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Une circonstance très désagréable m'offre l'immense plaisir de m'entretenir un peu avec vous, mon aimable ami; votre amour pour la civilisation chrétienne des immenses régions d'Afrique Centrale, dont je suis l'Evêque et le Vicaire Apostolique, me lie à vous d'une amitié sincère et inaltérable.
Dans l'excellente revue "Esploratore", fascicule 9, page 278, j'ai lu votre bref article intitulé " L'esclavage, monopole du gouvernement ", que vous avez rédigé de bonne foi, en vous basant sur des informations fournies sûrement par d'excellents correspondants, mais qui cette fois-ci ont été mal renseignés.
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Puisque je suis sur place, et par ma charge, dans la position d'être parfaitement informé à propos de tous les faits et les démarches du Gouverneur Général du Soudan, Son Excellence Gordon Pacha, et puisque la vérité est la première caractéristique des informations d'un pays et de l'histoire, je crois que je suis dans le devoir absolu de rectifier auprès de vous, grand amateur de la vérité, certaines erreurs et informations qui se sont glissées dans votre article.
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Tout d'abord dans l'ensemble de cet article il apparaît que nos amis Gessi et Matteucci ont rencontré des difficultés avec le gouvernement de Gordon Pacha pour réussir leur expédition. Il n'y a rien de plus faux car, grâce à l'aide apportée par Gordon par l'intermédiaire de son représentant Osman, ils ont pu effectuer, avec toutes les facilités possibles, le difficile voyage de Khartoum à Fadasi, dernière localité de la domination et de l'influence égyptiennes sur les vastes possessions du Sud-Est.
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Ils ont parcouru cette voie avec, entre autres, des aides et d'importantes recommandations de Many bey, actuellement Mudir de Khartoum; qui a été pendant plus de 25 ans directeur des mines de Fazoglo et gouverneur des villes et des provinces qui se trouvent dans cette région, et c'est lui qui a réussi, après de nombreuses années de tentatives, à ouvrir des voies de communications avec Fadasi (dont le chef, sur son ordre, a été pendu sous ses yeux); cette localité n'avait jamais été atteinte par des Européens, sauf par Marno, qui avait pu arriver à Fadasi il y quelques années grâce à la protection de ce même bey et du gouvernement égyptien.
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J'ai lu à ce sujet beaucoup de lettres écrites à partir de nombreux endroits de cette région par nos chers Matteucci et Gessi pour M. Rosset, Vice-Consul d'Allemagne à Khartoum, et pour d'autres personnes, lettres dans lesquelles ils sont pleins de reconnaissance et de gratitude envers le gouvernement du Soudan.
Ils demandent au Vice-Consul d'être l'interprète de leurs sentiments auprès de Gordon, d'Osman et du Mudir de Khartoum. Je pourrais citer de nombreuses lettres, mais comme je sais que quelques-unes ont été expédiées à Alexandrie et à Milan, et que vous pourrez certainement les lire dans quelque journal, je me dispense d'en répéter le texte. Je me dispense aussi de parler de la grande protection accordée par Gordon Pacha et par le gouvernement local, aux Messieurs Junker, Von Lucas et Marno, car ce sujet a été traité en toute vérité et longuement ces jours-ci dans les journaux.
Au Soudan j'ai été témoin de toute l'affaire Marno; j'étais avec lui sur le bateau qui était allé le prendre à Berber par ordre de Gordon, qui mit gratuitement à sa disposition le vapeur de Berber à Khartoum et de Khartoum à Ladò.
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Le Gouverneur de Berber et celui de Khartoum ont reçu l'ordre, qui fut exécuté, de fournir largement à Marno tout le nécessaire et tout le confort aux frais du gouvernement; or il a été abondamment approvisionné, je peux le dire car j'étais moi-même avec lui à table et aux mêmes premières places, mises à notre disposition.
Quand Marno est arrivé chez les Bari, il a prétendu que Gordon mette immédiatement à sa disposition, je crois plus de cent soldats, et je ne sais combien de chameaux, etc. Gordon, en sa qualité de militaire, s'en est irrité, car il n'avait à sa disposition qu'un petit nombre de soldats, il n'avait pas les chameaux demandés et il possédait très peu d'argent. D'autant plus qu'en ces jours-là Gordon Pacha était vraiment gêné, parce qu'il n'avait reçu qu'un petit nombre des soldats qui lui avaient été destinés, et aucun des animaux qui lui avaient été promis en ma présence à Khartoum. Gordon était dans la totale impossibilité de satisfaire les prétentions exagérées de Marno. Toutefois, des plaintes vraiment inopportunes et injustes contre le célèbre Gordon ont vu le jour en Europe à propos de cette affaire.
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De plus, l'affirmation de l'article soutenant que, depuis que Gordon est au pouvoir, toutes les nouvelles provenant de l'intérieur de l'Afrique sont interrompues, est complètement fausse. La Mission catholique existe depuis 30 ans. A aucune autre époque les communications avec l'intérieur de l'Afrique n'ont été plus sûres depuis que Gordon est au pouvoir. Si Gordon n'avait rien fait d'autre, les travaux, qu'il a su accomplir pour faciliter les communications avec le Darfour, suffiraient largement, en effet aujourd'hui le service postal entre Khartoum et El-Fascer est sûr comme si c'était entre Milan et Naples. Sous Gordon, le télégraphe s'est développé d'El-Obeïd au Darfour; et il est actuellement en construction jusqu'à Fachoda et Ghalabat. Le service postal est quasiment régulier entre les lacs et Khartoum.
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M. Emin bey, sous la protection de Gordon, a déjà voyagé deux fois entre Khartoum et le Nyanza Victoria, et les Consuls de Khartoum, Messieurs Hansal et Rosset, ainsi que beaucoup d'autres personnes d'ici, ont des communications régulières avec la zone des lacs; et puisque après le kharif, j'irai moi aussi là-bas pour y implanter une Mission, ce sera surtout sous l'égide de Gordon que je pourrai le mieux réaliser mon entreprise.
C'est Gordon qui a installé huit postes militaires pour faciliter les communications avec le Nyanza Albert entre Ladò sur le Fleuve Blanc (à trois heures au Nord de l'ancienne Mission catholique de Gondocoro) et Dufilé; et notre Gessi, sous les auspices de Gordon, a fourni une aide remarquable pour réaliser ces postes, à savoir: Ladò, Regiaf, Beden, Kiri, Muggi, Laboré, Aiu, Dufilé. Il faut 7 jours pour parcourir à pied ces postes de Ladò à Dufilé.
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De Dufilé à Magungo, près de Nyanza Albert, on voyage avec le vapeur et il y a une distance de 120 miles. Les efforts réalisés par Baker et beaucoup d'autres pour ouvrir ces voies de communications sont bien connus.
Eh bien! aujourd'hui, on voyage en toute sécurité de Khartoum à Nyanza Albert comme de Milan à Genève. Tout ceci grâce à Gordon. De Nyanza Albert, puis de Victoria, Gordon a installé plusieurs postes, et à Regiaf sont déjà arrivés six éléphants indiens, destinés à transporter un bateau qui naviguera sur la totalité du lac Victoria,.
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La guerre et les obstacles qui interrompaient la libre communication entre Nyanza Albert et Nyana Victoria à cause de Kabarega, roi de Unyoro, ont aujourd'hui tous disparu. Le roi, grâce aux démarches de Gordon, est maintenant notre ami, et il laisse passer librement les voyageurs, surtout les Européens. Il a reçu, il n'y a pas longtemps, le colonel Mason dans son ancienne résidence de Missindi; Emin Effendi a été lui aussi reçu et aimablement hébergé par ce roi, et il est resté longtemps, pour faire ses études, dans la nouvelle résidence royale de Mpàro Niamogo ou Bogàia (selon les ambassadeurs du même Kabarega qui venait rendre hommage au gouvernement égyptien ici à Khartoum).
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Les voies de communications entre Nyanza Victoria et Khartoum sont aujourd'hui, grâce aux efforts de Gordon, tellement sûres et régulières, que Monsieur Wilson, actuellement chef de l'expédition de la Church Missionary Society, siégeant à Dubaga auprès du roi M'tesa, au lieu d'envoyer sa correspondance par Zanzibar, donne son courrier au Consul Hansal à Khartoum pour l'expédier à Londres; et dernièrement, ce même Consul (qui est aussi agent consulaire pour la France et l'Italie) a reçu un très gros paquet de lettres qui ont été immédiatement envoyées à Londres. Et c'est par cette voie que nous avons eu des nouvelles de cette expédition; un de ses membres était mort suite à une maladie près du lac Tanganyika et deux autres ont été massacrés par les habitants de l'île Ukerewe du Nyanza Victoria, etc. ; et maintenant l'on part à la recherche des autres, dont on ne sait plus rien.
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Bref, depuis le peu de temps que Gordon Pacha gouverne, les communications avec tous les endroits de l'intérieur sont une magnifique réalité. Avant, on ne savait rien du gouvernement; maintenant on sait tout, et Gordon protège les voyageurs mieux que n'importe qui avant lui.
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Quoi d'autre? Actuellement on est en train de préparer un plan pour que les voies de communications commerciales entre l'Europe et le Nyanza soient libres et directes. Ainsi on pourra embarquer des marchandises et des voyageurs, à Gênes, à Trieste, à Marseille à destination de Ladò, à des prix fixes et limités, en payant ou d'avance ou après, et les marchandises seront assurées jusqu'au lieu de destination. En correspondance avec les bateaux de Suez et de Souakin, il y aura des caravanes établies par Gordon entre Souakin et Berber, et les prix seront encore plus modestes que ceux qui sont pratiqués actuellement.
Cette nouvelle est de grande importance pour nos commerçants qui importent le caoutchouc et le tamarin de la haute vallée du Nil, car les frais de transports étaient jusqu'à présent très importants, que ce soit par Souakin ou par le Nil.
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De Berber à Khartoum, il y aura des bateaux à vapeur ou dahabié du gouvernement, et de Khartoum à Ladò, un autre bateau à vapeur; et de Ladò aux lacs, une liaison dont j'ai déjà parlé ci-dessus. Si, ce qui est certain, tout est mis en place (cette année), je ne ferai plus d'expéditions du Caire à Khartoum, et mes Missionnaires non plus; mais en embarquant à Suez, mes Missionnaires viendront à Khartoum avec cette entreprise; et les provisions pour mon Vicariat (dont l'expédition coûtait jusqu'à présent très cher) seront embarquées à Venise, à Trieste, à Gênes, à Naples, à Marseille, etc. et seront expédiées directement à Khartoum. Cette réalisation seule suffirait à elle-même pour donner du lustre au gouvernement de Gordon Pacha et le fait d'avoir mis en place des moyens de communication entre Khartoum et les lacs, malgré les nombreuses difficultés, suffirait à donner du prestige au gouvernement d'un roi.
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Cela dit, je voudrais ajouter une seule idée; Gordon n'a pas à ses côtés un nombre suffisant d'Européens pour pouvoir bénéficier d'une aide importante; il ne dispose pas non plus de moyens suffisants pour gouverner l'immense pays qui lui est confié, et pour réaliser sa très haute mission, il ne dispose pas d'une armée bien aguerrie, au contraire il a contre lui de nombreux éléments hostiles.
Pour éliminer peu à peu la traite des esclaves, il est aidé par les mêmes personnes qui étaient déjà dans le gouvernement, c'est-à-dire par les Mudirs, les sangiak, les pachas et les bey, qui auparavant autorisaient ou pratiquaient eux-mêmes l'infâme métier. Je suis de l'avis que c'est un vrai prodige, que le seul Gordon, avec la force tenace de sa volonté, ait réussi aujourd'hui à frapper la traite et l'esclavage.
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C'est un fait incontestable qu'aujourd'hui sur la route du Cordofan, de Fachoda, de Dongola et le long du Nil, on ne voit plus les caravanes d'innombrables esclaves que je voyais depuis 20 ans. L'esclavage continue et continuera encore pendant de nombreuses années, car pour le supprimer complètement il faudra plusieurs siècles; mais maintenant il est davantage circonscrit dans ses proportions, on peut déjà remarquer cela en Haute-Egypte et dans tout le Soudan. C'est un mérite particulier de Gordon, et c'est vraiment insensé de croire à l'histoire qui circule dans beaucoup d'endroits et qui affirme que le gouvernement, avec le consentement de Gordon, a envoyé au Bahr-el-Ghazzal des gens pour y capturer dix mille esclaves. Ce sont les inventions de ceux qui, ne pouvant profiter impunément du gouvernement, et ne pouvant plus, comme autrefois, faire des profits avec la vente des esclaves, cherchent à discréditer Gordon; mais la vérité doit triompher. Gordon Pacha est l'ennemi numéro un de l'esclavage, et à ce propos je pourrais présenter des faits incontestables. Mais cela suffit pour le moment .
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Quand j'aurai le temps, je vous écrirai à propos de l'esclavage qui s'est affaibli grâce à Gordon, auquel il faut reconnaître de grands mérites. Il faut être le témoin des luttes et des obstacles qu'il doit affronter pour libérer les esclaves dans un pays où l'esclavage est une plaie séculaire, dans un pays où la traite et l'esclavage constituent la principale source de revenus.
Depuis de nombreuses années nous luttons pour sauver des esclaves, etc., et nous pouvons mesurer l'ampleur des difficultés que Gordon rencontre et rencontrera pour réaliser sa haute mission.
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Et puis, mon très cher ami, il faut tenir compte de l'étendue des domaines que Gordon Pacha gouverne, en tant que hoccomdar, ou gouverneur général.
Il gouverne des régions qui s'étendent du Tropique à l'Equateur, de Souakin à l'extrême Darfour, Massaua, Berbera et Zeila, et aux pays récemment annexés par le gouvernement égyptien sur la Mer Rouge et à l'Est de Scioa.
Il y a quelques jours, par exemple, nous avons reçu ses télégrammes depuis Berber, hier depuis Massaua, etc. Sa mission n'est-elle pas actuellement extraordinairement vaste, laborieuse et difficile? Et quel genre de personnes cet homme doit-il gouverner? Je crois qu'il mérite beaucoup d'égards, même s'il ne peut pas faire tout ce qu'il voudrait, car, entre autres choses, il faut tenir compte de ce qu'il n'est pas toujours soutenu dans son travail.
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De plus, je pense que Gordon est un grand homme et qu'il est à la hauteur de sa grande, laborieuse et difficile mission; il faut souhaiter qu'il ne se décourage pas, mais qu'il persévère pendant de nombreuses années à son poste. L'humanité lui en sera reconnaissante.
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Nous attendons nos amis Matteucci et Gessi ici à Khartoum, parce qu'il leur a été impossible d'aller au-delà de Fadasi. Cette expédition n'a pas été bien organisée, et il y manquait un des éléments principaux de réussite: l'argent.
Je suis vraiment désolé, surtout pour Matteucci, sur lequel tout le monde comptait, et qui n'aurait pas dû revenir en arrière car c'était son premier voyage, mais cela n'a pas d'importance. Ils ont bien fait de rebrousser chemin et cette entreprise leur servira de leçon pour en réussir une de plus grande envergure la prochaine fois. Matteucci est un jeune très bien et plein de grands espoirs. Il a appris à voyager en Afrique Centrale, ce qui n'est certainement pas comme dans les autres parties du monde.
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Je suis convaincu que ce repli opportun et prudent le stimulera pour se préparer à de plus utiles et à de plus belles entreprise à l'avenir.
Quant à Gessi, je lui conseillerais de se mettre encore à disposition de Gordon, car ce dernier a pour lui de l'affection et de l'estime, puisque Gessi lui a vraiment été fidèle.
Matteucci de son côté doit réaliser un autre projet avant de voir à nouveau l'Europe. Actuellement, ils sont tous deux à Fazoglo. Il paraît qu'ils veulent visiter Ghedaref et Gallabat; mais moi, compte tenu du fort kharif, (saison des pluies) je leur ai conseillé de venir directement à Khartoum.
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Ils vous écriront tous les deux combien ils ont été bien reçus, aimablement traités et aidés par le gouvernement de Gordon, qui a mal accepté que notre très cher Gessi ne soit pas allé chez lui, dès son arrivée, pour lui rendre visite.
Mais il est de mon ressort de rapprocher ces deux là, et ce sera un bien pour Gessi et pour Gordon.
Enfin je termine cet écrit en vous félicitant pour le magnifique journal l'Esploratore, qui répond exactement au beau nom qu'il porte, et je vous remercie infiniment de me l'envoyer gratuitement et régulièrement. Quand mes nombreuses et importantes occupations et les aléas du climat (qui n'est certainement pas comme celui de la Lombardie) me le permettront, je vous enverrai des nouvelles du Soudan.
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On pourra passer librement à Fadasi quand j'aurai fondé une Mission à l'un des endroits les plus convenables que je suis en train de choisir dans le territoire qui entoure le Fleuve Bleu, et ce sera peut-être à Fadasi même; mais je ne pourrai pas faire cela avant d'avoir fondé les Missions que j'espère établir sur les lacs qui sont sous ma juridiction.
Vous savez bien qu'il y a une grande différence entre une exploration de voyageurs qui passent, comme un météore, dans les régions explorées, et l'établissement d'une Mission chrétienne stable avec les règles sages que nous avons, afin de donner aux Africains un bien durable, de changer leurs coutumes et de les former selon les principes de notre religion et de notre civilisation.
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Vous qui connaissez très bien l'histoire de l'Afrique Centrale, vous pouvez calculer, avec votre regard perçant les millions qui ont été dépensés, et les nombreuses explorations qui se sont succédé en Afrique Centrale depuis les premiers explorateurs jusqu'à Stanley en 1877.
Que reste-t-il de bon, de vrai et de durable qui ait réellement pu influencer la morale, la civilisation et le progrès des habitants d'Afrique Centrale? Presque rien! A part le souvenir des illustres explorateurs en Europe, quelques points géographiquement décrits, etc., mais pour ces peuples il n'y a eu presque aucun bien réel, aucun progrès dans la civilisation, ni progrès moral, intellectuel ou matériel. Ce sont les Missions catholiques qui diffusent et continuent à faire le bien; et les Missions catholiques de Khartoum, du Cordofan et du Djebel Nouba sont un insigne monument de la civilisation européenne existant actuellement en Afrique Centrale.
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Il est donc nécessaire que la science et la Religion s'embrassent, s'entraident et œuvrent ensemble pour l'amélioration, la régénération et la vraie civilisation qui doivent être le but du sublime élan visé par la science; sans parler des nobles efforts de nombreuses et illustres personnalités anglaises, italiennes, allemandes et américaines, il faut remarquer en particulier la très noble initiative du Roi des Belges, Léopold II, qui a été suivie par presque toutes les nations civilisées.
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Il est nécessaire de poursuivre avec une ardeur inébranlable et persévérante ce noble élan qui s'est éveillé en Europe pour l'Afrique Centrale, et il ne faut jamais abandonner les grands projets qui sont entrepris pour ce noble but à cause des terribles épreuves, des désastres et des difficultés que l'on rencontre.
Aux erreurs, aux désillusions et aux malheurs succédera l'acquisition d'une expérience pratique qui indiquera les voies et les moyens les plus efficaces pour atteindre le noble but; et si la constance domine l'esprit des principaux protagonistes, nous aurons un triomphe parfait.
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Il règne ici une terrible famine. Le prix des vivres a quadruplé; et le durra (maïs), principale nourriture du pays et des pauvres, qui coûtait 7 francs l'ardeb (sac en feuilles de dattiers) aujourd'hui ne s'achète pas à moins de 60 francs l'ardeb.
Vous pouvez maintenant imaginer quelles pertes me cause la famine simplement pour l'achat du durra, qui est la moindre des choses.
Chaque année, je dois acheter plus de mille ardeb de durra pour mes maisons et mes établissements... Au Cordofan, (j'ai reçu une lettre aujourd'hui ) l'eau coûte cher, et la semaine dernière elle coûtait 11 piastres, environ 3 francs la bormah (environ 4 litres); au Cordofan, où je possède trois établissements, l'eau est beaucoup plus chère que le vin en Lombardie. S'il en était toujours ainsi, patience! mais chaque jour, la pénurie d'eau s'accroît.
Je profite de l'occasion pour vous déclarer mon affectueuse estime et considération, et je me déclare
votre affectionné et dévoué ami
+ Daniel Comboni
Evêque de Claudiopoli
Vicaire Apostolique d'Afrique Centrale