette pratique salutaire tout d'abord à Dieu et ensuite à la rectitude, à l'unanimité, à l'obéissance de mes compagnons et au bon ordre et à l'harmonie (comme dans n'importe quel Institut d'Europe) qui règnent dans mon Institut. A tout cela je dois l'avantage que mes compagnons seraient capables de diriger un Institut.

Je connais bien l'esprit et le cœur de mes compagnons, et ils ont toute mon estime et mon affection. Nous n'avons tous qu'une seule pensée, nous sommes prêts à sacrifier notre vie par amour de Dieu, de l'Eglise et de la malheureuse Nigrizia.


[2225]
Nous sommes tous prêts, Eminence, à mourir même comme martyrs de la Foi ; mais nous voulons mourir pour de bonnes raisons, c'est-à-dire, en agissant sagement pour le salut des âmes les plus délaissées de la terre, en nous exposant pour elles aux plus grands dangers de mort avec la prudence, la discrétion et la magnanimité qui conviennent à de véritables Apôtres et Martyrs de Jésus-Christ.

Après avoir présenté ces notions générales, je veux parler plus précisément des Instituts et de leurs moyens de subsistance.

En Egypte il y a trois petites Maisons de l'Œuvre :

1. L'Institut masculin.

2. L'Institut féminin.

3. L'Ecole féminine du Vieux Caire.



1. Institut du Sacré-Cœur de Jésus pour la régénération de l'Afrique




[2226]
C'est le nom de l'Institut masculin dont l'horaire est présenté dans l'Annexe B

Les buts principaux de cet Institut sont les suivants :

1. L'éducation religieuse, morale, intellectuelle et technique des jeunes Africains, afin de leur apprendre la Foi, la morale, les sciences et les métiers qui sont nécessaires en Afrique Centrale ; après avoir été éduqués, ces jeunes devront retourner dans leurs tribus pour y être les apôtres de la Foi et de la civilisation des peuples noirs sous la direction des Missionnaires européens.


[2227]
2. Permettre aux Missionnaires et aux Frères coadjuteurs européens de s'acclimater afin qu'ils soient davantage capables de supporter le climat et les fatigues apostoliques dans la Nigrizia.


[2228]
3. Un autre but est de permettre aux Missionnaires européens d'étudier l'arabe, les langues des Noirs et les autres idiomes nécessaires à la mission ; de connaître les mœurs de l'Orient et les coutumes des musulmans à qui ils auront toujours affaire, même en Afrique Centrale ; de s'exercer à la manière de se comporter vis-à-vis d'un monde corrompu, et des autorités gouvernementales et consulaires ; de leur donner l'occasion d'apprendre un peu de médecine et l'artisanat de première nécessité, et d'étudier surtout les moyens les plus adaptés et la façon de gagner les âmes à Dieu.

En un mot l'Institut est pour le Prêtre une école d'expérience et d'épreuve pour bien apprendre à agir en Missionnaire, pour exercer comme il convient le ministère pastoral en Afrique Centrale.


[2229]
4. La temps passé dans l'Institut est une espèce de stage pour s'assurer si les Missionnaires et les Frères coadjuteurs qu'on veut envoyer dans la Nigrizia sont bien pourvus du haut degré de chasteté à toute épreuve, de la Foi, de l'humilité, de l'abnégation, la constance, la charité et des vertus apostoliques, qui sont nécessaires pour affronter les missions ardues et périlleuses de l'Afrique Centrale, afin qu'ils ne courent pas le risque d'être convertis... au lieu de convertir... ne cum aliis praedicaverint, ipsi reprobi efficiantur.


[2230]
Le but secondaire de l'Institut est l'évangélisation de la race éthiopienne demeurant en Egypte qui, d'après l'Annuaire Officiel 1869-1870 de Levernay, compte 25.000 individus rien qu'au Caire.

En outre, l'Institut exerce son ministère pastoral en Egypte, selon les autorisations et les facultés qu'il reçoit du Vicaire Apostolique, pour le bien de la Colonie Européenne ou des Indigènes de n'importe quel rite et croyance.


[2231]
En ce qui concerne les Noirs d'Egypte, jusqu'à présent, nous nous sommes limités à convertir ceux qui sont chez des familles catholiques, en laissant de côté, pour le moment, les Noirs hérétiques et les musulmans, que nous n'avons même pas approchés ; nous ne nous sommes occupés que des malades et des abandonnés que la Providence a guidés vers nos établissements.


[2232]
Les Noirs vivant chez les familles catholiques sont presque tous musulmans ou païens. La raison de cette plaie qui frappe la race éthiopienne en Egypte, même là où le catholicisme règne, est due à la négligence séculaire et traditionnelle des patrons catholiques, qui ne s'intéressent pas du tout au salut éternel de leurs domestiques éthiopiens qu'ils considèrent comme des choses, ou ne veulent absolument pas qu'ils deviennent catholiques. Il y a deux raisons principales à cela : 1. parce que les Noirs qui sont catholiques deviennent libres, et leurs maîtres ont donc peur qu'ils se dérobent à leur service. Au contraire, nous avons démontré que les Noirs devenant catholiques, sont davantage fidèles à leurs maîtres.

La deuxième raison est que si les Noirs deviennent catholiques, et que le maîtres, pour n'importe quelle raison ne les veulent plus, ils ne peuvent pas les vendre aux musulmans pour en obtenir de l'argent.

Je me ferai un devoir de vous présenter d'ici peu un rapport particulier et détaillé de cet apostolat de notre Institut, et Votre Eminence pourra prendre connaissance de la malheureuse condition de la race éthiopienne en Egypte, même des Noirs des familles catholiques ou de n'importe quel rite. Vous comprendrez quels sont les obstacles et les difficultés que le ministère sacerdotal le plus avisé rencontre ici ; vous pourrez imaginer la prudence et la discrétion nécessaires pour obtenir quelques fruits, et quels résultats positifs peut obtenir l'Eglise.

Vous pourrez aussi tirer la conclusion, même si l'apostolat des Noirs en Egypte n'est que le but secondaire de l'Institut, qu'il est à lui seul une mission importante.


[2233]
L'institut masculin comprend, à petite échelle :

1°. Le groupe des missionnaires ;

2°. Le groupe des Frères coadjuteurs ;

3°. Le Catéchuménat et le pensionnat des jeunes Noirs ;

4°. Une petite infirmerie pour les Noirs.


[2234]
Voici en bref le mode de vie des missionnaires.

La vie du missionnaire qui a rompu, de manière absolue et péremptoire, toutes les relations avec le monde et avec ce qu'il avait de plus cher, doit être vécue dans l'Esprit et dans la Foi. Puisqu'il est consacré par la Foi et la charité à la conversion des âmes, il faut qu'il ait en lui, en plus d'un zèle solide et sincère, un pur amour et la crainte de Dieu, une bonne maîtrise de ses propres passions ; que prévalent en lui clairement la ferveur pour les réalités spirituelles et le souci de la vie intérieure et de la perfection.

Il est donc prescrit au missionnaire de l'Institut des Noirs de suivre les règles suivantes pour acquérir sa propre sanctification :

1. Observance rigoureuse du Règlement et de l'Horaire.

2. Messe et Office Divin quotidiens, et Confession hebdomadaire.

3. Prières le matin et le soir en commun, et Chapelet.

4. Méditation le matin, en commun, pendant une heure.

5. Examen de conscience, lecture spirituelle, Visite au Très Saint-Sacrement ou à... la chapelle, et Communion Spirituelle privée.

Acte de Consécration ad Iesum Apostolum des propres travaux et de sa... propre vie, qui se fait en commun matin et soir.

Lecture quotidienne, pendant les repas, du Nouveau Testament et des vies des Martyrs et des Saints, ou de célèbres et distingués missionnaires.

8. Exercices spirituels annuels de 10 jours pendant le Carême, et récollection... mensuelle le vendredi après le premier Dimanche de chaque mois.

9. Pendant les mois de mars et de mai, exercices de piété tous les soirs, Neuvaines, Octaves, Triduum, avec prédications et panégyriques au Très Saint-Sacrement, à l'Enfant Jésus, au Sacré-Cœur de Jésus, à la Sainte Famille, à l'Immaculée Conception, aux VII douleurs, au Sacré-Cœur de Marie, aux Saints Apôtres et Martyrs, à Saint Pierre et à Saint Paul, à Saint Joseph, à Saint François Xavier, à Saint François d'Assise, à Saint Antoine de Padoue, à Saint Louis de Gonzague, à Saint Camille, à Sainte Thérèse, aux Saints Africains, à la Bienheureuse Alacoque, pour l'Eglise, pour le Souverain Pontife pour la Propagation de la Foi, et surtout pour la Régénération de l'Afrique.

10. Exercices personnels de piété pour chacun.




[2235]
En ce qui concerne l'étude pour la sanctification des âmes, sont prescrites aux missionnaires les règles suivantes :

1. Etude fréquente des Saintes Ecritures, de la Théologie Dogmatique, de la Morale, du Droit Canonique, de la Catéchèse, de l'histoire de l'Eglise, de l'histoire des Missions, et de la Controverse.

La Controverse est une matière d'étude particulière pour les missionnaires et elle comprend :

a) l'étude des aspects les plus urgents et actuels du ministère sacerdotal.

b) l'étude des erreurs et des superstitions païennes en Afrique Centrale.

c) l'étude des erreurs et des superstitions de l'Islam en général ; des particularités des musulmans d'Egypte et de Nubie, et des Arabes nomades de l'Afrique Centrale.

d) l'étude des erreurs des hérétiques et des schismatiques de tous les genres et de tous les rites en général, et des différentes particularités qui existent entre les hérétiques et les schismatiques d'Egypte, c'est-à-dire les Coptes, les Grecs, les Arméniens, les Anglicans, les Protestants, etc.

e) l'étude des préjugés pernicieux chez les catholiques d'Egypte, et même chez les moines orientaux ; préjugés qui peuvent être un obstacle au progrès du véritable catholicisme de Rome.

f) l'étude des tendances pernicieuses et des vices chez les catholiques d'Egypte.

Grâce à cette étude soignée, on peut déterminer et établir, petit à petit, une méthode de travail avec laquelle on peut obtenir le salut des âmes, avec la grâce de Dieu et beaucoup de prudence.

2. Etude approfondie de la langue arabe, française et denka qui est la plus répandue en Afrique Centrale.

3. Etude de l'histoire, de la géographie, de l'agronomie et des coutumes de la Nigrizia.

4. Etude de la médecine, de la phlébotomie, de la botanique, de la pharmaceutique et des autres sciences et métiers nécessaires pour la Nigrizia.

5. Apprentissage des soins spirituels et physiques aux malades.

6. Exercices, dans les Instituts des Noirs, de prédication et d'administration des Sacrements.


[2236]
J'ai gardé pour moi seul la direction générale des Instituts in omnibus et quoad omnia, et le règlement des affaires extérieures, surtout avec les Consulats et le Gouvernement égyptien, la correspondance avec l'Europe et les sociétés bienfaitrices.

J'ai dévolu la surveillance de l'Institut, en mon absence, au Père Carcereri, auquel j'ai également confié la gestion des trois maisons et l'administration des Sacrements aux Sœurs et aux jeunes Noires, qui connaissent l'italien.

L'Abbé Bortolo Rolleri, homme de grande piété, précis, ordonné, doué d'un bon jugement et possédant un excellent esprit, est chargé de l'école (4 heures par jour) des jeunes Noirs, dont la surveillance, en dehors de l'école, est confiée à lui-même, au Père Franceschini, au Frère Rossi et à Domenico, un excellent Africain de 40 ans.

Le Père Franceschini est chargé de la chapelle, de l'administration de l'Institut masculin, des dépenses ordinaires et de l'école des arts et métiers pour les jeunes Noirs. Franceschini est un jeune missionnaire offrant de beaux espoirs.

Le Père Carcereri lui donne des cours de Théologie. Le Père Pietro, notre Curé, donne des cours d'arabe aux missionnaires, et moi j'enseigne le français et le denka.


[2237]
L'Institut masculin aide la paroisse du Vieux Caire pour tout ce qui est requis par le Père Pietro de Taggia, digne Représentant de notre Vénérable Monseigneur le Vicaire Apostolique. Nous lui sommes redevables de la sollicitude la plus charitable et la plus paternelle.

Les charitables et bons Pères de Terre Sainte sont aussi très attentifs à notre égard, surtout le Père Gardien du Couvent du Caire, qui est un homme de bon conseil, de jugement et très prudent ; ainsi que le Gardien d'Alexandrie qui nous prodigue un grande charité et une affection généreuse.


[2238]
La Maison de l'Institut masculin, avec ses trois appartements séparés et l'église, la plus belle et la plus grande du Vieux Caire, occupent la totalité du Couvent des Maronites. J'ai pris le couvent en location pour trois ans, au prix de 700 francs par an, avec l'obligation de faire quelques réparations. Il est à environ 10 minutes à pied des deux Instituts féminins, également situés à dix minutes de distance l'un de l'autre.



2. Institut du Sacré-Cœur de Marie




[2239]
C'est ainsi que j'ai appelé l'Institut des jeunes Noires confié aux Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition, dont l'Horaire est présenté dans l'Annexe C.

Le but principal, et le but secondaire de cet Institut sont les mêmes que l'Institut masculin, sauf quelques différences qui sont dues à la nature et à la mission spéciale de la femme catholique destinée à coopérer avec les jeunes Noires à l'Apostolat en Egypte ou dans la Nigrizia.


[2240]
Cet Institut comprend :

1°. Le groupe des Sœurs ;

2°. Le groupe des jeunes missionnaires noires ;

3°. Le groupe des aspirantes à devenir missionnaires et assistantes ;

4°. Le Catéchuménat ;

5°. Un petit hôpital pour les Noires.

Puisque nos Sœurs et nos Missionnaires noires, pour accomplir leur apostolat, sont exposées à de grands dangers, je tiens à tout prix à ce que tout soit mis en œuvre pour qu'elles acquièrent toutes les vertus spécifiques de chaque Ordre régulier, c'est-à-dire que pour le travail, elles doivent être de parfaites Filles de Saint Vincent de Paul, pour l'oraison et le détachement elles doivent être de parfaites Salésiennes, et pour l'instruction de parfaites Ursulines et des Filles du Sacré-Cœur. Petit à petit nous y réussirons.


[2241]
Pour atteindre leur propre sanctification, les Sœurs dont je suis le Supérieur ordinaire, sont tenues d'observer fidèlement les Règles de leur Institut.

En plus elles dirigent et assistent les jeunes Noires des différents groupes, surtout les Missionnaires, dans les pratiques religieuses suivantes qui ont pour but de leur procurer la sanctification :

1. Observance fidèle du Règlement.

2. Prières (en partie composées par nous en fonction de la mission) en commun le matin, pendant la journée et le soir.

3. Méditation en commun le matin pendant une demi-heure.

4. Examens de conscience, Visite au Très Saint-Sacrement ou à la chapelle, Communion spirituelle, lecture spirituelle pendant la journée et à table, au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner. Tout cela, en commun. Puis, elles garderont le silence à certains moments établis.

5°. Confession hebdomadaire, et Communion suivant l'avis du Confesseur.

6°. Explication de l'Evangile dans l'église le matin ; catéchèse par un Prêtre, après le repas de midi, le dimanche et les jours de fêtes toute l'année.

7. Une heure d'adoration publique au Très Saint-Sacrement chaque mercredi avec la Messe " Pro conversione Nigritiae".

8. Exercices spirituels annuels à partir du 10 mars, jusqu'à la fête de Saint Joseph, et récollection mensuelle le dernier jeudi du mois.

9. Pendant les mois de mars et de mai, sermon tous les soirs, prières spéciales, et exposition du Ciboire.

10. Pratique de la "Garde d'Honneur" du Sacré-Cœur de Jésus avec prédication, le premier vendredi du mois.

11. Neuvaines, Octaves et Triduum au Divin Sauveur, à la Sainte Famille, à la Bienheureuse Vierge Marie etc. et aux Saints auxquels l'Œuvre est particulièrement attachée, comme je l'ai énoncé ci-dessus.

12. Prières personnelles selon la dévotion de chacune.


[2242]
Les Sœurs et les jeunes Noires se soucient du salut des âmes, et elles se préparent à l'apostolat de la Nigrizia par :

L'étude approfondie du catéchisme.

Un missionnaire de temps en temps est présent pendant ces cours ; il expose alors les idées et les arguments qui ont déjà été examinés et discutés par les Missionnaires de l'Institut masculin. Selon les matières il y a un cours de petite "Controverse" par lequel on apprend aux Sœurs et aux Missionnaires africaines la méthode la plus efficace pour convertir les jeunes Noires de toutes croyances : on leur explique aussi les arguments les plus pratiques et les plus simples pour combattre et détruire les erreurs et les superstitions des femmes païennes et musulmanes.

2. L'enseignement par les jeunes missionnaires noires de la Foi et de la morale chrétiennes aux assistantes et aux malades, et la préparation des catéchumènes au Saint Baptême.

3. L'étude des langues arabe et dinka.

4. L'exercice pratique de la façon d'aider spirituellement et physiquement les malades, et les notions de médecine et de pharmacie pour savoir utiliser et préparer les médicaments, etc.

5. L'apprentissage des travaux féminins de première nécessité comme la couture, le tissage, pour devenir robière, etc.

6. L'apprentissage de la cuisine, pour faire le pain, pour préparer des plats avec les produits agricoles que l'on peut trouver, ou introduire en Afrique Centrale.


[2243]
Par ailleurs, les Sœurs dirigent les jeunes Noires dans les travaux très fins et de valeur commandés de l'extérieur, surtout par les boutiques des Européens, ainsi que pour les vêtements et le linge des Instituts. La cuisine, la buanderie et l'infirmerie sont prises en charge, à tour de rôle par les jeunes Noires, pendant une semaine.

L'instruction à domicile dans quelques familles catholiques de bonne réputation où il y a des catéchumènes est toujours donnée par deux jeunes Noires accompagnées d'une Sœur.

Le médecin, ou le Missionnaire qui rendent visite aux filles malades dans le petit hôpital de l'Institut, sont toujours accompagnés par la jeune infirmière africaine, et par la Supérieure ou une des Sœurs.

Le petit hôpital est pourvu d'une petite pharmacie, avec un budget de 2.000 francs, celle-ci distribue les médicaments aux autres Maisons et aux pauvres.


[2244]
Parmi les Missionnaires africaines, il y en a 10 qui ont une moralité à toute épreuve et qui sont très habiles ; elles seraient prêtes à exercer convenablement leur ministère en Afrique Centrale, et seraient mûres pour l'apostolat de la Nigrizia. Toutes les jeunes Missionnaires africaines sont très habiles pour attirer vers le catholicisme, les Noires païennes ou musulmanes. De nombreuses païennes et musulmanes auraient pu être converties à la Foi, si la prudence ne nous avait pas incités à être attentifs à leurs patrons qui sont opposés à la conversion des Noirs.


[2245]
L'expérience nous a convaincus que la présence, en Egypte, d'un Institut de filles africaines est un élément d'apostolat important en faveur de la race éthiopienne.

En effet, en parlant avec nos jeunes, en les voyant prier et en les écoutant chanter, de nombreuses autres païennes et musulmanes ont voulu devenir catholiques. Toutes les filles converties sont restées, sans exception, jusqu'à présent fidèles à la Foi, soit celles qui sont restées dans l'Institut, soit celles qui ont été placées auprès d'honnêtes familles catholiques. Certaines de ces néophytes ont conservé, si on peut dire, l'innocence baptismale, et sont un bel exemple pour les autres.


[2246]
Les Sœurs ont un esprit et une moralité à toute épreuve. Nous n'avons rien négligé pour les rendre telles et pour qu'elles soient dans l'esprit de notre difficile et importante mission. La Supérieure est Sœur Veronica Pettinati et elle est vraiment à la hauteur de sa mission.


[2247]
Jusqu'à présent, je me suis occupé personnellement de l'administration générale de cet Institut en lui envoyant tout le nécessaire, j'ai confié toutefois à la Supérieure la responsabilité de l'administration ordinaire de la Maison. C'est une expérience qui m'a permis de constater les besoins de l'Institut et les profits de l'Œuvre.

Depuis janvier dernier, avec Sœur Euphrasie, j'ai décidé de me débarrasser de toutes ces tâches encombrantes, et de confier aux Sœurs toute l'administration selon le Contrat (en Annexe D). Cela donnera davantage de responsabilité à la Congrégation de Saint Joseph vis-à-vis de l'Œuvre. Mais la Mère Générale ne s'est pas encore prononcée et attend de venir à Rome avant de prendre une décision.

La Maison de cet Institut appartient à Monsieur Bahhari Abut, un Grec catholique ; il s'agit d'un vaste bâtiment, à dix pas du Nil, avec un petit jardin et une chapelle, je l'ai pris en location au prix de 1.600 francs par an .



3. Maison de la Sainte Famille ou Ecole féminine

de la Paroisse du Vieux Caire




[2248]
Cette petite Maison a été ouverte en juin 1869 suite à un mandat spécial de Son Excellence le Vicaire Apostolique, qui m'en a confié la responsabilité avec le document suivant fait à Alexandrie le 23 mai dernier sur ma demande et selon les vœux de notre Très Révérend Père Curé.

N.110

"Révérend Abbé Daniel Comboni,

Après avoir pris en considération ce que vous m'avez demandé dans votre lettre du 10 mai, je vous autorise à ouvrir à titre expérimental une Ecole succursale au Vieux Caire, sous la direction de Sœur Maria Caterina Rosa Valerio, Tertiaire Franciscaine de Vérone, les droits du Curé étant toujours préservés ; j'écris aussi à ce dernier pour l'inviter à fournir toute l'aide possible afin que l'on obtienne les résultats souhaités.

Les locaux de l'ancienne Ecole n'étant pas pour le moment disponibles, c'est à vous de vous occuper d'en trouver d'autres qui réunissent, si possible, les conditions exigées.

+ F. Luigi Archevêque,

Vicaire Apostolique




[2249]
Cette école est gérée exclusivement par les Missionnaires noires sous la direction de Sœur Valerio que j'ai amenée de Vérone, où elle a été Maîtresse des Novices du Monastère des Tertiaires Franciscaines, à présent supprimé.

Dans cette école, on enseigne la Foi et la Morale catholiques, on donne une instruction primaire, on apprend les langues arabe, française, italienne et allemande, outre les travaux féminins de toutes sortes, depuis la chaussette jusqu'à la broderie de soie et d'or.


[2250]
L'horaire particulier est présenté dans l'Annexe E.

L'Ecole est fréquentée ordinairement par 20 ou 30 élèves d'origine orientale et par trois Européennes allemandes. Le nombre si limité d'élèves est dû au Patriarche Copte Schismatique récemment décédé, qui a interdit à ses coreligionnaires, garçons et filles, de fréquenter les écoles catholiques. Au Vieux Caire il y a beaucoup de familles coptes hérétiques.

Cette Maison est comme un petit noviciat pour les jeunes missionnaires africaines. Elle est située à côté de l'église Paroissiale.

La Maison ou Ecole de la Sainte Famille, m'a été louée par les Franciscains de la Terre Sainte, pour trois ans, au prix de 360 francs par an.


[2251]
La liste du personnel des trois petits Instituts des Noirs en Egypte, depuis l'époque de leur fondation en décembre 1867 jusqu'au mois de mars 1870, se trouve dans l'Annexe F.



D'après cette liste on peut voir qu'ont été accueillies dans nos maisons 72 personnes. Actuellement il y a :

19 néophytes ;

15 Catéchumènes.

Le personnel actuel des Instituts est le suivant :

1. Institut du Sacré-Cœur. de Jésus 11

2. Institut du Sacré-Cœur de Marie 26

3. Maison de la Sainte Famille 9



Economie et moyens de subsistance

des Instituts d'Egypte.




[2252]
En ce qui concerne les moyens financiers et matériels pour soutenir les Instituts naissants d'Egypte, j'ai mille raisons de remercier la Providence, car, bien que l'époque actuelle soit extrêmement difficile et que l'Œuvre, par disposition de la Divine Providence, ait été frappée par d'épouvantables tempêtes, et que les dépenses aient été réduites au moindre centime, les Instituts n'ont jamais manqué du strict nécessaire, et parfois même l'utile et le confortable ne leur ont pas fait défaut.


[2253]
L'inconvénient le plus grave de l'Œuvre en Egypte est de ne pas posséder au moins une maison à elle. Mais avec l'aide de Dieu et avec l'éventuel appui de Propaganda Fide, je ne tarderai pas à acquérir une maison au Caire.

La Société de Cologne, pour cela, m'a d'ailleurs donné 10.000 francs avec une lettre (en Annexe G), dont le contenu témoigne de l'engagement de cette pieuse Association pour aider, avec de généreuses offrandes, les actuelles petites œuvres d'Egypte et les futures œuvres de l'Afrique Centrale.


[2254]
D'après l'expérience des deux premières années, les dépenses nécessaires pour maintenir les trois petites Maisons d'Egypte, avec le nombre de personnes qui les composent actuellement, sont de 15.000 à 16.000 francs environ.


[2255]
Le recettes dont les Instituts peuvent disposer annuellement dépassent la somme de 20.000 francs. Les sources de ces subventions sont les suivantes :



1°. Société de Cologne pour les Noirs Francs 10.000

2°. Propagation de la Foi de Lyon " 7.000

3° Aumônes des Messes des Missionnaires " 2.000

4° Œuvre des Ecoles d'Orient " 500

5° Dons aux Instituts et travaux des filles " 3.000

Total " 22.500



Actuellement les trois Maisons sont pourvues de plus de 25.000 francs en lingerie, literie, meubles, médicaments, objets pour le culte, ustensiles de cuisine, outils, etc. Je peux faire une liste de tous les objets à la demande de Votre Eminence.



Ressources et actif des Instituts

pendant les deux premières années de leur fondation.



En espèces



1°.Société de Cologne pour les Noirs francs 28.300

2°. Propagation de la foi de Lyon et de Paris " 12.000

3°. Ludwigverein de Munich " 1.500

4°. Société de L'immaculée Conception de Vienne " 1.000

5°. Œuvre des Ecoles d'Orient " 700

6°. Société du Saint Sépulcre de Cologne " 500

7°. Institut des Cisterciennes de Landshut " 2.000

8°. Institut des Salésiennes de Beuerberg " 1.260

9°. Duc de Modène " 800

10.° Gains des travaux des filles, et dons aux Instituts du Caire " 3.000

11°.Aumônes de Messes aux missionnaires 4.000

12°.Aumônes de bienfaiteurs de l'Œuvre célèbres et inconnus, dont des Majestés et des Altesses comme l'Empereur Ferdinand et l'Impératrice Marianne d'Autriche, le Prince Georges de Saxe, le Prince de Löwenstein, le Baron de Havelt, prédications, en France, etc 17.000

Total 72.060



En objets et provisions :



1°. Mme Maurin Bié, Dephies, Berthod etc. à Lyon en chemises, vêtements, etc. pour une valeur de

500 francs

2°. Famille du missionnaire Rolleri en blé, nourriture etc. 350 "

3°. Mon Père, Luigi Comboni, 9 barils d'huile 750 "

4°. Cadeaux ; fromage, vin, sucre, nourriture etc. 3.500 "



Economies ponctuelles grâce à l'artisanat et aux relations particulières



1°. Pour les voyages jusqu'au Caire des jeunes Noires et des Frères Laïques, pour le transport gratuit de 274 colis de Marseille jusqu'à Alexandrie (le Gouvernement français n'accorde la gratuité du voyage qu'aux Missionnaires et aux Sœurs, et pas toujours) obtenue du Ministère des Affaires Etrangères de Paris et du Gouvernement égyptien : 12.000 "

2°. MM. Talabot, Pointu et des chefs de plusieurs sociétés ferroviaires m'ont accordé plusieurs fois le voyage gratuit sur les voies ferrées de France, d'Allemagne, et d'Italie 1.600 "

Grand Total 90.760 "



Dépenses et passif des Instituts

pendant les deux premières années de leur fondation.



1. Frais de voyages de 30 personnes et transports de colis de l'Europe au Caire Francs 15.000

2. Mes voyages en Europe " 2.000

3. Location de trois maisons, et petites réparations " 5.500

4. Poste envoi et réception " 1500

5 Dépenses pour le culte, cierges, huiles, vin, farine, bancs etc. " 2.000

6. Pharmacie, médecins, petit hôpital, infirmerie etc. " 4.000

7. Nourriture, vêtements, trains, voitures, ânes bateaux, chameaux etc., rachats de quelques Noirs et Noires, aumônes " 30.000

8. Literie, linge, meubles, ateliers, cultes etc. " 25.000

Total " 85.000




[2256]
J'ai une dette de 5.000 francs envers l'honnête famille A. Laurent de Marseille, négociant au service de nombreuses Maisons Religieuses, je lui restituerai cette somme petit à petit, après avoir fondé les Instituts, ou quand je pourrai, selon notre accord.



Il reste actuellement dans la caisse



entre les mains du P. Carcereri Francs 2.000

entre mes mains " 1.000

chez M. Zachman, mon banquier du Caire " 1.500

Compléments de 1869 de la Propagande de la foi " 5.600

Crédits exigibles " 800

Total " 10.900



Donc Actif



Ressources reçues Francs 90.760

Passif, dépenses faites 85.000

Caisse Actuelle 10.900

Total 95.900

Dette Laurent 5000

Francs 90.900



II. Les Petites Œuvres de Vérone




[2257]
Pour que les Instituts d'Egypte et les œuvres que nous fonderons dans la Nigrizia soient stables, Son Excellence Monseigneur Canossa a ouvert à Vérone un Séminaire pour y former des Prêtres et pour fournir des Missionnaires et des Frères coadjuteurs aux Instituts d'Egypte et aux Missions de l'Afrique Centrale, et il lui a donné un statut canonique (document M en Annexe ) en proposant comme directeur le pieux et savant Alessandro Dalbosco, qui avait déjà été mon compagnon en Afrique Centrale.


[2258]
Mais en ces temps difficiles que nous vivons, nous ne pouvons pas compter sur d'importantes ressources de grands bienfaiteurs, parce que les revenus des organismes moraux qui appartiennent à l'Eglise sont toujours menacés par les abus et les confiscations des autorités laïques. Ainsi on a pensé soutenir le Séminaire par la charité catholique, et par le droit d'Association reconnu par n'importe quel gouvernement, même révolutionnaire, c'est pour cela que la Pieuse Association du Bon Pasteur a été érigée canoniquement ; elle a pour but de pourvoir en moyens financiers ledit Séminaire et ceux qui seraient fondés avec l'aide de Dieu dans d'autres centres de la catholicité. Cette Œuvre, à laquelle l'Evêque de Vérone a accordé 40 jours d'indulgence, a ensuite été enrichie par Sa Sainteté de six Indulgences Plénières (voir Annexe N), par un Rescrit Pontifical autographe que j'ai eu l'honneur de montrer à Votre Eminence un jour après l'avoir obtenu.


[2259]
Cette Œuvre avait commencé très bien à fonctionner. Elle était parrainée par de nombreux Evêques d'Italie et d'ailleurs, qui en avaient approuvé l'établissement dans leurs diocèses respectifs, et qui avaient assuré Monseigneur Canossa de leur protection par des lettres spéciales dont je pourrais montrer une copie à Votre Eminence. Avec les aumônes de la première année on a pu démarrer un Séminaire et y mettre à l'épreuve la vocation du Prêtre Rolleri et celle du Frère laïque Rossi que j'avais moi-même accompagné au Caire dès le début de l'année 1869.


[2260]
En juillet 1868 une circonstance, permise par Dieu, a quelque peu fait enliser la sainte Œuvre, alors que je m'étais rendu à Lyon avec la recommandation spéciale du Vicaire Apostolique pour implorer des secours de la Propagation de la Foi ; à la demande de ce Conseil j'ai présenté un rapport sur les petites Œuvres d'Egypte et de Vérone, et sur l'Association du Bon Pasteur. M. Meynis Secrétaire du Conseil de Lyon, ne comprenant pas bien, ou faisant mine de ne pas comprendre le but de l'Œuvre, a cru que l'Association du Bon Pasteur avait pour but de recueillir des aumônes pour les Instituts d'Egypte, et qu'elle porterait donc préjudice à la Propagation de la Foi. Il a ensuite dit au Président qu'il était nécessaire d'écrire à ce sujet à la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi. Suite à une telle communication, Votre Eminence a pensé, avec sagesse, donner à notre Association de Vérone la même interprétation, et en septembre 1868 a été envoyée une Circulaire aux Evêques d'Italie, dans laquelle on leur interdisait d'admettre dans leur diocèse toutes les Associations ayant pour but de secourir une Mission particulière, sauf celles de la Propagation de la Foi. L'Evêque de Vérone a craint qu'une telle Circulaire ne frappe indirectement l'Œuvre du Bon Pasteur.


[2261]
Ignorant tout cela, et fort de l'approbation Pontificale, j'ai essayé de fonder à Paris un Conseil de l'Œuvre du Bon Pasteur. J'ai pensé me fonder sur du solide, en consultant d'abord la Propagation de la Foi et en demandant ensuite son appui. J'ai expliqué à de nombreux membres du Conseil de Paris la nature de la nouvelle Association qui a pour but de maintenir un Séminaire à Vérone, et non une Mission particulière in partibus infidelium, et qui n'est donc pas de la même nature que l'Œuvre générale de la Propagation de la Foi, laquelle aide directement les Missions étrangères ; J'ai ajouté que, une fois cette Association bien consolidée, on aurait ensuite ouvert, peu à peu, un Séminaire à Paris-même pour former des Missionnaires pour la Nigrizia sur le modèle de celui de Vérone. L'illustre Nicolas a été l'interprète de mes idées au sein du Conseil.


[2262]
M. Baudon, Président Général des Conférences de Saint Vincent de Paul et Conseiller de la pieuse Association du Bon Pasteur m'a dit : " Il faut environ 50.000 francs par an pour le maintien de ce Séminaire où on formerait des Missionnaires pour l'Afrique ; je donne mon nom, et j'accepte d'être membre du Conseil diocésain de Paris de l'Œuvre du Bon Pasteur. " J'ai réussi à créer un Conseil Diocésain de la Pieuse Association, et à y à faire entrer comme Conseillers douze des plus illustres personnalités de cette capitale, parmi lesquels quatre des plus actifs Conseillers de la Propagation de la Foi. Avec l'autorisation de l'Evêque de Vérone, j'ai également mis en place un Comité de soutien de Dames, parmi les plus riches et les plus illustres de Paris.


[2263]
Mais quelques jours avant de tenir la première séance du Conseil Diocésain déjà convoqué dans les salons du Baron de Havelt, j'ai reçu de Vérone la nouvelle de la Circulaire de Votre Eminence. Même si cette Circulaire ne vise pas du tout les Associations particulières qui ont pour but le bien d'un Diocèse d'Italie, et ne concerne donc pas l'Œuvre du Bon Pasteur destinée à soutenir le Séminaire de Vérone, en lisant dans le cœur de Votre Eminence, par soumission et par respect pour le chef suprême des Saintes Missions, j'ai décidé de tout suspendre jusqu'à nouvel ordre.

Assez gêné, j'ai alors pris congé des membres du nouveau Conseil de Paris, en leur annonçant que, devant partir pour l'Egypte, j'avais décidé de suspendre pendant quelque temps l'action de l'Œuvre du Bon Pasteur à Paris ; et cela après avoir expliqué en toute sincérité la vérité aux membres les plus importants.


[2264]
J'ai donc quitté la France, résigné aux dispositions de la Providence, et confiant que le Seigneur ferait avancer plus tard la sainte Œuvre. Devant les vénérables intentions de Votre Eminence, même en Italie on est allé de l'avant prudemment ; Monseigneur Canossa a jugé bon de ne pas admettre de nouveaux sujets dans le Séminaire et ainsi l'Œuvre de Vérone est demeurée en l'état.


[2265]
Nous avons attendu avec impatience le moment du Concile du Vatican pour nous présenter devant Votre Eminence et vous prier vivement de couvrir toute l'Œuvre par le bouclier de votre protection.

Un Séminaire en Europe qui puisse former des Missionnaires pour la Nigrizia est une nécessité absolue. Une pieuse Association bien organisée est, en ces temps difficiles, le moyen le plus sûr pour le soutenir et pour le faire durer.

D'ailleurs, cette Association qui a pour unique objet d'aider l'Etablissement de Vérone, ne gène pas l'Œuvre de la Propagation de la Foi de Lyon et de Paris et n'a aucun contact avec celle-ci, dont les ressources ont pour but d'aider les Missions in partibus infidelium. Les membres des Conseils centraux de Paris et de Lyon en sont convaincus, et beaucoup d'entre eux pensent même que l'Œuvre du Bon Pasteur sera utile à la Propagation de la Foi, laquelle bénéficiera des bons résultats des Missions de l'Afrique Centrale, qui pourraient être les plus intéressantes, disent-ils, parce qu'elles régénèrent de nouvelles populations.


[2266]
Si le Séminaire des Missions Etrangères de Paris n'existait pas, y aurait-il en Asie vingt-deux Vicariats et deux Préfectures Apostoliques, tous soutenus et dirigés par ce célèbre Séminaire ? Une telle Association (du Bon Pasteur), en maintenant le Séminaire de Vérone pour l'Afrique Centrale, fournit des Missionnaires pour la Nigrizia et promeut le développement de la Foi dans ces contrées enflammées sur lesquelles pèse encore le terrible anathème de Cham.

Je supplie donc humblement la Sacrée-Congrégation de Propaganda Fide de seconder les très saints souhaits de Monseigneur l'Evêque de Vérone, et d'appuyer généreusement cette Association, qui vise à fournir des apôtres à la malheureuse Nigrizia.


[2267]
Puisque le Seigneur a rappelé à lui le zélé missionnaire Alessandro Dalbosco, Monseigneur l'Evêque Canossa a nommé Recteur du Séminaire, le pieux et zélé Abbé Tommaso Toffaloni (1) ; il est vraiment digne de l'important ministère pour lequel il a été appelé. Et ce, jusqu'au moment où nous pourrons nommer un Recteur qui ait déjà été missionnaire en Afrique Centrale.

Nous sommes profondément convaincus que, quand le Séminaire aura pris une forme consistante, et aura plusieurs années d'expérience missionnaire, le Supérieur et les directeurs spirituels devrons être choisis parmi les anciens élèves.

On rappellera en Europe quelques-uns des sujets les plus éprouvés, les plus valables et les plus méritants qui se soient distingués dans leur ministère sacré en Mission, et pour eux une telle charge sera comme un repos honorable et leur œuvre sera alors plus profitable pour la formation des nouveaux aspirants à l'apostolat de la Nigrizia.



III. Harmonie des Œuvres d'Egypte et de Vérone




[2268]
De ce que je viens de dire, il faut déduire qu'il est vraiment nécessaire que les Instituts naissants d'Egypte et les petites Œuvres de Vérone se prêtent main-forte, marchent et progressent ensemble, en s'aidant réciproquement afin d'atteindre le but ultime, qui est d'implanter durablement la Foi en Afrique Centrale.

Je pars du principe fort juste et basé sur l'expérience que, comme dans l'ordre temporel, l'argent amène l'argent, ainsi, dans l'ordre spirituel, une œuvre en engendre une autre. Si les petites Œuvres de Vérone progressent, elles donneront aux Instituts d'Egypte et de la Nigrizia de bons et valables ouvriers évangéliques lesquels installés sur le terrain de leur action apostolique, avec l'aide de Dieu, obtiendront des conversions, feront progresser les Instituts d'Egypte et les Missions de la Nigrizia. Puis ces derniers, prospérant sous l'égide de Propaganda Fide, éveilleront le zèle des généreux catholiques d'Europe qui participeront ainsi au développement de l'Œuvre du Bon Pasteur ; celle-ci se renforcera et pourra promouvoir des vocations et maintenir un plus grand nombre de candidats dans le Séminaire de Vérone. Ainsi ces saintes Œuvres atteindront leur but, c'est-à-dire la fondation stable et le triomphe de la Foi dans la Nigrizia où la glorieuse bannière de la Croix n'a jamais flotté.



Conclusion




[2269]
Dans ma petitesse et mon indignité j'implore ardemment la charité apostolique de Votre Eminence, de bien vouloir couvrir du bouclier de votre protection l'Œuvre naissante de la Régénération de la Nigrizia.

Que Votre Eminence ne tienne pas compte de l'endurance, de toutes les peines et les sacrifices supportés pour l'Afrique par ce pauvre requérant qui ne demande rien d'autre pour lui-même que la miséricorde de Dieu pour son âme.

Je suis et je serai toujours le serviteur le plus inutile de l'Eglise.

Ne prenez à cœur que la malheureuse condition de plusieurs millions d'âmes qui vont à leur perte.

Les protestants Baker, Livingstone, le musulman Selim et beaucoup d'autres avancent courageusement dans le cœur de l'Afrique pour un profit matériel, et peut-être pour l'avilir encore davantage ; et le catholicisme l'abandonnera ? Et on ne fera rien pour la sauver ?...


[2270]
Je suis sûr que l'Œuvre naissante de la Régénération de la Nigrizia s'enracinera profondément et atteindra son but si elle a l'appui direct de la Sacrée-Congrégation. Tant que personne ne se pressera pour sauver les Noirs de l'Afrique Centrale, c'est la perdition qui les attend...


[2271]
Je n'ai que ma vie à consacrer au salut de ces âmes, je voudrais en avoir mille pour les brûler toutes dans ce but. Jusqu'à mon dernier soupir je ne cesserai donc jamais de supplier Votre Eminence et la Chaire de Pierre, où résident la vérité, la charité, et le précieux héritage de notre adorable Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, de jeter un regard compatissant sur cent millions d'âmes qui peuplent les immenses régions de l'Afrique Centrale, sur lesquelles pèse encore le terrible anathème...

Si, dans ce rapport j'ai oublié des points importants, et si Votre Eminence a des observations à faire, je suis prêt à répondre à toute question. La sagesse et la perspicacité de Votre Eminence comprennent bien les graves et multiples difficultés que nous avons dû surmonter, et la grande importance de cette Sainte Œuvre qui vise l'apostolat dans la partie du monde la plus délaissée et dont la bonne réussite dépend du précieux appui de la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi.



Daniel Comboni



Note (1) Toffaloni a introduit dans tous les diocèses de la Vénétie l'Œuvre de la Propagation de la Foi, et a formé des missionnaires, parmi lesquels le défunt Révérend Ambrosi, Procureur de la Sacrée-Congrégation à Hong-Kong.






356
Contrat avec les Soeurs de St Joseph
0
Rome
4.1870
N° 356 (334) - CONTRAT AVEC LES SOEURS DE SAINT JOSEPH

AP SC Afr. C., v. 7, ff. 1376-1377



Annexe D P. 15

Rome, avril 1870



CONTRAT

entre l'Institut Religieux des Sœurs de Saint Joseph

de l'Apparition et M. l'Abbé Daniel Comboni

Missionnaire Apostolique de l'Afrique Centrale,

Fondateur et Supérieur des Instituts des Noirs en Egypte.



[2272]
Après plus de deux années d'expérimentations réciproques, le Révérend M. l'Abbé Daniel Comboni, Missionnaire Apostolique de l'Afrique Centrale, Fondateur et actuel Supérieur Général des Instituts des Noirs en Egypte, veut perpétuer selon le but de son " Plan pour la Régénération de l'Afrique", l'existence de son Institut féminin pour la formation des jeunes Africaines situé actuellement au Vieux Caire en Egypte. Et pareillement, l'Institut Religieux des Révérendes Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition est prêt à en assumer définitivement la direction. Donc les soussignés et leurs successeurs se référeront, si nécessaire, aux Articles du présent Contrat, qui s'imposera aux les deux parties après l'approbation de Son Eminence le Cardinal Préfet de la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi, du Révérend Vicaire Apostolique d'Egypte et de Monseigneur l'Evêque de Vérone.


[2273]
Art. 1°. Le très Révérend M. l'abbé Daniel Comboni s'engage à donner gratuitement le bâtiment pour le logement des Sœurs Directrices et des élèves africaines qu'il a lui-même choisies pour qu'elles fassent partie dudit Institut de formation.


[2274]
Art. 2°. Il s'engage aussi à pourvoir gratuitement l'aumônier et le Confesseur Ordinaire dans la personne d'un des Prêtres missionnaires de l'Institut masculin, après en avoir obtenu l'approbation et la nomination par l'Evêque Ordinaire.

Art. 3°. Il cède aussi au personnes qui composent, pro tempore, le susdit Institut féminin, tous les meubles, les vêtements, la lingerie, les ustensiles de cuisine, la nourriture et les combustibles, etc. actuellement existant pour leur utilisation dans la maison qu'elles habitent.


[2275]
Art. 4°. Sur les contributions annuelles, que les Sociétés Catholiques d'Europe se sont engagées à verser pour la réalisation du but général de l'Œuvre de Régénération de la Nigrizia, il donne une pension annuelle de 400 francs (quatre cents) pour chaque Sœur et de 200 francs (deux cents) pour chaque élève qu'il a lui même choisie pour l'affecter à l'Institut des Africaines, dans n'importe quelle condition, même malade ou hospitalisée. Cette pension sera donnée en fonction de la catégorie, du nombre et de la durée du séjour des personnes chargées de l'Institut, et sera payée en quatre versements annuels, à la fin de chaque trimestre. Les Sœurs directrices sont libres d'admettre à leur gré des jeunes Africaines pour qu'elles fassent partie de l'Institut, mais à condition qu'elles soient entièrement à leur charge. Elles sont également libres d'avoir recours à d'autres bienfaiteurs, mais il est entendu que les aumônes doivent être consciencieusement employées au profit de l'Institut des Noires, à moins qu'elles ne soient données à titre personnel et indépendamment du but de l'Institut qu'elles dirigent, ou qu'elles soient destinées expressément à un autre but spécifique.


[2276]
Art. 5°. Du moment que le Supérieur Général a assuré toutes les allocations et la pension citées, il n'est tenu à aucune autre obligation, que ce soit pour les voyages, les médicaments, les visites des autorités compétentes ou autres.

Le chèque est unique et les Sœurs doivent s'occuper sans distinction d'elles-mêmes et des jeunes élèves appartenant pro tempore à l'Institut. Telle est l'intention des bienfaiteurs.

Ne restent à la charge du Supérieur Général que les voyages des Africaines destinées à entrer dans l'Institut ou à en sortir pour une autre destination.


[2277]
Art. 6°. Les deux Instituts, des garçons et des filles africains, tant qu'ils se trouveront dans la même ville, se rendront mutuellement service, dans la mesure du possible, selon les conventions signées entre les directeurs locaux respectifs.

Sont toujours interdites les relations particulières entre les individus des deux Instituts.


[2278]
Art. 7°. La moitié des profits obtenus grâce aux travaux des filles et des dons particuliers qu'elles recevront, ira dans la caisse de leur futur fonds de dotation, qui sera gardé par le Supérieur général, ou par son délégué ; l'autre moitié sera à leur disposition et administrée par la Directrice locale.


[2279]
Art. 8°. Les Révérendes Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition s'engagent à prendre en charge la direction de l'Institut des Africaines selon les indications du Plan pour la Régénération de l'Afrique, et prennent totalement en charge l'administration financière de l'Institut.


[2280]
Art. 9°. Puisque l'Institut des Africaines a le double but de préparer les jeunes à l'apostolat religieux et social au profit de la malheureuse Nigrizia, et de venir en aide, par tous les moyens, aux graves misères des pauvres Africaines transférées de force en Egypte, les Sœurs s'occupent ainsi de la formation apostolique des unes et du soin charitable des autres ; elles s'engagent à donner graduellement des cours de littérature, d'éducation religieuse et civile, et des leçons pour apprendre les travaux féminins, afin que les élèves deviennent des Institutrices de religion et de civilisation et de bonnes mères de famille dans leur pays natal.

Les Sœurs s'occupent des malades, des orphelines, des filles trouvées et dévoyées, en péril, et abandonnées, mais appartenant uniquement à la race noire. Ces œuvres se développeront graduellement et avec l'accord et suivant les instructions du Supérieur Général de l'Œuvre.


[2281]
Art. 10°. Le nombre des Sœurs Directrices ne peut donc être déterminé qu'au fur et à mesure du développement des diverses activités citées ci-dessus. L'Institut Religieux des Sœurs s'engage donc à répondre aux demandes du Supérieur général des Instituts des Noirs, que ce soit pour les affectations ou pour les déplacements des Sœurs-mêmes, quand cela s'avérerait nécessaire pour rejoindre le but de l'Œuvre.


[2282]
Art. 11°. Toutes les jeunes élèves de l'Institut sont à la libre disposition du Supérieur général pour le bien de la Mission. Il peut donc les affecter, les déplacer et les transférer quand, comme et où il le croit le plus opportun, et sans opposition possible.

Les Sœurs ne pourront renvoyer ni laisser partir qui que ce soit, quelle qu'en soit la raison, même pour prendre le voile, sans l'accord formel du Supérieur Général.


[2283]
Art. 12°. Pour tout le reste, les Sœurs ont sur les élèves une totale autorité maternelle, elles les feront travailler, les surveilleront, et ne permettront aucun contact avec l'extérieur. Elles pourront leur faire faire le ménage et les charger aussi de l'instruction de leurs consœurs plus jeunes.

Les Sœurs feront en sorte que les élèves soient prêtes à accomplir leur sublime vocation le mieux et le plus rapidement possible. Elles les laisseront entièrement libres de consulter Dieu et leur Père spirituel sur le choix de leur vie, et sans le consentement du Supérieur Général, elles ne les accepteront pas dans leur Congrégation.

Les Sœurs leur donneront chaque année la possibilité de faire un cours d'Exercices Spirituels, elles leur feront faire tous les mois un jour de récollection, et elles tacheront de promouvoir parmi les élèves la pratique des Sacrements et des exercices de piété chrétienne, selon les conseils et les indications du Directeur Spirituel ordinaire. Chaque année, elles les soumettront aussi à un examen pour évaluer leur progrès littéraire et artistique.


[2284]
Art. 13°. Seules les pauvres Noires doivent être l'objet de leur sollicitude maternelle, car c'est le but de l'Institut, et pour éviter toute querelle pernicieuse ou toute jalousie, elles doivent s'interdire l'exercice de la charité envers les Blanches, à moins qu'elles n'y soient formellement appelées par l'Autorité ecclésiastique locale.


[2285]
Art. 14°. Les Sœurs tiendront les registres de comptabilité et les registres personnels et devront être toujours prêtes à les exhiber et à rendre compte de leur administration et du respect des Articles de ce contrat à chaque requête légitime.


[2286]
Art. 15°. En espérant que le même Institut des Noires parvienne un jour à recevoir de la charité des fidèles ou de bienfaiteurs personnels les moyens qui en tout et en partie puissent suffire à ses besoins économiques, afin de ne pas frustrer les intentions des Sociétés bienfaitrices d'Europe qui visent à aider et non pas à enrichir les institutions apostoliques parmi les infidèles, on décide qu'au début de chaque année sera déduit de la pension annuelle assignée le surplus qui en résulterait d'après les registres.

C'est ainsi que les deux parties se sont entendues et engagées et ont signé et apposé leur sceau sur le présent Contrat.



Abbé Daniel Comboni






357
Abbé Felice Perlato
0
Rome
6. 6.1870
N° 357 (335) - A L'ABBE FELICE PERLATO

BCV, Sez. Cart. b. 131, (Netti, Perlato)



Rome, le 6 juin 1870

Très cher Monsieur le Recteur,



[2287]
Madame de Villeneuve part demain soir de Rome. Je vous recommande donc vivement de solliciter l'Abbé Corsi ou son frère, pour que les reliques soient prêtes car Madame viendra les prendre chez vous à La Scala.

Elle portera aussi un Rescrit pour le Marquis Fumanelli pour les Messes de Noël valable ad triennium.


[2288]
Je vous demande de bien vouloir remettre la lettre ci-jointe à la pieuse Mlle Maria Kessler de Saxe, protestante, qui est servante chez la Comtesse Ravignani et qui, je crois, se confesse auprès du Père Perez. Je souhaite qu'elle reçoive cette lettre le plus rapidement possible, car je la prie d'accompagner ma bienfaitrice parisienne pour aller voir pendant une journée les merveilles de Vérone "la Reine de l'Adige".

Recommandez-moi à Notre Dame des Douleurs et saluez de ma part tout votre clergé, le sacristain, etc.



Votre affectionné

Abbé Daniel






358
Père Luigi Artini
0
Rome
22. 6.1870
N° 358 (336) - AU PERE LUIGI ARTINI

APCV, 1458/270



Rome, le 22 juin 1870

Mon cher et Révérend Père,



[2289]
Submergé par mille occupations, je ne peux pas écrire longtemps.

Mais je profite de cette occasion pour vous envoyer le Postulatum. Il a été écrit, au Caire, par le Père Stanislao et moi-même. C'est le Père Stanislao qui en a développé l'essentiel. Ce Postulatum a été changé au moins vingt fois à Rome, parce qu'au lieu de l'admettre au Concile, on l'a renvoyé à Propaganda Fide.

C'est après de nombreux efforts et avec l'aide du Cardinal Barnabò, qui a été un véritable guide pour moi, qu'il a été modifié et qu'il a ainsi été imprimé et soussigné par 65 Prélats parmi lesquels des Patriarches, des Evêques et des Archevêques. Comme il me fallait trop de temps pour pouvoir m'entretenir avec les Evêques pour la signature, j'ai fait imprimer la lettre adressée aux Evêques. J'espère que ce sera une réussite. Priez beaucoup.


[2290]
Notre cher Stanislao et aussi Beppi ont été un peu malades. Maintenant, ils vont bien. Vous aurez d'excellentes nouvelles d'eux. Ce sont deux perles.

Le Père Zanoni, en qualité de Supérieur, est allé à Paris avec le Père Vigeto pour ouvrir une maison Camillienne. C'est ce que l'on m'a dit à la Madeleine. Réfléchissez à cela, et tirez-en les conclusions...


[2291]
Vous aviez tout à fait raison de penser ce que vous m'avez écrit, mais prions pour que ce soit mieux pour son âme. Peut-être que le Père Guardi pense que le pauvre se convertira... mais il ne me semble pas converti. Je lui ai parlé plusieurs fois mais il est toujours celui d'autrefois. Il me semble cependant que le Père Guardi tient peu compte des lettres du Père Stanislao, qui est un homme de conscience.

Au mois d'août, je viendrai à Vérone avec l'Evêque. Je suis très reconnaissant envers votre cœur paternel, et il est probable que je profite de votre bonté.


[2292]
Il semble que le Postulatum de Saint Joseph comme Protecteur de l'Eglise Universelle soit rejeté, tout comme celui de l'Assomption de la Vierge. C'est ce que m'a dit l'autre jour le Patriarche grec, qui est membre de la Commission examinatrice des Postulatum. Les Evêques ont poussé un peu trop, m'a-t-on dit, parce qu'on voulait déclarer Saint Joseph le plus grand parmi les Saints, après la Vierge Marie. Ce sera fait, mais le Concile ne s'en occupera pas.


[2293]
Il y a 40 jours que je n'ai pas vu Tezza. Je suis allé lui rendre visite plusieurs fois, mais il était toujours occupé.

Saluez de ma part le Père Tomelleri, Bonzanini et tous les autres. Priez pour l'Afrique et pour le pauvre Prêtre qui vous écrit.

J'agis pour obtenir une Mission ; nous verrons le Saint-Père et le Cardinal. Ils sont bons. Je serais très content de pouvoir combler nos désirs, c'est-à-dire de développer toujours plus l'Apostolat en Afrique.

Vous avez sûrement reçu la photographie des petits Camilliens africains. Priez pour



votre affectionné et dévoué

Abbé Daniel Comboni



P.-S. Je vous souhaite une très bonne fête. Hier, au Collège Romain la fête a été splendide. On a beaucoup prié pour vous.






359
Lettre aux Pères du Concile
0
Rome
24. 6.1870

N° 359 (337) - LETTRE CIRCULAIRE AUX PERES CONCILIAIRES

APSC Afr. C., v. 7, f. 1323v

Rome, le 24 juin 1870

Très Eminents et Très Révérends Pères,


 

[2294]
Evénement solennel, heureux et de très grande joie, très nobles Pères, qu'à cette assemblée, - certainement la plus belle de toutes celles qui se sont succédées au cours des siècles - tant d'Evêques venant des régions les plus lointaines de la terre soient présents pour témoigner de l'extension du Royaume du Christ et de la merveilleuse fécondité de son Eglise.

Ces Pères et ces Pasteurs aujourd'hui se réjouissent, apportant leurs gerbes dans l'exultation, eux qui ont jadis semé dans les larmes.


[2295]
Les voici maintenant interprètes auprès de vous d'une grande multitude de néophytes : ils vous annoncent que les nations et les peuples de tout l'univers sont désormais soumis au Christ, tandis qu'ils vous apportent leurs vœux, leur amour filial, leur confiance dans le Saint Concile Œcuménique.


[2296]
En effet sont ici présents, les Chinois, les habitants de l'Inde, du Japon, de l'Australie des îles de tous les Océans, des deux Amériques, du Pôle Sud et du Pôle Nord, ainsi que les indigènes des quatre extrémités de l'Afrique.


[2297]
Presque tous, depuis le Concile de Trente, se sont donnés au Christ et à l'Eglise pour être instruits et formés par les paroles de la Divine Sagesse. Aujourd'hui, chacun d'eux par l'intermédiaire de ses Pasteurs, dans l'obéissance parfaite à son Chef suprême se réjouit d'attendre de lui et de vous des paroles de vie et de bonheur éternel, en même temps que ses frères chrétiens qui ont été engendrés avant lui par le Baptême.


[2298]
Il y en reste un, cependant, très Eminents et Révérends Pères qui n'a aucune expérience d'une telle béatitude et n'en a même pas l'idée, parmi toutes les nations : c'est le peuple des Ethiopiens, habitants de l'Afrique intérieure, c'est-à-dire de ces régions encore inexplorées ou presque qu'on appelle Afrique Centrale ; celles-ci dépassent en extension plus du double de la superficie de toute l'Europe, et possèdent plus de 100 millions d'habitants, soit la dixième partie de tout le genre humain, qui sont encore malheureusement assis dans les ténèbres, exposés à la mort éternelle et gisant sous la domination cruelle du démon.


[2299]
En vérité il faut un labeur immense pour sauver les Africains. Tout le monde sait que la Sacrée-Congrégation de Propaganda Fide, conduite par la sagesse de la divine charité a exercé en tout temps une incroyable sollicitude soit pour inciter à cette œuvre les fils de l'Eglise, soit pour instituer des œuvres insignes d'apostolat, afin de venir en aide aux malheureux peuples de l'Ethiopie.

La Sainte Mère l'Eglise désirait certes avec ardeur les sauver et les régénérer à une nouvelle vie. Mais hélas ! (qui retiendrait ses larmes ?), tournez vos regard, je vous en prie, vers ces tribus si populeuses qui vivent dans ces immenses régions. Ces peuples ne sont-ils pas encore dans les plus misérables ténèbres de l'esprit, voués au culte sacrilège des démons et plongés dans la fange honteuse des vices ?

Or je le demande, y aura-t-il quelqu'un au monde qui aura à cœur d'exprimer en votre présence par ses paroles et par ses larmes les sentiments de tant de milliers de fils de l'Afrique ? Qui sera le père des Noirs ? Quelle langue, quelle voix se fera devant vous l'interprète de tant de fils de Cham ? Dites-le, très nobles Pères, réponds aussi, toi, Rome fidèle.


[2300]
C'est cependant un grand réconfort pour moi de penser et de rappeler à mon esprit que déjà depuis 18 siècles, ils ont été délivrés par le sang du Christ, de la malédiction de leur père, et que le Christ les a acquis par son sang en héritage, comme il a été dit : "II dominera d'une mer à l'autre et du Fleuve jusqu'au bout du monde ; devant lui se prosterneront les Ethiopiens (Psaume 71,8).


[2301]
Mais alors, pourquoi donc, Très Eminents et Révérends Pères, seule l'Afrique Centrale se trouve-t-elle encore dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, sans pasteur, sans Apôtres, sans Eglise, sans Foi ? Pourquoi donc, parmi toutes les nations du monde régénéré, est-elle la seule à ne pas être soumise à l'empire du Christ ? Jamais aucune autre malédiction n'a pesé plus cruellement sur le genre humain et n'a duré si longtemps que cette condamnation très dure et très triste dont le Tout-Puissant a frappé les fils de Cham. Il semble qu'il y ait trois raisons pour lesquelles les bienfaits de la régénération n'aient pu profiter aux malheureux peuples de l'Ethiopie.

D'abord : l'immensité des travaux et des difficultés dont sont accablés ceux qui entreprennent ces saintes expéditions en Afrique soit à cause de l'inclémence du climat, soit à cause des obstacles accumulés par les ennemis scélérats de la religion catholique en haine de la Foi


[2302]
En second lieu il y a le manque d'apôtres pour annoncer la vérité, en effet, "la foi vient de l'écoute et l'écoute vient de la prédication de la Parole du Christ ; mais comment l'entendraient-Il si personne ne le proclame ?" (Rom. 10,14)

Enfin, il y a le manque d'argent qui, comme tout le monde le comprend, est absolument nécessaire à ces grandes entreprises.


[2303]
C'est depuis bien des années que je me suis consacré à cette œuvre difficile et presque désespérée et que j'ai décidé avec mes valeureux compagnons de labeur d'affronter la faim, la soif, la chaleur et les dangers de mort afin de délivrer les Africains de la servitude.

Je suis maintenant convaincu que le moment favorable est venu pour me tenir aujourd'hui en votre présence et baiser vos pieds, Pères très Eminents et très Vénérés qui formez ici en présence du Vicaire du Christ une couronne vénérable.

A vous qui êtes les Pères et les Maîtres de tous les peuples, je veux recommander l'importante cause des Noirs, faire appel à votre Foi et supplier votre miséricorde en faveur des peuples de l'Afrique Centrale qui sont opprimés par une infortune plus grande et plus forte que les autres peuples et sont abandonnés de tous dans une situation désespérée.


[2304]
Voici donc, devant vous, très nobles Pères, cette Afrique si malheureuse, assise dans les ténèbres, égarées, tombant dans les précipices, sans chef, sans lumière, sans Foi, sans Dieu. Il s'agit du salut de toute l'Afrique Centrale qui, je le répète, comprend le dixième de tout le genre humain.

Si vous ne décidez pas dans votre grande bienveillance de lui appliquer quelque remède, si le temps doit passer et laisser fuir l'occasion actuelle, combien de siècles (je suis consumé de douleur à cette pensée), combien de siècles peut-être s'écouleront avant que ne cesse la ruine des Africains ?

Très Eminents Pères, par l'amour de Jésus-Christ plaidez pour cette cause et dans votre sagesse, examinez comment et par quels moyens il serait possible d'apporter le salut à ces peuples.


[2305]
S'il m'est permis de vous ouvrir sans crainte mon cœur et mon esprit, je demanderai instamment que la voix apostolique s'élève plus forte par votre bouche dans la sainte assemblée du Concile, quelle prenne puissamment le parti des Noirs de l'Afrique Centrale, qu'elle réveille dans l'Eglise l'esprit de l'apostolat, afin que l'Afrique soit invitée à la Foi, attirée, et forcée par la puissance d'un doux langage ; que votre voix apostolique sollicite enfin avec insistance la collaboration de tout le peuple chrétien pour obtenir le salut de l'Afrique de façon plus rapide et plus heureuse.

Et quand à la fin du Concile vous retournerez dans vos diocèses, faites en sorte, je vous en prie, que quelques-uns de vos plus jeunes Prêtres, animés par l'Esprit de Dieu, viennent se joindre à nous pour gagner l'Afrique au Christ et que les autres fidèles, que la charité du Christ presse à l'égard de leurs frères, apportent leur contribution à cette œuvre très noble de Rédemption, par leurs prières, leurs œuvres et leur argent.


[2306]
Ceux qui embrassent l'Apostolat parmi ces peuples devront sûrement affronter de grandes difficultés et d'immenses fatigues. Cependant, pour ceux qui aiment Dieu, la sueur et les larmes avec lesquelles leurs œuvres sont irriguées, seront une source de joie et de satisfaction.

Mais hélas ! il y a eu et il y a encore aujourd'hui, à notre grande indignation et pour la plus grande douleur des bons, des ennemis du catholicisme qui, sans aucune peur des dangers, parcourent hardiment ces régions enflammées et sans frontières, poussés par le désir de la gloire humaine et l'âpreté du gain.

Il convient d'autant plus que les ouvriers catholiques accomplissent les mêmes efforts pour enseigner la Foi chrétienne aux malheureuses tribus de ces terres et pourvoir ainsi à leur salut éternel.


[2307]
Je vous implore donc, mes Révérends Pères, réunis auprès du Siège du Bienheureux Pierre pour rassembler tous les peuples du monde dans une seule bergerie et dans l'unique royaume du Christ, ayez particulièrement pitié des peuples de l'Afrique Centrale en suscitant par vos paroles et par vos vœux un espoir de Rédemption et de vie, et que, pour l'intérêt que vous montrez, l'on puisse dire en toute vérité, que si le Nil a finalement révélé ses Sources c'est pour que les populations riveraines soient purifiées dans ses eaux par le Saint Baptême.


[2308]
Il faut donc travailler de toutes nos forces pour que la Nigrizia entre dans l'Eglise Catholique. L'honneur et la gloire de notre Seigneur Jésus Christ le requièrent et, bien que depuis longtemps Jésus ait versé son sang pour sa régénération, l'Afrique Centrale n'est pas encore soumise à son empire.

C'est la promesse faite par notre Seigneur à notre sainte Mère l'Eglise qui l'exige : " il y aura un seul troupeau et un seul pasteur" (Jean 10,16).

L'exige aussi le ministère qui vous a été confié, vous que l'Esprit Saint a établis gardiens pour paître l'Eglise de Dieu (Actes 20,28). C'est vers cela enfin que tend l'espoir, pas encore réalisé, de ce peuple auquel il a été dit par le prophète Sophonie "D'au-delà des fleuves de Nubie ceux qui m'adorent m'apporteront une offrande " (Sophonie 3,10).


[2309]
C'est pourquoi, très Eminents et Révérends Pères, en considérant votre grandeur d'âme et l'ardente sollicitude de votre sacerdoce pour le salut des âmes, je vous supplie et je vous conjure, avec une grande ferveur et une grande humilité, de daigner souscrire ce Postulatum pour les Noirs de l'Afrique Centrale, qui est peut-être le dernier à être proposé à ce Concile, tout comme le malheureux peuple des Noirs est le dernier de toutes les nations.

Humblement prostré à vos pieds, Pères de ce Saint Concile, l'humble serviteur de Vos Eminences et de Vos Excellences vous recommande avec ardeur cette cause et embrasse vos mains.



Daniel Comboni

Missionnaire Apostolique de l'Afrique Centrale

Supérieur des Instituts des Noirs en Egypte



Fête du Sacré-Cœur de Jésus.



Original en latin.






360
Postulatum
0
Rome
24. 6.1870
N° 360 (338) - POSTULATUM POUR LES NOIRS

DE L'AFRIQUE CENTRALE

AP SC Afr. C., v. 7, f. 1324

Rome, le 24 juin 1870



POSTULATUM

AU SACRE CONCILE ŒCUMENIQE VATICAN

POUR LES NOIRS DE L'AFRIQUE CENTRALE



[2310]
Les Pères soussignés, très humblement et avec de ferventes prières, implorent le Saint Concile Œcuménique Vatican afin que, tout en considérant le monde entier, et bien qu'attentif aux nécessités de tous, il jette au moins un regard de compassion sur l'Afrique Centrale. Elle est en effet opprimée par de terribles maux, elle est deux fois plus grande que toute l'Europe, et embrasse plus de cent millions de fils de Cham, soit le dixième de toute l'humanité.


[2311]
L'Apostolat catholique a fait, maintes fois et en tout temps, d'immenses efforts pour que l'Afrique entre dans la véritable Eglise de JésusChrist.

En effet, une partie de ses côtes a été occupée par divers Vicariats et Préfectures Apostoliques et par quelques Diocèses. Mais le Centre de l'Afrique est encore presque entièrement inexploré et inconnu ; bien que la Sacrée-Congrégation de Propaganda Fide ait ravivé sa sollicitude pour cette cause, spécialement dans ces derniers temps, ces régions de l'Afrique Centrale languissent encore cependant, comme abandonnées dans leur misère, sans Pasteur, sans Apôtres, sans Eglise et sans Foi.


[2312]
Devant cette triste réalité, les Pères soussignés prient, avec beaucoup d'insistance, le Saint Concile Œcuménique qu'il daigne persuader les Evêques, par une exhortation bienveillante et en accord, de procurer de leurs diocèses de dignes ouvriers de l'Evangile et n'importe quelle autre aide pour cette vigne délaissée du Seigneur.

Et, s'il le juge opportun, qu'il fasse appel par son autorité solennelle à tout le monde catholique en sa faveur, qu'il recommande cette entreprise divine et sainte et qu'il demande l'aide efficace de tout le peuple chrétien pour obtenir sa réussite.



Les raisons du présent Postulatum




[2313]
1. La plus ancienne des malédictions qui ait été infligée à un peuple pèse encore sur les malheureux fils de Cham, et les régions enflammées de l'Afrique Centrale sentent terriblement la force maléfique de cette malédiction.

En effet, bien que notre Sainte Mère l'Eglise ait tout essayé pour l'éloigner, soit par les nombreux efforts accomplis, soit par des entreprises d'envergure, la malheureuse Nigrizia gît encore sous l'horrible domination de Satan.


[2314]
2. Comme il a été décrété que la bénédiction solennelle de la Nouvelle Alliance doit effacer toutes les malédictions de l'Ancienne, ce sera une gloire très noble pour le Concile Œcuménique Vatican que d'en avoir accéléré l'accomplissement.

Que l'Afrique Centrale puisse participer à la joie solennelle du prochain triomphe de l'Eglise !

Que sur le diadème orné de gemmes célestes dont est couronnée la tête auguste de la Mère de Dieu, victorieuse et Immaculée, resplendisse le peuple africain, désormais conquis au Christ, parmi les pierres précieuses, comme une perle noire !



[suivent les signatures des Eminents et Révérends Pères Conciliaires]



Texte original en latin.