Comboni, en ce jour

Dans une lettre à Elisabetta Girelli (1870) de Vérone l’on lit:
Nous sommes unis dans le Sacré-Cœur de Jésus sur la terre pour être unis ensuite au Paradis pour toujours. Il faut courir à grands pas sur les chemins de Dieu et de la sainteté, pour ne s'arrêter qu'au Paradis.

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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
261
Teresa Comboni
1
Cologne
17. 8.1868
N° 261 (246) - A TERESA COMBONI

ACR, A, c. 14/131



Cologne (Prusse), le 17 août 1868



Petit billet.





262
Mgr. Luigi di Canossa
0
Cologne
18. 8.1868

N° 262 (247) - A MONSEIGNEUR LUIGI DI CANOSSA

ACR, A, c. 14/59

Que Jésus et Marie soient loués.

Cologne, le 18 août 1868

Excellence Révérendissime,

[1664]
Il y a deux jours j'ai reçu du Caire votre lettre du 3 juillet dernier. J'étais rempli de consolation car elle exprimait les sentiments d'un Saint Ignace envers ses enfants et, je vous le confesse, j'ai senti et je sens en moi toujours plus le désir de souffrir et de porter la croix. Vos paroles pleines de douceur et l'Esprit du Divin Pasteur, sont très efficaces pour mon cœur. C'est vraiment ce qu'il me fallait, et j'ai baisé plusieurs fois cette chère lettre pour préparer mon esprit à soutenir avec une grande résignation et pour l'amour du Christ le terrible coup que m'a donné votre toujours très chère lettre du 15 août. Je l'ai reçue seulement ce matin, et je répondrai tout de suite avec la tranquillité d'âme, la sincérité et la vérité, que doivent avoir un Missionnaire et un homme de Dieu vis-à-vis de leur Supérieur, et un fils envers son Père.


[1665]
L'Institut féminin, comme j'ai eu occasion de vous l'écrire, a fonctionné comme n'importe quel bon Institut d'Europe. Depuis le premier jour, avec l'accord de tous, j'ai établi la séparation que l'étroitesse des lieux permettait, mais qui est suffisante pour garantir le décor, notre réputation et celle des femmes.

Cette séparation qui est d'ailleurs plus grande que celle des deux très respectables Séminaires pour les Missions Africaines et diocésaines de Lyon où les Sœurs font la cuisine et s'occupent du linge des missionnaires.

Mais, comme en Egypte il faut faire davantage attention aux Franciscains (qui ne voient pas de bon œil des institutions composites) qu'au peuple, j'ai décidé de me concerter pour toute chose avec le Père Pietro, franciscain et Curé du Vieux Caire. Je ne fus tranquille qu'après sa pleine approbation. Je l'ai consulté en tout, pour avoir aussi des garanties vis-à-vis du Vicaire Apostolique.


[1666]
Dès le début, j'avais décidé que le Père Zanoni, étant le plus âgé et avec la barbe blanche, serait le responsable immédiat de l'Institut féminin. Il avait été Préfet de son Ordre à Mantoue, il avait acquis aussi une grande estime et une grande réputation dans la Vénétie, et de surcroît il avait la barbe blanche. Toutes ces raisons étaient suffisantes pour avoir confiance en lui ; ainsi, je pouvais davantage me consacrer aux rapports avec l'extérieur, et surveiller les jeunes garçons.

Je crois que n'importe quel homme pourvu de sagesse aurait agi comme moi.

Mon vénérable Père, nous nous sommes tous trompés !

Du moment que la visite d'un médecin au Vieux Caire coûte un napoléon-or, et vu que le Père Zanoni connaissait bien la médecine, après en avoir parlé avec le révérend Curé (lui-même avait appelé le Père Zanoni plusieurs fois chez les Clarisses et aussi à l'extérieur pour faire des visites médicales), j'ai autorisé le Père Zanoni à exercer la médecine dans nos deux petits Instituts en informant tout de suite Monseigneur Ciurcia.


[1667]
Tout s'est très bien passé jusqu'au mois de mai. Tout était fait selon l'humaine prudence et l'esprit de Jésus-Christ. Mais le Seigneur a permis que de nombreuses maladies et la terrible variole nous rendent visite en Egypte ; alors, naturellement, nous avons dû fermer les yeux à propos de certaines exigences du règlement. En permettant au Père Zanoni d'exercer la médecine nous entendions, évidemment, qu'il devait l'exercer de la façon qui convient à un religieux.

Mais le pauvre homme a un peu trop passé la mesure en se permettant des libertés assez indécentes. Ayant observé quelques irrégularités de sa part depuis juin, je l'ai mis tout de suite en garde avec la charité de Jésus-Christ, jusqu'à lui restreindre l'autorisation.

Probablement le pauvre homme n'était pas habitué à ce genre de choses car, suite à mon avertissement, en voulant nier et s'excuser, il commit de telles imprudences et enfantillages au point de me donner tous les éléments pour confirmer l'opinion que j'avais de lui.

Avec beaucoup de prudence, j'ai testé le Père Carcereri et tous deux, nous étions d'accord. A cause cela, le Père Zanoni a pensé que le Père Carcereri était mon espion. A partir de ce moment le Père Zanoni a manifesté une haine mortelle contre lui, et il ne lui adressait plus la parole.

Bref, nous avons tout découvert et, en deux mots, en voici le résumé.

Zanoni, sous prétexte d'une visite médicale a visité in verendis et in pectore (ce que je ne permettrai même pas à un médecin de faire sur moi, même si je devais mourir) certaines jeunes Africaines très réservées, il leur avait montré le crucifix etc... car elles ne voulaient pas se laisser faire, etc...

Nous l'avons immédiatement envoyé dans une autre maison et tous les problèmes ont été résolus. Maintenant, l'Institut fonctionne très bien avec un Règlement bien adapté que j'ai soumis au Curé, j'attends sa réponse.


[1668]
Depuis quelque temps, le Père Zanoni m'avait averti que Franceschini manifestait une sympathique tendresse pour la bonne et très pieuse Petronilla.

En plus d'avoir chargé Stanislao de le surveiller quand les deux savaient pouvoir se voir à l'église, j'ai moi-même gardé les yeux ouverts. Je vous assure, Monseigneur, qu'il n'y a jamais eu quoi que ce soit. Franceschini est un pieux garçon, très docile, bon et plein d'esprit religieux, il deviendra un véritable missionnaire camillien.

En ce qui concerne le Père Stanislao (en parlant entre nous, car la diplomatie s'apprend avec l'expérience), il a montré dans cette circonstance un grande capacité de jugement, une âme et un cœur de saint.

Il est vrai, Monseigneur que je canonise facilement les personnes, mais dans ce cas, je dois le dire, c'est vraiment en connaissance de cause. Stanislao est un vrai prêtre et un vrai religieux, et tout ce que Zanoni a dit ou dira à son égard, est faux.


[1669]
L'affaire était restée entre nous, avec prudence, nous avions tout réglé. Mais comme il s'agit d'une chose sérieuse, je voulais être bien au courant de tout avant de vous écrire. J'avais déjà presque terminé une longue lettre lorsque j'ai été atteint d'une terrible ophtalmie et j'ai cru que j'allais perdre la vue. Lors de ma convalescence, le Père Zanoni, vu que sa réputation était ternie dans l'Institut et qu'il ne serait plus à son aise avec les autres compagnons, m'a demandé l'autorisation d'aller à Jérusalem et puis de rentrer en Europe. Or, comme je me trouvais à court de moyens financiers et, puisque avec le Vicaire Apostolique, nous avions décidé qu'à cause de ma santé, j'irais me reposer en Europe, j'ai prié le Père Zanoni de rester ici jusqu'à mon retour. De plus si, dans le délai de sept mois, les deux missionnaires plus âgés partaient, ce départ frapperait les esprits etc.).

C'est pour cela que j'ai décidé d'attendre d'être à Vérone pour vous ouvrir mon cœur, et pour voir ensemble les mesures à prendre, quoi faire pour le futur, et comment faire rentrer le Père Zanoni en sauvegardant sa réputation et celle des Instituts.


[1670]
Pour justifier son retour, il semble que le pauvre Père exagère beaucoup au sujet de la pauvreté de l'Institut. Pour se sauvegarder, il semble vouloir ruiner les autres. Mais le Seigneur veille sur l'innocence et sur son Œuvre. Dire que les dettes nous immobilisent, c'est un mensonge ! Ici, en Egypte, je jouis d'un grand crédit, au point de pouvoir faire des dettes comme je veux, mais j'en ai peur, et je ne veux pas que celles-ci entrent dans notre Œuvre. Les seules dettes que nous avons, je les ai faites avec des personnes sûres et honnêtes. En ce moment même, ici en Egypte, je n'ai même pas un centime de dette, car avec les 3.000 francs que j'ai envoyés hier, il est possible de vivre encore un mois. Avec l'argent que j'ai actuellement et avec ce que je recevrai des Sociétés (comme je l'espère), je pense que les deux petits Instituts du Caire seront pourvus de tout. Je viens de recevoir 5.000 francs de la part de Cologne, et pour vous montrer l'estime dont je jouis à Cologne, je vous enverrai les Annales de cette année.


[1671]
Je ne dis rien d'autre pour le moment car je suis dans un océan de souffrances. Votre lettre et son contenu sont autant d'épines dans mon cœur déjà meurtri par d'autres croix. Fiat ! Je vous remercie de tout cœur car, vous êtes pour moi non seulement un véritable Père, mais aussi un sage médecin.

Jésus Crucifié et Notre Dame des Sept Douleurs sont mes deux réconforts.

Dieu vous a donné un zèle énorme pour les âmes, et j'espère que vous ne perdrez pas votre courage pour persévérer dans cette sainte et très difficile entreprise, qui nous donnera des croix encore plus lourdes que celles que nous avons maintenant.

Bénissez, Monseigneur, ce pauvre



affectionné et affligé fils

Abbé Daniel Comboni

Missionnaire Apostolique



P.-S. J'ai déjà pensé aux Messes. Le Père Carcereri vous écrira à ce sujet.

Nos Instituts ont gagné plus d'âmes en 6 mois que les Franciscains en deux ans, haec inter nos. (cela entre nous). Le Père Artini connaît bien Zanoni.






263
Père Luigi Artini
0
Cologne
20. 8.1868

N° 263 (248) - AU PERE LUIGI ARTINI

APCV, 1458/151

Vive Jésus, Marie et Joseph !

Cologne (Prusse Rhénane), le 20 août 1868

Révérend et très cher Père,

[1672]
Je suis très surpris de voir que pour le bon Franceschini nous n'avons pas encore obtenu de Rome la grâce pour qu'il puisse au plus vite être ordonné prêtre. Vu ce qui se passe, je suis enclin à penser que quelque raison a poussé notre Vénéré Père, l'Evêque de Vérone, à en ajourner la demande.

Je connais bien ce jeune, il est un digne fils de Saint Camille, plein d'esprit religieux, et en toute conscience, je peux m'en porter garant.

Je me permets donc de vous demander de supplier Mgr. l'Evêque afin qu'il daigne solliciter auprès du Saint-Siège la grâce pour qu'il puisse être ordonné prêtre, tout de suite, par Mgr. le Vicaire Apostolique d'Egypte. Franceschini mérite une pareille grâce, et il n'y a pas de circonstances ou de raisons pour qu'elle lui soit retardée.


[1673]
Il semble que le Seigneur, dans sa bonté infinie, vous ait préparé une épineuse mortification qui, depuis quelque temps, afflige aussi mon esprit. L'ennemi du genre humain est toujours prêt à déranger les œuvres de Dieu.

Mais courage, mon bien-aimé Père ! L'Homme-Dieu a montré sa sagesse de la meilleure façon en fabriquant la Croix. Elle est le vrai réconfort, le soutien, la lumière et la force des âmes justes. C'est bien la Croix qui façonne les grandes âmes et les rend aptes à soutenir et à accomplir de grandes œuvres pour la gloire de Dieu et pour le salut des âmes.


[1674]
Elevez donc votre esprit vers l'adorable et sacré autel de la Croix, et pensez que si Votre Révérende Paternité n'avait rien fait d'autre qu'élever dans la Religion et éduquer à l'esprit de Jésus-Christ un religieux comme le Père Stanislao Carcereri (je me flatte d'ajouter aussi le Père Tezza), vous auriez déjà fait beaucoup.

Je suis en mesure de le dire car je connais suffisamment vos trois fils avec lesquels j'ai eu l'honneur de partager les peines de l'apostolat en Egypte.


[1675]
Je sais que vous connaissez bien aussi le Père Zanoni, je m'abstiens donc de donner mon avis à son égard. Si je dois me reprocher quelque tort (nous sommes tous sujets à l'erreur), c'est bien celui de lui avoir accordé trop de confiance.

Mais j'ai des justifications, car Votre Révérende Paternité sait bien qu'il est facile d'être ébloui par une barbe blanche, et par le fait que le Père Zanoni a joui pendant longtemps de la confiance de nombreux illustres personnages en accomplissant des tâches honorables dans les Provinces de la Lombardie et de la Vénétie au service du vénérable Ordre Camillien. En levant les yeux vers le ciel, et en embrassant le doux trésor de la Croix de Jésus-Christ, préparez notre cher Père Tezza et le bon Savio pour le prochain départ en Egypte.


[1676]
Ayez confiance en Dieu Crucifié et dans notre Mère la Reine de l'Afrique et la Mère de la Consolation. Car, en dépit de l'action du dragon des abîmes qui, dans cette pauvre Italie, s'acharne contre les Institutions les plus vénérables de l'Eglise, est proche le temps où la Croix de Saint Camille brillera parmi les tribus de la malheureuse Nigrizia encore assises dans les ténèbres et à l'ombre de la mort.

La Croix soutiendra notre esprit contre les coups des mésaventures humaines. Carcereri, Tezza et Franceschini seront trois vaillants champions de l'Apostolat africain, et ils conforteront le grand cœur de Votre Paternité qui jouira des fruits de ces nobles plantes de votre jardin, dignes de vos efforts paternels.


[1677]
J'aimerais que pour le moment ce que j'ai dit à propos du Père Zanoni reste entre vous, Monseigneur et le Père Tomelleri. Si vous le croyez opportun parlez-en au Père Tezza. Je vous dirai le reste de vive voix, comme ma conscience me le suggère, et en connaissance de cause, même si le Père Stanislao vous met au courant de tout.

En vous priant de saluer de ma part les Pères Peretti, Tomelleri, Tezza, Savio et tous les autres, j'embrasse vos mains, et je me déclare avec tout le respect et la vénération



votre humble et affectionné

serviteur et fils

Abbé Daniel Comboni

Missionnaire Apostolique






264
P. Luigi Tezza
0
Rosenheim
17. 9.1868

N° 264 (249) - AU PERE LUIGI TEZZA

APCV, 1458/159

Rosenheim, le 17 septembre 1868

Mon très cher Père Luigino,


 

[1678]
Je vous demande, s'il vous plaît, d'écrire une lettre au Père Stanislao, et de l'envoyer avec le premier bateau à vapeur italien, afin qu'il m'envoie à Paris la note de tout ce qu'il faut pour notre chapelle. J'espère avoir fait tout ce qu'il fallait en France, mais il vaut mieux attendre pour voir les résultats.


[1679]
Préparez-vous, car le mois prochain, vous, Savio, Ferroni, Rolleri, les trois Africaines et moi, nous irons au Grand Caire et nous pourrons manger les nouvelles dattes.

Nous avons, mon cher, une sublime mission à accomplir, digne des véritables Prêtres du Christ et des authentiques fils de Saint Camille. Courage donc ! Ne nous laissons pas abattre par les vents de quelques tempêtes. Nous avons le véritable esprit de Jésus-Christ, et nous voulons uniquement sa gloire et le salut des âmes. Allons donc de l'avant. Les croix seront toujours nos compagnes, mais nous souffrirons avec le Christ et Saint Camille.


[1680]
Je suis impatient d'arriver à Paris pour lire les longues lettres détaillées du Père Stanislao, et peut-être du Père Zanoni, j'aurai ainsi des nouvelles du Caire.

Je pars ce matin, et je m'arrête seulement deux heures à Strasbourg.

Embrassez de ma part la main du Vénéré et cher Père Provincial, de Tomelleri, de Peretti, de Bresciani, de Carcereri, etc. Recevez mes salutations les plus cordiales.



Votre Abbé Daniel






265
Mgr. Luigi Ciurcia
0
Paris
19. 9.1868

N° 265 (250) - A MONSEIGNEUR LUIGI CIURCIA

AVAE, c. 23

Vive Jésus, Marie et Joseph !

Paris, le 19 septembre 1868



Excellence Révérendissime,


 

[1681]
Il m'est impossible de vous écrire longuement car je viens tout juste d'arriver à Paris ce matin de Bamberg et de Munich, je vous écrirai davantage de détails avec le prochain bateau à vapeur.

Les affaires ont bien marché en Allemagne, mon voyage m'a procuré 400 napoléons-or.

Toutefois j'ai l'âme affligée à cause des nouvelles parvenues avec les nombreuses lettres que j'ai trouvées, poste restante, à Paris.

La nouvelle la plus grave, c'est la triste conduite du Père Zanoni, qui, Dieu merci, est parti. Je vous donnerai d'autres nouvelles par le prochain bateau. Pour le moment., je vous prie de vous adresser au vénérable Père Pietro qui est au courant de tout, et je vous demande humblement pardon de ne pas vous avoir exposé à Alexandrie ce qui s'était passé, et ce qu'on aurait pu prévoir à ce moment-là.

Je voulais et j'étais très disposé à vous parler du cas de l'imprudent Père Zanoni, mais quand j'ai vu que vous étiez très occupé, je n'en ai pas eu le courage.


[1682]
Certains ont écrit à Rome que je n'avais pas aménagé une séparation convenable entre la communauté des femmes et nous. Le Cardinal Barnabò m'avait mis au courant de ces propos par une lettre qu'il m'avait expédiée en Egypte, et que j'ai reçue ce matin. Alors, j'ai trouvé opportun de prendre en location une moitié du Couvent des Maronites offert par le nouveau Supérieur et par le Curé. J'ai donc commandé au Père Carcereri de se concerter à ce sujet avec le Père Pietro et s'il le faut, avec Votre Excellence, pour déménager au plus vite.

Mais je dois dire que dans les deux maisons des Maronites, aussi bien que dans l'actuelle, la séparation est convenable. Je dirais que la séparation est comme celle du Séminaire des Missions Africaines à Lyon et de l'Institut des Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition à Rome, lorsque Mère Emilie Julien habitait de 1856 à 1861 avec les Sœurs aux 1er et 2ème étages de la maison Castellacci, alors qu'au 3ème étage logeait Monseigneur avec son frère et 9 enfants.


[1683]
Son Excellence l'Archevêque de Munich (qui m'a donné 100 francs grâce à votre lettre de recommandation) vous envoie ses salutations, ainsi que Messieurs Baudri et les Associés du Saint-Sépulcre de Cologne.

En renouvelant mes prières pour obtenir votre pardon et votre aide morale dans l'actuelle tempête qui semble s'abattre sur les deux petits Instituts naissants, plein de confiance dans le Christ, pour la seule gloire duquel je veux travailler et souffrir, j'embrasse votre soutane sacrée, et je me déclare avec toute ma gratitude et mon respect



votre humble et obéissant fils

Abbé Daniel Comboni






266
Card. Alessandro Barnabò
0
Paris
22. 9.1868

N° 266 (251) - AU CARDINAL ALESSANDRO BARNABO

AP SC Afr. C., v. 7, ff. 1307-1310v

Paris, le 22 septembre 1868

Eminent Prince,


 

[1684]
Comme je l'avais prévu, le Président de l'Œuvre de la Propagation de la Foi de Lyon a décidé de contacter la Sacrée Congrégation et cela a retardé la décision concernant ma demande.

J'ai décidé, alors, de répondre à l'invitation qui m'a été faite de participer au Congrès général des Catholiques d'Allemagne à Bamberg, afin de pouvoir plaider la cause des Africains avec mon confrère l'Abbé Alessandro Dalbosco.


[1685]
Hier, je suis arrivé à Paris et j'ai trouvé les lettres n°3, n°4 et n°5 que Votre Eminence m'a envoyées. Je vous remercie de tout cœur pour les utiles et précieuses monitions que les trois lettres contiennent, et j'étudierai la manière d'en tirer le plus de profit possible. Je voudrais maintenant vous répondre au sujet des deux points importants cités dans votre lettre toujours vénérée :

1.° la réponse que Votre Eminence a donnée au Président de Lyon ;

2.° la cohabitation de mes compagnons, de moi-même et des Sœurs avec les Africaines, dont vous m'avez parlé avec une bonté spéciale et paternelle dans votre lettre du 4 août dernier.


[1686]
Le premier point constitue pour moi une croix bien plus lourde que celle que voulait me donner le Vittorio Emanuele et je pourrais difficilement m'en libérer comme j'ai pu le faire avec celle du Roi.

J'ai de bonnes raisons de penser que la réponse que Votre Eminence a donnée au Président de Lyon a sans doute terni ma réputation auprès de cet illustre Conseil, car vous me faites passer pour un véritable escroc et, ainsi dans le futur, je n'aurai plus le courage de me présenter devant le Conseil, ni l'espoir d'en recevoir de l'aide. Mais ce qui augmente davantage mon affliction, c'est le fait que cette réponse a fait faire piètre figure également à mon vénéré Supérieur, le très digne Vicaire Apostolique d'Egypte qui avait fortement appuyé ma visite auprès du Conseil avec une lettre de recommandation.


[1687]
Votre Eminence a cru que c'était de votre devoir de signaler à Lyon la véritable situation. Et quelle est la véritable situation signalée ?

Je suis vraiment malchanceux, Eminent Prince car, sans le savoir, et sans le vouloir, Votre Eminence a signalé en particulier deux points qui sont complètement faux. Dans toutes mes actions, j'ai toujours été franc et vrai ; et j'ai toujours fait connaître à Votre Eminence toutes mes démarches, même quand je craignais de ne pas agir avec sagesse et prudence. Il me semble impossible que vous ayez oublié le rapport que je vous ai fait à propos de l'Œuvre du Bon Pasteur. Voilà les deux points:


[1688]
Premièrement. Votre Eminence a confirmé la fausse opinion du Président de Lyon à propos de l'Œuvre du Bon Pasteur qui aurait pour but le maintien de l'établissement des Noirs au Caire ; et vous le confirmez avec tellement de vigueur que vous avez ajouté : "la Sacrée Congrégation désire la civilisation de la Nigrizia, mais elle ne peut pas autoriser qu'on en procure les moyens au détriment de la Pieuse Œuvre". Or, il suffit que Votre Eminence lise l'article 1er du Statut Général de l'Œuvre du Bon Pasteur pour se convaincre qu'elle a pour but de maintenir et de multiplier les Œuvres préparatoires d'Europe, hic et nunc le naissant petit Séminaire de Vérone. Cela est totalement en dehors des limites dans lesquelles s'exerce la charité de la sainte Œuvre de la Propagation de la Foi qui aide seulement les œuvres des missions in partibus infidelium. Il en va de même pour les Séminaires des Missions Etrangères de Milan, Lyon, Paris et Londres, etc.

Le Séminaire de Paris a des biens propres, celui de Lyon reçoit des collectes quotidiennes, celui de Londres une collecte extraordinaire en Amérique.


[1689]
Je fais état aussi du fait que pour fonder un Séminaire comme celui de Vérone, les bienfaiteurs privés, en ces temps difficiles, n'aideront jamais les Institutions Ecclésiastiques, car ils craignent justement qu'une révolution avec des lois ad hoc puisse confisquer tous les biens.

Ainsi, en utilisant le droit d'association reconnu théoriquement même par les gouvernements libéraux, j'ai fondé l'Œuvre du Bon Pasteur qui a pour but de soutenir des Séminaires en Europe pour éduquer les ecclésiastiques à l'Apostolat de la Nigrizia, comme celui de Paris, qui a pour but de former des apôtres pour l'Inde, la Chine et le Japon.

J'ai parlé de cette fondation dans mon Rapport de 1866, à la Sacrée Congrégation, je l'avais rédigé suite à une demande de Votre Eminence.

Avant de fonder une telle œuvre, j'ai réfléchi pendant deux ans. J'ai consulté d'illustres personnages, des Evêques et des hommes qui connaissaient parfaitement ce genre d'œuvres. J'ai reçu les éloges et les encouragements de tous.

Monseigneur Canossa, aussi a eu beaucoup d'encouragements et, si je ne me trompe pas, même Votre Eminence m'a montré à plusieurs reprises son agrément. Vous voyez bien, donc, que l'Œuvre du Bon Pasteur et les 53 œuvres du même genre, bénies par l'Eglise, qui fleurissent en Allemagne, en Belgique et en France n'ont rien à voir avec l'Œuvre de la Propagation de Lyon et de Paris et elles ne lui apportent aucun désavantage. J'ai confiance en Dieu.

En quelques années, l'Œuvre du Bon Pasteur donnera de bons apôtres à la Nigrizia Centrale.


[1690]
Deuxièmement. Votre Eminence a signalé au Président de Lyon que l'Œuvre du Bon Pasteur a seulement 40 jours d'indulgence, donnés par l'Evêque de Vérone, sans faire remarquer que la même Œuvre avait été enrichie par le Saint- Père de 6 Indulgences Plénières, et cela par un Rescrit autographe que j'ai eu dans mes mains à quatre heures de l'après-midi d'un jour du mois de juillet 1867, le 25, si je ne me trompe pas ; et j'ai eu l'honneur de vous le présenter le soir du même jour. Votre Eminence a lu ce Rescrit du début à la fin, et vous vous en êtes montré très satisfait. J'avais fait imprimer le bulletin ci-joint, et j'avais cru, jusqu'à présent, l'avoir présenté à Votre Eminence au mois de novembre dernier ; mais je vois que vous ne l'avez pas mentionné. Je crois que, troublé par la tempête causée par le Vice-Gérant, j'ai sans doute dû oublier de vous l'envoyer. Je vous en demande pardon.


[1691]
A ces deux points je veux ajouter une autre douloureuse observation.

Votre Eminence a écrit au Président de Lyon que le Programme a été imprimé, à votre insu, par la typographie de Propaganda Fide et que j'ai négocié cela avec le Chevalier Marietti ; en outre vous avez cité d'autres détails ; ainsi, dans l'ensemble, votre version des faits semble faire apparaître que, dans cette affaire, je n'ai pas agi avec franchise et clarté. La vérité est que, puisque on devait imprimer les Programmes avec des modifications, par rapport à l'édition de Vérone, j'ai suggéré au Vice-Gérant de les imprimer à Rome, en ajoutant que les textes imprimés à Rome ont plus de poids à l'étranger. Personnellement, j'ai été poussé à me servir de l'imprimerie de Rome pour une autre raison plus importante : le Vice-Gérant (selon sa promesse), et non pas moi, aurait payé les frais d'imprimerie ; en effet, lui-même m'a donné l'argent pour payer M. Marietti.


[1692]
Tout cela, uni à d'autres détails que Votre Eminence a jugé opportuns d'exposer au Président de Lyon, qui d'ailleurs m'avait très bien accueilli, m'a fait beaucoup de mal ; ainsi m'a porté et me porte encore un grand préjudice le fait que, de temps en temps, vous répétez que l'Abbé Comboni est un fou, un fou furieux, à lier avec quatorze chaînes etc. ; cela a retenu quelque illustre bienfaiteur disposé à m'aider, et a refroidi de nombreuses personnes qui auparavant m'avaient prouvé qu'elles s'intéressaient à mon Œuvre. Je ne me plains pas de cela. Eminent Prince, je veux seulement donner libre cours à ma douleur, car après les nombreux efforts et les dangers de mort auxquels je me suis exposé, après tant d'études, de voyages et de dépenses que j'ai supportés tout seul sans déranger Propaganda Fide, après 15 années de souffrances et de travail pour une Œuvre très difficile, que beaucoup ont abandonnée, (même dans l'hypothèse où je n'ai abouti à rien, les sacrifices ont été constants), il me semble que Votre Eminence me traite avec une certaine sévérité.


[1693]
Je mérite pire que ça, car je suis un grand pécheur, et j'ai des dettes à payer envers Dieu ; je vous remercie donc de tout cœur parce que Votre Eminence (qui, dans d'autres circonstances m'a fait du bien), en tant que Chef de toutes les Missions, est aidée et guidée par Dieu et en vous remerciant sincèrement, j'aime bien vous répéter : hic ure, hic seca, hic non parcas, ut in aeternum parcas.


[1694]
Après tout cela, je me permets d'ajouter que, si dans sa grande sagesse, Votre Eminence trouve convenable d'éclairer le Président de Lyon à propos des points exposés ci-dessus, de l'encourager aussi à me prêter, tout de suite, des secours pour les deux petits établissements du Caire, et de lui recommander de le faire pour l'avenir à travers le Vicaire Apostolique en tant qu'œuvre diocésaine d'Egypte, tout comme sont aidés les Frères, les Clarisses et les Sœurs du Bon Pasteur du Caire, vous ferez envers moi un acte de grande charité qui m'aidera dans un moment de grand besoin.


[1695]
Songez aux nombreuses croix que j'ai eues en une année ; je ne sais pas comment j'ai pu tenir le coup ! La grâce de Dieu est grande.

N'oubliez pas que l'Institut a sauvé des âmes. Pendant le seul mois d'août dernier, trois adultes ont été baptisées et un enfant musulman l'a été à l'article de la mort.

Si Votre Eminence ne trouve pas opportun d'exaucer mon humble prière, je vous en remercie quand même ; c'est le signe que Dieu ne le veut pas. Que sa très sainte volonté soit faite. Il trouvera une autre manière de me libérer de mes nombreuses afflictions ; Marie aussi m'aide.


[1696]
Pour le deuxième point, à propos de notre prétendue cohabitation avec les Sœurs et les Africaines, je vous répondrai demain. Si des ennemis particuliers font des rapports à Propaganda Fide, je n'ai rien à craindre car on ne trompe pas l'Eglise et, tôt ou tard, elle connaîtra la vérité.

Je vous demande pardon pour avoir osé vous dire tout cela dans cette lettre. J'embrasse votre Pourpre Sacrée, et je me déclare avec tout le respect



votre humble et indigne fils en Jésus Christ

Abbé Daniel Comboni






267
Card. Alessandro Barnabò
0
Paris
25. 9.1868

N° 267 (252) - AU CARDINAL ALESSANDRO BARNABO

AP SC Afr. C., v. 7, ff. 1311-1313v

Vive Jésus, Marie et Joseph !

Paris, le 25 septembre 1868



Eminent Prince,


 

[1697]
Je vous écris maintenant au sujet de la prétendue cohabitation de mes compagnons, et de moi-même avec les Religieuses et les Africaines. Avec votre paternelle bonté vous avez attiré mon attention sur ce sujet dans vos dernières lettres que j'ai reçues à Paris seulement l'autre jour.


[1698]
Dès mon arrivée au Caire l'année dernière, à la veille de l'Immaculée Conception, j'ai logé les Sœurs et les filles africaines à l'Hôpital Européen chez les Sœurs de Saint Joseph, tandis que nous étions accueillis avec beaucoup de charité par les Pères Franciscains et par les Frères des Ecoles Chrétiennes.

Nous y sommes restés pendant 10 jours jusqu'à la location du Couvent des Maronites dans le Vieux Caire. Le Couvent est composé de deux maisons, l'une vers l'Est et l'autre à l'Ouest de l'Eglise ; celles-ci sont séparées entre elles, et elles ont chacune une porte de sortie vers le désert.

En 1838, les Maronites ont acheté à l'Ouest de l'Eglise une autre maison qu'ils ont reliée au Couvent avec une grande muraille. Cette maison a une porte de sortie vers l'Ouest, du côté diamétralement opposé à l'entrée des deux autres maisons. Des Sœurs orientales avaient déjà habité dans cette maison. Les trois maisons communiquent avec l'Eglise grâce à des portes qui donnent sur une grande cour. Les Frères maronites qui viennent au Vieux Caire habitent dans la première maison ; mes compagnons et moi avons habité dans la seconde ; les Sœurs et les filles africaines dans la troisième maison. Ces dernières, pour aller dans la cour, doivent passer par une porte interne fermée à clé et par un couloir, au rez-de-chaussée, lui aussi fermé.


[1699]
Comme je n'étais pas satisfait de cette division, car je suis Italien et non pas Français, j'ai consulté, à propos de cette solution, même si elle était provisoire, notre Curé Franciscain, le Père Pietro da Taggia, homme vénérable, âgé, et de conscience délicate. Le Père m'a assuré que la solution pouvait aller sans problème. Certainement, il y a dans ces deux maisons autant de séparation que dans le Séminaire Africain de Lyon et beaucoup d'autres établissements de bonne réputation que j'ai moi-même visités. Il s'agit d'établissements où les Sœurs font la cuisine, comme nos Sœurs et les filles africaines la font pour nous.


[1700]
Nous avons habité dans ces deux maisons jusqu'au 15 juin, après j'en ai pris une plus grande appartenant à M. Bahhry Bey.

Cette maison possède deux grands appartements sur deux étages qui donnent dans un grand escalier allant vers le jardin. Dans le jardin il y a annexé, un autre petit jardin avec des dattiers, séparé par un haut mur et là se trouve la chapelle.

Les Sœurs et les filles sont au 1er étage et nous au 2ème.

Le premier jardin appartient aux Sœurs et la porte de sortie est du côté du Nil ; le deuxième jardin est à nous et la porte de sortie est du côté de la ville. Bien que notre séjour fût provisoire, jusqu'à ce que je trouve une autre maison pour nous les missionnaires, avant de prendre possession des deux étages et des jardins, dans ce cas aussi, j'ai encore appelé le Père Pietro et notre Curé copte, pour voir avec eux s'il était convenable d'y habiter provisoirement ; tous deux étaient d'accord.

En effet il y avait, aussi dans cette nouvelle maison, davantage de séparations entre les Missionnaires et les Sœurs qu'à Rome quand les Sœurs de Saint Joseph habitaient au 1er étage de la maison Castellacci, tandis que Mgr. l'Archevêque de Petra et la nombreuse famille de son frère habitaient au dernier étage.


[1701]
Grâce au nouveau Supérieur des Maronites qui nous a offert son Couvent à un prix convenable, j'ai donc accepté définitivement.

Les Sœurs et les filles sont maintenant dans la maison de Bahhary Bey, le Collège masculin et mes compagnons logent dans le Couvent des Maronites, distant entre eux comme le palais de Propaganda Fide et Place Venezia à Rome.


[1702]
Depuis que j'ai fondé les deux Instituts j'ai toujours voulu leur donner un Règlement selon l'esprit du Seigneur, et comme il convient à une Œuvre de Dieu, afin qu'ils puissent atteindre l'important but fixé.

Le début d'une fondation est toujours difficile à gérer, et il faut toujours du temps avant d'aboutir à une mise en place régulière. Ce qui se fait lors de la première année est toujours provisoire. L'attention et le temps, comme pour la graine de sénevé, dont parle l'Evangile, développent l'Œuvre de Dieu petit à petit. Pendant cette période provisoire, après avoir beaucoup réfléchi, j'ai permis trois choses :

1°. La vie étant très chère en Egypte, surtout la main-d'œuvre, j'ai décidé que mes compagnons et moi nous ferions, comme il faut, les travaux de maçonnerie, de menuiserie et de peinture dans la maison des femmes pour la remettre à neuf.

2°. Une visite médicale dans le Vieux Caire coûte cher (8 écus) et comme le Père Camillien Zanoni connaissait bien la médecine qu'il a étudiée et pratiquée dans un grand Hôpital pendant 15 ans, j'ai permis à ce Père de l'exercer dans l'Institut féminin, mais uniquement pour prescrire un médicament, et jamais pour des offices incompatibles avec sa dignité de Prêtre et de Religieux.

Pour les autres visites, il y avait toujours un bon médecin de l'Hôpital turc.

En tout cas j'avais mis au courant le Délégué. Le Père Zanoni avait été consulté plusieurs fois par les Franciscains, les Prêtres coptes et les Sœurs Clarisses, et il avait rendu service à beaucoup de Turcs pauvres. Pour cela son nom est béni par tous.

3°.J'ai confié au Père Zanoni l'office d'inspecteur de l'Institut féminin parce qu'il avait la barbe blanche, il était âgé de 49 ans et avait été directeur de Moniales. Pendant 20 ans, il avait rempli d'importantes fonctions au sein de la Province Camillienne de la Vénétie. Il avait été Préfet de la Maison des Camilliens de Mantoue pendant 7 ans et en général il jouissait d'un grand crédit dans toute la Vénétie. Je crois que dans mon cas, un homme de prudence aurait agi de la même façon.


[1703]
Après avoir établi, dés le début, un règlement convenable, j'ai mis en place une surveillance assidue, je surveillais tout, même le Père Zanoni (car, Eminence, je n'ai désormais plus confiance en personne, même pas en mon Père car j'ai été trompé même par des Archevêques et des Religieux), et tout s'est bien passé.

Les deux petits Instituts jouissaient et jouissent aussi à présent, d'un grand crédit du point de vue moral et d'une excellente réputation auprès des Chrétiens et des Turcs. Ils ont reçu la visite de laïcs, de Prêtres, de Frères, de Moniales et d'Evêques. Personne ne m'a jamais fait la plus petite remarque.

Certes, j'aurais été plus content si j'avais pu avoir deux maisons éloignées d'un demi mille l'une de l'autre.


[1704]
En mars dernier, nous avons été frappés par la tempête des maladies, particulièrement par la variole, qui a sévi jusqu'au mois de juillet. Toutes les Sœurs étaient tombées malades, ainsi que presque toutes les filles, les deux jeunes garçons, Franceschini et moi-même. La Supérieure est restée pendant trois mois au lit, et deux mois convalescente. Deux filles et un garçon sont morts.

Dans une situation pareille, vous comprenez que le règlement était respecté jusqu'à un certain point, et que j'étais trop occupé pour pourvoir à tout.


[1705]
Ce fut pendant cette période difficile que le Père Giovanni Battista Zanoni (toujours en bonne santé) a abusé de sa délicate position.

En profitant de mon absence, parce que j'étais allé au Grand Caire pour des affaires économiques, le Père a demandé à plusieurs reprises et à tour de rôle à certaines jeunes africaines de se dénuder, sous prétexte de les soigner et de les sauver de la mort. Comme elles avaient refusé, ou avaient fui, il les a arrêtées (c'est à ne pas y croire !) avec le crucifix à la main, et les a priées au nom de Dieu, par amour du Crucifié et de leur santé, de se laisser examiner. Il a réussi à examiner des parties qu'il ne m'est pas permis de nommer.

De surcroît, il a eu une prédilection spéciale pour Maria Zarea, une des filles, qui voulait se faire moniale. Cette prédilection se transforma en haine vers la jeune fille, car, celle-ci s'étant aperçue de cette attention particulière du Père Zanoni, n'a plus voulu le voir.

Malgré ses 49 ans et son astuce, malgré les conditions exceptionnelles dans lesquelles se trouvait l'Institut des femmes, Zanoni n'a pas pu échapper à ma vigilance. Avec toutes les précautions possibles, j'ai mené des enquêtes très scrupuleuses. J'avais demandé aussi au Père Carcereri, Religieux de grande conscience et homme éclairé, d'être vigilant. J'ai constaté que ce qui m'avait été exposé était absolument vrai. Dieu seul sait combien, pour moi, cette croix a été lourde. J'ai appelé Zanoni pour qu'il se justifie ; il a eu le culot de tout nier, avec des arguments tellement puérils, qui m'ont convaincu, si je ne l'étais pas encore, de la réalité des faits. Le Père Carcereri a tiré les mêmes conclusions.


[1706]
Suite à cette affaire, j'ai pris en location la maison de M. Bahhary et, en l'ayant occupée de la façon dont je vous ai parlé, j'ai établi un règlement approprié en mesure d'éviter tout inconvénient.

Le Père Zanoni s'était rendu compte de sa situation, et ayant perdu sa réputation, ne pouvait plus rester dans mon Institut. Il était aussi agacé par ses deux confrères Camilliens, qui bien convaincus de la vérité des faits, désapprouvaient sans appel sa conduite et étaient d'accord avec moi.

Il a alors essayé de sauver son honneur en élaborant un plan pervers pour discréditer les Instituts et porter un coup mortel à ces derniers, à moi-même, à Franceschini, et surtout à Carcereri pour lequel il nourrissait une aversion et une haine mortelles, bien que celui-ci l'ait traité comme un frère.


[1707]
Je ne sais pas ce qu'a réellement fait Zanoni. Je crois qu'il a essayé d'inculquer ses idées à Mgr. le Délégué, à certains Franciscains, et au Père qui dirige les Sœurs de Saint Joseph à l'Hôpital, avec lequel, à juste raison, je ne m'entends pas trop. Je crois qu'il a écrit aussi au Père Guardi, en donnant sa version des faits, et peut-être à Votre Eminence. Je pense qu'il a écrit aussi à beaucoup de personnes à Vérone en faisant croire qu'il rentre parce qu'ici il n'y a pas suffisamment de moyens.


[1708]
Peu importe ce qu'il a fait, j'ai placé toute ma confiance en Dieu. Jésus est le seul ami des affligés. Si les autres missionnaires plus jeunes étaient tombés, j'aurais pu me sentir coupable d'avoir manqué de prudence pour n'avoir pas établi une convenable séparation, mais... un vieux de 49 ans ! ! ! Ah ! je crois que Zanoni n'est pas arrivé à ce point d'un seul coup. On arrive à l'iniquité par étapes. Le fait est que Zanoni est parti du Caire en se faisant donner de fausses attestations médicales, et en faisant mille duperies. Il jouissait d'une excellente santé, la meilleure parmi nous. L'Institut féminin fonctionne très bien maintenant, et il jouit d'une bonne réputation auprès des Chrétiens et des Turcs. Il continue sa mission de faire sortir des ténèbres les âmes infidèles. Le jour de l'Assomption, comme je vous l'ai déjà dit en juin dernier, trois filles africaines ont été baptisées.


[1709]
Je vous écrirai encore au sujet de l'affaire Zanoni. Le passé est toujours une école pour l'avenir. Mgr. le Délégué a sans doute mis la Sacrée Congrégation au courant de ces faits. Dans cette tempête humaine, l'ennemi du salut des hommes a cherché encore une fois à me faire du mal.

Les tempêtes qui m'oppriment sont tellement nombreuses que c'est un miracle si je résiste au poids de tant de croix. Mais j'ai tellement de force, de courage et de confiance en Dieu et dans la Vierge Marie que je suis sûr de pouvoir venir à bout de tout et être prêt à porter, dans l'avenir, des croix encore plus lourdes.


[1710]
Je vois et je comprends que la croix est mon amie et toujours si proche de moi que, depuis quelque temps, j'ai décidé de l'élire, pour toujours, comme mon unique épouse. Avec la croix mon épouse et éducatrice pleine de sagesse, de prudence et de sagacité, avec Marie ma très chère Mère, et avec Jésus mon tout, je ne crains, Eminent Prince, ni les tempêtes de Rome, ni les ouragans de l'Egypte, ni les tourbillons de Vérone, ni les nuages de Lyon et de Paris. C'est certain ! Lentement, mais sûrement, en marchant sur les épines, j'arriverai à établir et à implanter l'Œuvre de la Régénération de la Nigrizia Centrale ; une Œuvre que de nombreuses personnes ont abandonnée et qui est la plus ardue et la plus difficile de l'apostolat catholique.

Je me recommande à Votre Eminence et, bien que j'en sois indigne, j'espère que mes vœux seront exaucés. Soyez mon chef, mon médecin, mon maître et mon père. Pour le moment je n'ai d'autres soucis que de bien établir le petit Séminaire de Vérone et les deux Instituts du Caire. L'Abbé Dalbosco est précieux pour le Séminaire de Vérone ; il m'a dit que l'Abbé Rolleri est un bon missionnaire.

Petit à petit, nous arriverons à bout de tout. Je vois se réaliser ce que Votre Eminence avait eu la bonté de me dire et de m'écrire : il faut du temps, du discernement, de la prudence, la prière et moi j'ajoute, aussi la Croix. Mais il me semble entendre Votre Eminence qui ajoute : "La Croix qui vient de Dieu, non pas celle procurée par notre ignorance".

Je vous offre les sentiments de ma plus profonde gratitude en vous demandant pardon pour tout ; j'embrasse votre Pourpre Sacrée, et je me déclare



votre humble et dévoué fils

Abbé Daniel Comboni



P.-S. J'envoie cette lettre par le biais du Nonce Apostolique car elle contient des renseignements confidentiels.






268
Claude Girard
0
Paris
5.10.1868

N° 268 (253) - A CLAUDE GIRARD

AGB

Paris, le 5 octobre 1868

Mon cher ami,


 

[1711]
Une circonstance extraordinaire m'a empêché de vous écrire avant.

Je suis heureux de savoir que vous allez à Orléans. C'est la raison la plus importante qui pourrait me conduire là-bas, mais comme j'ai été occupé jusqu'à présent à assister la vénérable Baronne de Havelt, je n'ai pas pu organiser mon voyage pour Orléans. Maintenant que la Baronne est au ciel, je pourrai le faire. Ecrivez-moi à Paris, et faites-moi savoir le jour de votre arrivée à Orléans et où vous logez, ainsi je viendrai sans doute. J'ai besoin de vous et de votre conseil car, depuis mon retour d'Allemagne, je n'ai pas gagné un sou, et je n'ai fait que des dépenses. Adieu. Toute mon affection à votre famille.



Votre affectionné ami

Comboni




[1712]
P.-S. La guerre que le Père Zanoni m'a déclarée est affreuse. Il a écrit à Rome etc., etc. Mais le Bon Dieu s'en occupera. Avec les pires mensonges, on ne fait triompher que l'injustice. Il a essayé de ruiner me réputation à Rome, à Vérone et auprès du Délégué Apostolique. Et tout cela, parce que j'ai mené à bon terme un acte de justice, puisque j'ai accompli mon devoir en lui disant clairement qu'il avait mal agi.

Mais, mon cher ami, Comboni ne craint rien, ni les tempêtes de Rome, ni les ouragans de l'Egypte, ni les tourbillons de Vérone. J'ai avec moi les Cœurs de Jésus et de Marie et cela me suffit. Ce que j'ai souffert et ce qu'il me reste à souffrir ne suffira pas à briser mon cœur. L'Œuvre de la Conversion et de la Régénération des Africains sera fondée, malgré tous les obstacles de l'enfer, car les cornes de Jésus-Christ sont plus dures que celles du diable. Courage ! Dieu sera avec nous.

Adieu mon ami.



votre dévoué

Abbé Daniel Comboni



Texte original en français, corrigé.






269
Mgr. Luigi Ciurcia
0
Paris
8.10.1868

N° 269 (254) - A MONSEIGNEUR LUIGI CIURCIA

AVAE, c. 23

Vive Jésus, Marie et Joseph !

Paris, le 8 octobre 1868



Excellence Révérendissime,


 

[1713]
Lorsque j'ai reçu à Paris une lettre de Son Eminence le Cardinal Préfet, concernant sa réponse au Conseil de Lyon et le problème de la cohabitation de mes compagnons et de moi-même avec les Religieuses et les filles africaines, j'ai décidé de vous envoyer une copie des réponses que j'ai données à Son Eminence sur ces deux points. Les réponses sont assez longues, j'ai jugé alors que Votre Excellence aurait aimé lire au moins un petit abrégé, et lors de ma prochaine venue chez vous, je vous ferai un compte-rendu exact de ma conduite.


[1714]
Pour ce qui concerne le premier point, c'est-à-dire la réponse de Son Eminence au Conseil de Lyon, je crains qu'il n'ait pas trop plaidé ma cause, car il a confirmé la fausse opinion qu'avait le Conseil à propos de l'Œuvre du Bon Pasteur. A Lyon on pensait qu'elle avait pour but de maintenir l'établissement des Africains au Caire, et il a dit au Président que cette Œuvre n'est pas approuvée par Rome, et qu'elle n'a qu'une indulgence de 40 jours accordée par Mgr. Canossa.

J'ai répondu à ce malentendu en faisant remarquer à Son Eminence qu'il lui aurait suffit de lire le Programme de cette Œuvre et le bulletin des Indulgences Plénières accordées avec l'autographe papal de Pie IX (dont j'ai transmis moi-même les copies au Cardinal au mois d'octobre 1867), pour se convaincre que l'Œuvre du Bon Pasteur a pour but de soutenir le petit Séminaire de Vérone, et qu'elle a été enrichie de 6 indulgences plénières par Sa Sainteté Pie IX.

De toute façon, d'après ce qui m'a été dit par l'un des membres les plus actifs du Conseil de Lyon, le Révérend Georges, Supérieur du Séminaire Chartreux, l'Œuvre de la Propagation de la Foi tiendra toujours compte de votre vénérable lettre de recommandation et soutiendra mon Institut comme Œuvre diocésaine d'Egypte, car le Conseil a bien compris que le Cardinal a commis une bévue.


[1715]
En ce qui concerne le deuxième point, à propos de la prétendue cohabitation, j'ai fourni à Son Eminence une description exacte des deux maisons qui constituent le Couvent des Maronites, et aussi de la maison Bahri que nous avons occupée le 18 juin dernier. Je lui ai démontré que, dans la Maison Maronite il y avait, entre les Missionnaires et les Sœurs, davantage de séparations que dans le respectable Séminaire de Lyon où les Sœurs font la cuisine etc. aux élèves du Séminaire africain dans la même maison. Il y a aussi davantage de séparations que dans tous les couvents féminins d'Allemagne où le confesseur et le chapelain habitent le même Couvent et la même maison, séparés seulement par des portes. Pour ce qui concerne la maison de Bahari, il y a entre les deux grands étages davantage de séparations que dans la Maison Castellacci à Rome où, de 1856 à 1862, la Mère Générale et les Sœurs habitaient le premier et le deuxième étages, tandis que Monseigneur, et son frère avec ses neuf enfants habitaient le troisième.

J'ai fait remarquer à Son Eminence que notre logement actuel était provisoire, j'ai toujours eu l'intention de prendre deux maisons au moment le plus opportun, éloignées l'une de l'autre d'au moins un demi-mille. Etant donné que j'étais au début de la fondation, la solution pouvait être acceptable avec toute la prudence qui s'imposait.


[1716]
Celui qui a provoqué tous ces pépins a été sans doute le pauvre Père Zanoni, qui voyant sa réputation ruinée, et en constatant l'absolue impossibilité de rester encore dans mon Institut, (à cause de ce qu'il avait fait et que le Père Carcereri vous a fait savoir. Ce cas m'a procuré beaucoup de chagrin) a essayé de justifier son départ. Il a voulu frapper mon Institut, moi-même et les autres, en nous discréditant à Rome, à Vérone et partout où il a pu. C'est ce qu'il a fait après mon départ. Il a écrit sa version des faits et avec beaucoup de malveillance au Père Guardi, le Général des Camilliens, ami intime de notre Cardinal. J'en ai beaucoup souffert vis-à-vis de Son Eminence qui, je le comprends bien, ne m'a pas appuyé auprès du Conseil de Lyon.


[1717]
J'ai un péché à me reprocher : celui de ne pas avoir ouvert mon cœur tout de suite à Votre Excellence et de ne pas vous avoir parlé du Père Zanoni.

Votre Excellence aurait tout de suite trouvé une solution, et tout aurait bien marché. Mais le départ immédiat de Zanoni aurait empêché le mien, qui était d'ailleurs nécessaire. Et le fait de parler de cette affaire, qui aurait été la cause du renvoi du Père Zanoni était source d'une douleur énorme pour mon cœur, au point de ne pouvoir me décider. J'espère que le cœur paternel de Votre Excellence m'accordera le pardon. Dorénavant, je ne me laisserai arrêter par aucune contrariété, et vous trouverez en moi un vrai fils.

D'ailleurs, je suis impatient de rentrer en Egypte. Ici, à Paris, les affaires traînent car tout le monde est à la campagne. De toute façon, j'espère quitter l'Europe au début du mois prochain.


[1718]
Si le Seigneur m'assiste, je compte avoir une aide de la Sainte Enfance, et une autre plus petite de la part de Mgr. Soubiranne et du Ministère pour le fonds oriental, ainsi que de l'Institut d'Afrique dont je suis, depuis l'année dernière, le Président honoraire.

Vous avez les salutations de la Duchesse de Valence. Le Baron de Havelt, chez qui je suis logé vous offre ses hommages en tant que protecteur des Missions.

Je baise votre anneau sacré et, en me confiant à votre cœur qui a été plus que paternel pour moi, je me déclare



votre humble et dévoué fils

Abbé Daniel Comboni






270
M.me A. H. De Villeneuve
0
Paris
9.10 1868

N° 270 (255) - A MADAME A. H. DE VILLENEUVE

AFV, Versailles

Vive Jésus, Marie et Joseph !

Paris, le 9 octobre 1868



Ma chère et vénérable Dame,


 

[1719]
Je suis depuis quelques jours à Paris, et je ne partirai pas sans vous voir. J'espérais que vous monteriez à Paris au mois d'octobre, mais j'ai su que vous resterez à Quimper jusqu'au mois de novembre. Eh bien, je viendrai vous rendre visite dans ce mois-ci. Aujourd'hui je tâcherai de rendre visite à Madame Maria.

Je pense souvent à vous, à mon cher Auguste et à toute votre chère famille.


[1720]
Je viens d'assister la Baronne de Havelt, j'ai recueilli son dernier souffle ; j'ai passé plusieurs nuits à ses côté ; je lui ai donné la Bénédiction Papale, et l'Absolution 18 fois. Sans nul doute, elle est partie au ciel.

Je suis heureux d'entendre M. Désiré qui me communique de bonnes nouvelles de M. Auguste. Une mère unique et incomparable comme vous doit être exaucée par Dieu. Votre dévouement et votre amour maternel touchent Dieu plus que n'importe quelle prière. Toutefois, nous prierons toujours.

Je vous prie de transmettre mes hommages à M. Auguste, des salutations de ma part à mon bon Urbansky dont j'ai eu de bonnes nouvelles par Désiré.

Adieu, ma vénérable dame ; je suis impatient de vous revoir et de passer une journée avec vous et avec mon cher Auguste. Avec ces sentiments, j'ai l'honneur de me déclarer dans le Sacré-Cœur de Jésus



votre affectionné

Abbé Daniel Comboni



Texte original en français, corrigé.