Comboni, en ce jour

Il participe au Caire (1869) à la réception offerte par François Joseph aux missionnaires.
De Quadro storico, 1880
Les Sociétés des saintes Missions Apostoliques et l’armée des hérauts du Christ qui ont pénétré avec la Croix et l'Evangile, là où ni l'épée, ni l'avidité de l'argent, ni le noble amour de la science n'ont pu se frayer un chemin.

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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
751
Prop. de la Foi, Lyon
0
Le Caire
19. 1.1878
N° 751 (1166) - A LA PROPAGATION DE LA FOI DE LYON

"Les missions Catholiques" 453 (1878), p. 67



Le Caire, le 19 janvier 1878



[5047]
Notre caravane est prête; nous partons après-demain sur un bateau pour Assouan.

Après cinq mois, l'Abbé Luigi Bonomi, l'ancien Supérieur de cette Mission, a repris la mission de Djebel Nouba. Mais je vous écrirai à ce sujet et à propos de beaucoup d'autres choses quand je serai sur le bateau, en remontant le Nil.

Je vous parlerai aussi de mes entretiens avec le célèbre Stanley qui a exploré les lacs Nyanza et qui a découvert la totalité du cours du grand fleuve Congo.



Daniel Comboni

Texte original en français corrigé.






752
Mgr. Giovanni Zonghi
0
Le Caire
21. 1.1878
N° 752 (714) - A MONSEIGNEUR GIOVANNI ZONGHI

ACR, A, c. 15/147



Vive Jésus, Marie et Joseph!

Le Grand Caire, le 21 janvier 1878



Mon cher ami,



[5048]
Pendant les quelques heures passées à Rome au mois de décembre dernier, je suis venu chez vous pour vous saluer et pour vous remettre une pétition (que cela reste entre nous) qui vient de la sœur de l'Abbé Vincenzo Rossetti, Secrétaire de l'Eminent Canossa, qui me l'a vivement recommandée, parce que la famille nombreuse de sa sœur, à qui il offre tous les fruits de son labeur, est gravement dans le besoin et souffre de la faim. Je vous prie de faire tout votre possible à ce sujet auprès de Monseigneur et de Sa Sainteté.


[5049]
Je vous écrirai souvent d'Afrique; aujourd'hui je suis très occupé, car je pars demain du Caire sur le Nil à bord d'un grand bateau, avec une importante caravane, et j'espère arriver au grand désert d'ici un mois.

Je vous écrirai à propos de nombreux sujets, sur l'entretien avec le Khédive, qui a beaucoup réjoui Sa Sainteté, sur ma difficile entreprise, sur ses espérances et les résultats.


[5050]
Mais tout d'abord, laissez-moi vous exprimer ma profonde et éternelle gratitude pour tout ce que vous avez fait pour moi, pour l'amitié sincère, sainte et précieuse que vous m'accordez et que je garderai chèrement jusqu'à ce qu'on me coupe la tête.

Je garde avec beaucoup de respect et de vénération les objets que le Saint-Père m'a offerts par votre intermédiaire et qui sont la gloire de mon Vicariat; dans mon testament, j'ai ordonné qu'après ma mort, tous ces objets passent dans les seules mains et à l'usage exclusif de l'Evêque et du Vicaire Apostolique d'Afrique Centrale afin d'être utilisés uniquement lors des grandes solennités religieuses.

Merci beaucoup au Saint-Père et à vous.


[5051]
Le Saint-Père a enterré aussi Vittorio Emmanuele. J'ai lu dans les journaux d'Egypte, que non seulement Monseigneur Sacrista, mais aussi Monseigneur Cenni, étaient au chevet du Roi mourant! Oh! la grande charité du Saint-Père!

Je vous prie de saluer Monseigneur Cenni et Monseigneur Macchi, Ricci, De Bisogno, et le Recteur du Collège, etc. et priez pour



votre affectionné ami

+ Daniel Evêque

et Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale






753
Chanoine Giovanni C. Mitterrutzner
0
Le Caire
26. 1.1878
N° 753 (715) - A GIOVANNI C. MITTERRUTZNER

ACR, A, c. 15/78



Vive Jésus, Marie et Joseph!

Le Grand Caire, le 26 janvier 1878



Très cher ami,



[5052]
Excusez mon silence involontaire. L'Abbé Squaranti, Administrateur Général de l'Œuvre, l'Abbé Giovanni Batta Fraccaro, l'Abbé Salvatore Piazza avec cinq Pieuses Mères de la Nigrizia, neuf laïques, artisans de qualité et moi, nous partons ce soir à bord d'un grand bateau (dahhabia) pour Assouan, Corosco, Berber et Khartoum. Je vous écrirai longuement à bord du bateau, maintenant je suis très fatigué, parce qu'il faut beaucoup de temps et de travail pour préparer une caravane de plus de cent chameaux.


[5053]
Les nouvelles de Berber, de Khartoum, du Cordofan et du Djebel Nouba (où se trouve l'ancien Supérieur Bonomi) sont bonnes, si on exclut l'Abbé Policarpo qui est plutôt intrigant, insubordonné, agissant en maître, se soûlant et se comportant davantage comme un soudard que comme un bon prêtre.

Mais avec de la patience et de l'amour, en le freinant, (je le garderai longtemps auprès de moi) j'espère qu'il deviendra un bon Missionnaire et un bon zouave.


[5054]
En attendant, priez pour lui; il dit faussement que les bienfaiteurs d'Allemagne sont à sa botte, et que s'il voulait, il pourrait geler tous les dons pour l'Afrique en prononçant une seule parole; il menace (et il l'a fait savoir à Gordon Pacha) que si on n'en finit pas avec l'esclavage, il donnera des armes aux Noirs contre le gouvernement égyptien, il boit comme un soudard, il voudrait que je renvoie toutes les Sœurs, etc. il se mêle de tout, et il écrit (c'est ce qu'il dit mais je ne le crois pas parce qu'il est vantard) que c'est son devoir d'informer Propaganda Fide des affaires de la Mission etc. Mais on remédiera à tout avec la patience et la prudence.


[5055]
J'ai été bien accueilli ici au Caire par tous les Pachas et par notre brave Consul Général Schaeffer. Mais c'est surtout le Khédive qui m'a bien accueilli; j'ai eu avec lui un long entretien de plus d'une heure, et il m'a fait donner par le Prince héritier deux firmans pour recommander la caravane à tous les Pachas et aux Moudirs, du Caire jusqu'à l'Equateur.

Bref, tout le monde prie pour nous; et je fais confiance aux doux Cœurs de Jésus et de Marie; cette fois-ci nous ferons une belle guerre contre le démon, et nous planterons la Croix en de nombreux endroits.


[5056]
Je vous écrirai aussi à bord du bateau sur d'autres événements qui rendent une gloire immense à Dieu. Les Œuvres divines doivent subir des croix parce qu'elles naissent toutes au pied du Calvaire. Je suis prêt à tout souffrir et à être considéré, pour la gloire de Dieu, comme le déchet de l'univers (1Cor.4,13); mais l'Afrique doit être sauvée.

Je suis très content d'avoir avec moi l'Abbé Squaranti qui est, non seulement un Administrateur très averti, mais aussi un ange de conseil. Il dit qu'en surveillant Policarpo et en le faisant obéir, nous en tirerons des avantages et nous pourrons en faire un bon Missionnaire.


[5057]
Je voudrais avoir des nouvelles de Son Altesse Royale et de vous-même . Ecrivez-moi à Corosco (Nubie inférieure) ou bien à Berber (Nubie supérieure). Saluez tous, ceux de votre couvent, et ceux du château de Son Altesse Royale et je me déclare avec une éternelle reconnaissance



votre ami affectionné

+ Daniel Evêque






754
Mgr. Luigi Ciurcia
0
Le Caire
29. 1.1878
N° 754 (716) - A MONSEIGNEUR LUIGI CIURCIA

AVAE, c. 23



Vive Jésus, Marie et Joseph!

de l'Institut pour les Noirs,

Le Caire, le 29 janvier 1878



Excellence,



[5058]
Je pars finalement du Caire, ce matin avant midi, avec ma caravane à bord d'un grand bateau pour Assouan. J'ai besoin de plus de cent chameaux pour le désert d'Atmur, et j'espère arriver à Khartoum en deux mois.

En prenant congé de Votre Excellence, je renouvelle mon éternelle reconnaissance pour avoir si puissamment aidé ma difficile et laborieuse Mission, et je vous recommande vivement mes deux petits établissements du Caire, et en général tout ce qui me concerne en Egypte, comme si vos intérêts en dépendaient, parce que vous êtes un vrai Père pour nous tous.


[5059]
Je suis très reconnaissant de la bonté du Père Supérieur du Caire pour avoir donné à mes Sœurs l'excellent Père Gesualdo comme Confesseur; c'est une grande chance qui, j'espère, durera longtemps.

Grâce à l'immense bonté et à la gentillesse de l'agent diplomatique de l'empire royal, le Chevalier Schaeffer, j'ai obtenu deux firmans du gouvernement Egyptien; j'ai eu un entretien d'environ une heure trente avec Son Altesse le Khédive et celui-ci a montré apprécier la Mission catholique au Soudan et il m'a accordé largement sa protection.


[5060]
Je me recommande à votre bonté et à vos prières; et je vous prie d'être l'interprète de mes sentiments de gratitude et de présenter mes respects au Consul De Franceschi, de saluer le Révérend Père Elia, le Père Secrétaire, le Père Supérieur d'Alexandrie, le vénérable Père Ventura et tous les Franciscains; et je vous prie d'agréer les hommages de mon administrateur l'Abbé Antonio Squaranti, de mes Missionnaires, des Frère coadjuteurs et de mes Sœurs (je regrette de ne pas vous avoir présenté à Alexandrie les 5 Pieuses Mères de la Nigrizia de mon Institut de Vérone, mais je croyais que Votre Excellence serait venue au Caire comme d'habitude en hiver); je demande votre sainte bénédiction, et je me déclare de tout mon cœur



votre fils affectionné

+ Daniel Comboni. Evêque

et Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale






755
Lettre Pastorale
0
Schellal
1. 3.1878
N° 755 (717) - LETTRE PASTORALE AU VICARIAT

ACR, A, c. 18/10



DANIEL COMBONI

POUR LA GRACE DU SAINT-SIEGE APOSTOLIQUE

EVEQUE DE CLAUDIOPOLI

DANS LES REGIONS DES INFIDELES

VICAIRE APOSTOLIQUE DE L'AFRIQUE CENTRALE



Schellal, le 1er mars 1878



[5061]
A nos fils aimés, aux vénérables Prêtres Missionnaires et aux fidèles de tous les rites de Notre Vicariat, santé et bénédiction.

Oh quelle catastrophe a touché le monde catholique! A quelle dure épreuve Dieu a soumis la Sainte Eglise! Son Auguste Chef, l'infatigable défenseur de ses droits sacro-saints, le Nocher averti, le courageux Apôtre, le Pontife de l'Immaculée et de l'Infaillibilité, le Saint, l'Angélique Pie IX n'est plus.


[5062]
Après le plus long, le plus tourmenté mais aussi le plus glorieux Pontificat, il a rendu son âme à Dieu le soir du 7 février, parmi les larmes des Eminents Princes de l'Eglise qui s'étaient recueillis autour de son lit, accompagné par la douleur de tous les hommes de bien. La gravité d'une telle perte peut bien se faire sentir, mais ne peut pas être décrite.


[5063]
Notre cœur est profondément touché, et je suis sûr que vous aussi, fils aimés, vous éprouvez la même douleur. En effet, comment penser à Pie IX sans déplorer sa perte? Il possédait tellement de vertus. Il était grand comme Grégoire et Léon, il était admiré de tous, il embellissait la Chaire de Saint Pierre. Il était le frémissement de tous les cœurs, la terreur des ennemis du Christ, il a été dérobé à l'Eglise dans des temps si funestes! Mais que les mystérieux desseins de Dieu soient adorés!

Et nous nous inclinons devant ses dispositions divines; et dans ce deuil universel, réconfortons-nous en pensant qu'Il n'a pas voulu laisser son Epouse trop longtemps veuve de Son Chef.


[5064]
Le 20 février dernier, les Eminents Cardinaux, rassemblés dans les salles du Vatican, ont élevé au Siège Pontifical l'Eminent Card. Gioacchino Pecci, Archevêque de Perugia qui a pris le nom de Léon XIII. Pendant que nous rendons grâce au Très-Haut pour avoir donner un digne successeur au regretté Pie IX, nous ordonnons donc que dorénavant, pendant la célébration de la Sainte Messe, on ajoute, selon les normes des Rites Sacrés, les Collectes 4 et 10, c'est-à-dire, Pro Papa, et Contra persecutores Ecclesiae; afin que dans son infinie bonté Dieu daigne soutenir et défendre le nouveau Chef Suprême et l'Eglise contre les assauts et les pièges des puissances de l'abîme, et qu'il donne la vraie paix à l'univers entier.


[5065]
Le Carême étant très proche et en usant des larges facultés accordées par le Saint-Siège Apostolique, nous avons décidé que tous les fidèles de Notre Vicariat s'abstiennent de manger de la viande, et qu'ils ne jeûnent que les vendredis de Carême, la veille de Saint Joseph et les trois derniers jours de la Semaine Sainte, sachant que le jeûne n'est vraiment strict que le Vendredi Saint, et qu'il ne faut pas manger de la viande et du poisson dans un même repas pendant toute la durée du Carême.


[5066]
Nous permettons aussi de manger de la viande tous les samedis de l'année, à partir d'aujourd'hui, année qui se terminera le dernier samedi qui précédera le Carême de l'année prochaine.

Nous sommes reconnaissants à l'Eglise pour tant d'indulgence, et nous répondrons à cela par d'autres œuvres de mortification et de pénitence, et surtout, approchez-vous des Saints Sacrements pour accomplir le précepte de la communion Pascale entre le premier dimanche de Carême et la fête de la Sainte Trinité. Nous ordonnons aussi d'exposer le Très Saint-Sacrement en récitant les prières habituelles que nous avons établies, une demi-heure avant le Maghreb, tous les vendredis et les dimanches de Carême.

Nous vous exhortons avec beaucoup de ferveur à demeurer fermes dans la Foi, et nous vous donnons Notre Bénédiction Pastorale.

Depuis notre maison de Schellal, Le 1er mars 1878



(L.S.) + Daniel, Evêque

et Vicaire Apostolique






756
Stella Grigolini
0
Assouan
3. 3.1878
N° 756 (718) - A MADAME STELLA GRIGOLINI

AFGV



Vive Jésus, Marie et Joseph!

Assouan (Haute Egypte),

le 3 mars 1878



Très chère Madame Stella,



[5067]
C'est seulement hier soir, à notre arrivée dans cette dernière ville d'Egypte, que j'ai su que le Seigneur a rendu visite à votre famille qui m'est très chère. L'Abbé Squaranti en était déjà au courant au Caire depuis un mois. Mais, me connaissant bien, il ne m'a rien dit. Quand je l'ai appris, Sœur Thérèse n'en savait rien. Elle s'est seulement plainte plusieurs fois pendant le voyage, alors que j'avais reçu une lettre de mon père ainsi que de l'Institut de Vérone, de ne pas avoir reçu une seule ligne de sa famille


[5068]
L'Abbé Antonio m'a donné cette nouvelle hier, à 10 heures du matin. A 1 heure, je ne voulais pas aller manger tellement ma douleur était grande, et j'avais peur que Sœur Thérèse, qui mangeait à ma droite sur le bateau, puisse lire sur mon visage. J'y suis allé, supplié par l'Abbé Antonio; et j'ai essayé par tous les moyens de faire mine de rien, mais ce fut impossible. Sœur Thérèse lisait sur mon visage même si je me montrais désinvolte; tout de suite après avoir dit la prière d'action de grâce, elle s'est précipitée dans la chambre de l'Abbé Antonio, et elle lui a demandé de parler franchement. L'entendant soupirer, je me suis moi aussi rendu auprès d'elle, et elle nous a dit: "mais dites-moi la vérité, je serai gentille et résignée, mon père est-il mort?"


[5069]
L'Abbé Antonio et moi, nous sommes restés pétrifiés, suffoqués, sans pouvoir prononcer une seule parole, nous avons versé des larmes à flots, et c'est seulement au bout de dix minutes qu'un "oui" est sorti de nos lèvres...

Jamais je n'avais souffert ainsi... Je savais que sa famille était la plus heureuse du monde, qu'elle n'avait jamais éprouvé ce qu'est la perte d'un être cher. Thérèse n'avait jamais perdu quelqu'un dans sa famille, et je ressentais donc toute l'étendue de sa douleur. Elle aimait son père d'un amour tendre, il ne s'écoulait pas un jour sans qu'elle n'en parle, comme elle parle tous les jours de sa maman, de ses frères, de ses sœurs et de son oncle.


[5070]
Mais j'ai été frappé par l'héroïsme de votre fille qui est aussi la mienne! C'est une brave et incomparable fille, une vraie sainte, une de mes plus grandes consolations dans ma carrière apostolique fort épineuse.

Dès que le "oui" est sorti de mes lèvres, elle s'est jetée à genoux, et avec les bras ouverts, elle s'est exclamée devant Dieu et devant nous: "Mon Jésus, Cœur de mon Jésus, Marie Immaculée, Saint Joseph, c'est à vous que j'offre mon cher papa de toute mon âme et de tout mon cœur; recevez-le au paradis; oui je vous l'offre; que votre volonté soit faite, etc. Mais donnez-lui le paradis où j'espère le rejoindre quand vous le voudrez; mais, mon Jésus, faites-moi la grâce de protéger, de réconforter et de défendre ma chère maman et ma famille; je vous recommande mon papa, ma maman et ma famille; je mets ma maman et ma famille dans le Cœur de Jésus; que votre volonté soit toujours faite. Oh! mon Dieu; la croix est grande, extraordinaire, mais c'est vous qui l'avez portée pour moi; soyez toujours béni. Oh! mon papa, je ne te verrai plus sur terre, mais je te verrai sûrement au paradis; priez pour moi, pour ma maman, pour ma famille, etc.


[5071]
Elle est restée ainsi agenouillée plus d'un quart d'heure devant Dieu et devant nous; les paroles qu'elles prononçaient étaient des paroles empreintes de sainteté et de Foi sublimes. Je n'ai presque jamais vu une fille aussi tendre et aimant autant ses parents; et je n'ai jamais vu une femme aussi forte, aussi généreuse, aussi noble, aussi chrétienne.

Oh! Elle est vraiment digne de la haute Mission et de l'entreprise pour laquelle Dieu l'a appelée. Mais si je dois me glorifier d'une fille si grande, si sainte, je dois me glorifier de ceux qui l'ont formée pour atteindre une telle perfection et une telle sainteté, je dois vous glorifier, Madame Stella, et mon cher Monsieur Lorenzo, car vous avez instillé dans le cœur de cette incomparable fille tellement de piété, de ferveur, de zèle, de candeur et de générosité, vous l'avez formée d'une telle façon qu'on peut la comparer aux grandes femmes de l'Evangile qui accompagnaient et servaient les Apôtres dans leur prédication.


[5072]
Sœur Thérèse est une perle, elle est digne de vous et de M. Lorenzo; elle est digne d'être comparée à Lucile, à Petronille et aux femmes de l'Evangile.

Je suis donc convaincu que le père qui a élevé et instruit une telle fille, est au paradis, et qu'il jouit maintenant de ses vertus, de sa Foi et de son exquise religion. En un mot, M. Lorenzo, dont la Foi, la vertu et l'attachement à l'Eglise et à Pie IX étaient connus de tous, est au paradis, et il se trouve à un très haut niveau de gloire et de là-haut il prie pour vous, pour Sœur Thérèse et pour votre famille; et si par hasard un Ange lui demandait s'il était prêt à revenir sur terre pour profiter de cent ans de vie encore, il répondrait: "- non! Absolument pas!"- parce que là où il est, il est avec Dieu, et parce que, du ciel, il est plus utile à sa famille que s'il vivait.


[5073]
Après avoir donné votre tribut de pleurs et de larmes à votre incomparable mari (ce qui est la chose la plus sacrée, la plus juste, la plus louable, car les larmes sont la sainte expression de l'amour parfait voulu par Dieu chez les enfants et chez l'épouse), vous devez être joyeuse, tranquille et contente parce que votre cher Lorenzo est au paradis et il jouit de la récompense d'une vie conduite en vrai chrétien, et du paradis il vous servira mieux qu'ici-bas, il protégera mieux votre famille, et il vous conduira saintement pendant ce pèlerinage terrestre jusqu'à ce que vous le rejoigniez quand Dieu le voudra.


[5074]
Ce que je vous dis, je le dis aussi à vos enfants, à l'Abbé Luigi (à qui j'écrirai dès que j'en aurai le temps), et à mon cher ami, M. Francesco, digne frère de M. Lorenzo, et vrai père de tous.

Oui, vous devez être joyeuse, résignée et contente. Quant à Sœur Thérèse, c'est moi qui m'en occupe; elle sera une de vos plus grandes consolations. Dieu aime et a une prédilection particulière pour la famille Grigolini parce que c'est une famille vraiment chrétienne, imprégnée par l'esprit du Seigneur, ferme et inébranlable dans sa Foi et dans sa Religion.

Dieu aime cette chère famille parce qu'il l'a montré en rappelant à lui M. Lorenzo, un si bon père, un si bon mari, un si bon frère, un si bon chrétien..

Le Père Eternel a-t-il aimé son divin Fils? Il l'a aimé d'un amour infini, et pourtant il a permis qu'il meure sur la Croix dans la souffrance.


[5075]
Jésus-Christ aimait sa Sainte Mère, pourtant bien qu'elle soit la Mère de Dieu, il voulut qu'elle devienne la Reine des Martyrs. Jésus aime l'Eglise son Epouse immaculée, et pourtant il permet qu'elle souffre jusqu'à la fin du monde, il a voulu qu'elle nage dans le sang des martyrs, et aujourd'hui c'est la mort de Pie IX qui la fait souffrir. Les saints ont tout subi; on peut mesurer la grandeur et l'élévation de leur sainteté à la grandeur et à la quantité des croix et des souffrances qu'ils ont endurées.

Combien a souffert la Reine Sainte Elisabeth qui, après avoir éprouvé les délices du trône, a été abandonnée et contrainte à mendier avec ses enfants, etc. Ah! Dieu aime beaucoup ses élus à qui il donne des croix. Maintenant, je dis que Dieu aime votre famille parce qu'il vous a envoyé une très grande croix en vous enlevant M. Lorenzo. Le Seigneur en ayant décidé ainsi, vous devez être courageuse, et penser que Dieu vous aime.

Rassurez-vous donc, consolez-vous; et que toute la famille ait du courage.

C'est ainsi que Sœur Thérèse se comporte.


[5076]
Au bout d'un quart d'heure, elle s'est donc levée et s'est retirée dans sa chambre où elle trouva les Sœurs qui pleuraient et l'embrassaient, la baignaient de leurs larmes. Je suis toujours resté à côté d'elle et je l'ai laissée pleurer pendant quelques heures. Ensuite je lui ai dit toutes les vérités mentionnées ci-dessus, que le monde qui n'a pas la Foi ne comprend pas, mais que Thérèse a bien comprises. Nous avons passé la soirée ensemble, je me suis retiré dans ma chambre à dix heures, et elle a passé la nuit en pleurant et en dormant. Le matin, elle a assisté à toutes les Messes que nous avons célébrées sur le bateau pour M. Lorenzo et toutes les Sœurs ont communié pour lui. Elle a passé la journée d'hier tantôt en pleurant, tantôt en priant, en travaillant, et parlant presque toujours de M. Lorenzo, de vous et de la famille.


[5077]
Cette nuit, Sœur Thérèse a dormi et elle s'est reposée; elle est maintenant soulagée et j'espère qu'elle ira mieux rapidement, surtout en priant toujours pour lui et pour elle. De toute façon, elle vit le cœur en paix les Sœurs l'aiment et la vénèrent comme une mère.

Depuis le jour où nous sommes partis de Vérone jusqu'à aujourd'hui (et j'étais toujours avec elles), ces 5 filles mènent une vie de paradis: je n'ai jamais vu un seul nuage, elles s'aiment plus que des sœurs, elles s'aident mutuellement, la joie de l'une fait la joie de l'autre, la volonté de Thérèse est la volonté de toutes, leurs intérêts sont les intérêts de Dieu, et j'entends tous les jours votre nom.


[5078]
Thérèse est une vraie fille. Elle est ma consolation et celle de mon cher Abbé Squaranti. Tous animés par un même esprit, nous désirons seulement sauver des âmes et faire notre devoir. Nous ne changerions pas notre condition pour une couronne ou un trône, nous sommes plus heureux que les rois. Et, pour nous tous prêts à souffrir et à mourir pour le Christ, les jours passent vite, comme l'éclair. Nous entrerons demain en Nubie, c'est-à-dire là où commence mon Vicariat, qui est le diocèse et la Mission les plus grands et les plus peuplés de l'univers, car 100 millions d'infidèles y vivent, et sont grands que l'Europe entière.


[5079]
Je voulais écrire à l'Abbé Luigi (il doit avoir une belle âme et la tête droite comme je peux le voir d'après les sentiments qu'il a manifestés en écrivant à sa sœur) et aussi à mon cher M. Francesco, mais j'ai des centaines de choses à faire pour le voyage de nos deux grands bateaux, et j'ai beaucoup de courrier à écrire pour de nombreuses destinations, en Europe et dans le monde.

Tous ces jours-ci, nous célébrons des Messes pour notre cher M. Lorenzo qui est dans tous nos cœurs, parce qu'il nous a donné, entre autres, une de ses dignes et chères filles pour la mener au ciel.

Mais... comprenez-moi bien, Madame Stella, nous n'irons pas seuls au ciel, mais nous guiderons une procession d'âmes sauvées des bouches de l'enfer à tel point que quand nous, Missionnaires et Sœurs, nous passerons, Saint Pierre devra ouvrir toutes grandes les deux portes du paradis. C'est ce que nous espérons, quand le Seigneur nous aura donné la grâce de beaucoup souffrir pour lui.

Saluez de ma part, un à un tous les membres de votre famille, Francesco, son épouse, et surtout mon cher archiprêtre Gazolato, en les bénissant de tout cœur, je serai toujours dans les Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie

votre affectionné dans le Seigneur

+ Daniel Comboni

Evêque de Claudiopoli

Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale






757
M.me A. H. De Villeneuve
0
Korosko
13. 3.1878
N° 757 (719) - A MADAME. ANNA H. DE VILLENEUVE

AFV, Versailles



Vive Jésus, Marie et Joseph!

Corosco, Nubie Inférieure,

le 13 mars 1878



Vénérable Madame,



[5080]
Il y a bien longtemps que je n'ai pas eu de vos nouvelles ainsi que des deux chers époux. Il y 45 jours que je suis parti du Caire avec une grande caravane.

Le voyage en bateau a été très pénible, et je me trouve maintenant à la lisière du grand désert de l'Atmur. J'ai besoin d'au moins 100 chameaux, mais il y en a peu et ils sont affamés et fatigués, car pas une goutte de pluie n'est tombée cette année, et le niveau du Nil est très bas, ce qui fait que la famine sévit, et que les chameaux meurent de faim.


[5081]
Il me faut encore un mois pour arriver à ma première résidence de Khartoum. En outre, pour conduire un chargement de 20 chameaux, il en faut 40, car un chameau porte moins de poids, et sur 40 chameaux, 10 meurent. De plus, on n'en trouve pas beaucoup.

Je suis l'homme le plus embourbé du monde: les fatigues sont doubles, comme les dépenses, les dangers et les incertitudes. Je vous écris sous un grand arbre (un acacia) qui est actuellement notre palais. A dix pas de ma malle près de laquelle je suis en train d'écrire, il fait 45° Celsius et nous ne sommes pas encore à la mi-mars. Or, que faire? Voilà où nous en sommes.


[5082]
Mes Missionnaires, mes 5 Sœurs de la Nigrizia (ce sont de véritables anges), mes artisans et moi, nous sommes les plus heureux de la terre car nous sommes entre les mains de Dieu, de Marie et du bon Saint Joseph, nous souffrons pour Jésus et nous avons tout confié à la Divine Providence. Oh! qu'il est doux de souffrir pour Jésus, avec Jésus et pour les âmes que nous devons gagner à Jésus-Christ!

Dans mon état actuel, vous venez plus souvent à mon esprit car vous avez enduré bien des épreuves avec une résignation et une Foi héroïques, ce qui vous a fait mériter auprès de Dieu les grandes consolations qu'il vous a accordées.


[5083]
Ecrivez-moi à Khartoum (Soudan Egyptien) et parlez-moi de vous, d'Auguste, de sa douce moitié, de votre sœur, de votre mère et de votre nièce bretonne. Nous n'avons jamais cessé de prier pour vous tous.

Ah! Que de beaux souvenirs de Prat-en-Raz, de Quimper! Je m'arrête. Je vous écrirai de Khartoum.

Les Sœurs, les autres et moi, nous partons pour le grand désert. La moitié de la caravane passe par la voie du royaume de Dongola. Je suis mille fois

votre



+ Daniel Evêque

Texte original français corrigé.






758
Abbé Bartolomeo Rolleri
1
Berber
31. 3.1878
N° 758 (1169) - A L'ABBE BARTOLOMEO ROLLERI

"Les Missions Catholiques" 463 (1878), p. 184



Berber, le 31 mars 1878

Brèves nouvelles données par Comboni.





759
Card. Giovanni Simeoni
0
Khartoum
24. 4.1878
N° 759 (720) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI

AP SC Afr. C., v. 8, ff. 627-629



N°2.

Khartoum, le 24 avril 1878



Eminent et Révérend Prince,



[5084]
Je suis encore dans l'impossibilité de vous présenter le tableau de la situation du Vicariat comme je vous l'avais promis dans ma dernière lettre (N°1) écrite de Berber. Je suis très occupé à régler des affaires et les acheminer vers un avenir prospère, malgré les graves difficultés survenues exceptionnellement cette année à cause de la pénurie générale de vivres et d'eau, et de la chaleur exceptionnelle qui dépasse 40 ° à l'ombre, dans la maison; presque tous les jours au soleil dans le désert il a même fait entre 55 et 60 degrés.

Nous avons beaucoup souffert, et nous souffrons encore beaucoup; mais nous en sommes heureux parce que si notre œuvre grandit au pied du Calvaire elle portera certainement des fruits en abondance.

Il est maintenant nécessaire que je me mette au travail dans ces Missions pour en promouvoir le bien spirituel, et il faut que j'écrive beaucoup à mes bienfaiteurs personnels d'Europe pour tirer de la barbe de Saint Joseph des aides pécuniaires, afin d'aider mon excellent bras droit l'Abbé Antonio Squaranti, Administrateur Général des biens temporels du Vicariat, et qui est ici à mes côtés.


[5085]
Je donnerai ensuite à Votre Eminence tous les renseignements concernant l'apostolat de l'Afrique Centrale, et je présenterai la méthode pratique pour réussir en tout; Votre Eminence verra que la prétendue civilisation que les Comités Internationaux d'Europe veulent introduire ici, n'est qu'un météore éphémère en comparaison avec l'Œuvre des Missions catholiques; et que, si les Puissances Européennes veulent obtenir quelques résultats, elles seront contraintes à appuyer nos Missions avec leurs moyens, parce que seuls Jésus-Christ et sa Divine Epouse sont les vrais civilisateurs des populations infidèles.


[5086]
Je supplie humblement l'immense bonté de Votre Eminence de daigner faire ordonner Prêtre pour l'Afrique Centrale le grand séminariste Antonio Dobale, élève du Collège Urbain, qui dépend de moi, car c'est moi qui l'ai racheté et qui l'ai conduit d'Aden à Vérone en 1860.

L'excellent Recteur m'a fait espérer qu'il serait ordonné Prêtre lors des Fêtes Pascales passées. Dans le cas où il serait bientôt ordonné, je le ferai partir de Vérone avec la prochaine expédition de septembre. Il y a des milliers de Galla dans mon Vicariat, et dans les Missions actuelles que nous occupons il y a de nombreux Abyssiniens et Galla; pour cela le travail de Dobale me serait très utile.


[5087]
Avec le prochain courrier, je vous enverrai une petite lettre d'hommage au Saint-Père que Dieu nous a donné comme digne successeur du Saint Pontife Pie IX le Grand.

Je supplie votre bonté de déposer mes hommages aux pieds de Léon XIII, et présentez aussi les hommages de tous les membres du Vicariat.

J'embrasse votre Pourpre Sacrée, et je suis



votre obéissant, dévoué et respectueux fils

+ Daniel Comboni

Evêque de Claudiopoli

et Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale



P.S. 1°. Mon adresse pour les lettres est toujours:

Via Egypte Khartoum (Nubie Supérieure)

2°. Si de l'argent parvenait à la Sacrée Congrégation pour moi, je prie Votre Eminence de le faire déposer auprès de mon banquier de Rome, M. Brown et fils.

En Via Condotti



+ Daniel Comboni

Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale






760
Card. Giovanni Simeoni
0
Khartoum
25. 4.1878
N° 760 (721) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI

AP SC Afr. C., v. 8, ff. 639-644



N°3.

Khartoum, le 25 avril 1878



[5088]
Dans l'excellent périodique de Lyon "Les Missions Catholiques" que j'ai reçu hier soir, N° 459, daté du 22 mars 1878, page 135, sous la rubrique "Afrique Equatoriale ", j'ai lu ce qui suit:

"Afrique Equatoriale. La Société des Missionnaires d'Alger sera chargée par le Saint-Siège de la fondation de deux grandes Missions en Afrique Equatoriale. L'une doit avoir son centre sur le Lac Tanganyika, et l'autre sur les Lacs Victoria et Albert Nyanza.

12 Missionnaires sont prêts à partir pour ces lointaines et périlleuses destinations. Leurs Supérieurs ont déjà été nommés; ils ont reçu les pouvoirs des Préfets Apostoliques. L'un est le Père Livinhac, qui va fonder le futur Vicariat des Lacs Nyanza; l'autre, le Père Pascal, va fonder celui du Lac Tanganyika et préparer aussi la création d'une mission semblable dans les Etats de Muata-Yamvo.


[5089]
On connaît l'importance de la question de l'Afrique Equatoriale et des voyages de Livingstone, de Cameron et de Stanley qui ont énormément attiré l'attention en Europe. Cette importance explique celle de l'Œuvre que la sollicitude du Saint-Siège confiera à la Société des Missionnaires d'Alger."


[5090]
Comme ces deux nouvelles Missions dites de Tanganyika et des Lacs Nyanza appartiennent à mon Vicariat (ce qui ressort du Bref du 3 avril 1846 dans lequel Grégoire XVI définit les frontières méridionales de l'Afrique Centrale avec les soi-disant Montagnes de la Lune qui, d'après les géographes modernes les plus accrédités, seraient situées très au Sud de Tanganyika, qui a été découvert par mon ami Burton); - en effet, le futur Vicariat des Lacs Nyanza est situé entre le 2ème degré de Latitude Sud (soit à seulement 2 degrés et demi de notre ancienne Mission de Gondocoro) et le 3ème degré de Lat. Sud; et le Vicariat de Tanganyika est entre le 5ème et le 6ème degré de Lat. Sud, c'est-à-dire au Nord des Montagnes de la Lune, et donc dans mon Vicariat - je désire donc que Votre Eminence daigne me transmettre la copie des deux Brefs ou Décrets d'érection canonique des deux futurs Vicariats, ou deux grandes Missions, sujet traité dans l'article des "Missions Catholiques " de Lyon, afin que je sache à quoi m'en tenir.


[5091]
J'ai des doutes sur la réalité de la fondation si imprévue des deux Missions mentionnées ci-dessus dans les termes et dans le sens de l'article cité, car je sais que la Sacrée Congrégation, dans ses vénérables résolutions et entreprises, agit avec beaucoup de pondération, de sagesse, très lentement et avec prudence, je me permets donc de faire à Votre Eminence quelques petites remarques à ce propos; mais je me propose d'en faire de plus pondérées et réfléchies à l'avenir sur la base de mes études déjà réalisées sur l'Afrique Equatoriale.


[5092]
Je crois tout à fait inopportun et dangereux de partir de Zanzibar pour fonder directement une Mission sur les Lacs Nyanza, sans avoir un poste de Mission solide et sûr, sur les côtes, ou assez à l'intérieur de la région de Zanzibar, qui ait comme objectif les Lacs Nyanza.

Les difficultés de communications et les distances sont trop grandes. La réussite serait incertaine pour ne pas dire impossible.

En effet, une expédition de voyageurs ou d'explorateurs d'une région lointaine, qu'ils visitent en vitesse, puis rentrent chez eux pour remplir le monde de vérités et de mensonges à propos de la région explorée, est une chose; mais c'est une tout autre chose d'établir une Mission catholique stable.

Celle-ci pour être fondée et consolidée a besoin de centres de communication et de points d'appui fermes afin de rendre l'objectif solide et durable; autrement le travail est inutile, on perd des Missionnaires et on gaspille de l'agent.


[5093]
J'aurais souhaité que les Missionnaires d'Alger, qui existent depuis 12 ans, aient acquis un peu d'expérience en fondant la Mission du Sahara et de Tombouctou, qui sont le but des magnifiques établissements d'Algérie fondés par Monseigneur Lavigerie; je croirais alors à leur réussite dans les futures Missions de l'Equateur qui sont beaucoup plus difficiles que celles du Sahara.

Mais au contraire nous avons de superbes installations en Algérie, et presque rien dans le Sahara, rien du tout à Tombouctou, et Votre Eminence le sait mieux que moi. En revanche, les Lacs Nyanza sont l'objectif évident des Missions du Fleuve Blanc et de Khartoum, où il y a aujourd'hui des possibilités de communication par bateaux, avec Ladò (à trois heures de Gondocoro), et d'ici à Ladò, il faut 15 jours avec le bateau à vapeur.

J'ai eu à ce sujet de longs entretiens au Caire avec l'illustre Stanley au mois de janvier dernier, et il m'a donné des lettres de recommandations pour le Roi M'tesa, le Sultan des Lacs Nyanza, lesquels deviennent un point d'appui et un centre de communication avec les peuples Akka, avec le royaume de Mombouctou ainsi que d'autres aussi; Il me semble donc que le projet de séparer hic et nunc les Lacs Nyanza de mon Vicariat serait préjudiciable à ma difficile et laborieuse Mission; en outre nous avons l'expérience des voyages africains très périlleux, nous sommes habitués au climat, aux privations, à passer les nuits à la belle étoile et à supporter les avatars des différentes saisons de l'année, etc.


[5094]
Je ne crois pas qu'il en soit ainsi de l'Institut naissant de Monseigneur Lavigerie, et bien qu'il possède un grand nombre de Prêtres et de sujets, je ne crois pas que ses Missionnaires possèdent l'expérience pratique des voyages africains, la maturité des concepts, la prudence, et l'extraordinaire abnégation dans les inévitables privations qu'ils rencontreront.

Il y trois ans, dans le Cordofan, quand j'ai lu la circulaire de Monseigneur Lavigerie annonçant le départ imminent d'Alger de trois Missionnaires pour Tombouctou, je me suis tout de suite écrié: "ils seront massacrés! " Quand je suis arrivé au Caire, venant directement d'Europe, j'ai lu avec une immense douleur qu'ils avaient été tués par les Touaregs.

En Afrique il est nécessaire de procéder pas à pas avec une très grande prudence, et l'expérience coûte des années de travail.


[5095]
Je dirais quasiment la même chose pour le Tanganyika, bien que ce soit une région moins difficile. Une base des opérations serait cependant nécessaire aussi pour atteindre l'objectif du Tanganyika: elle pourrait être située dans un des nombreux endroits convenables qui se trouvent non loin de Zanzibar ou de Bagamoio.

Mais le Tanganyika ne serait pas vraiment la base des opérations et le point d'appui pour l'empire Muato-Yamvo, ou mieux Muati-Janvo, qui est environ à 700 miles du Tanganyika; les états de Muati-Janvo ne seraient donc pas l'objectif naturel de la future Mission du Tanganyika; ils seraient plutôt l'objectif des Missions situées dans les états ou empires, ou royaume de Kazembe qui se trouve à 400 miles de Muati-Yanvo.

De toute façon, que la base des opérations pour l'objectif Muati-Janvo s'établisse au Tanganyika ou à Kazembe, avec le temps cela pourrait marcher; et dans le cas où le Saint-Siège penserait confier les deux Missions de Tanganyika et de Muati-Janvo, ce serait déjà un vaste terrain pour les fervents Missionnaires formés par le très digne Archevêque d'Alger, et ces derniers auraient dans les deux Missions citées un champ encore plus fertile que les Missions du Sahara.


[5096]
La conversion de l'Afrique ayant toujours été l'ardent désir de toute ma vie, c'est avec une grande consolation que je vois se réveiller le zèle desdits Missionnaires d'Alger pour le salut des Africains. Mais puisque ces Missionnaires sont sans expérience, ne connaissent pas les méthodes les plus adaptées à une probable réussite, et ont des moyens qui ne sont pas plus sûrs que ceux que je possède, je suis d'avis, que pour le moment il vaut mieux ne pas céder ma juridiction sur les lacs Nyanza, vers lesquels j'ai dirigé mes efforts depuis un certain temps, il faut à tout prix éviter cela.

Mes missionnaires et moi, nous ne sommes pas du tout disposés à céder, pour le bien de ces populations qui sont l'objectif naturel des futures Missions du Fleuve Blanc; d'autant moins que les lacs Nyanza ne tarderont pas à être conquis par le Khédive d'Egypte, qui a construit pour Gordon Pacha, à seulement trois heures de distance de Victoria Nyanza, une forteresse occupée par une garnison égyptienne.


[5097]
Toutefois, je déclare sincèrement que je suis prêt à tout ce que le Saint- Siège voudra de moi, et donc à céder non seulement l'Equateur, mais aussi Khartoum et Cordofan, selon les souhaits du Saint-Siège, unique responsable et arbitre de tout.


[5098]
Si les deux Missions de Tanganyika et de Muati-Janvo ont déjà été érigées, et confiées aux Missionnaires d'Alger où qu'on prévoit de le faire, il serait bon que la Sacrée Congrégation établisse clairement les nouvelles frontières du Vicariat d'Afrique Centrale, à ce propos j'ai un schéma déjà prêt à soumettre à Votre Eminence.


[5099]
La Mission protestante écossaise qui est déjà arrivée aux lacs Nyanza depuis longtemps, est composée de 8 personnes avec un apanage de 300.000 francs, soit 12.000 livres sterling par an. Mais nous verrons combien de temps cela durera. Elle fera probablement comme celle de Khartoum, dont on se souvient à peine aujourd'hui.

Deux membres de l'expédition du Roi des Belges, partie au mois de juillet dernier et composée de cinq personnes, dont l'allemand Marno que je connais, sont morts à Zanzibar. Quand le moment viendra, la généreuse Institution du Roi des Belges sera très utile aux Missions catholiques d'Afrique Centrale, Equatoriale, etc. J'embrasse votre Pourpre Sacrée, et je serai toujours



votre humble et obéissant fils

+ Daniel Evêque