Comboni, en ce jour

Dans une lettre au card. Barnabò (1871) de Verone l’on lit:
J'ai vivement sollicité, auprès d’un grand nombre d’Evêques et de Congrégations, les plus respectables des cinq parties du monde, de quotidiennes et ferventes prières pour la conversion de la Nigrizia.

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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
791
Mgr. Joseph De Girardin
0
Khartoum
2. 9.1878
N° 791 (752) - A MONSEIGNEUR JOSEPH DE GIRARDIN

AOSIP, Afrique Centrale



Khartoum (Soudan Egyptien),

le 2 septembre 1878



Monseigneur,



[5382]
Je viens de recevoir votre vénérable lettre datée du 20 juin et partie de Paris le 29 juillet m'annonçant que le Conseil Central de l'Œuvre de la Sainte Enfance a alloué à l'Afrique Centrale la somme de 5.000 francs pendant sa séance du 21 mai dernier.

Je n'ai pas de mots pour exprimer ma reconnaissance envers cette Œuvre admirable et envers le Conseil Central. Je répondrai à toutes les instructions vraiment pratiques contenues dans votre lettre et je réaliserai tout.


[5383]
Pour me faire parvenir les allocations de la Sainte Enfance, le meilleur moyen et le plus économique est de faire une lettre de change sur Rothschild à Paris, et de me l'envoyer à Khartoum, car il y a ici un négociant français, Monsieur Marquet, qui accepte toutes les lettres de change sur Rothschild de Paris, et qui me paie comptant. La lettre de change adressée en ma faveur pourra être à deux mois.


[5384]
Un autre moyen sûr est d'envoyer l'argent par le Ministère des Affaires Etrangères et par le Consul Général de France, ou bien d'envoyer une lettre de change sur Rothschild à Paris à Monsieur l'Abbé Bartolomeo Rolleri, Supérieur des Instituts pour les Noirs au Caire en Egypte et Procureur Général de l'Afrique Centrale. La Propagation de la Foi se sert de ce moyen depuis 10 ans, et c'est le plus sûr.


[5385]
Mais si vous n'avez pas encore expédié cette somme par les moyens que je vous ai indiqués dans ma lettre du 16 août dernier, je vous prie de payer 3.000 francs-or à mon banquier Brown et Fils à Rome, via Condotti, par le truchement du Supérieur Général des Trinitaires à Rome, qui est aussi le Directeur de la Sainte Enfance à Rome, et le confesseur de la pieuse famille Brown.

Cette somme m'est nécessaire pour faire partir pour l'Egypte six Missionnaires par la voie de Naples. Je vous prie de me faire parvenir le reste le plus tôt possible avec une lettre de change sur Rothschild, ou bien par l'intermédiaire de Monsieur l'Abbé Rolleri, élève de mon Institut de Vérone, et Supérieur de mes établissements du Caire (Egypte), ou bien encore à moi directement à Khartoum comme je vous l'ai indiqué plus haut.


[5386]
Le Consul autrichien et agent consulaire de France à Khartoum m'a dit que l'ardeb de blé (88 kilos) qui coûtait autrefois 20 à 25 francs, a été acheté ici au prix de 360 francs. Presque toutes les personnes de mes établissements du Vicariat ne mangent pas de pain depuis quatre mois, car il n'y a pas d'argent pour en acheter; ils mangent le durra, une nourriture trop légère pour les Européens.

Je parle des Missionnaires européens, des Sœurs de Saint Joseph de Marseille et des Pieuses Mères de la Nigrizia de Vérone, et pas des élèves, ni des orphelines et des indigènes qui n'ont jamais mangé de pain, mais toujours le durra, le dokhon et le blé du pays. Il faut ajouter à cela que l'eau potable fait vraiment défaut, et vous comprendrez que notre condition est pénible. Mais le Sacré-Cœur de Jésus, par l'intermédiaire de la Propagation de la Foi et de la Sainte Enfance, remédiera à tout.

Je suis dans les Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie



votre dévoué

+ Daniel Comboni Evêque

et Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale

Texte original français, corrigé.






792
Card. G.B.R. Kutschker
1
Khartoum
3. 9.1878
N° 792 (753) - AU CARDINAL GIOVANNI B. R. KUTSCHKER

AVW



Le 3 septembre 1878

Lettre en latin sur la famine.





793
Aux Pères
1
Khartoum
8. 9.1878
N° 793 (754) - AUX PERES ANACLETO DALLA CHIARA,

FRANCESCO FALEZZA, GIOVANNI B. PERUZZI, MICHELE FALEZZA

ACR, A, c. 14/134



Khartoum, le 8 septembre 1878

Lettre en latin sur la famine.





794
Mgr. Girolamo Verzeri
1
Khartoum
15. 9.1878
N° 794 (755) - A MONSEIGNEUR GIROLAMO VERZERI

ACR, A, c. 15/144



Khartoum, le 15 septembre 1878

Lettre en latin sur la famine.





795
Chanoine Giovanni C. Mitterrutzner
0
Khartoum
26.9.1878
N° 795 (756) - AU CHANOINE GIOVANNI C. MITTERRUTZNER

ACR, A, c. 15/79



Khartoum, le 26 septembre 1878



Mon très cher ami,



[5387]
Puisque d'après le dernier compte-rendu trimestriel de l'Abbé Paolo Rossi, il est clair que les maisons de Vérone sont dans une excellente situation financière et qu'elles n'ont aucune dette, et puisque les besoins les plus urgents de l'œuvre sont aujourd'hui dans le Vicariat (les établissements du Caire n'ont pas contracté de dettes non plus), pour éviter la Douane à Vérone, si vous recueillez des aumônes, je vous prie de les envoyer directement à Monsieur l'Abbé Bartolomeo Rolleri, Supérieur des Instituts pour les Noirs au Caire (Egypte), car Rolleri me les fera parvenir immédiatement. Je vous prie de faire ainsi jusqu'à nouvel ordre de ma part.

J'ai écrit ce mois-ci à plus de 40 Doyens et Curés autrichiens, surtout dans le diocèse de Salzbourg, et j'ai écrit à Monseigneur Gassner qu'il vous fasse toujours parvenir à vous l'argent qu'il récolte pour l'Afrique.


[5388]
Tout ce que vous avez envoyé à Vérone, qui était aussi pour moi, est resté là-bas entre les mains de l'Abbé Paolo, que j'avais autorisé à garder l'argent pour les besoins de ces établissements. Quant à vous, maintenant, sans rien dire, ni écrire à l'Abbé Paolo, envoyez l'argent au Caire. S'il s'agit d'une lettre de change sur Vienne, sur Francfort ou sur Paris, vous pourrez alors me l'envoyer directement ici, car il y a ici des négociants qui me la payent à vue.


[5389]
Gordon Pacha est implacable contre l'esclavage. Depuis qu'il est ici (depuis juin), il fait séquestrer 36 caravanes d'esclaves. Il m'est très favorable et il me rend toujours visite. Il a décidé de confier à nos Sœurs de Vérone, actuellement à Berber, l'hôpital gouvernemental de Fachoda (capitale des Shilluk); il leur confiera ensuite (quand viendront de nouvelles Sœurs) l'hôpital de Ladò (près de Gondocoro), puis celui de l'Albert Nyanza à l'Equateur. Il confiera aussi aux Sœurs de Saint Joseph, qui sont à Khartoum, l'hôpital de cette ville avec ses 40 lits. Il a bien compris qu'en confiant l'hôpital aux Sœurs, les trois quarts des militaires hospitalisés, au lieu de mourir, peuvent survivre.

Dans le contrat il est écrit que tout doit être sous le contrôle de Monseigneur Comboni. Avec la grâce de Dieu et de Saint Joseph (qui a dans sa barbe des guinées et des florins en grande quantité), la Mission prendra des proportions magnifiques. Il est donc important que la Société de Marie de Vienne soit florissante, parce qu'elle est le symbole de la protection autrichienne du Vicariat, comme je l'ai déjà écrit au Cardinal Archevêque de Vienne.


[5390]
Les Sœurs de Vérone iront de Berber à Fachoda en octobre prochain; et un bateau à vapeur du gouvernement ira exprès à Berber pour les amener à Fachoda. La semaine prochaine, j'enverrai là-bas l'Abbé Squaranti pour aménager les locaux mis à disposition par le gouvernement. Fachoda est précisément en face de la région des Denka que l'Abbé Beltrame avait choisie pour l'Institut Mazza. Pour Fachoda et pour Ladò seront donc nécessaires les dictionnaires et les grammaires Denka et Bari que vous avez mis au point avec tant de mérite.

Songez à l'immense service que vous avez rendu par ce travail à l'Afrique et à l'Eglise. Avant la fin de l'année 1879 nous nous installerons aux lacs Nyanza à l'Equateur; j'avais déjà tout organisé avec Gordon Pacha pour le mois de septembre courant, mais la défection de certains, (car il faut une grande abnégation, de la vertu, de la persévérance pour tenir le coup en Afrique Centrale), les dettes et la terrible famine, m'ont obligé à attendre.

Mes hommages à Son Altesse, à Monseigneur le Doyen, à tous vos confrères et Professeurs dépendants. Sachez que vos lettres nous apportent beaucoup de réconfort. La rédaction du dictionnaire et de la grammaire Nouba avance bien.

Priez le Cœur de Jésus pour



votre affectionné et fidèle

+ Daniel Evêque

et Vicaire Apostolique




[5391]
P.S. Je n'avais pas encore expédié la lettre à Salzbourg; vous la trouverez ci-jointe. Je vous prie de l'envoyer. Vale!

Lisez aussi la lettre en latin pour Monseigneur Gassner à Salzbourg, et si vous voulez, lisez-la aussi à vos confrères les Professeurs, ut orent, ensuite expédiez-la.

Je vous demande pardon. ...






796
Card. Giovanni Simeoni
0
Khartoum
30. 9.1878
N° 796 (757) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI

AP SC Afr. C., v, 8, ff. 695-699



N°7

Khartoum, le 30 septembre 1878



Eminent et Révérend Prince,



[5392]
Avec le dernier courrier j'ai reçu votre lettre du 14 août, dans laquelle vous me donnez l'ordre de suspendre pour le moment l'expédition aux lacs Nyanza pour des raisons justes et prudentes que vous avez daigné me donner.

J'obéis sans hésiter à la volonté de Dieu si clairement exprimée par l'intermédiaire de mon Supérieur, je suspends totalement l'expédition, et je suis sûr que Dieu agira de la meilleure façon pour ces pauvres âmes.


[5393]
C'est depuis l'année 1873 que je pousse l'action du Vicariat vers le Djebel Nouba à l'occident, et alors Monsieur l'Abbé Antonio Squaranti de mon Institut de Vérone, actuellement Administrateur Général des biens temporels du Vicariat et résidant à Khartoum, m'écrivait ainsi de Vérone: " Je suis content que vous alliez au Djebel Nouba, et même plus à l'intérieur, et dans toute l'Afrique Centrale; mais de grâce, n'allez pas à l'Equateur, aux Nyanza, parce que l'Equateur me revient! " Depuis 1873, j'ai réfléchi, j'ai fait des recherches, et j'ai suivi toutes les étapes des différents explorateurs qui ont marché sur les pas de Speke, de Grant et de Baker; je me suis intéressé aux différentes langues et aux différents peuples dispersés à l'Equateur. Mais l'Abbé Squaranti et moi sommes heureux d'accomplir la volonté de Dieu, qui est si claire, et nous allons de l'avant.


[5394]
D'ailleurs, à mon avis l'actuelle décision de Votre Eminence est très prudente et opportune; car outre que je suis encore affecté par la terrible famine (à laquelle mon administrateur et économe général Saint Joseph remédiera certainement dans les délais prescrits, que j'ai communiqués au Cardinal Bartolini), je suis davantage préoccupé à cause des pourparlers que je dois engager avec la nouvelle Mère Générale des Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition, très peu nombreuses dans mon Vicariat (cela exige que je ne bouge pas de ma résidence).

Il faut aussi évaluer et bien pondérer les résultats des premières expéditions des Missionnaires d'Alger, comment ils arrivent à leur destination, comment ils s'y installent, comment ils peuvent tenir, face aux dures et inévitables épreuves de ces expéditions, et évaluer quels espoirs ils peuvent nourrir, ainsi que mes missionnaires et moi-même.


[5395]
Au moins deux ans sont nécessaires pour cela. Si on prenait une décision avant, elle serait irréfléchie et intempestive. En effet, un nouveau visiteur qui arrive en Afrique Centrale pour la première fois pendant une certaine saison en a des impressions et trouve des situations faciles et des difficultés différentes de celles rencontrées par un autre voyageur qui arriverait à une autre saison de l'année.

Par exemple, un Visiteur Apostolique envoyé par le Saint-Siège qui vient visiter l'Afrique Centrale et qui irait à Khartoum, au Cordofan et aux lacs Nyanza entre novembre et avril, trouverait tout en ordre, l'observance des Règles, un ministère stable; il trouverait le printemps et tout le monde prêt à le servir.

S'il venait au moment des fièvres, il pourrait lui-même tomber malade ou succomber, et il verrait que chacun tient debout grâce à sa bonne volonté, mais il ne verrait pas la régularité et le bon ordre qu'il trouverait pendant la bonne saison.


[5396]
Ainsi en supposant que certains Missionnaires d'Alger atteignent le Tanganyika et d'autres le Victoria Nyanza pendant la bonne saison, ils découvriront un beau pays, de belles habitations, ils recevront un bon accueil, un bon service, une bonne assistance, et ils s'installeront rapidement. Ils pourront donc envoyer de splendides rapports au Saint-Siège, à Propaganda Fide, en France, à la revues l'Univers, et aux autres journaux catholiques.


[5397]
Mais cela ne suffit pas pour dire que les Missionnaires se sont réellement bien installés. Il faut attendre que passent au moins deux mauvaises saisons, pour juger de la solidité de l'installation, après que tous sont tombés malades, que certains sont morts, et, face aux maladies, aux difficultés, aux obstacles et aux habitants, ou aux différentes Sociétés de protestants ou d'un autre type, que certains de ces Missionnaires se découragent et rebroussent chemin.

C'est seulement après ces épreuves, c'est-à-dire après au moins deux ans, que l'on peut se faire une idée exacte du bon résultat de l'installation. Ne souhaitant que le vrai bien de l'Afrique et sa Rédemption, je serai ravi si les Missionnaires d'Alger réussissaient dans leur difficile mission, et je vous dis franchement qu'au fond de mon cœur j'espère qu'ils réussiront, parce qu'il me semble impossible que parmi les 160 et plus Missionnaires dont Monseigneur Lavigerie peut disposer (j'ai les noms de tous, ici sur mon bureau), il n'y en ait au moins deux ou trois douzaines qui résistent à tous les obstacles; et qui ne soient prêts par amour de Dieu et des âmes sur le champ de bataille (non de l'Europe quand ils sont en sécurité, car dans ce cas ils sont tous prêts au martyre) à mourir avant l'heure pour la Nigrizia.


[5398]
Je suis sûr que l'Eglise et l'Afrique tireront de grands avantages d'un si saint et généreux Institut, mais pour juger et prendre une décision concernant la démarcation des frontières des nouvelles et futures Missions et de la frontière méridionale de mon Vicariat, il est prudent et opportun d'attendre deux ans au moins, ou deux mauvaises saisons, qui varient en Afrique Centrale d'après la latitude.

Il serait aussi très utile et opportun pour l'Eglise que les Missionnaires d'Alger réussissent dans leur sainte entreprise, car la France aurait de l'influence en Afrique Equatoriale, elle seule (si elle ne tombe pas entre les mains de Monsieur Gambetta) peut contrebalancer l'influence anglaise, qui n'est pas loin d'atteindre certains objectifs, lesquels cependant deviendront toujours plus modestes au fur et à mesure que l'Angleterre se rapproche, comme elle le fait, du Catholicisme.


[5399]
Suite à la proposition de remettre à plus tard la prise de décisions définitives, je crois qu'il est utile de vous soumettre humblement un autre fait connu de Propaganda Fide et de tout le monde.

En 1874, Monseigneur Lavigerie a publié une très belle lettre circulaire dans laquelle il annonçait l'imminente expédition de ses Missionnaires pour Tombouctou. La presse catholique a répondu avec enthousiasme à cette sainte entreprise, des aumônes arrivèrent de partout et on a fourni aux lecteurs une description précise de l'itinéraire par la voie des Touaregs, des tribus qu'ils devaient traverser, et de l'époque à laquelle ils atteindraient ce royaume mystérieux.

La Science et les Sociétés Géographiques faisaient écho à la commune joie et à l'enthousiasme.


[5400]
J'étais au Cordofan quand j'ai lu la circulaire et les journaux allemands, français et anglais qui en parlaient, et même le New York Herald que son correspondant m'a donné. Au début j'en ai exulté de joie. Mais quand j'ai lu quel chemin ils prenaient, comment ils voyageraient, et surtout l'époque à laquelle ils pensaient arriver à Tombouctou, j'ai dit à mes Missionnaires que personne n'arriverait à destination, qu'ils seraient tous morts en cours de route, ou bien massacrés, ou alors qu'ils reviendraient en arrière.

J'avais bien compris que si les Missionnaires suivaient cette route et cette façon de voyager, c'est parce qu'ils manquaient d'expérience. On n'acquiert pas de l'expérience en faisant d'un seul coup un long voyage ; mais on devient expérimenté en faisant ce voyage, étape par étape, non pas en 5 ou 6 mois, comme se l'imaginaient les journaux, mais en 5 ou 6 ans.


[5401]
Arrivé à Khartoum, ayant eu dans le passé d'excellents rapports avec Monseigneur Lavigerie et Monseigneur Soubiranne alors Vicaire Général, je lui ai écrit une longue lettre en lui faisant part du fruit de ma longue expérience sur la façon de voyager dans les déserts et parmi les tribus africaines, en lui donnant mon humble avis sur la façon dont il pourrait très probablement atteindre avec succès son saint but, mais en plus de temps.

Je n'ai jamais eu de réponse à cette lettre, et peut-être n'est-elle jamais arrivée dans les mains de Monseigneur l'Archevêque. Mais quand je suis arrivé au Caire en février 1876, j'ai lu dans les Missions Catholiques que les Missionnaires envoyés à Tombouctou avaient été massacrés, et j'ai lu la magnifique circulaire de Monseigneur Lavigerie dans laquelle il annonçait à ses diocésains le martyre subi par ses excellents fils, etc. et il avait mille raisons.

Mais qui parle de Tombouctou aujourd'hui ? L'entreprise était vraiment difficile. Et Dieu dans sa miséricorde réservait ce magnifique groupe de missionnaires, qui sont de bonne volonté, à une entreprise plus vaste et plus féconde pour l'Eglise, beaucoup plus importante, c'est-à-dire pour les Missions équatoriales non dominées par l'Islam comme l'aurait été la mission de Tombouctou.


[5402]
Je fais donc confiance à la sagesse de la Sacrée Congrégation, de Votre Eminence et du Saint-Père. D'après les résultats des saintes expéditions déjà réalisées, d'après les rapports les plus précis possible que l'Archevêque d'Alger et moi-même nous enverrons en temps voulu, et surtout d'après la lumière de l'Esprit Saint qui la conduit, la Sacrée Congrégation prendra avec assurance les sages et fermes décisions qu'elle croira opportunes et que j'accepterai avec joie et sans hésiter comme étant l'expression de la volonté de Dieu.


[5403]
Mon cœur a été profondément meurtri, il l'est encore et il le sera pendant longtemps, en apprenant la mort de l'Eminent Cardinal Franchi.

J'ai donné l'ordre que dans tout le Vicariat on célèbre - et nous l'avons fait ici à Khartoum avec l'intervention du Consul austro-hongrois et des catholiques - des services funèbres et des Messes de Requiem pour son âme bénie.

Je supplie la bonté de Votre Eminence, si vous le croyez utile, de présenter au Saint-Père mes vives condoléances pour cette grande perte qu'a subie l'Eglise.

Je supplie Votre Eminence de bien vouloir présenter à l'Eminent Cardinal Nina mes humbles félicitations pour avoir été élu comme successeur du regretté Franchi et de Votre Eminence, couronne du splendide et orageux Pontificat du saint Pie IX, dont émergent encore les deux sublimes, célèbres et inoubliables notes aux Nonces Apostoliques sur la Circulaire Mancini, et sur la mort de Vittorio Emanuele et qui resteront toujours un monument éloquent de la sagesse du Pontife Romain et de la vérité qui l'entoure.


[5404]
J'avais inclus dans ma dernière lettre en juin dernier une lettre de félicitations au Saint-Père Léon XIII, qui était aussi une profession de Foi.

J'espère que vous l'avez reçue et présentée au Saint-Père.

Je m'incline pour embrasser votre Pourpre Sacrée, et je me déclare avec la déférence la plus profonde



votre dévoué et humble fils

+ Daniel Evêque de Claudiopoli

Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale






797
Card. Giovanni Simeoni
0
Khartoum
24.10.1878
N° 797 (758) - AU CARDINAL. GIOVANNI SIMEONI

AP SC Afr. C., v. 8, ff. 700-710



N° 8

Khartoum, le 24 octobre 1878



Eminent et Révérend Prince,



[5405]
Je vous écris de la Mission principale de Khartoum où, seul, je dois être l'Evêque, le Curé, le Supérieur, le Vicaire, le médecin, l'infirmier et le fossoyeur. Je suis ici seulement avec deux Frères laïques de mon Institut de Vérone, le responsable du jardin, et le magasinier, qui ont aussi souffert de fièvres, mais ils vont bien. Parmi les Sœurs, une seule est debout; toutes les autres, et presque toutes les jeunes filles, sont alitées avec une fièvre qui perdure depuis un mois.

Les Prêtres, les laïcs, et presque tous les garçons ont de terribles fièvres, et pour changer d'air, je les ai tous envoyés à bord d'un grand bateau sur le Fleuve Bleu. Plus de la moitié des habitants de Khartoum sont malades et tombent comme des mouches.


[5406]
Cette épouvantable mortalité est la conséquence de la faim.

Dans les régions qui se trouvent jusqu'à 200 miles de Khartoum (jusqu'où seulement j'ai des nouvelles sûres), la faim, la soif et les maladies ont fauché la moitié de la population : plus de 25.000 personnes sont mortes sur 50.000 habitants.

Mes Prêtres qui étaient partis pour changer d'air et auxquels j'avais suggéré de s'arrêter dans tel ou tel autre village, me font savoir qu'ils sont déserts ; ils n'y ont trouvé que des malades ; le reste de la population qui manquait était morte les mois précédents.

Par mesure de précaution et pour lui sauver la vie, j'ai envoyé à Berber, jusqu'à la moitié du mois passé, mon administrateur, l'Abbé Antonio Squaranti, qui m'avait suivi sans avoir pu s'acclimater au Caire; les soins des excellentes Pieuses Mères de la Nigrizia, que j'ai fondées à Vérone, et dirigées par le même Squaranti pendant le Noviciat en vue de la vie apostolique en Afrique, lui ont redonné des forces, et il s'est parfaitement rétabli.


[5407]
Bien que je sois seul pour gérer et diriger la Mission de Khartoum, bien que je me déplace jour et nuit d'une maison, ou plutôt d'un hôpital à l'autre, où l'on voit toutes les misères, je suis en parfaite santé, j'ai une vie stable, je mange deux fois par jour la même nourriture, je ne bois jamais de vin car le vin est très nocif par ces chaleurs, je ne bois que de l'eau, jamais de limonade, je ne mange pas de viande, ni de poulet ou autre car cela augmente la bile, je ne mange pas de soupe, car cela fait venir la fièvre. C'est en mangeant seulement un beefsteak cuit pendant une minute et en buvant l'eau du Nil que je suis en parfaite santé et je n'ai jamais mal à la tête.

Plus de 20 lettres expédiées à chaque courrier qui part, le travail est continu, mais j'ai la consolation d'avoir guéri du typhus de nombreux malades, et personne n'est mort sans les Sacrements, et sans la Confirmation pour ceux qui ne l'avaient pas reçue.


[5408]
La sécheresse est terminée au Cordofan car les pluies ont été très abondantes, et après la faim elles sont, en partie, aussi une cause de la mortalité actuelle. Pour que la contagion venant du Soudan ne touche pas l'Egypte, le gouvernement égyptien a établi un cordon sanitaire et la quarantaine à Berber et à Souakin, ce qui fait que nous sommes en prison.


[5409]
Je suis convaincu que la famine et la disette de l'Afrique Centrale ont été, et sont encore bien plus terribles et effrayantes que la famine et la disette des Indes et de la Chine...

Avoir été le seul parmi les Vicaires Apostoliques qui ait élevé la voix en Europe, ajouté à l'apathie naturelle de ces indigènes, fille du fatalisme de l'Islam, qui les fait souffrir et mourir en silence, tout cela a fait en sorte qu'en Europe, les gens qui se sont tellement mobilisés pour les affamés des Indes et de la Chine, n'ont pas été émus par la famine et la soif (pire que la faim) en Afrique Centrale; et beaucoup de journaux, parmi lesquels la Voce della Verità, à qui j'ai écrit plusieurs fois à propos de ce terrible malheur, n'ont même pas daigné faire allusion à la famine en Afrique Centrale. Que le Seigneur soit toujours béni.


[5410]
Je suis convaincu que la famine en Afrique Centrale est plus terrible que la famine des Indes et de la Chine pour les raisons suivantes :

1°. Ici, et je dis la même chose pour le grand empire du Darfour récemment conquis et avec lequel je suis en contact permanent (ainsi que dans d'autres régions du Vicariat), plus de la moitié de la population est morte ; et je n'ai pas encore lu que le nombre des victimes de la faim forme la moitié de la population dans aucune province de l'Asie.


[5411]
2°. En Asie, malgré la faim, on jouit d'un bon climat, d'un air frais et de maisons confortables. Ici, à côté de la faim, il y a le cauchemar et l'oppression d'une chaleur suffocante qui ôte les forces et augmente les horreurs de la famine (sans parler de la soif dans toutes ces régions qui sont éloignées du Nil et du Fleuve Blanc. La soif est un fléau encore pire que la faim), et entre 9 heures du matin et 4 heures de l'après-midi, il fait plus de 50 degrés. Il ne faut pas oublier non plus qu'un tiers de la population n'a pas de maison pour s'abriter.


[5412]
3° La condition des Missionnaires d'Afrique Centrale où la famine sévit, est plus épouvantable et plus terrible que celle des ouvriers évangéliques des Indes et de la Chine, car je pense (sans cependant pouvoir le prouver, mais en me basant seulement sur ce que j'ai vu aux Indes il y a de nombreuses années) que les Missionnaires, les Evêques et les Sœurs européennes en Asie n'ont jamais manqué du nécessaire; et outre une table suffisamment garnie (dont il faut louer et remercier l'aimable Providence de Dieu), les Missionnaires européens ont un air salubre, un bon climat, ils se reposent bien pendant la nuit et ils ont beaucoup d'autres ressources que nous n'avons pas en Afrique Centrale.

Je me réjouis de tout cela pour mes confrères Missionnaires d'Asie. Mais les Missionnaires du Cordofan et du Djebel Nouba, outre la chaleur accablante, l'eau saumâtre en modeste quantité, ne mangent pas de pain depuis 6 mois, les Missionnaires et les Sœurs ont dû se nourrir avec le dokhon (espèce de millet sauvage que même les poules refuseraient de manger en Europe), et ce fut une grâce de Dieu et grâce à l'abnégation de mes Missionnaires et des Sœurs de Saint Joseph que l'on a pu conserver de la farine pour faire les hosties, pour dire la Messe et donner la communion.


[5413]
Ce dokhon, ou millet, on l'a payé beaucoup plus cher que le blé en temps ordinaire. Ici à Khartoum, le pain que nous mangeons est appelé pain de froment, et il coûte 10 fois plus cher qu'avant. Mais je ne dirai certainement pas la Messe avec une hostie faite avec la farine du pain de Khartoum !


[5414]
Malgré tout cela, nous adorons les dispositions de Dieu, et nous souffrons volontiers par amour de Dieu, convaincus qu'Il tirera de ces tribulations du bien pour l'apostolat de l'Afrique Centrale. J'ai totalement confiance dans le Cœur de Jésus auquel j'ai consacré en 1873 tout le Vicariat avec l'accord du jamais assez regretté Pape Pie IX.


[5415]
J'ai dit avoir élevé la voix en Europe, et que les gens, impressionnés par les conditions pitoyables créées par la famine en Chine et aux Indes, n'ont pas été touchés par la situation de l'Afrique Centrale. Il est vrai que Propaganda Fide m'a envoyé 12.000 francs de dons extraordinaires, mais il s'agit d'aumônes recueillies suite à mes lettres envoyées en Angleterre et ailleurs. C'est ma petite, mais bien méritante Société de Cologne pour le rachat des Noirs qui a été la plus émue, et avec les journaux catholiques qu'elle a mobilisés elle m'a envoyé jusqu'à présent 20.000 francs. Mais que représentent ces aides face aux immenses besoins du Vicariat?

Ici le prix des biens de première nécessité est 10 fois plus élevé que d'ordinaire, il n'y a pas de beurre, mais on s'en passe. Au Cordofan il n'y a pas de pain. Un petit œuf (3 fois plus petit qu'un œuf de Rome) coûte une demi-lire. Et ainsi de suite, sans compter les morts.


[5416]
J'aurais voulu supplier la Sacrée Congrégation de m'envoyer une aide, comme elle l'a fait pour quelques Missions des Indes et de Chine, mais j'ai pensé, et je pense encore maintenant que j'allais faire du tort à mon cher économe Saint Joseph en dérangeant le Saint-Siège et Propaganda Fide qui doivent se préoccuper du monde entier; donc je ne demande rien à la Sacrée Congrégation, sauf ses sages conseils, ses ordres pour ma conduite, ses admonestations, ses instructions, et ses reproches quand elle croit qu'ils sont nécessaires et utiles. Mais je ne veux pas d'argent, je le refuserai respectueusement. Une bénédiction spéciale du Vicaire du Christ Léon XIII et de Votre Eminence me suffit.


[5417]
J'aurais voulu supplier Votre Eminence de me recommander à la Propagation de la Foi. Mais à vrai dire, je n'ai pas le courage de le faire parce que cette Sainte Œuvre me donne déjà un chèque annuel très important; j'ai peur de présenter de nouvelles pétitions, mais je serais content si elle continue à envoyer son allocation annuelle qui assure l'existence et le maintien de la Mission.

Mais si Votre Eminence lui écrivait, pour recommander toujours davantage le Vicariat de Monseigneur Comboni en général, surtout étant donné la terrible famine, la soif, la mortalité et les conséquences de ces fléaux, qui dureront longtemps, cela serait bien. Ce que Votre Eminence fera, sera ce que je vénérerai comme la volonté de Dieu.


[5418]
J'aurais voulu demander à Votre Eminence de me faire une lettre de recommandation à la Société de Cologne composée d'éminents membres catholiques comme Lowenstein et le Baron de Löe, que Votre Eminence connaît personnellement ; les membres du Comité de Cologne sont les enfants et les soldats de ces deux héros, et ce Comité est présidé par un vrai saint, le Révérend Noëcker, Curé de Saint Jacob à Cologne. En outre, puisque ces grandes âmes travaillent, elles aussi, pour la pure gloire de Dieu, j'ai alors suspendu ma pétition pour les raisons suivantes :


[5419]
1°. Cette bien méritante Société qui travaille avec zèle et une constante abnégation depuis plus de 25 ans, pour aider la Nigrizia et moi-même, a écrit en 1876 au Saint-Père Pie IX, et à l'Eminent Cardinal Préfet de Propaganda Fide pour offrir au Vicaire Apostolique d'Afrique Centrale Daniel Comboni, 10.000 francs sa vie durant, et toutes ses ressources pour moi-même. C'est un acte généreux et utile pour la Mission de l'Afrique que j'ai accepté uniquement à la condition que j'ai posée, et qui a été approuvée par cette Société, à savoir que ce don de 10.000 francs ne serait pas seulement pour moi, mais aussi pour tous mes successeurs après ma mort ; et ceci fut approuvé.

Eh bien, cette pieuse Société n'a reçu aucune réponse à propos de ce don si généreux, ni de la part du Saint-Père, ni de Propaganda Fide, je doute donc que les lettres destinées au Saint-Siège et à la Sacrée Congrégation soient arrivées à destination.


[5420]
A vrai dire le Cardinal Franchi, de sainte mémoire, et aussi Monseigneur le Secrétaire, me semble-t-il, m'avaient dit qu'ils avaient répondu en accusant bonne réception de la lettre. Mais la Société n'avait rien reçu ; deux petits mots d'approbation de la part de la Sacrée Congrégation auraient fait plaisir à ces généreux catholiques qui ont offert des centaines de milliers de francs à la Nigrizia, et qui apportent une importante aide financière annuelle au Vicaire Apostolique d'Afrique Centrale. Ainsi je ne trouve pas convenable que Propaganda Fide recommande à cette Société ce que j'ai présenté plus haut, c'est pour cela que je n'ai pas demandé ad hoc.


[5421]
2°. Quand j'ai été nommé Pro-Vicaire en 1872, j'ai présenté à Votre Eminence, alors Secrétaire, ma demande de supplier l'Eminent Barnabò d'accorder le titre de Chevalier aux deux membres les plus actifs et les plus constants qui ont travaillé depuis 22 ans pour l'Œuvre ; comme Votre Eminence m'a dit qu'il valait mieux attendre un peu pour constater leur persévérance, j'ai attendu jusqu'à décembre dernier.

Les raisons prouvant le mérite de ces deux personnalités (Hrn Schnitzler et le docteur Sticker II) s'étaient encore accrues, par la forte persévérance et par le généreux don de 10.000 francs, à perpétuité, pour le Vicaire Apostolique d'Afrique Centrale, ad fulciendam dignitatem episcopalem, et cela a été écrit, je crois, dans le dossier (ponenza) présenté le 27 novembre 1876:

L'Eminent Cardinal de Canossa a présenté une pétition à Propaganda Fide pour les deux susnommés de Cologne, une autre pour le bien méritant Vice-président de la Société de Marie de Vienne, et une dernière pétition pour le titre de Consulteur de Propaganda Fide à accorder à l'Illustre Mitterrutzner de Brixen, Chanoine Régulier du Latran de l'Ordre de Saint Augustin, docte et bien méritant de l'Afrique qui a rédigé et publié deux dictionnaires et deux catéchismes dans deux langues très répandues de l'Afrique Centrale. Comme alors je n'avais pas eu le temps de spécifier les détails de la pétition de l'Eminent Cardinal Canossa, je l'ai fait plus tard du Caire dans une lettre au Cardinal Préfet le 14 janvier de cette année.


[5422]
Mais je crois que le malheur de la mort du Souverain Pontife Pie IX et toutes les conséquences qui ont suivi, ont été la raison pour laquelle cette affaire (qui est utile pour l'Afrique, et qui en elle-même est juste) s'est enlisée, et je n'en ai eu ni réponse, ni le moindre vent.


[5423]
Si Votre Eminence croit qu'il est utile de m'aider (et vous me rendriez service), avant de me recommander à la célèbre Société de Cologne fondée par l'Eminent Cardinal Geissel, et protégée par le très pieux et illustre exilé Monseigneur Melchers, Archevêque de Cologne, mon bienfaiteur personnel qui envoie toujours son obole généreuse à cette Société, vous feriez preuve de grande générosité, de magnanimité et de bienveillance :


[5424]
1°. si vous écriviez deux lignes à ce Président en lui disant que vous avez apprécié le don de 10.000 francs fait au Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale, et que la Sacrée Congrégation, ou Sa Sainteté, l'accepte volontiers.

2°. Si vous envoyiez les deux décorations de Chevaliers de l'Ordre Piano, ou de Saint Grégoire, aux deux susnommés Membres de la Société, le docteur Sticker II âgé de 55 ans, et Monsieur Schnitzler âgé de 65 ans, très actifs non seulement dans la Société pour le rachat des Noirs, mais aussi dans beaucoup d'autres Société.

Le docteur Sticker est aussi un orateur catholique très distingué et éloquent; tous deux sont des apôtres infatigables de beaucoup d'autres Œuvres catholiques. Ils sont d'authentiques catholiques, apostoliques, romains, au sens strict du terme et partisans du Pape.


[5425]
Si Votre Eminence faisait tout cela, mon économe Saint Joseph ferait certainement une bonne impression, et il m'enverrait en temps opportun - et il m'enverra sûrement, sans faute - ce que je lui ai demandé et enjoint cette année le jour de sa fête, et que j'ai expliqué clairement à l'Eminent Cardinal Bartolini, un des piliers de l'Eglise; bref, Saint Joseph doit me procurer:


[5426]
1°. 100.000 francs-or le 31 décembre prochain pour pourvoir aux besoins les plus urgents du Vicariat et de toute l'œuvre que j'ai fondée.

2°. Dans un an, à partir de la dernière fête de Saint Joseph, soit du 12 mai 1879, l'obtention d'une parfaite balance des finances du Vicariat et de toute l'Œuvre de Vérone au Djebel Nouba ; (petit à petit nous avons su qu'il y avait presque 70.000 francs de dettes, et j'en ai payé presque la moitié); d'ici le 12 mai prochain, Saint Joseph doit faire en sorte qu'il n'y ait même pas un centime de dette, et assurer tout le nécessaire pour le maintien, la stabilité, le développement et le progrès de l'Œuvre et de l'Apostolat de l'Afrique Centrale.


[5427]
J'aurai sûrement l'honneur d'informer en temps opportun Votre Eminence que Saint Joseph a fait son devoir, et qu'il a exécuté tout ce que je lui avais demandé. Saint Joseph est un des trésors les plus précieux de l'Eglise et de l'Afrique ; c'est mon véritable administrateur et mon économe. En ces temps meurtriers je lui ai déclaré que non seulement je ne veux pas mourir, mais que je ne veux même pas souffrir d'une seule fièvre (ici tout le monde a eu la fièvre, même Gordon Pacha), parce que je n'en ai pas encore envie. Et quand tout le monde tombait malade, moi, non seulement je n'ai pas eu la fièvre, mais même pas de maux de tête. Saint Joseph fera donc tout.

Malgré les prix prohibitifs des vivres et l'indifférence de l'Europe, le souci de l'argent, ou mieux la crainte de ne pas avoir le nécessaire, est la dernière de mes préoccupations, même si chaque jour, car c'est mon devoir et c'est la volonté de Dieu, je travaille beaucoup au maintien et au développement de cette Œuvre de Dieu.


[5428]
Pardonnez-moi, Eminent Prince, d'avoir été si long. Mais comprenez bien que m'entretenir si longuement avec mon Supérieur et lui ouvrir mon cœur, est un grand remède à mon isolement, et à mon esprit qui n'a aucune ressource matérielle. J'embrasse votre Sainte Pourpre, et je suis



votre obéissant, dévoué et humble fils

+ Daniel, Evêque

et Vicaire Apostolique






798
Chanoine Cristoforo Milone
0
Khartoum
24.10.1878
N° 798 (759) - AU CHANOINE CHRISTOFORO MILONE

"La Libertà Cattolica XII (1878), p.1114 et p. 1118



Khartoum, le 24 octobre 1878

Cher Monsieur le Chanoine

Directeur de la Libertà Cattolica,

[5429]
J'ai reçu vos lettres et j'y ai toujours répondu bien que j'aie été très occupé. Je suis seul à Khartoum pour l'assistance spirituelle. Je dois faire l'Evêque, le Curé, le Vicaire, le Supérieur, l'administrateur, le médecin et l'infirmier. Je suis ici avec deux laïcs, l'un de Vérone et l'autre de Lodi. parmi les quatre Sœurs, une seule est en bonne santé et debout; toutes les autres, avec les Institutrices noires et les filles qui travaillent sont alitées avec des fièvres, et elles en auront pour longtemps .

J'ai envoyé à bord d'un grand bateau sur le Nil pour changer d'air l'Abbé Carmine Loreto de Naples, l'Abbé Salvatore Piazza de Sicile et tous les autres treize atteints par les fièvres, parmi lesquels l'excellent ébéniste Francesco Papagni de Bisceglie, le mécanicien Antonio Iseppi de Vérone, Francesco Serrarcangeli forgeron de Rome, et d'autres encore...

Pour l'éloigner de la terrible épidémie de fièvres prévue au Soudan, suite aux pluies abondantes, j'ai aussi envoyé mon Administrateur Général, l'Abbé Antonio Squaranti, mon bras droit dans toute la grande Œuvre pour la Rédemption de l'Afrique, se reposer à Berber, où il avait aussi des affaires à régler,.


[5430]
Je suis donc le seul ministre de Dieu qui puisse administrer les Sacrements à Khartoum; jour et nuit je suis en mouvement. Khartoum est comme un hôpital; les villages éparpillés aux quatre points cardinaux à plus de 100 milles sont devenus des cimetières et des hôpitaux.

Depuis 21 ans que je connais l'Afrique Centrale, je n'ai jamais vu autant de misères, autant de morts et de malades. Des hommes robustes sont frappés par une certaine maladie nerveuse et meurtrière et en 15 minutes ils partent pour l'autre monde ; on a tout juste le temps de donner les Huiles Saintes et l'absolution aux catholiques. Je suis sûr, et je le dis en toute conscience à vos lecteurs, que dans de nombreuses localités à plus de 100 milles de Khartoum et sur le Fleuve Bleu, la faim, la soif et les épidémies qui ont suivi, ont provoqué la mort d'environ la moitié de la population.


[5431]
La soif terrible, le manque d'eau qui a fait énormément de victimes dans le royaume du Cordofan et a fait terriblement souffrir notre Mission, a maintenant cessé grâce à la quantité extraordinaire de pluie tombée la saison dernière.

Mais la famine est encore maintenant plus affreuse et plus grave que la soif.

Je subirai pendant longtemps les conséquences de cette famine passée et présente, car les articles de première nécessité coûtaient et coûtent encore de 8 à 10 fois plus cher que d'ordinaire; pour se maintenir et pour aider, avec les ressources ordinaires, aussi les malheureux, ma Mission a été contrainte de faire des dettes importantes, et elle les a encore car les ressources ont très peu augmenté.


[5432]
L'Europe qui providentiellement s'est tellement émue pour la disette des Indes et de la Chine, a été très peu affectée par la famine terrible et épouvantable de l'Afrique Centrale, bien que j'aie reçu de généreux secours, surtout de la France, de l'Allemagne et de l'Angleterre.

C'est peut-être de ma faute, parce que je ne l'ai pas informée en temps opportun de ces terribles souffrances. Mais j'ai voulu examiner, voir, m'informer à des sources sûres, avant d'affirmer consciencieusement une chose, et aussi par délicatesse envers mes confrères Vicaires Apostoliques des Indes et de la Chine et ne pas leur soustraire les allocations vraiment nécessaires pour leurs chères et importantes Missions.


[5433]
Maintenant en assumant toute la responsabilité de mes affirmations, j'atteste en toute conscience et en pleine connaissance de cause qu'en Afrique la famine et la mortalité sont plus affreuses et plus terribles que la famine et la mortalité des Indes et de la Chine, et ceci pour les raisons suivantes :


[5434]
1°. Aux Indes et en Chine, bien qu'il y ait la famine et la disette, il y a un climat supportable, et dans de nombreuses provinces il est beaucoup plus salubre qu'en Europe, l'air est frais, et l'eau est potable et fraîche, et pour un affamé, l'eau fraîche et l'air salubre sont un grand réconfort.

En Afrique Centrale, le climat pour un Européen est accablant, la température dépasse les 36 ou 40 degrés à l'intérieur, et 55 ou 60 degrés au soleil.

Dans les royaumes et les tribus éloignés du Nil, l'unique source d'eau dans ces régions, la soif sévit, et c'est un fléau pire que celui de la faim. Il n'y a, et même pas en quantité suffisante, que de l'eau saumâtre et boueuse, qu'il faut puiser dans des puits de 30 à 40 mètres de profondeur. Si l'on tient compte de tout cela, celui qui a du cœur jugera cette situation très grave.


[5435]
2°. Il ne m'apparaît pas, d'après les rapports des journaux et des Missionnaires de l'Asie, que la moitié de la population soit morte dans aucune des provinces des Indes et de la Chine à cause de la famine et des maladies conséquentes.

Je confirme après un examen approfondi et au vu des différents rapports que j'ai reçus, qu'ici en Afrique Centrale, dans de nombreux villages, proches ou très éloignés de Khartoum, la moitié de la population est morte.

Il faut ajouter qu'en Afrique une grande partie de la population n'a pas de maison en dur et certains n'ont même pas de cabanes ; les pluies abondantes ont fait s'écrouler beaucoup de maisons qui, à l'exception de celles de la Mission et d'environ une centaine de maisons à Khartoum, sont toutes en pisé, tout au long du Fleuve Blanc et partout ailleurs.

Ainsi ces affamés, privés aussi de l'abri offert par une maison et exposés aux intempéries, sont morts victimes d'une extrême pauvreté, et aujourd'hui encore, les villages se dépeuplent.


[5436]
3°. Le fatalisme musulman, et l'habituelle condition malheureuse des Noirs et des esclaves, nés pour souffrir, sont des raisons pour lesquelles on ne fait aucun bruit devant un si grand malheur et devant la famine. Le musulman qui a faim, et qui ne peut pas assouvir cette faim (c'est ainsi que l'esclave noir l'a appris de son propriétaire musulman), croit que c'est le destin voulu par Dieu pour qu'il meure ainsi; il sort donc de sa maison ou de sa cabane, s'assied sous un arbre, et il dit: Allah Kerim! Dieu est honorable et grand, et il attend impassible et avec sang-froid la mort, sans se plaindre, et en ne faisant rien pour éloigner le fléau ou le malheur. Mais aux Indes et en Chine, les populations sont plus civilisées, elles se remuent, et les gouvernements, qui ne sont pas comme ceux d'Afrique, s'en soucient ; et surtout, les Missions catholiques, les Missionnaires, les Evêques, etc. élèvent leur voix, invoquent la charité chrétienne, et font connaître la malheureuse situation aux âmes généreuses.


[5437]
Ici en Afrique Centrale, je suis le seul Evêque et Vicaire Apostolique, et après avoir tout bien constaté et examiné, j'ai pu élever la voix ; mais ma voix est seule et elle se perd au milieu de cent vénérables voix qui viennent d'Asie. Cependant j'espère fermement dans le Cœur de Jésus, palpitant aussi pour la Nigrizia, dans Notre Dame du Sacré-Cœur, et dans mon cher économe et administrateur général de l'Afrique Centrale, Saint Joseph, protecteur de l'Eglise Catholique, il a des millions enfouis dans sa barbe et peut secourir cette ardue, laborieuse et importante Mission, car son Jésus est mort aussi pour la Nigrizia.

Donc, bien loin de me décourager, je suis plus que jamais plein de forces et de courage, et j'ai plus que jamais confiance en l'extraordinaire charité chrétienne, surtout des fervents catholiques d'Europe, amis et fervents du Sacré-Cœur, et j'ai aussi confiance en mon cher Saint Joseph.

Jésus, Marie et Joseph frapperont au cœur des bons catholiques.


[5438]
Mais vous, n'en démordez pas, et faites pareillement avec votre excellent journal la Libertà Cattolica, et vous toucherez du doigt que la misère est grande en Italie et dans les provinces napolitaines par la volonté de Dieu, qui dispose tout avec bonté, et comme pénitence de nos péchés; toutefois les malheurs sont le fruit de nos péchés, et aussi de la tristesse des temps, et surtout du triste gouvernement de la misérable Italie, ce que tous les ministres qui ont mal dirigé la pauvre Italie devraient bien savoir, parce qu'ils sont tous les fils de la Révolution, et laissent de côté, persécutent même, l'Eglise qui enseigne la civilisation. Elle est l'unique arche du salut, et l'unique source d'où le monde peut puiser la paix, le salut et la prospérité.


[5439]
Tant que les monarques et les gouvernements ne s'inclineront pas devant le Pape et devant l'Eglise Catholique, tant qu'ils ne mettront pas en pratique ses enseignements, tous les royaumes et toutes les populations seront misérables, appauvris, et ils déchoiront de leur place. Entre parenthèses, si chaque souverain, au lieu de choisir tant de ministres partisans du libéralisme moderne, choisissait comme ministres six Pères Jésuites, Rédacteurs de la revue "Civiltà cattolica", si l'un assurait les Affaires Etrangères, l'autre le Ministère de l'Intérieur, les autres les Finances, l'Agriculture et le Commerce, l'Education Publique, et le dernier la Présidence du Conseil des Ministres, je vous assure, Monsieur le Directeur, que ce royaume, ou empire, d'ici dix ans, n'aurait plus aucune dette, il vivrait dans une paix totale et dans une grande prospérité, parce qu'il aurait comme point d'appui la Foi et la Religion. Mais je ne prétends pas que des religieux soient choisis pour être ministres. Je voudrais des séculiers distingués, et il y en a, et des hommes qui aient la Foi.


[5440]
Revenons à nos moutons : je disais que j'avais confiance en Dieu, en Marie, en Saint Joseph, dans les bons catholiques et dans la charité chrétienne, parce que, bien que la misère soit grande en Europe, en Italie et chez les bons Napolitains, la charité chrétienne et catholique est toutefois plus grande.

Que la "Libertà Cattolica" frappe et refrappe donc car, comme on dit à Vérone," le Christ est un honnête homme et il tient sa parole " et au petite, quaerite, pulsate, prononcé dans les conditions voulues, il fait toujours correspondre, comme aux touches d'un piano, l'agréable accipietis, invenietis et aperiatur.


[5441]
Je suis très occupé; c'est pour cela que j'ai chargé mon bon administrateur de rédiger un rapport sur notre apostolat, et dès qu'il l'aura fait, et qu'il me l'aura envoyé à Berber, je vous l'enverrai tout de suite.

Entre-temps, je vous assure que je serais très favorable, et reconnaissant si vous organisiez le plus rapidement possible une collecte permanente en faveur de la Mission d'Afrique Centrale, ce qui pourra apporter à cet immense Vicariat des moyens matériels supplémentaires, ainsi que quelques bonnes vocations, des Prêtres, des Frères coadjuteurs ou bien des Sœurs pour aider les Noirs.

J'ai à Berber une excellente Missionnaire que j'enverrai bientôt dans une Mission du Centre. Elle appartient à l'Institut des Pieuses Mères de la Nigrizia que j'ai fondé à Vérone; il s'agit de Concetta Corsi di Barletta, elle est très bonne et elle fera beaucoup de bien dans ces Missions où la femme n'est pas une personne, mais un objet d'échange et de plaisir, tout comme une chèvre ou une brebis, appréciée par le propriétaire seulement si elle est utile et source de jouissance, qui, quand elle se fane, n'est plus bonne à rien, et qu'on jette comme une marchandise pourrie.


[5442]
La Sœur de charité est en Afrique Centrale aussi utile qu'un Missionnaire ; il faut même dire que le Missionnaire ne pourrait faire grand chose sans la Sœur. Dans les pays musulmans, seule la Sœur peut pénétrer dans les secrets des harems et se mettre en relation avec les femmes, qui ont tant d'importance dans la vie et les orientations de l'homme.

Dans les pays où les hommes et les femmes sont habillés avec la seule peau d'Adam et Eve, nos premiers parents, quand ils étaient en état d'innocence, la Sœur est plus utile que le Missionnaire et elle est son collaborateur le plus précieux, comme dans la Mission que j'ai ouverte au Djebel Nouba.

Dans ces régions j'envoie les Sœurs les plus éprouvées et les mieux expérimentées ; elles seules peuvent s'approcher des femmes pour les catéchiser, les moraliser, les habiller un peu, pour les rendre aptes à être admises dans la Religion catholique.

La Sœur a l'entière responsabilité des femmes et elle se charge de les civiliser, tandis que le Missionnaire s'occupe des hommes.


[5443]
Jésus-Christ est mort aussi pour les 60 millions et plus d'âmes de mon Vicariat, qui sont plus nus qu'Adam et Eve ; et moi qui suis chargé par le Vicaire du Christ de sauver ces âmes, il faut que j'utilise les moyens les plus sûrs et les plus adéquats.

Je me suis trouvé parmi ces peuples avec de nombreux et pieux Missionnaires allemands et italiens mais sans Sœurs, et nous n'avons rien fait de mal, c'est par la seule grâce de Dieu que nous n'avons pas été sous la menace de tomber nous aussi. Dieu a toujours été généreux de ses aides extraordinaires pour ceux qu'il a appelés dans cette vigne délaissée et très difficile.

Quand le Saint-Siège m'a confié cette grande tâche, mon premier souci a été d'y installer les excellentes Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition de Marseille, et de fonder une nouvelle Congrégation féminine avec les Règles appropriées pour l'Apostolat de l'Afrique Centrale.



votre affectionné ami

+ Daniel Comboni, Evêque

et Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale






799
Mgr. Joseph De Girardin
1
Khartoum
4.11.1878
N° 799 (760) - A MONSEIGNEUR JOSEPH DE GIRARDIN

AOSIP, Afrique Centrale



Khartoum, le 4 novembre 1878

Brève note.





800
Consul M. Hansal
1
Khartoum
23.11.1878
N° 800 (761) - AU CONSUL MARTINO HANSAL

ASW, F 27, c. 28



Khartoum, le 23 novembre 1878

Informations sur le Père A. Horner.