[2214]
Si je n'ai pas jugé opportun jusqu'à présent de présenter à Votre Eminence le tableau général sur les progrès de l'Œuvre présidée par l'Illustre et Révérend Monseigneur Luigi Marquis de Canossa, Evêque de Vérone, dont je suis le représentant bien que j'en sois indigne, c'est parce qu'il ne faut pas se présenter devant le tribunal suprême de Propaganda Fide avec de simples projets, aussi louables soient-ils. L'expérience m'a appris qu'il est nécessaire d'y aller avec des faits réels et positifs.
La fondation d'un Institut, son Règlement, son action apostolique, ses ressources, sa stabilité doivent être prouvés, mis à l'épreuve, assurés, et ceci ne se fait qu'avec le temps et avec la maturité nécessaire. Les chefs suprêmes peuvent alors compter sur du solide, délibérer en toute sécurité, et décider sans compromettre ni l'autorité ni la dignité de l'Eglise.
C'est pour cela qu'après avoir commencé cette sainte Œuvre, fait les premières expériences et donné les preuves suffisantes pour concevoir des espoirs fondés de voir la réussite de celle-ci, je me présente à Votre Eminence, avec la logique des faits et de solides bases.
[2215]
Ce qui a été fait jusqu'à présent a été accompli en franchissant d'importants obstacles, des difficultés, et tout cela malgré les temps difficiles que nous vivons et en suivant la prudente réserve de Propaganda Fide qui a sagement jugé qu'il était opportun de ne pas donner son accord moral et son appui formel à une Œuvre qui n'en est qu'au stade expérimental.
La fermeté constante des deux Prélats qui la président à Vérone et en Egypte et l'heureuse concordance des membres des Instituts, ont soutenu énergiquement, avec l'aide de la grâce, la sainte Œuvre qui, j'en suis sûr, obtiendra l'appui tant souhaité de la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi.
[2216]
Pour donner une idée du progrès de cette œuvre qui a pour but d'implanter de façon durable la Foi en Afrique Centrale et de conduire la malheureuse Nigrizia dans la bergerie du Christ, je parlerai :
Des Instituts naissants d'Egypte qui sont nés sous les providentiels auspices de Monseigneur Ciurcia.
II. Des petites Œuvres de Vérone présidées par Monseigneur Canossa
III. De la nécessité que les Œuvres naissantes d'Egypte et de Vérone fonctionnent et se développent de façon simultanée afin d'atteindre, petit à petit, le but fixé.
I. Les Instituts pour les Noirs en Egypte.
[2217]
Je dois avant tout dire qu'après avoir obtenu l'autorisation formelle, avec une lettre autographe du Vicaire Apostolique à l'Evêque de Vérone datée du 2 août 1867, d'installer en Egypte des Instituts pour les Noirs, il aurait mieux valu, avant de transférer au Caire les missionnaires, les Sœurs et les jeunes Africaines selon ma première intention, que je m'y rende seul pour mettre en place les deux maisons ; je serais ensuite retourné en Europe pour conduire le groupe en Egypte, et pour l'installer dans les deux maisons préparées.
Mais après l'épisode inattendu et les pénibles événements que j'ai dû vivre avec le précédent Vice-Gérant Monseigneur Castellacci, comme Votre Eminence le sait, et pour éloigner les funestes conséquences qui auraient pu compromettre pour toujours ma personne et l'Œuvre-même, j'ai été contraint de me jeter dans les bras de la Providence et de conduire tout le groupe en Egypte.
A Rome j'ai dû faire face à d'énormes dépenses, car je n'ai pas reçu en temps voulu toutes les jeunes Africaines du Monastère des Viperesche, ainsi qu'à Marseille, pour maintenir pendant 40 jours une partie du groupe qui s'y était déjà rendu. Toutes ces dépenses m'ont empêché de prendre au Caire deux Maisons suffisamment éloignées l'une de l'autre.
[2218]
Alors, à l'exemple de nombreux Instituts de France, j'ai pris en location le Couvent des Maronites au Vieux Caire, qui est formé de trois maisons séparées ; j'ai installé les hommes dans une maison, les femmes dans une autre, et les Pères Maronites ont gardé la troisième pour eux.
J'ai établi un Règlement sévère et adapté aux deux communautés, lesquelles, bien qu'éprouvées par de longues et terribles maladies, fonctionnaient assez bien.
Il n'y aurait rien eu à redire, si n'avait pas eu lieu le douloureux accident du quinquagénaire Père Zanoni, Camillien.
Pour des raisons importantes et prudentes, comme je l'ai expliqué dans ma lettre du 22 septembre 1868 de Paris, j'avais confié la cure spirituelle de l'Institut Féminin au Père Zanoni. La Providence a veillé avec un amour plein de sollicitude sur les pauvres Instituts. Avec l'aide de la grâce divine, d'une vigilance accrue et de la vertu ferme et bien enracinée des jeunes Africaines, il ne s'est rien passé de grave par rapport à ce que cet imprudent religieux avait provoqué. Ce fut plutôt pour nous tous une solennelle leçon, un avertissement salutaire pour rester sur nos gardes, pour nous méfier de tout et pour avancer avec beaucoup de prudence dans l'avenir.
[2219]
Son Excellence le Vicaire Apostolique, dans sa paternelle sagesse, avait délégué, pour le représenter auprès de nous, le Révérend Père Pietro de Taggia Curé du Vieux Caire, et ancien missionnaire franciscain expérimenté dont le zèle apostolique et la piété sont singuliers. Ce dernier a été chargé de veiller sur nous et de nous aider par sa sagesse, son autorité. D'accord avec lui j'ai pris une grande bâtisse près du Nil et nous l'avons convenablement divisée avec son approbation et sous ses yeux. J'y ai installé séparément les deux petites communautés et j'ai établi un Règlement bien adapté qui a été suivi à la lettre. Une telle solution ne devait être que provisoire, car quand je suis revenu d'Europe où je m'étais rendu avec l'autorisation du Vicaire Apostolique, j'ai cherché une nouvelle maison pour les missionnaires. Je n'ai pas cessé de chercher, même après les refus humiliants et répétés que j'ai dû essuyer des Turcs et des hérétiques qui rejetaient mes demandes ou demandaient jusqu'à 9.000 francs par an de location ; mais j'ai finalement trouvé une maison à 12 minutes de la première, et j'y ai installé l'Institut masculin. J'ai alors promulgué le Règlement (Annexe A, ) dont l'essentiel a été suffisamment observé depuis le début de la fondation.
[2220]
Les Règles définitives d'un Institut sont toujours le fruit de longues observations et de l'expérience. Les Règles que j'ai définies ne sont que le résumé substantiel de la conduite à suivre des Missionnaires, car j'avais la ferme intention de déterminer, par la pratique et par l'expérience de façon plus réfléchie, le Règlement le plus approprié pour l'Institut et de le soumettre à la Sacrée- Congrégation pour la suprême sanction du Saint-Siège.
Je me suis parfaitement rendu compte dès le début de la délicatesse de ma position autant à l'extérieur qu'à l'intérieur de mes petits Instituts.
[2221]
Dociles aux providentiels conseils du sagace Représentant du Saint-Siège, les Instituts et moi-même sommes restés sous son regard paternel. J'ai bien pu comprendre sa délicate position dans cet important et difficile apostolat qui embrasse tant d'éléments si différents.
J'ai eu affaire aux Révérends Pères Franciscains et aux autres corps moraux de la mission, au Gouvernement égyptien, aux autorités Consulaires de France, d'Autriche et d'Italie, au Clergé des divers rites orientaux, aux sectes protestantes et hérétiques, aux musulmans et à la Franc-maçonnerie dominante. Le chef d'un nouvel établissement doit avoir l'œil vigilant à tout cela, en agissant avec la plus grande prudence.
[2222]
Je n'ai pas tardé à comprendre aussi ma délicate position vis-à-vis des personnes composant les Instituts dont j'étais responsable : il y avait des religieux Camilliens dont la forme d'institution n'est pas identique à celle des Prêtres séculiers, des Sœurs françaises et italiennes, de jeunes Africaines rachetées par plusieurs bienfaiteurs et éduquées selon les Règles de différents Instituts ; ils étaient tous des éléments hétérogènes, que je devais mettre en parfaite harmonie, et ramener prudemment à une seule pensée sous un seul drapeau. J'ai donc étudié avec soin le caractère, les tendances, le niveau de vertu et les capacités de chacun afin de bien diriger toutes ces personnes et de pouvoir me servir de celles qui pouvaient être utiles au bon fonctionnement de l'Œuvre.
[2223]
Parmi elles, j'ai surtout étudié le Père Stanislao Carcereri, et j'ai trouvé qu'il était un homme de conscience, de caractère, d'ordre et de fermeté ; c'est un excellent connaisseur du Plan de l'Œuvre, très zélé et capable de bien s'occuper d'un Institut. Comme toute la responsabilité des Etablissements pèse sur moi, vu que la malice du monde est immense et que la perfidie du démon engendre des ennemis même dans l'air qu'on respire et que je peux mourir d'un jour à l'autre, j'ai nommé ce digne religieux Vice-Supérieur des Instituts, et je l'ai choisi comme témoin de tous mes agissements. J'ai donc pris l'habitude de communiquer toutes les affaires d'une certaine importance au Père Carcereri ou au Représentant du Vicaire Apostolique, le Père Pietro, qui m'a fait profiter de ses conseils.
[2224]
Je n'ai pas omis non plus de soumettre aussi aux autres compagnons Prêtres tout ce qui était d'une certaine importance pour les Instituts, dans le but d'initier chacun d'entre eux à la connaissance et à la pratique des affaires de l'Œuvre (ce qui sera très utile dans l'avenir quand elle se développera davantage).
Chaque avancée, chaque action, chaque affaire concernant les Instituts ont été d'abord mûrement méditées et réfléchies, diligemment soumises à consultation, discutées et au nom du Seigneur, ont été par moi décidées. Je dois cette pratique salutaire tout d'abord à Dieu et ensuite à la rectitude, à l'unanimité, à l'obéissance de mes compagnons et au bon ordre et à l'harmonie (comme dans n'importe quel Institut d'Europe) qui règnent dans mon Institut. A tout cela je dois l'avantage que mes compagnons seraient capables de diriger un Institut.
Je connais bien l'esprit et le cœur de mes compagnons, et ils ont toute mon estime et mon affection. Nous n'avons tous qu'une seule pensée, nous sommes prêts à sacrifier notre vie par amour de Dieu, de l'Eglise et de la malheureuse Nigrizia.
[2225]
Nous sommes tous prêts, Eminence, à mourir même comme martyrs de la Foi ; mais nous voulons mourir pour de bonnes raisons, c'est-à-dire, en agissant sagement pour le salut des âmes les plus délaissées de la terre, en nous exposant pour elles aux plus grands dangers de mort avec la prudence, la discrétion et la magnanimité qui conviennent à de véritables Apôtres et Martyrs de Jésus-Christ.
Après avoir présenté ces notions générales, je veux parler plus précisément des Instituts et de leurs moyens de subsistance.
En Egypte il y a trois petites Maisons de l'Œuvre :
1. L'Institut masculin.
2. L'Institut féminin.
3. L'Ecole féminine du Vieux Caire.
1. Institut du Sacré-Cœur de Jésus pour la régénération de l'Afrique
[2226]
C'est le nom de l'Institut masculin dont l'horaire est présenté dans l'Annexe B
Les buts principaux de cet Institut sont les suivants :
1. L'éducation religieuse, morale, intellectuelle et technique des jeunes Africains, afin de leur apprendre la Foi, la morale, les sciences et les métiers qui sont nécessaires en Afrique Centrale ; après avoir été éduqués, ces jeunes devront retourner dans leurs tribus pour y être les apôtres de la Foi et de la civilisation des peuples noirs sous la direction des Missionnaires européens.
[2227]
2. Permettre aux Missionnaires et aux Frères coadjuteurs européens de s'acclimater afin qu'ils soient davantage capables de supporter le climat et les fatigues apostoliques dans la Nigrizia.
[2228]
3. Un autre but est de permettre aux Missionnaires européens d'étudier l'arabe, les langues des Noirs et les autres idiomes nécessaires à la mission ; de connaître les mœurs de l'Orient et les coutumes des musulmans à qui ils auront toujours affaire, même en Afrique Centrale ; de s'exercer à la manière de se comporter vis-à-vis d'un monde corrompu, et des autorités gouvernementales et consulaires ; de leur donner l'occasion d'apprendre un peu de médecine et l'artisanat de première nécessité, et d'étudier surtout les moyens les plus adaptés et la façon de gagner les âmes à Dieu.
En un mot l'Institut est pour le Prêtre une école d'expérience et d'épreuve pour bien apprendre à agir en Missionnaire, pour exercer comme il convient le ministère pastoral en Afrique Centrale.
[2229]
4. La temps passé dans l'Institut est une espèce de stage pour s'assurer si les Missionnaires et les Frères coadjuteurs qu'on veut envoyer dans la Nigrizia sont bien pourvus du haut degré de chasteté à toute épreuve, de la Foi, de l'humilité, de l'abnégation, la constance, la charité et des vertus apostoliques, qui sont nécessaires pour affronter les missions ardues et périlleuses de l'Afrique Centrale, afin qu'ils ne courent pas le risque d'être convertis... au lieu de convertir... ne cum aliis praedicaverint, ipsi reprobi efficiantur.
[2230]
Le but secondaire de l'Institut est l'évangélisation de la race éthiopienne demeurant en Egypte qui, d'après l'Annuaire Officiel 1869-1870 de Levernay, compte 25.000 individus rien qu'au Caire.
En outre, l'Institut exerce son ministère pastoral en Egypte, selon les autorisations et les facultés qu'il reçoit du Vicaire Apostolique, pour le bien de la Colonie Européenne ou des Indigènes de n'importe quel rite et croyance.
[2231]
En ce qui concerne les Noirs d'Egypte, jusqu'à présent, nous nous sommes limités à convertir ceux qui sont chez des familles catholiques, en laissant de côté, pour le moment, les Noirs hérétiques et les musulmans, que nous n'avons même pas approchés ; nous ne nous sommes occupés que des malades et des abandonnés que la Providence a guidés vers nos établissements.
[2232]
Les Noirs vivant chez les familles catholiques sont presque tous musulmans ou païens. La raison de cette plaie qui frappe la race éthiopienne en Egypte, même là où le catholicisme règne, est due à la négligence séculaire et traditionnelle des patrons catholiques, qui ne s'intéressent pas du tout au salut éternel de leurs domestiques éthiopiens qu'ils considèrent comme des choses, ou ne veulent absolument pas qu'ils deviennent catholiques. Il y a deux raisons principales à cela : 1. parce que les Noirs qui sont catholiques deviennent libres, et leurs maîtres ont donc peur qu'ils se dérobent à leur service. Au contraire, nous avons démontré que les Noirs devenant catholiques, sont davantage fidèles à leurs maîtres.
La deuxième raison est que si les Noirs deviennent catholiques, et que le maîtres, pour n'importe quelle raison ne les veulent plus, ils ne peuvent pas les vendre aux musulmans pour en obtenir de l'argent.
Je me ferai un devoir de vous présenter d'ici peu un rapport particulier et détaillé de cet apostolat de notre Institut, et Votre Eminence pourra prendre connaissance de la malheureuse condition de la race éthiopienne en Egypte, même des Noirs des familles catholiques ou de n'importe quel rite. Vous comprendrez quels sont les obstacles et les difficultés que le ministère sacerdotal le plus avisé rencontre ici ; vous pourrez imaginer la prudence et la discrétion nécessaires pour obtenir quelques fruits, et quels résultats positifs peut obtenir l'Eglise.
Vous pourrez aussi tirer la conclusion, même si l'apostolat des Noirs en Egypte n'est que le but secondaire de l'Institut, qu'il est à lui seul une mission importante.
[2233]
L'institut masculin comprend, à petite échelle :
1°. Le groupe des missionnaires ;
2°. Le groupe des Frères coadjuteurs ;
3°. Le Catéchuménat et le pensionnat des jeunes Noirs ;
4°. Une petite infirmerie pour les Noirs.
[2234]
Voici en bref le mode de vie des missionnaires.
La vie du missionnaire qui a rompu, de manière absolue et péremptoire, toutes les relations avec le monde et avec ce qu'il avait de plus cher, doit être vécue dans l'Esprit et dans la Foi. Puisqu'il est consacré par la Foi et la charité à la conversion des âmes, il faut qu'il ait en lui, en plus d'un zèle solide et sincère, un pur amour et la crainte de Dieu, une bonne maîtrise de ses propres passions ; que prévalent en lui clairement la ferveur pour les réalités spirituelles et le souci de la vie intérieure et de la perfection.
Il est donc prescrit au missionnaire de l'Institut des Noirs de suivre les règles suivantes pour acquérir sa propre sanctification :
1. Observance rigoureuse du Règlement et de l'Horaire.
2. Messe et Office Divin quotidiens, et Confession hebdomadaire.
3. Prières le matin et le soir en commun, et Chapelet.
4. Méditation le matin, en commun, pendant une heure.
5. Examen de conscience, lecture spirituelle, Visite au Très Saint-Sacrement ou à... la chapelle, et Communion Spirituelle privée.
Acte de Consécration ad Iesum Apostolum des propres travaux et de sa... propre vie, qui se fait en commun matin et soir.
Lecture quotidienne, pendant les repas, du Nouveau Testament et des vies des Martyrs et des Saints, ou de célèbres et distingués missionnaires.
8. Exercices spirituels annuels de 10 jours pendant le Carême, et récollection... mensuelle le vendredi après le premier Dimanche de chaque mois.
9. Pendant les mois de mars et de mai, exercices de piété tous les soirs, Neuvaines, Octaves, Triduum, avec prédications et panégyriques au Très Saint-Sacrement, à l'Enfant Jésus, au Sacré-Cœur de Jésus, à la Sainte Famille, à l'Immaculée Conception, aux VII douleurs, au Sacré-Cœur de Marie, aux Saints Apôtres et Martyrs, à Saint Pierre et à Saint Paul, à Saint Joseph, à Saint François Xavier, à Saint François d'Assise, à Saint Antoine de Padoue, à Saint Louis de Gonzague, à Saint Camille, à Sainte Thérèse, aux Saints Africains, à la Bienheureuse Alacoque, pour l'Eglise, pour le Souverain Pontife pour la Propagation de la Foi, et surtout pour la Régénération de l'Afrique.
10. Exercices personnels de piété pour chacun.
[2235]
En ce qui concerne l'étude pour la sanctification des âmes, sont prescrites aux missionnaires les règles suivantes :
1. Etude fréquente des Saintes Ecritures, de la Théologie Dogmatique, de la Morale, du Droit Canonique, de la Catéchèse, de l'histoire de l'Eglise, de l'histoire des Missions, et de la Controverse.
La Controverse est une matière d'étude particulière pour les missionnaires et elle comprend :
a) l'étude des aspects les plus urgents et actuels du ministère sacerdotal.
b) l'étude des erreurs et des superstitions païennes en Afrique Centrale.
c) l'étude des erreurs et des superstitions de l'Islam en général ; des particularités des musulmans d'Egypte et de Nubie, et des Arabes nomades de l'Afrique Centrale.
d) l'étude des erreurs des hérétiques et des schismatiques de tous les genres et de tous les rites en général, et des différentes particularités qui existent entre les hérétiques et les schismatiques d'Egypte, c'est-à-dire les Coptes, les Grecs, les Arméniens, les Anglicans, les Protestants, etc.
e) l'étude des préjugés pernicieux chez les catholiques d'Egypte, et même chez les moines orientaux ; préjugés qui peuvent être un obstacle au progrès du véritable catholicisme de Rome.
f) l'étude des tendances pernicieuses et des vices chez les catholiques d'Egypte.
Grâce à cette étude soignée, on peut déterminer et établir, petit à petit, une méthode de travail avec laquelle on peut obtenir le salut des âmes, avec la grâce de Dieu et beaucoup de prudence.
2. Etude approfondie de la langue arabe, française et denka qui est la plus répandue en Afrique Centrale.
3. Etude de l'histoire, de la géographie, de l'agronomie et des coutumes de la Nigrizia.
4. Etude de la médecine, de la phlébotomie, de la botanique, de la pharmaceutique et des autres sciences et métiers nécessaires pour la Nigrizia.
5. Apprentissage des soins spirituels et physiques aux malades.
6. Exercices, dans les Instituts des Noirs, de prédication et d'administration des Sacrements.
[2236]
J'ai gardé pour moi seul la direction générale des Instituts in omnibus et quoad omnia, et le règlement des affaires extérieures, surtout avec les Consulats et le Gouvernement égyptien, la correspondance avec l'Europe et les sociétés bienfaitrices.
J'ai dévolu la surveillance de l'Institut, en mon absence, au Père Carcereri, auquel j'ai également confié la gestion des trois maisons et l'administration des Sacrements aux Sœurs et aux jeunes Noires, qui connaissent l'italien.
L'Abbé Bortolo Rolleri, homme de grande piété, précis, ordonné, doué d'un bon jugement et possédant un excellent esprit, est chargé de l'école (4 heures par jour) des jeunes Noirs, dont la surveillance, en dehors de l'école, est confiée à lui-même, au Père Franceschini, au Frère Rossi et à Domenico, un excellent Africain de 40 ans.
Le Père Franceschini est chargé de la chapelle, de l'administration de l'Institut masculin, des dépenses ordinaires et de l'école des arts et métiers pour les jeunes Noirs. Franceschini est un jeune missionnaire offrant de beaux espoirs.
Le Père Carcereri lui donne des cours de Théologie. Le Père Pietro, notre Curé, donne des cours d'arabe aux missionnaires, et moi j'enseigne le français et le denka.
[2237]
L'Institut masculin aide la paroisse du Vieux Caire pour tout ce qui est requis par le Père Pietro de Taggia, digne Représentant de notre Vénérable Monseigneur le Vicaire Apostolique. Nous lui sommes redevables de la sollicitude la plus charitable et la plus paternelle.
Les charitables et bons Pères de Terre Sainte sont aussi très attentifs à notre égard, surtout le Père Gardien du Couvent du Caire, qui est un homme de bon conseil, de jugement et très prudent ; ainsi que le Gardien d'Alexandrie qui nous prodigue un grande charité et une affection généreuse.
[2238]
La Maison de l'Institut masculin, avec ses trois appartements séparés et l'église, la plus belle et la plus grande du Vieux Caire, occupent la totalité du Couvent des Maronites. J'ai pris le couvent en location pour trois ans, au prix de 700 francs par an, avec l'obligation de faire quelques réparations. Il est à environ 10 minutes à pied des deux Instituts féminins, également situés à dix minutes de distance l'un de l'autre.
2. Institut du Sacré-Cœur de Marie
[2239]
C'est ainsi que j'ai appelé l'Institut des jeunes Noires confié aux Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition, dont l'Horaire est présenté dans l'Annexe C.
Le but principal, et le but secondaire de cet Institut sont les mêmes que l'Institut masculin, sauf quelques différences qui sont dues à la nature et à la mission spéciale de la femme catholique destinée à coopérer avec les jeunes Noires à l'Apostolat en Egypte ou dans la Nigrizia.
[2240]
Cet Institut comprend :
1°. Le groupe des Sœurs ;
2°. Le groupe des jeunes missionnaires noires ;
3°. Le groupe des aspirantes à devenir missionnaires et assistantes ;
4°. Le Catéchuménat ;
5°. Un petit hôpital pour les Noires.
Puisque nos Sœurs et nos Missionnaires noires, pour accomplir leur apostolat, sont exposées à de grands dangers, je tiens à tout prix à ce que tout soit mis en œuvre pour qu'elles acquièrent toutes les vertus spécifiques de chaque Ordre régulier, c'est-à-dire que pour le travail, elles doivent être de parfaites Filles de Saint Vincent de Paul, pour l'oraison et le détachement elles doivent être de parfaites Salésiennes, et pour l'instruction de parfaites Ursulines et des Filles du Sacré-Cœur. Petit à petit nous y réussirons.
[2241]
Pour atteindre leur propre sanctification, les Sœurs dont je suis le Supérieur ordinaire, sont tenues d'observer fidèlement les Règles de leur Institut.
En plus elles dirigent et assistent les jeunes Noires des différents groupes, surtout les Missionnaires, dans les pratiques religieuses suivantes qui ont pour but de leur procurer la sanctification :
1. Observance fidèle du Règlement.
2. Prières (en partie composées par nous en fonction de la mission) en commun le matin, pendant la journée et le soir.
3. Méditation en commun le matin pendant une demi-heure.
4. Examens de conscience, Visite au Très Saint-Sacrement ou à la chapelle, Communion spirituelle, lecture spirituelle pendant la journée et à table, au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner. Tout cela, en commun. Puis, elles garderont le silence à certains moments établis.
5°. Confession hebdomadaire, et Communion suivant l'avis du Confesseur.
6°. Explication de l'Evangile dans l'église le matin ; catéchèse par un Prêtre, après le repas de midi, le dimanche et les jours de fêtes toute l'année.
7. Une heure d'adoration publique au Très Saint-Sacrement chaque mercredi avec la Messe " Pro conversione Nigritiae".
8. Exercices spirituels annuels à partir du 10 mars, jusqu'à la fête de Saint Joseph, et récollection mensuelle le dernier jeudi du mois.
9. Pendant les mois de mars et de mai, sermon tous les soirs, prières spéciales, et exposition du Ciboire.
10. Pratique de la "Garde d'Honneur" du Sacré-Cœur de Jésus avec prédication, le premier vendredi du mois.
11. Neuvaines, Octaves et Triduum au Divin Sauveur, à la Sainte Famille, à la Bienheureuse Vierge Marie etc. et aux Saints auxquels l'Œuvre est particulièrement attachée, comme je l'ai énoncé ci-dessus.
12. Prières personnelles selon la dévotion de chacune.
[2242]
Les Sœurs et les jeunes Noires se soucient du salut des âmes, et elles se préparent à l'apostolat de la Nigrizia par :
L'étude approfondie du catéchisme.
Un missionnaire de temps en temps est présent pendant ces cours ; il expose alors les idées et les arguments qui ont déjà été examinés et discutés par les Missionnaires de l'Institut masculin. Selon les matières il y a un cours de petite "Controverse" par lequel on apprend aux Sœurs et aux Missionnaires africaines la méthode la plus efficace pour convertir les jeunes Noires de toutes croyances : on leur explique aussi les arguments les plus pratiques et les plus simples pour combattre et détruire les erreurs et les superstitions des femmes païennes et musulmanes.
2. L'enseignement par les jeunes missionnaires noires de la Foi et de la morale chrétiennes aux assistantes et aux malades, et la préparation des catéchumènes au Saint Baptême.
3. L'étude des langues arabe et dinka.
4. L'exercice pratique de la façon d'aider spirituellement et physiquement les malades, et les notions de médecine et de pharmacie pour savoir utiliser et préparer les médicaments, etc.
5. L'apprentissage des travaux féminins de première nécessité comme la couture, le tissage, pour devenir robière, etc.
6. L'apprentissage de la cuisine, pour faire le pain, pour préparer des plats avec les produits agricoles que l'on peut trouver, ou introduire en Afrique Centrale.
[2243]
Par ailleurs, les Sœurs dirigent les jeunes Noires dans les travaux très fins et de valeur commandés de l'extérieur, surtout par les boutiques des Européens, ainsi que pour les vêtements et le linge des Instituts. La cuisine, la buanderie et l'infirmerie sont prises en charge, à tour de rôle par les jeunes Noires, pendant une semaine.
L'instruction à domicile dans quelques familles catholiques de bonne réputation où il y a des catéchumènes est toujours donnée par deux jeunes Noires accompagnées d'une Sœur.
Le médecin, ou le Missionnaire qui rendent visite aux filles malades dans le petit hôpital de l'Institut, sont toujours accompagnés par la jeune infirmière africaine, et par la Supérieure ou une des Sœurs.
Le petit hôpital est pourvu d'une petite pharmacie, avec un budget de 2.000 francs, celle-ci distribue les médicaments aux autres Maisons et aux pauvres.
[2244]
Parmi les Missionnaires africaines, il y en a 10 qui ont une moralité à toute épreuve et qui sont très habiles ; elles seraient prêtes à exercer convenablement leur ministère en Afrique Centrale, et seraient mûres pour l'apostolat de la Nigrizia. Toutes les jeunes Missionnaires africaines sont très habiles pour attirer vers le catholicisme, les Noires païennes ou musulmanes. De nombreuses païennes et musulmanes auraient pu être converties à la Foi, si la prudence ne nous avait pas incités à être attentifs à leurs patrons qui sont opposés à la conversion des Noirs.
[2245]
L'expérience nous a convaincus que la présence, en Egypte, d'un Institut de filles africaines est un élément d'apostolat important en faveur de la race éthiopienne.
En effet, en parlant avec nos jeunes, en les voyant prier et en les écoutant chanter, de nombreuses autres païennes et musulmanes ont voulu devenir catholiques. Toutes les filles converties sont restées, sans exception, jusqu'à présent fidèles à la Foi, soit celles qui sont restées dans l'Institut, soit celles qui ont été placées auprès d'honnêtes familles catholiques. Certaines de ces néophytes ont conservé, si on peut dire, l'innocence baptismale, et sont un bel exemple pour les autres.
[2246]
Les Sœurs ont un esprit et une moralité à toute épreuve. Nous n'avons rien négligé pour les rendre telles et pour qu'elles soient dans l'esprit de notre difficile et importante mission. La Supérieure est Sœur Veronica Pettinati et elle est vraiment à la hauteur de sa mission.
[2247]
Jusqu'à présent, je me suis occupé personnellement de l'administration générale de cet Institut en lui envoyant tout le nécessaire, j'ai confié toutefois à la Supérieure la responsabilité de l'administration ordinaire de la Maison. C'est une expérience qui m'a permis de constater les besoins de l'Institut et les profits de l'Œuvre.
Depuis janvier dernier, avec Sœur Euphrasie, j'ai décidé de me débarrasser de toutes ces tâches encombrantes, et de confier aux Sœurs toute l'administration selon le Contrat (en Annexe D). Cela donnera davantage de responsabilité à la Congrégation de Saint Joseph vis-à-vis de l'Œuvre. Mais la Mère Générale ne s'est pas encore prononcée et attend de venir à Rome avant de prendre une décision.
La Maison de cet Institut appartient à Monsieur Bahhari Abut, un Grec catholique ; il s'agit d'un vaste bâtiment, à dix pas du Nil, avec un petit jardin et une chapelle, je l'ai pris en location au prix de 1.600 francs par an .
3. Maison de la Sainte Famille ou Ecole féminine
de la Paroisse du Vieux Caire
[2248]
Cette petite Maison a été ouverte en juin 1869 suite à un mandat spécial de Son Excellence le Vicaire Apostolique, qui m'en a confié la responsabilité avec le document suivant fait à Alexandrie le 23 mai dernier sur ma demande et selon les vœux de notre Très Révérend Père Curé.
N.110
"Révérend Abbé Daniel Comboni,
Après avoir pris en considération ce que vous m'avez demandé dans votre lettre du 10 mai, je vous autorise à ouvrir à titre expérimental une Ecole succursale au Vieux Caire, sous la direction de Sœur Maria Caterina Rosa Valerio, Tertiaire Franciscaine de Vérone, les droits du Curé étant toujours préservés ; j'écris aussi à ce dernier pour l'inviter à fournir toute l'aide possible afin que l'on obtienne les résultats souhaités.
Les locaux de l'ancienne Ecole n'étant pas pour le moment disponibles, c'est à vous de vous occuper d'en trouver d'autres qui réunissent, si possible, les conditions exigées.
+ F. Luigi Archevêque,
Vicaire Apostolique
[2249]
Cette école est gérée exclusivement par les Missionnaires noires sous la direction de Sœur Valerio que j'ai amenée de Vérone, où elle a été Maîtresse des Novices du Monastère des Tertiaires Franciscaines, à présent supprimé.
Dans cette école, on enseigne la Foi et la Morale catholiques, on donne une instruction primaire, on apprend les langues arabe, française, italienne et allemande, outre les travaux féminins de toutes sortes, depuis la chaussette jusqu'à la broderie de soie et d'or.
[2250]
L'horaire particulier est présenté dans l'Annexe E.
L'Ecole est fréquentée ordinairement par 20 ou 30 élèves d'origine orientale et par trois Européennes allemandes. Le nombre si limité d'élèves est dû au Patriarche Copte Schismatique récemment décédé, qui a interdit à ses coreligionnaires, garçons et filles, de fréquenter les écoles catholiques. Au Vieux Caire il y a beaucoup de familles coptes hérétiques.
Cette Maison est comme un petit noviciat pour les jeunes missionnaires africaines. Elle est située à côté de l'église Paroissiale.
La Maison ou Ecole de la Sainte Famille, m'a été louée par les Franciscains de la Terre Sainte, pour trois ans, au prix de 360 francs par an.
[2251]
La liste du personnel des trois petits Instituts des Noirs en Egypte, depuis l'époque de leur fondation en décembre 1867 jusqu'au mois de mars 1870, se trouve dans l'Annexe F.
D'après cette liste on peut voir qu'ont été accueillies dans nos maisons 72 personnes. Actuellement il y a :
19 néophytes ;
15 Catéchumènes.
Le personnel actuel des Instituts est le suivant :
1. Institut du Sacré-Cœur. de Jésus 11
2. Institut du Sacré-Cœur de Marie 26
3. Maison de la Sainte Famille 9
Economie et moyens de subsistance
des Instituts d'Egypte.
[2252]
En ce qui concerne les moyens financiers et matériels pour soutenir les Instituts naissants d'Egypte, j'ai mille raisons de remercier la Providence, car, bien que l'époque actuelle soit extrêmement difficile et que l'Œuvre, par disposition de la Divine Providence, ait été frappée par d'épouvantables tempêtes, et que les dépenses aient été réduites au moindre centime, les Instituts n'ont jamais manqué du strict nécessaire, et parfois même l'utile et le confortable ne leur ont pas fait défaut.
[2253]
L'inconvénient le plus grave de l'Œuvre en Egypte est de ne pas posséder au moins une maison à elle. Mais avec l'aide de Dieu et avec l'éventuel appui de Propaganda Fide, je ne tarderai pas à acquérir une maison au Caire.
La Société de Cologne, pour cela, m'a d'ailleurs donné 10.000 francs avec une lettre (en Annexe G), dont le contenu témoigne de l'engagement de cette pieuse Association pour aider, avec de généreuses offrandes, les actuelles petites œuvres d'Egypte et les futures œuvres de l'Afrique Centrale.
[2254]
D'après l'expérience des deux premières années, les dépenses nécessaires pour maintenir les trois petites Maisons d'Egypte, avec le nombre de personnes qui les composent actuellement, sont de 15.000 à 16.000 francs environ.
[2255]
Le recettes dont les Instituts peuvent disposer annuellement dépassent la somme de 20.000 francs. Les sources de ces subventions sont les suivantes :
1°. Société de Cologne pour les Noirs Francs 10.000
2°. Propagation de la Foi de Lyon " 7.000
3° Aumônes des Messes des Missionnaires " 2.000
4° Œuvre des Ecoles d'Orient " 500
5° Dons aux Instituts et travaux des filles " 3.000
Total " 22.500
Actuellement les trois Maisons sont pourvues de plus de 25.000 francs en lingerie, literie, meubles, médicaments, objets pour le culte, ustensiles de cuisine, outils, etc. Je peux faire une liste de tous les objets à la demande de Votre Eminence.
Ressources et actif des Instituts
pendant les deux premières années de leur fondation.
En espèces
1°.Société de Cologne pour les Noirs francs 28.300
2°. Propagation de la foi de Lyon et de Paris " 12.000
3°. Ludwigverein de Munich " 1.500
4°. Société de L'immaculée Conception de Vienne " 1.000
5°. Œuvre des Ecoles d'Orient " 700
6°. Société du Saint Sépulcre de Cologne " 500
7°. Institut des Cisterciennes de Landshut " 2.000
8°. Institut des Salésiennes de Beuerberg " 1.260
9°. Duc de Modène " 800
10.° Gains des travaux des filles, et dons aux Instituts du Caire " 3.000
11°.Aumônes de Messes aux missionnaires 4.000
12°.Aumônes de bienfaiteurs de l'Œuvre célèbres et inconnus, dont des Majestés et des Altesses comme l'Empereur Ferdinand et l'Impératrice Marianne d'Autriche, le Prince Georges de Saxe, le Prince de Löwenstein, le Baron de Havelt, prédications, en France, etc 17.000
Total 72.060
En objets et provisions :
1°. Mme Maurin Bié, Dephies, Berthod etc. à Lyon en chemises, vêtements, etc. pour une valeur de
500 francs
2°. Famille du missionnaire Rolleri en blé, nourriture etc. 350 "
3°. Mon Père, Luigi Comboni, 9 barils d'huile 750 "
4°. Cadeaux ; fromage, vin, sucre, nourriture etc. 3.500 "
Economies ponctuelles grâce à l'artisanat et aux relations particulières
1°. Pour les voyages jusqu'au Caire des jeunes Noires et des Frères Laïques, pour le transport gratuit de 274 colis de Marseille jusqu'à Alexandrie (le Gouvernement français n'accorde la gratuité du voyage qu'aux Missionnaires et aux Sœurs, et pas toujours) obtenue du Ministère des Affaires Etrangères de Paris et du Gouvernement égyptien : 12.000 "
2°. MM. Talabot, Pointu et des chefs de plusieurs sociétés ferroviaires m'ont accordé plusieurs fois le voyage gratuit sur les voies ferrées de France, d'Allemagne, et d'Italie 1.600 "
Grand Total 90.760 "
Dépenses et passif des Instituts
pendant les deux premières années de leur fondation.
1. Frais de voyages de 30 personnes et transports de colis de l'Europe au Caire Francs 15.000
2. Mes voyages en Europe " 2.000
3. Location de trois maisons, et petites réparations " 5.500
4. Poste envoi et réception " 1500
5 Dépenses pour le culte, cierges, huiles, vin, farine, bancs etc. " 2.000
6. Pharmacie, médecins, petit hôpital, infirmerie etc. " 4.000
7. Nourriture, vêtements, trains, voitures, ânes bateaux, chameaux etc., rachats de quelques Noirs et Noires, aumônes " 30.000
8. Literie, linge, meubles, ateliers, cultes etc. " 25.000
Total " 85.000
[2256]
J'ai une dette de 5.000 francs envers l'honnête famille A. Laurent de Marseille, négociant au service de nombreuses Maisons Religieuses, je lui restituerai cette somme petit à petit, après avoir fondé les Instituts, ou quand je pourrai, selon notre accord.
Il reste actuellement dans la caisse
entre les mains du P. Carcereri Francs 2.000
entre mes mains " 1.000
chez M. Zachman, mon banquier du Caire " 1.500
Compléments de 1869 de la Propagande de la foi " 5.600
Crédits exigibles " 800
Total " 10.900
Donc Actif
Ressources reçues Francs 90.760
Passif, dépenses faites 85.000
Caisse Actuelle 10.900
Total 95.900
Dette Laurent 5000
Francs 90.900
II. Les Petites Œuvres de Vérone
[2257]
Pour que les Instituts d'Egypte et les œuvres que nous fonderons dans la Nigrizia soient stables, Son Excellence Monseigneur Canossa a ouvert à Vérone un Séminaire pour y former des Prêtres et pour fournir des Missionnaires et des Frères coadjuteurs aux Instituts d'Egypte et aux Missions de l'Afrique Centrale, et il lui a donné un statut canonique (document M en Annexe ) en proposant comme directeur le pieux et savant Alessandro Dalbosco, qui avait déjà été mon compagnon en Afrique Centrale.
[2258]
Mais en ces temps difficiles que nous vivons, nous ne pouvons pas compter sur d'importantes ressources de grands bienfaiteurs, parce que les revenus des organismes moraux qui appartiennent à l'Eglise sont toujours menacés par les abus et les confiscations des autorités laïques. Ainsi on a pensé soutenir le Séminaire par la charité catholique, et par le droit d'Association reconnu par n'importe quel gouvernement, même révolutionnaire, c'est pour cela que la Pieuse Association du Bon Pasteur a été érigée canoniquement ; elle a pour but de pourvoir en moyens financiers ledit Séminaire et ceux qui seraient fondés avec l'aide de Dieu dans d'autres centres de la catholicité. Cette Œuvre, à laquelle l'Evêque de Vérone a accordé 40 jours d'indulgence, a ensuite été enrichie par Sa Sainteté de six Indulgences Plénières (voir Annexe N), par un Rescrit Pontifical autographe que j'ai eu l'honneur de montrer à Votre Eminence un jour après l'avoir obtenu.
[2259]
Cette Œuvre avait commencé très bien à fonctionner. Elle était parrainée par de nombreux Evêques d'Italie et d'ailleurs, qui en avaient approuvé l'établissement dans leurs diocèses respectifs, et qui avaient assuré Monseigneur Canossa de leur protection par des lettres spéciales dont je pourrais montrer une copie à Votre Eminence. Avec les aumônes de la première année on a pu démarrer un Séminaire et y mettre à l'épreuve la vocation du Prêtre Rolleri et celle du Frère laïque Rossi que j'avais moi-même accompagné au Caire dès le début de l'année 1869.
[2260]
En juillet 1868 une circonstance, permise par Dieu, a quelque peu fait enliser la sainte Œuvre, alors que je m'étais rendu à Lyon avec la recommandation spéciale du Vicaire Apostolique pour implorer des secours de la Propagation de la Foi ; à la demande de ce Conseil j'ai présenté un rapport sur les petites Œuvres d'Egypte et de Vérone, et sur l'Association du Bon Pasteur. M. Meynis Secrétaire du Conseil de Lyon, ne comprenant pas bien, ou faisant mine de ne pas comprendre le but de l'Œuvre, a cru que l'Association du Bon Pasteur avait pour but de recueillir des aumônes pour les Instituts d'Egypte, et qu'elle porterait donc préjudice à la Propagation de la Foi. Il a ensuite dit au Président qu'il était nécessaire d'écrire à ce sujet à la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi. Suite à une telle communication, Votre Eminence a pensé, avec sagesse, donner à notre Association de Vérone la même interprétation, et en septembre 1868 a été envoyée une Circulaire aux Evêques d'Italie, dans laquelle on leur interdisait d'admettre dans leur diocèse toutes les Associations ayant pour but de secourir une Mission particulière, sauf celles de la Propagation de la Foi. L'Evêque de Vérone a craint qu'une telle Circulaire ne frappe indirectement l'Œuvre du Bon Pasteur.
[2261]
Ignorant tout cela, et fort de l'approbation Pontificale, j'ai essayé de fonder à Paris un Conseil de l'Œuvre du Bon Pasteur. J'ai pensé me fonder sur du solide, en consultant d'abord la Propagation de la Foi et en demandant ensuite son appui. J'ai expliqué à de nombreux membres du Conseil de Paris la nature de la nouvelle Association qui a pour but de maintenir un Séminaire à Vérone, et non une Mission particulière in partibus infidelium, et qui n'est donc pas de la même nature que l'Œuvre générale de la Propagation de la Foi, laquelle aide directement les Missions étrangères ; J'ai ajouté que, une fois cette Association bien consolidée, on aurait ensuite ouvert, peu à peu, un Séminaire à Paris-même pour former des Missionnaires pour la Nigrizia sur le modèle de celui de Vérone. L'illustre Nicolas a été l'interprète de mes idées au sein du Conseil.
[2262]
M. Baudon, Président Général des Conférences de Saint Vincent de Paul et Conseiller de la pieuse Association du Bon Pasteur m'a dit : " Il faut environ 50.000 francs par an pour le maintien de ce Séminaire où on formerait des Missionnaires pour l'Afrique ; je donne mon nom, et j'accepte d'être membre du Conseil diocésain de Paris de l'Œuvre du Bon Pasteur. " J'ai réussi à créer un Conseil Diocésain de la Pieuse Association, et à y à faire entrer comme Conseillers douze des plus illustres personnalités de cette capitale, parmi lesquels quatre des plus actifs Conseillers de la Propagation de la Foi. Avec l'autorisation de l'Evêque de Vérone, j'ai également mis en place un Comité de soutien de Dames, parmi les plus riches et les plus illustres de Paris.
[2263]
Mais quelques jours avant de tenir la première séance du Conseil Diocésain déjà convoqué dans les salons du Baron de Havelt, j'ai reçu de Vérone la nouvelle de la Circulaire de Votre Eminence. Même si cette Circulaire ne vise pas du tout les Associations particulières qui ont pour but le bien d'un Diocèse d'Italie, et ne concerne donc pas l'Œuvre du Bon Pasteur destinée à soutenir le Séminaire de Vérone, en lisant dans le cœur de Votre Eminence, par soumission et par respect pour le chef suprême des Saintes Missions, j'ai décidé de tout suspendre jusqu'à nouvel ordre.
Assez gêné, j'ai alors pris congé des membres du nouveau Conseil de Paris, en leur annonçant que, devant partir pour l'Egypte, j'avais décidé de suspendre pendant quelque temps l'action de l'Œuvre du Bon Pasteur à Paris ; et cela après avoir expliqué en toute sincérité la vérité aux membres les plus importants.
[2264]
J'ai donc quitté la France, résigné aux dispositions de la Providence, et confiant que le Seigneur ferait avancer plus tard la sainte Œuvre. Devant les vénérables intentions de Votre Eminence, même en Italie on est allé de l'avant prudemment ; Monseigneur Canossa a jugé bon de ne pas admettre de nouveaux sujets dans le Séminaire et ainsi l'Œuvre de Vérone est demeurée en l'état.
[2265]
Nous avons attendu avec impatience le moment du Concile du Vatican pour nous présenter devant Votre Eminence et vous prier vivement de couvrir toute l'Œuvre par le bouclier de votre protection.
Un Séminaire en Europe qui puisse former des Missionnaires pour la Nigrizia est une nécessité absolue. Une pieuse Association bien organisée est, en ces temps difficiles, le moyen le plus sûr pour le soutenir et pour le faire durer.
D'ailleurs, cette Association qui a pour unique objet d'aider l'Etablissement de Vérone, ne gène pas l'Œuvre de la Propagation de la Foi de Lyon et de Paris et n'a aucun contact avec celle-ci, dont les ressources ont pour but d'aider les Missions in partibus infidelium. Les membres des Conseils centraux de Paris et de Lyon en sont convaincus, et beaucoup d'entre eux pensent même que l'Œuvre du Bon Pasteur sera utile à la Propagation de la Foi, laquelle bénéficiera des bons résultats des Missions de l'Afrique Centrale, qui pourraient être les plus intéressantes, disent-ils, parce qu'elles régénèrent de nouvelles populations.
[2266]
Si le Séminaire des Missions Etrangères de Paris n'existait pas, y aurait-il en Asie vingt-deux Vicariats et deux Préfectures Apostoliques, tous soutenus et dirigés par ce célèbre Séminaire ? Une telle Association (du Bon Pasteur), en maintenant le Séminaire de Vérone pour l'Afrique Centrale, fournit des Missionnaires pour la Nigrizia et promeut le développement de la Foi dans ces contrées enflammées sur lesquelles pèse encore le terrible anathème de Cham.
Je supplie donc humblement la Sacrée-Congrégation de Propaganda Fide de seconder les très saints souhaits de Monseigneur l'Evêque de Vérone, et d'appuyer généreusement cette Association, qui vise à fournir des apôtres à la malheureuse Nigrizia.
[2267]
Puisque le Seigneur a rappelé à lui le zélé missionnaire Alessandro Dalbosco, Monseigneur l'Evêque Canossa a nommé Recteur du Séminaire, le pieux et zélé Abbé Tommaso Toffaloni (1) ; il est vraiment digne de l'important ministère pour lequel il a été appelé. Et ce, jusqu'au moment où nous pourrons nommer un Recteur qui ait déjà été missionnaire en Afrique Centrale.
Nous sommes profondément convaincus que, quand le Séminaire aura pris une forme consistante, et aura plusieurs années d'expérience missionnaire, le Supérieur et les directeurs spirituels devrons être choisis parmi les anciens élèves.
On rappellera en Europe quelques-uns des sujets les plus éprouvés, les plus valables et les plus méritants qui se soient distingués dans leur ministère sacré en Mission, et pour eux une telle charge sera comme un repos honorable et leur œuvre sera alors plus profitable pour la formation des nouveaux aspirants à l'apostolat de la Nigrizia.
III. Harmonie des Œuvres d'Egypte et de Vérone
[2268]
De ce que je viens de dire, il faut déduire qu'il est vraiment nécessaire que les Instituts naissants d'Egypte et les petites Œuvres de Vérone se prêtent main-forte, marchent et progressent ensemble, en s'aidant réciproquement afin d'atteindre le but ultime, qui est d'implanter durablement la Foi en Afrique Centrale.
Je pars du principe fort juste et basé sur l'expérience que, comme dans l'ordre temporel, l'argent amène l'argent, ainsi, dans l'ordre spirituel, une œuvre en engendre une autre. Si les petites Œuvres de Vérone progressent, elles donneront aux Instituts d'Egypte et de la Nigrizia de bons et valables ouvriers évangéliques lesquels installés sur le terrain de leur action apostolique, avec l'aide de Dieu, obtiendront des conversions, feront progresser les Instituts d'Egypte et les Missions de la Nigrizia. Puis ces derniers, prospérant sous l'égide de Propaganda Fide, éveilleront le zèle des généreux catholiques d'Europe qui participeront ainsi au développement de l'Œuvre du Bon Pasteur ; celle-ci se renforcera et pourra promouvoir des vocations et maintenir un plus grand nombre de candidats dans le Séminaire de Vérone. Ainsi ces saintes Œuvres atteindront leur but, c'est-à-dire la fondation stable et le triomphe de la Foi dans la Nigrizia où la glorieuse bannière de la Croix n'a jamais flotté.
Conclusion
[2269]
Dans ma petitesse et mon indignité j'implore ardemment la charité apostolique de Votre Eminence, de bien vouloir couvrir du bouclier de votre protection l'Œuvre naissante de la Régénération de la Nigrizia.
Que Votre Eminence ne tienne pas compte de l'endurance, de toutes les peines et les sacrifices supportés pour l'Afrique par ce pauvre requérant qui ne demande rien d'autre pour lui-même que la miséricorde de Dieu pour son âme.
Je suis et je serai toujours le serviteur le plus inutile de l'Eglise.
Ne prenez à cœur que la malheureuse condition de plusieurs millions d'âmes qui vont à leur perte.
Les protestants Baker, Livingstone, le musulman Selim et beaucoup d'autres avancent courageusement dans le cœur de l'Afrique pour un profit matériel, et peut-être pour l'avilir encore davantage ; et le catholicisme l'abandonnera ? Et on ne fera rien pour la sauver ?...
[2270]
Je suis sûr que l'Œuvre naissante de la Régénération de la Nigrizia s'enracinera profondément et atteindra son but si elle a l'appui direct de la Sacrée-Congrégation. Tant que personne ne se pressera pour sauver les Noirs de l'Afrique Centrale, c'est la perdition qui les attend...
[2271]
Je n'ai que ma vie à consacrer au salut de ces âmes, je voudrais en avoir mille pour les brûler toutes dans ce but. Jusqu'à mon dernier soupir je ne cesserai donc jamais de supplier Votre Eminence et la Chaire de Pierre, où résident la vérité, la charité, et le précieux héritage de notre adorable Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, de jeter un regard compatissant sur cent millions d'âmes qui peuplent les immenses régions de l'Afrique Centrale, sur lesquelles pèse encore le terrible anathème...
Si, dans ce rapport j'ai oublié des points importants, et si Votre Eminence a des observations à faire, je suis prêt à répondre à toute question. La sagesse et la perspicacité de Votre Eminence comprennent bien les graves et multiples difficultés que nous avons dû surmonter, et la grande importance de cette Sainte Œuvre qui vise l'apostolat dans la partie du monde la plus délaissée et dont la bonne réussite dépend du précieux appui de la Sacrée-Congrégation de la Propagation de la Foi.
Daniel Comboni
Note (1) Toffaloni a introduit dans tous les diocèses de la Vénétie l'Œuvre de la Propagation de la Foi, et a formé des missionnaires, parmi lesquels le défunt Révérend Ambrosi, Procureur de la Sacrée-Congrégation à Hong-Kong.