Comboni, en ce jour

Pendant le voyage d’animation missionnaire (1871), il célèbre dans la cathédrale de Dresda.
A Mitterrutzner, 1877
Ma confiance réside dans la justice de la Rome éternelle, et dans ce Cœur Divin qui palpita aussi pour la Nigrizia.

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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
621
Faustina Stampais
0
El Obeid
4. 9.1875
N° 621 (590) - A FAUSTINA STAMPAIS

ACR, A, 15/151 n° 1



Vive Jésus, Marie et Joseph!

El-Obeïd, le 4 septembre 1875



Ma chère Faustina,



[3899]
Pour répondre à ton souhait exprimé dans ta dernière lettre, je consens à ce que tu partes avec Filomena pour le Caire, parce que je suis convaincu que tout ira bien avec une telle compagnie qui d'ailleurs me semble bonne.

J'aurais voulu que tu m'attendes. Mais comme tu insistes pour partir, pars dans le nom de Dieu. Je t'ordonne cependant de bien te comporter, en femme sage et prudente, de m'écrire de toutes les Missions où tu t'arrêteras, en commençant par Berber, et jusqu'à la fin de ton voyage.

Tous les Pères, les Sœurs et les filles te saluent. Quant à toi, souviens-toi et prie pour

ton affectionné



Abbé Daniel Comboni

Pro-vicaire Apostolique






622
Card. Alessandro Franchi
0
Delen
14. 9.1875
N° 622 (592) -AU CARDINAL ALESSANDRO FRANCHI

AP SC Afr. C., v. 8, ff. 451-452



Vive Jésus, Marie et Joseph!

n° 9

Delen (Djebel Nouba),

le 14 septembre 1875



Eminent Prince,



[3900]
J'ai été extraordinairement reçu par la population nubienne. Le grand Chef a envoyé la personne la plus haut placée de ce pays pour venir me chercher au Cordofan et lui-même est venu avec plus de 50 personnes à ma rencontre, dans une grande forêt, la veille de mon arrivée, nous avons passé la soirée et la nuit ensemble à la belle étoile, et le matin il nous a accompagnés à Delen, où toute la population nous a fêtés avec des coups de fusils, des signes évidents de joie sincère.

Si je dois juger à partir de la première impression que m'a donnée cette population, de son caractère et de son bon sens, j'ai le grand espoir de pouvoir la gagner à la Foi avec la grâce du Sacré-Cœur de Jésus. Mais nous devons vaincre beaucoup de superstitions et nous devons la convaincre de s'habiller.

Je donnerai un jugement plus sûr quand je l'aurai étudiée sur place et que j'aurai exploré d'autres montagnes.

Je peux vous dire que la Mission, ici à Delen, est bien mise en place; j'y ai moi-même accompagné deux Sœurs expérimentées et dont la morale est à toute épreuve. Pour elles j'ai trouvé les maisons, qui avaient été préparées comme les nôtres par le Supérieur, l'Abbé Bonomi Luigi, que j'avais envoyé sur place il y a plus de six mois. Ce dernier a de bonnes qualités pour diriger cette population noire, mais aussi la qualité particulière d'avoir lui également une couleur de peau plutôt noire.


[3901]
Ici l'air est encore plus salubre que celui du Cordofan. Cette race est sans doute la plus intelligente de toutes les races et tribus que j'ai connues ici en Afrique Centrale depuis 18 ans.

Cependant, il est nécessaire que le Missionnaire ait beaucoup de vertus et une grande abnégation pour résister longtemps ici, où tous sont pauvres et où il n'y a pas tout ce qui est essentiel à un Européen; la plupart de ce qui est nécessaire doit être amené de Khartoum et du Caire. J'espère que cette Mission sera bientôt la plus florissante du Vicariat.

Je suis très occupé pour déchiffrer la langue et pour composer un catéchisme dans la langue nubienne, et les expériences que j'ai faites avec d'autres langues du Fleuve Blanc me sont très utiles.

Je souhaiterais avoir une bénédiction du Saint-Père pour cette nouvelle Mission.


[3902]
Dans ma dernière lettre je vous ai parlé de mon idée de céder aux Sœurs de Saint Joseph, à certaines conditions, l'Institut des Pieuses Mères de la Nigrizia que j'ai érigé à grands frais à Vérone et qui a été approuvé par Monseigneur Canossa. Je ne prendrai jamais une décision sans avoir auparavant (après avoir tout expliqué et discuté avec l'Evêque de Vérone) soumis le projet à la sagesse et au jugement de Votre Eminence.

J'embrasse Votre Pourpre Sacrée et c'est avec respect, soumission totale et obéissance parfaite que je me déclare dans les Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie



votre humble, indigne et respectueux fils

Abbé Daniel Comboni

Pro-vicaire Apostolique d'Afrique Centrale.






623
Card. Alessandro Franchi
0
Delen
8.10.1875
N° 623 (593) - AU CARDINAL ALESSANDRO FRANCHI

AP SC Afr. C., v. 8, ff. 363-376



Rapport Annuel

à la Sacrée-Congrégation de Propaganda Fide

sur le Vicariat d'Afrique Centrale

1875



Delen (Djebel Nouba), le 8 octobre 1875



Eminent et Révérend Prince,



[3903]
Bien que depuis l'époque où j'ai eu l'honneur de présenter à Votre Eminence le dernier Rapport officiel (1er juin 1874) sur le Vicariat d'Afrique Centrale jusqu'à aujourd'hui, des obstacles importants n'aient pas manqué, suscités par l'ennemi du salut éternel des âmes qui voit son royaume menacé dans ces régions éloignées et enflammées, par la puissance irrésistible de la croix de Jésus Christ, je suis, cependant, content de pouvoir porter à la connaissance de Votre Eminence, avec ce petit Rapport annuel, que le Seigneur a daigné bénir son Œuvre et étendre sa présence sur cette grande partie de sa vigne abandonnée depuis de nombreux siècles.

Les Cœurs très doux de Jésus et de Marie, le glorieux Patriarche Saint Joseph, les anges et les saints protecteurs du Vicariat nous ont beaucoup soutenus, dans notre faiblesse. Ainsi notre cri de guerre "Ou la Nigrizia ou la Mort", est toujours le même depuis le moment où nous avons commencé cette entreprise difficile et laborieuse.


[3904]
En plus d'avoir, pendant cette année, renforcé davantage les deux Missions fondamentales et centrales de Khartoum et du Cordofan, nous avons ouvert et érigé canoniquement la maison de la Mission de Berber, et nous avons fondé la nouvelle Mission du Djebel Nouba. Je pense aussi, que nous ne tarderons pas à rouvrir la maison de Schellal dans la Nubie Inférieure, car il apparaît que cet endroit est destiné à devenir important pour les chrétiens européens et orientaux, attirés par la construction de la voie ferrée du Soudan, dont le tronçon entre Assouan et Schellal a déjà été réalisé. En outre le tronçon entre Wady-Halfa et Mothhamma (en face de Scendi) a été entamé, et doit être prolongé jusqu'à Khartoum.

Nous avons finalement commencé la construction des deux importants établissements du Caire, pour y acclimater les Sœurs et les Missionnaires européens, sur le terrain gracieusement donné à notre Mission par Son Altesse le Khédive d'Egypte.


[3905]
Comme je l'ai déjà dit, le Vicariat d'Afrique Centrale est plus grand que l'Europe entière et, d'après l'opinion de mon savant prédécesseur l'Abbé Knoblecher, il est peuplé d'environ 90 millions d'habitants. A mon humble avis, si l'on se base sur la dernière statistique de Washington de 1874, il abrite plus de 100 millions d'infidèles. Il embrasse de vastes empires, des royaumes et d'innombrables tribus, dans l'espace que j'ai délimité sur la carte géographique que j'ai présentée à la Sacrée-Congrégation en 1872, et où sont tracées les frontières de toutes les Missions Apostoliques d'Afrique. Pour faire cette carte je me suis basé sur les documents d'érection de ces Missions.


[3906]
Il me semble qu'il n'est pas nécessaire ici de répéter ce que j'ai présenté dans mon dernier Rapport au sujet des informations générales du Vicariat et des informations spécifiques des deux principales Missions de Khartoum et d'El-Obeïd. Je parlerai tout de même du magnifique nouvel établissement érigé pour les Sœurs de Khartoum et du petit hôpital ouvert dans notre grande maison pour les Européens malades, qui sont venus en assez grand nombre cette année, et qui sont repartis sains de corps et d'esprit.

Il faut aussi que je vous cite l'agrandissement de l'établissement des Sœurs du Cordofan, qui a permis de mieux œuvrer pour le bien des âmes.

Je pense donc qu'il est suffisant que je me limite à vous parler des nouvelles Missions ouvertes cette année, à savoir: celle de Berber et celle de Djebel Nouba, en vous disant ensuite quelques mots sur l'avenir du Vicariat.



La Mission de Berber




[3907]
La ville de Berber a un peu plus de 30.000 habitants tous musulmans, à l'exception de quelques Coptes et Grecs schismatiques. Il y a très peu de catholiques et un grand nombre d'esclaves.

C'est le siège du Gouvernement de la vaste province de ce nom, à environ 17° 3/4 de Latitude Nord, à environ 12 jours de voyage de Khartoum sur le Nil et à plus de 50 jours de voyage du Grand Caire par la voie habituelle du Nil.

Elle est très importante et très pratique pour le Vicariat car nos caravanes provenant du désert, par la voie du Nil et du désert de Corosco ou par celle de la Mer Rouge et du désert de Souakin, s'y arrêtent pour se reposer après le voyage très fatigant. Généralement, le climat est salubre.


[3908]
La Mission de Berber que j'ai ouverte en novembre 1874, possède une grande maison très belle, avec une chapelle, un jardin, des salles de classe, une infirmerie et un lieu d'accueil. Elle est située sur les rives du Nil, et sa position est douce et agréable.

D'après la Convention établie entre moi et le Révérend Père Général des Ministres des Infirmes et approuvée par la Sacrée-Congrégation, cette Mission est confiée aux Révérends Pères Camilliens qui en ont pris formellement possession le 2 mars dernier. J'ai érigé canoniquement la maison de la Mission de Berber par un Décret du 1er avril. Les religieux, à certaines conditions, doivent répondre à toutes les requêtes du Pro-Vicaire Apostolique, et aider les Missionnaires de l'Institut des Missions pour la Nigrizia de Vérone, dans n'importe quelle Mission interne du Vicariat, sous la dépendance du Supérieur local desdites Missions.

De plus les religieux Camilliens sont chargés par le Pro-Vicaire Apostolique d'évangéliser et de prendre soin des chrétiens de la province de Berber, de celle de Taca qui s'étend jusqu'aux frontières de l'Abyssinie, de celle de Souakin près de la Mer Rouge, et ad tempus de celle de l'ancien royaume de Dongola.


[3909]
Les religieux de Berber observent la clôture régulière et vivent en communauté selon les Règles de leur propre Institut. Le Curé de la nouvelle Mission Camillienne est nommé par le Pro-Vicaire après accord sur le choix du sujet avec le Révérend Père Général de l'Ordre.

Il s'agit actuellement du Révérend Père Giovanni Batta Carcereri installé régulièrement avec notre autorisation le 19 août dernier. C'est un religieux ayant une bonne conscience, des mœurs intègres, et versé dans les sciences sacrées; il est âgé de 46 ans. Le Supérieur, ou Préfet de la Mission Camillienne, est le Révérend Père Stanislao Carcereri, qui a été pendant deux ans mon Vicaire Général.

Il habite maintenant à Berber. Actuellement, les religieux (sauf deux qui sont avec moi ici au Djebel Nouba) étudient la langue arabe, raison pour laquelle ils n'ont pas encore commencé la visite des provinces qui leur ont été confiées.

En vertu de la Convention déjà citée, ils sont pourvus par la Sacrée-Congrégation du titre de Missionnaires Apostoliques, et aucun sujet ne peut-être admis à l'apostolat de l'Afrique Centrale sans avoir déjà professé les 4 vœux de l'Ordre.


[3910]
Suite aux obligations que j'ai prises dans cette même Convention, j'ai entièrement payé, depuis juillet dernier, à la maison camillienne de Berber le versement annuel de 5.000 francs, c'est-à-dire pour la période du premier mars 1875 jusqu'à fin février 1876, et j'ai pour cela un reçu.



La Mission parmi les Nouba




[3911]
Dès que j'ai reçu, au mois d'octobre de l'année dernière, les vénérables ordres de la Sacrée-Congrégation me demandant d'instituer une Mission parmi les peuples Nouba, j'ai fait partir de Khartoum une petite caravane qui était depuis quelque temps déjà prête, pourvue du nécessaire pour emménager deux maisons et installer des Missionnaires et des Sœurs à Delen, première étape et première montagne des Nouba.

Ensuite, j'ai nommé au mois de février le Révérend Abbé Luigi Bonomi, de l'Institut de Vérone, Supérieur de la nouvelle Mission. Quand il est arrivé au Djebel Nouba avec d'autres compagnons au mois de mars, il a travaillé activement, non sans vaincre de nombreux obstacles, et il a construit au pied de la montagne de Delen, près de la résidence du Chef, un groupe de solides cabanes selon les traditions locales, entourées d'une zeriba ou haie d'arbres et de buissons. Il y a:

1. au milieu, une chapelle avec au-devant une esplanade;

3. d'un côté, des pièces pour dormir, pour étudier, pour manger, pour le travail des Missionnaires, des frères artisans et des serviteurs;

5. de l'autre côté, des pièces pour les Sœurs et les filles noires avec une cuisine et une buanderie.


[3912]
Ces habitations suffisent pour quelques années, entre-temps on étudiera bien le pays et on apprendra bien la langue jusqu'à que nous décidions de l'endroit définitif pour y faire construire de grands établissements plus solides, en briques rouges ou en pierres, qui puissent nous permettre de dominer toute la vaste plaine entourée d'une vingtaine de petites montagnes qui forment un demi-cercle agréable et magnifique.


[3913]
Cette première partie du territoire de la tribu des Nouba, qui contient environ 40.000 habitants, embrasse un peu plus d'un degré de Latitude et de deux degrés de Longitude, elle se situe précisément entre le 12ème et le 11ème degré de Latitude Nord et entre le 26ème et le 28ème degré de Longitude Orientale de Paris. Cette région est habitée par des infidèles qui abhorrent l'Islam et qui semblent saluer avec joie l'établissement de la Mission Catholique, surtout grâce à la faveur que lui accorde le Cogiour Kakoum, Chef de Delen, qui exerce une grande influence sur ce peuple. Cette première partie du pays des Nouba est comme le point d'appui et de départ, le centre de communication, la première étape de notre action apostolique parmi les idolâtres du centre du Vicariat.


[3914]
On peut aller en une seule journée de Delen jusqu'au point le plus éloigné du demi-cercle cité ci-dessus. Il faut entre trois et huit heures de marche pour atteindre d'ici les points les plus habités comme ceux des Gnumas, de Golfan, de Sobein et de Carco.

Après avoir bien assuré ce premier point d'appui, où le climat semble assez salubre et dont les terres cultivées et arrosées uniquement par l'eau des pluies pourront donner à toute cette Mission les provisions nécessaires à sa survie, la Mission, qui se sera bien enracinée tout autour de cette plaine, sera sans aucun doute en mesure d'aller dans d'autres tribus nubiennes et dans les autres tribus fétichistes du Vicariat d'Afrique Centrale.


[3915]
Je pense donc que dans ce demi-cercle naturel on établira la Mission du Djebel Nouba. C'est un premier point d'appui. Cette première tribu des Nouba, entourée de montagnes, compte une population d'environ 40.000 infidèles, farouchement hostile à l'Islam, ce dernier ayant fait en vain de nombreuses tentatives pour leur faire embrasser le Coran; cependant les Nouba se montrent favorables au Christianisme soit pour des intérêts matériels soit pour la protection inattendue que nous leur donnons contre les attaques des Baggaras nomades et musulmans.

Je pense aussi que cette tribu des Nouba qui vit sur des terres très fertiles que la main industrieuse de l'agriculteur pourra améliorer davantage, deviendra le premier terrain de nos efforts apostoliques parmi les idolâtres.


[3916]
Cette œuvre appartient à Dieu, elle rencontrera donc sans doute des difficultés et au début nous aurons sûrement des obstacles, surtout de la part du fanatisme musulman qui ne cessera pas de tendre ses pièges insidieux et ses ruses diplomatiques, même sous les apparences amicales de la part de certains membres du Gouvernement du Cordofan, qui ne voient pas d'un bon œil que la Mission Catholique s'établisse au Djebel Nouba avant le Gouvernement Egyptien, et il en va de même de la part des Baggaras. Mais l'Eglise Catholique est habituée à ces épreuves et la grâce de Dieu nous aidera à soutenir de pied ferme toutes les épreuves. Ce sont des difficultés momentanées dont le Seigneur et la prudence triompheront. La Mission du Djebel Nouba deviendra florissante sous l'égide du Sacré-Cœur de Jésus en surmontant ces difficultés et ces épreuves, par où les œuvres de Dieu doivent passer.


[3917]
Indépendamment de l'avantage de la proximité d'El-Obeïd - en effet cette mission est seulement à 4 ou 5 jours - l'argument le plus important en faveur de l'établissement de la Mission parmi les Nouba, c'est le caractère, le naturel et les qualités de ce peuple qui est de loin dans une situation meilleure que celle des habitants des anciennes Missions de la Sainte Croix et de Gondocoro sur le Fleuve Blanc et d'autres tribus, que j'ai connus en Afrique Centrale.


[3918]
Tout d'abord, ces habitants ne sont pas des nomades, ils ont une habitation fixe dans ces montagnes; bien qu'ils soient peu travailleurs et qu'ils se contentent de cultiver un petit lopin de terre qui leur fournit tout juste les provisions nécessaires pour toute l'année, (et par ailleurs ils n'ont pas beaucoup d'autres occupations) il faut cependant considérer qu'il s'agit bien d'un travail, alors que d'autres tribus que je connais négligent même cela.

Deuxièmement, ces gens ont du bon sens, du jugement, ils sont très réfléchis et attentifs. En un mot ils sont très doués, ils comprennent les choses comme elles sont, et ils ne se font pas facilement duper par leurs ennemis.

De plus, il règne parmi les habitants de chaque montagne une admirable unité; ils se prêtent réciproquement main-forte face aux dangers et ils s'entraident en cas de maladie et de pauvreté. Il n'y a presque jamais d'altercations entre eux, et on peut dire que le genre de vie est patriarcal.


[3919]
Enfin ici les mœurs sont très saines; et bien que toutes les femmes soient nues et qu'il soit très rare qu'elles aient un bout de chiffon pour se couvrir, d'après ce que racontent nos Missionnaires qui se trouvent ici depuis de nombreux mois, les yeux bien ouverts pour étudier le pays, il n'y a jamais eu de problèmes de moralité. Ce qui est beaucoup plus rare en Europe. Même nos deux Sœurs de Saint Joseph ont admiré cela.

Il faut aussi remarquer la soumission et l'obéissance qu'ils manifestent à l'égard du Cogiour Kakoum, Chef absolu temporel et spirituel de leurs destins.

Les habitants de Delen semblent appartenir à une seule et même famille pacifique. Nous avons tous été frappés par cette admirable harmonie. Ce Chef Kakoum n'a pas de mandat héréditaire, ni de police, ni de préfecture, ni de tribunal. Il n'a pas de force militaire et il n'y a ni loi, ni code, ni punitions; pourtant il gouverne pacifiquement tout le monde, il maintient l'ordre, tous ont recours à lui et sont tranquillisés après avoir entendu sa sentence et son jugement. Il n'entreprend rien sans rassembler le conseil des anciens, lesquels traitent et discutent avec beaucoup de sagesse de chaque petite affaire, ce qui est étonnant pour nous.


[3920]
Peut-être que dans quelques années, si Dieu le veut, il ne sera pas impossible d'appliquer ici, pour l'activité missionnaire, le sage système des célèbres Réductions du Paraguay conçues par la grande piété et la profonde sagesse des Pères Jésuites qui ont établi chez les Américains la Mission la plus florissante du monde, mais qui a été détruite avec brutale perfidie par la politique impie pro Bismarck du Ministre Portugais Pombal, ou plus exactement par la secte maçonnique du siècle dernier.


[3921]
Voilà les raisons (outre la raison principale qui est que la Sacrée- Congrégation m'a ordonné de fonder la Mission du Djebel Nouba), pour lesquelles il me semble opportun de fonder ici la première Mission des Nouba.


[3922]
Je ne suis pas découragé par les obstacles suivants:

1. La quasi nudité des habitants, et spécialement des femmes de tous les âges.

Sur 100 hommes, seuls un ou deux auront un bout de tissu. Mais il n'y a qu'une ou deux femmes sur 300 qui ont les parties intimes recouvertes. Voici donc l'immense utilité des Sœurs et la nécessité d'introduire la culture du coton qui peut pousser facilement sur ces terres.


[3923]
2. Les superstitions en tout genre, la croyance dans l'Ocuru ou esprit, qui prend, pendant des périodes déterminées, possession des Cogiours (comme je l'ai vu de mes propres yeux) qui devinent vraiment certaines choses du futur, comme la pluie... bien qu'ils devinent en réalité peu de choses. C'est pour cela que parfois les Cogiours savent dire, et ils l'ont dit aux Missionnaires et à moi-même: "Cette fois l'esprit nous a menti et il nous a dupés".

3. Le caractère de ces habitants: ils sont très peu nombreux à faire quelque chose pour nous sans récompense et souvent ils ne tiennent pas leurs promesses, bien qu'ils aient honte quand on le leur fait remarquer.


[3924]
4. Les menaces fréquentes des arabes Baggaras Omour, d'autres nomades musulmans et parfois des habitants de certaines de ces montagnes, qui enlèvent des personnes des deux sexes et qui, la nuit venue, maraudent dans les champs cultivés. Mais il n'y a pas de doute que ces ennemis ont très peur de notre Mission parce qu'ils croient qu'elle a à son service non seulement le Gouvernement du Cordofan mais aussi des forces à elle, car nous possédons des fusils et des munitions.

Je crois donc que la Mission de ce point de vue aura une influence positive pour les Nouba. En effet, depuis que la Mission s'est installée à Delen, les Baggaras n'ont jamais touché un enfant, ou un champ des Nouba, à l'exception d'une seule personne qui a été blessée dans une campagne lointaine et que nous avons soignée.


[3925]
Malgré tous ces obstacles je suis sûr que la Mission s'enracinera solidement, d'autant plus que nous sommes certains que les Nubiens enverront leurs enfants à l'école, comme le grand Chef et beaucoup d'autres l'ont fait jusqu'à présent.


[3926]
Mais pour ouvrir des écoles régulières, il faut que les Missionnaires et les Sœurs connaissent la langue nubienne; c'est le travail le plus important auquel nous nous consacrons tous actuellement, nous avons déjà appris beaucoup de mots, surtout avec l'aide du Chef qui connaît assez bien l'arabe des Giallaba et qui est très intelligent.


[3927]
Le travail de la Mission consiste donc actuellement à bien apprendre la langue nubienne pour pouvoir ouvrir une école, faire le catéchisme et prêcher l'Evangile, fournir les moyens nécessaires afin que, petit à petit, les habitants et surtout les femmes puissent s'habiller, et pour que la population soit fidèle et favorable à la Mission grâce au bon exemple et à la charité des Missionnaires et des Sœurs. Il faut également préparer tous les éléments nécessaires au saint ministère apostolique parmi ces infidèles. J'espère que le Seigneur nous donnera en abondance son aide divine, qui ne manquera certainement jamais.


[3928]
Je devrais dire ici deux mots de l'histoire des Nouba, qui intéresse la Religion, mais je le ferai une autre fois. Je dirai seulement que ce peuple, qui était très nombreux, a été plus que décimé par les attaques des mandataires des gouverneurs égyptiens du Cordofan, surtout à l'époque de la conquête du Soudan par les armées égyptiennes de Mohamed Ali en 1822 sous la conduite du cruel Defterdar et d'Ismaïl Pacha, fils du Vice-Roi qui est mort à Scendi. Ils en ont massacré une grande partie, et beaucoup ont été amenés comme esclaves dans le Cordofan et en Egypte.

Les Nouba ont été décimés de 1834 à 1844 par les gouverneurs du Cordofan, Rustan Bey, Mohanmmed Bey, Mustafa Bey et Mussa Bey. Ils ont également été décimés par les invasions continuelles des Giallaba ou marchands d'esclaves qui, chaque année et jusqu'en 1870, ont conduit des esclaves par milliers dans le Cordofan, en Nubie et en Egypte.

J'ai constaté que c'est la raison principale pour laquelle les Nubiens détestent l'Islam. Ainsi en dépit des Ulémas, des Muftis et des Fakis (marabouts) musulmans qui ont été envoyés parmi eux (c'est ce que fait toujours le gouvernement Egyptien au Soudan) pour leur faire embrasser la religion du faux Prophète, les Nouba ont toujours rejeté l'Islam avec mépris, et beaucoup d'entre eux ont préféré même la mort, plutôt que de l'accepter.


[3929]
Les Nubiens prétendent être des chrétiens et être les descendants des chrétiens de Nubie (qui s'étend du tropique du Cancer jusqu'à Khartoum et de l'Ouest du royaume de Dongola jusqu'à la Mer Rouge et aux frontières de l'Abyssinie). Ils ont d'ailleurs gardé le nom de Nubiens, et de pays des Nouba.

Mais comme ils ont été privés pendant de nombreux siècles de prêtres, et du ministère sacerdotal, et puisqu'ils se sont mélangés depuis plus de quatre siècles, avec des indigènes fétichistes noirs pleins de superstitions, ils ont perdu toute idée chrétienne, et ils ne conservent qu'une pâle image du Christianisme, croyant toujours en un Esprit qui les dirige, Ocuru, et en un Dieu créateur, Tout-Puissant et Maître de tous, qu'ils appellent Belewto.


[3930]
L'hypothèse que les Nouba soient les descendants des anciens chrétiens de Nubie, contaminés par les erreurs de Dioscore Alexandrin, ne me semble pas improbable.

Jusqu'en 1300, ces chrétiens conservaient encore des Sièges Episcopaux comme celui de l'ancienne Dongola, de Maràui, de Soba, etc. Que cette hypothèse soit assez probable, j'en ai d'importantes preuves historiques et linguistiques depuis que j'ai eu l'idée en 1873 d'envoyer au Djebel Nouba les premiers explorateurs guidés par le Père Carcereri. Je prouverai et je développerai cette hypothèse dans un petit ouvrage que j'ai l'intention d'écrire petit à petit sur l'histoire du Christianisme en Nubie et dans les pays voisins, et que j'enverrai à votre Eminence.


[3931]
Les catholiques du Vicariat sont actuellement 500 environ, la plupart étant des indigènes, de nombreux orientaux de tous les rites et quelques Européens.

Le plus grand nombre se trouve à Khartoum et dans le Cordofan. Cette année, 56 adultes ont été baptisés. Je dois faire remarquer à Votre Eminence qu'actuellement notre principale tâche est de préparer le matériel et les établissements nécessaires pour bien consolider la Mission.

En vertu d'un décret spécifique, j'ai adopté dès 1873 comme texte commun dans tout le Vicariat et ce, jusqu'à nouvel ordre, le Catéchisme arabe de Monseigneur Valerga, Patriarche de Jérusalem, qui me semble le meilleur de tous ceux que j'ai pu voir.


[3932]
Les revenus du Vicariat, du 1er juin 1874 à aujourd'hui, accrus par les Sociétés bienfaitrices d'Europe, par mes bienfaiteurs privés et par des biens immobiliers, s'élèvent à 109.473 francs nets, avec lesquels de nombreuses expéditions très coûteuses ont été faites, et tous les établissements du Vicariat et les petits Instituts du Caire ont pu vivre.

Malgré les importantes pertes subies par la grande expédition conduite par le Père Carcereri, le Vicariat n'a aucune dette, ni en Europe, ni en Egypte, ni au Soudan, à l'exception de 960 francs avec mon Procureur du Cordofan.



Personnel du Clergé

Prêtres Missionnaires européens

Membres de l'Institut des Missions pour la Nigrizia de Vérone



Mission principale de Khartoum




[3933]
1°. Abbé Daniel Comboni, Pro-Vicaire Apostolique, né à Limone (diocèse de Brescia) le 15 mars 1831, venu en Afrique Centrale en 1857.

2°. Abbé Pasquale Fiore, Chanoine de Corato (Diocèse de Trani), Supérieur et Curé de Khartoum, et pendant mon absence, mon représentant; âgé de 35 ans, dans la Mission depuis 1870.

3°. Abbé Salvatore Mauro, du Diocèse de Trani, 40 ans, dans la Mission depuis 1872.

4°. Abbé Paolo Rossi, de Vérone, 26 ans, Chancelier et mon Secrétaire; dans la Mission depuis 1874.

Il y a aussi un excellent jeune maronite de 24 ans qui écrit mon courrier en arabe.



Mission du Cordofan




[3934]
5°. Abbé Giovanni Losi , du Diocèse de Piacenza, âgé de 37 ans, Supérieur et Curé d'El-Obeïd, dans la Mission depuis 1872.

6°. Abbé Stefano Vanni, du Diocèse de Trani, âgé de 39 ans, dans la Mission depuis 1872.

Il y a ici trois excellents séminaristes étudiants en théologie:

1. Abbé Annibale Perbellini, en troisième année de théologie, dans la Mission depuis 1873.

2. Abbé Carmino Loreto, en première année de théologie.

Abbé Vincenzo Marzano, en première année de théologie.



Mission du Djebel Nouba




[3935]
7°. Abbé Luigi Bonomi , du Diocèse de Vérone, âgé de 34 ans, Supérieur.

8°. Abbé Gennaro Martini, de Turin, âgé de 32 ans, Vicaire Paroissial.

Ils sont tous les deux dans la Mission depuis 1874.

Il y a ici deux autres prêtres Camilliens.



Mission de Berber



Liste des Prêtres réguliers des Ministres des Infirmes, dits Camilliens:

9°. Père Stanislao Carcereri, de Vérone, Supérieur, 35 ans, dans la Mission depuis 1867.

10°. Père Giuseppe Franceschini, 29 ans, de Treviso, dans la Mission depuis 1867; actuellement au Djebel Nouba.

11°. Père Giovanni Batta Carcereri, de Vérone, Curé, âgé de 46 ans, dans la Mission depuis 1874.

12°. Père Alfonso Chiarelli, de Ceneda, 33 ans, dans la Mission depuis 1874, actuellement au Djebel Nouba.

13°. Père Camillo Bresciani, de Vérone, 25 ans, dans la Mission depuis1874.

Il y a aussi le Frère Giuseppe Bergamaschi qui a pris l'habit religieux au Caire sous l'égide du Père Carcereri, âgé de 40 ans.



Etablissement de Berber

Membres de l'Institut des Missions pour la Nigrizia de Vérone



14°. Abbé Bortolo Rolleri, du Diocèse de Piacenza, Supérieur des Instituts des Noirs en Egypte, âgé de 35 ans, dans la Mission depuis 1869.

15°. Abbé Domenico Noia, du Diocèse de Trani, âgé de 37 ans, dans la Mission depuis 1874.


[3936]
Dans chaque Mission, il y a de nombreux Frères Coadjuteurs excellents laïques, versés dans les arts et métiers, parmi lesquels le très valeureux vétéran de la Mission, Auguste Wisnewsky du Diocèse d'Ermeland en Prusse, arrivé au Vicariat en 1856 et qui ne l'a plus quitté depuis. Habile artisan et très doué pour les langues, âgé de 55 ans, il sert comme Missionnaire. Il y a aussi de nombreuses Institutrices noires éduquées dans l'Institut Mazza de Vérone, qui sont très utiles pour la catéchèse et pour les travaux féminins.


[3937]
Enfin, les Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition assistent le Vicariat avec la puissante activité de la femme catholique.

J'ai réussi à obtenir une Mère Provinciale, ou Supérieure Principale du Soudan; elle réside à Khartoum et elle exerce la juridiction sur toutes les Sœurs du Vicariat.

Il s'agit de Sœur Emilienne Naubonnet, qui a été pendant 30 ans Supérieure en Orient. J'ai établi une Convention avec les Sœurs de Saint Joseph, approuvée par la Sacrée-Congrégation de Propaganda Fide et jusqu'à présent je l'ai respectée à la lettre. Mais les Sœurs sont peu nombreuses par rapport aux besoins du Vicariat. En effet, il y a:

4 Sœurs à Khartoum

2 Sœurs au Caire

3 Sœurs au Cordofan

2 Sœurs au Djebel Nouba (provisoirement)


[3938]
J'ai moi-même accompagné ces deux dernières pour qu'elles préparent la maison pour un Institut de Sœurs, et j'ai l'intention de les raccompagner lors de mon retour dans le Cordofan car il n'est pas prudent de laisser deux Sœurs seules dans une région si éloignée. Quand les Sœurs promises arriveront, elles s'installeront alors formellement aussi au Djebel Nouba.


[3939]
Dans le Vicariat j'ai d'excellents rapports avec toutes les autorités gouvernementales turques qui nous ont aidés et appuyés en toutes circonstances. Evidemment, les Turcs, les Egyptiens et les Pachas n'agissent pas par amour, mais par intérêt politique; s'ils le pouvaient, ils mangeraient vivants tous les chrétiens! Mais alors qu'ils appliquent la politique, nous faisons de même; nous répondons à leur politique, qui est celle de Bismarck, de Goreschakof, de Palmeston et de Napoléon III, par la politique vraiment chrétienne du Pape, du Cardinal Antonelli et des Nonces Apostoliques.


[3940]
La Mission catholique jouit également d'un grand crédit auprès de tout le monde, tant des infidèles que des chrétiens et des catholiques.

Les nouvelles conquêtes égyptiennes de l'empire du Darfour, de l'Equateur et des Sources du Nil pourront nous permettre de nous installer dans ces régions quand nous aurons plus de personnel, car j'ai d'excellents rapports avec les Chefs suprêmes de ces expéditions et avec les autorités musulmanes et anglicanes qui sont sur place.


[3941]
Voilà donc tout ce que je peux vous dire sur l'état général de cet immense Vicariat. Si Votre Eminence jette un regard sur la situation pitoyable dans laquelle se trouvait cette importante Mission il y a trois ans, quand le Saint-Siège a bien voulu le confier à mon Institut de Vérone, et si vous la comparez avec la condition dans laquelle elle se trouve aujourd'hui, vous devez vous convaincre que le Seigneur a largement donné ses bénédictions, et que les Cœurs très doux de Jésus, de Marie et de Saint Joseph nous ont aidés dans notre faiblesse. Dieu veut sauver la malheureuse Nigrizia.


[3942]
Maintenant, il nous reste beaucoup de travail à accomplir, beaucoup de dangers à surmonter et d'innombrables croix à porter. Mais nous ne parviendrons à la victoire qu'en travaillant durement.

Le Christ est ressuscité après avoir subi la mort sur la Croix. Qu'il nous aide à mourir pour lui et pour le salut de la malheureuse Nigrizia pour laquelle aussi il est mort sur la Croix.


[3943]
En vous priant humblement de demander pour nous la bénédiction du Saint- Père qui, avec son éloquent exemple, nous apprend à souffrir pour l'Eglise et pour les âmes, j'embrasse Votre Pourpre Sacrée et je me déclare dans les Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie



votre humble, obéissant et indigne fils

Abbé Daniel Comboni

Pro-Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale






624
Card. Alessandro Franchi
0
Delen
10.10.1875
N° 624 (594) AU CARDINAL ALESSANDRO FRANCHI

AP SC Afr. C., v. 8, ff. 377-379



Vive Jésus, Marie et Joseph!

n°.10

Delen (Djebel Nouba), le 10 octobre 1875



Eminent et Révérend Prince,



[3944]
J'ai l'honneur de vous envoyer le rapport ci-joint sur le Vicariat de l'Afrique Centrale. En tenant compte de la bonne quantité de provisions que j'ai envoyée cette première année au Djebel Nouba alors que je ne connaissais pas encore les ressources locales, il m'a semblé que pour soutenir la Mission des Nouba, il était nécessaire de tout faire venir d'El-Obeïd et de Khartoum pour nourrir les Missionnaires. C'est une erreur, que je vous avais écrite dans ma lettre N°. 9. Erreur que je suis heureux de rétracter par amour de la vérité. Maintenant que j'ai tout vu de mes propres yeux et que j'ai tout observé minutieusement, je suis convaincu que, pour faire vivre la Mission, nous pouvons obtenir presque tout le nécessaire de ces terres en les cultivant, sauf les vêtements et quelques autres choses d'Europe. On peut trouver ici beaucoup de ce qui est nécessaire pour vivre. Cette mission peut coûter proportionnellement moins que les autres. Que le Seigneur soit béni.


[3945]
Je vous demande maintenant une grâce: je prie votre bonté de daigner me donner la permission d'aller au Caire et en Europe pour les raisons suivantes, qui sont très importantes pour le bien de l'Afrique Centrale:

1°. Comme je l'ai écrit l'autre fois à Votre Eminence, Son Altesse le Khédive d'Egypte nous a donné (comme à d'autres aussi) un terrain pour y construire deux établissements au Caire afin d'y acclimater les Missionnaires et les Sœurs du Vicariat. Mais il me l'a donné (comme aux Franciscains) à la condition que nous dépensions 50.000 francs pour la construction dans une période de 18 mois. Jusqu'à présent, nous n'avons dépensé que 16.000 francs et la période des 18 mois prend fin en mars 1876. Il s'agit maintenant d'obtenir du Vice-Roi ou de l'administration une prorogation, ce qui me serait facile car j'ai beaucoup de relations à un haut niveau en Egypte, mais ce serait très difficile pour mon représentant, l'Abbé Bartolomeo Rolleri, Supérieur de mes Instituts du Caire, d'obtenir cette grâce car il n'a pas les ressources et les moyens que je possède.


[3946]
2°. A Vérone, comme je vous l'ai déjà écrit, j'ai un Institut de Sœurs fondé par Monseigneur Canossa et moi-même pour la Nigrizia, et il y a des Sœurs qui sont déjà prêtes pour venir en Afrique Centrale. Mais je ne peux pas décider si je dois céder l'Institut de Vérone aux Sœurs de Saint Joseph, ou bien faire venir séparément dans le Vicariat mes Sœurs de Vérone, sans, auparavant, en parler sérieusement avec l'Evêque de Vérone et soumettre la décision finale à Votre Eminence. D'ailleurs, Monseigneur Canossa ne peut pas régler cette affaire sans moi et je ne peux le faire sans lui. Cette importante affaire pour le Vicariat me préoccupe tant qu'une décision ne sera pas prise.


[3947]
3°. J'ai besoin d'aller à Vienne pour encourager le Comité de la Société de Marie qui a reçu un coup fatal avec la mort du Baron de Spens, qui était l'âme de cette Œuvre. Le Comité de Vienne est de la plus haute importance pour le Vicariat, pas uniquement pour l'argent qu'il donne, mais aussi parce que son existence maintient le protectorat de l'Empire sur l'Afrique Centrale, même face au Cabinet franc-maçon des affaires étrangères.


[3948]
4°. J'ai de nombreuses affaires à régler, des conseils à prendre et des problèmes importants à traiter avec Votre Eminence et avec la Sacrée- Congrégation. J'ai besoin d'échanger sur de nombreux sujets avec Votre Eminence afin de bien conduire ma grande Œuvre, et je peux difficilement le faire par écrit. Ici, il n'y a personne a qui demander conseil. L'endroit le plus proche pour demander un conseil serait l'Egypte, c'est-à-dire à quatre mois de voyage. Ici, je n'ai que mes compagnons. Nous sommes les théologiens mais aussi tout le reste.


[3949]
Je serais donc heureux si vous m'accordiez la grâce demandée qui ne concerne que le bien du Vicariat. Cela me permettrait aussi de me reposer un peu et de soigner ma santé, car trois ans passés en Afrique Centrale fatiguent davantage que 12 ans en Inde.


[3950]
Tout en me réservant les affaires les plus importantes, je pourrais laisser à Khartoum, en tant que mon Représentant dans le Vicariat, le bon Chanoine, l'Abbé Pasquale Fiore; c'est un homme prudent, avisé et tout à fait capable de me représenter comme je le souhaite.

Je vous transmets humblement ma prière, toujours prêt à obéir à votre volonté car vous êtes l'interprète des volontés divines. J'embrasse votre Pourpre Sacrée et je me déclare avec une grande vénération



votre humble, déférent et indigne fils

Daniel Comboni

Pro-Vicaire Apostolique






625
Rapport Com. Marienverein
0
Delen
15.10.1875
N° 625 (595) - RAPPORT AU COMITE

DE MARIENVEREIN

ACR, A, c. 12/13



Delen, le 15 octobre 1875



[3951]
Quand le Saint-Siège a daigné nous confier à moi-même et à l'Institut que j'ai fondé à Vérone la direction du Vicariat Apostolique, la Mission catholique n'existait qu'à Khartoum, où deux Pères de l'Ordre Franciscain et deux laïques s'occupaient des catholiques.

Depuis l'année 1872, c'est-à-dire en trois ans seulement, après la consécration de tout le Vicariat au Sacré-Cœur de Jésus, la Mission s'est consolidée à Khartoum et elle s'est développée grâce à un magnifique établissement de Sœurs pour l'instruction féminine et pour les soins aux malades; mais Dieu a voulu qu'elle s'étende aussi jusqu'à Berber, au Cordofan et parmi les lointaines tribus des Nouba. A vrai dire, ici et là, il y a eu de très nombreux obstacles mais Dieu a béni les efforts des Missionnaires apostoliques dont le cri de guerre est: "Ou la Nigrizia, ou la Mort", c'est-à-dire: ou la conversion de la Nigrizia ou bien mourir.



1. KHARTOUM




[3952]
Mon premier souci après ma nomination comme Pro-Vicaire apostolique par la grâce de Pie IX a été de consolider les deux Missions principales du Vicariat, Khartoum et El-Obeïd dans le Cordofan.

Khartoum est le siège des autorités suprêmes égyptiennes, le siège du Consul austro-hongrois, le centre naturel de tout le commerce dans le Soudan, la base des opérations et le centre d'où peut être diffusé l'Evangile en remontant le Fleuve Blanc jusqu'à l'Equateur, et au-delà comme dans les régions orientales.


[3953]
Je ne parle pas maintenant de la Mission de Khartoum et de sa prospérité à tous les niveaux, parce que l'an dernier j'ai envoyé au Comité un compte-rendu sur cet aspect. Je veux seulement faire remarquer que la grande construction de l'établissement féminin est arrivée à un tel stade, qu'elle sera finie avec une dépense supplémentaire de 4.000 ou 5.000 francs, un résultat digne de la construction de mon prédécesseur le défunt Dr. Ignazio Knoblecher.

Le jardin contigu nourrit non seulement les membres de la Mission avec les fruits et les légumes produits en quantité suffisante, mais il nous rapporte aussi 1.000 francs par an grâce à la vente de dattes, de grenades, de citrons, de bananes, etc. La Mission doit la maison et le jardin aux dons généreux de la Société de Marie à Vienne et à la munificence des fervents catholiques de l'empire austro-hongrois.



2. CORDOFAN




[3954]
Je ne veux dire que quelques mots au sujet de la Mission d'El-Obeïd (capitale du Cordofan), car de nombreuses informations ont déjà été fournies dans mon dernier rapport annuel.

Jusqu'à présent, le Cordofan est la Mission la plus féconde du Vicariat, car même si nous avons dû nous occuper tout d'abord des constructions et d'autres travaux préparatoires, nous n'avons pas négligé les constructions spirituelles.

50 adultes ont été acceptés au sein de l'Eglise catholique cette année et en une seule journée, le 21 juillet 1875, j'ai baptisé et confirmé 17 adultes


[3955]
Deux Instituts existent également à El-Obeïd; ils sont séparés par la route principale (Derb el Sultanie), une partie est réservée aux Missionnaires et l'autre aux Sœurs de Saint Joseph. L'édifice de cet Institut, comme celui de l'église, est construit selon la tradition du pays, en pisé. Si nous trouvons plus tard les moyens nécessaires, je reconstruirai l'église et les dortoirs en briques cuites.


[3956]
El-Obeïd, avec plus de 100.000 habitants, est très apte à recevoir une Mission, tout d'abord en raison du climat qui est assez salubre, mais aussi parce que cette ville est une étape pour porter la Foi dans le royaume voisin du Darfour. Ce royaume, récemment conquis par les troupes égyptiennes et par le Gouverneur Général du Soudan, Ismaïl Ayoub Pacha, a été partagé en quatre (sic) grandes provinces ou Muderies. Ici, le climat est agréable et meilleur que celui de Khartoum.



3. BERBER




[3957]
La ville de Berber a environ 30.000 habitants, presque tous des musulmans, avec quelques Coptes et Grecs schismatiques, il y a très peu de catholiques et un grand nombres d'esclaves noirs.

C'est le siège du Gouvernement de cette vaste Province qui a le même nom que la ville. Berber est à environ 10 jours de voyage au Nord de Khartoum, ce qui en fait un lieu de repos apprécié par les membres de la Mission qui arrivent à Berber après un pénible voyage d'environ 50 jours à partir du Vieux Caire.

Le bien méritant Pro-Vicaire Knoblecher avait déjà eu l'intention d'ériger une Mission à Berber, je suis content d'avoir réalisé ce saint et sage projet. Le récit de cette fondation est dans le rapport annuel de 1874 à la page 5.



4. DJEBEL NOUBA




[3958]
Depuis longtemps, lorsque j'étais à Khartoum, j'avais entendu dire qu'au Sud-Ouest du Cordofan vivait une tribu dont l'intelligence et la sagacité dépassent celles des habitants du Fleuve Blanc. Je m'étais déjà occupé de ce peuple qui s'appelle "Nouba" pendant ma formation dans l'Institut de l'illustre Abbé Mazza à Vérone dans les années 1849 et 1850 durant lesquelles j'ai bien connu l'excellent Nubien Bachit Caenda.


[3959]
Ce Noir, au service de la famille du célèbre et savant orientaliste le Comte Miniscalchi de Vérone, était le modèle parfait du vrai catholique et il me parlait souvent de sa patrie Djebel-Nouba, en disant qu'il y avait des montagnes et des prairies, un bon climat et beaucoup d'habitants. Pendant plus de 20 ans j'ai pensé à la terre Nouba, en disant des centaines de fois au bon Bachit Caenda: "J'espère que Dieu me donnera la grâce de porter la Foi catholique dans ta patrie et de gagner les tribus des Nouba à Jésus-Christ notre Sauveur ".


[3960]
Quand je suis venu au Cordofan en 1873 pour y ériger canoniquement la Mission, un de mes premiers soucis à été de recueillir des renseignements sur les tribus voisines des Nouba, et Dieu m'a indiqué le chemin à suivre de façon, dirais-je, presque miraculeuse. Le 16 juillet 1873, jour consacré à Notre Dame du Carmel, quand nous sommes sortis de notre petite église d'El-Obeïd à huit heures du matin après l'adoration du Très Saint-Sacrement (j'ai introduit l'adoration du Très Saint-Sacrement pour la "conversion des Noirs" en 1868 dans mes Instituts du Caire et plus tard dans toutes les Missions), un petit groupe de Nouba guidé par Saïd-Aga, un des chefs les plus importants de ces tribus, est arrivé pour me rendre visite. Il y avait avec eux deux messieurs coptes, desquels ils avaient appris que je souhaitais avoir des informations précises sur les Nouba.


[3961]
Puisque Bachit Caenda m'avait appris plusieurs expressions, j'ai pu les utiliser et ainsi je me suis convaincu qu'ils étaient vraiment des Nouba.

Je leur ai montré notre église, l'atelier, les outils et j'ai exprimé à Saïd-Aga ma ferme décision de fonder une Mission parmi les Nouba. Je l'ai donc prié de parler de mon projet aux Chefs les plus importants du lieu et de pousser l'un d'entre eux à venir à El-Obeïd pour que nous prenions des accords précis. Saïd-Aga a transmis mon message et, le 24 septembre, le Grand Chef de Delen, appelé Cogiour Kakoum, s'est présenté après avoir remis le tribut annuel au Pacha du Cordofan. Encore une fois la visite a coïncidé avec une fête de la Vierge et à l'heure où nous sortions de l'église après l'adoration.

Le Cogiour Kakoum était accompagné de 20 Nubiens. Après avoir brièvement parlé avec moi et visité tout l'établissement à sa plus grande satisfaction, il m'a invité à aller dans son territoire pour y construire une église et fonder une Mission catholique, en me promettant tout son appui.

Je me suis donc décidé à aller moi-même chez les Nouba tout de suite après la saison des pluies, et j'ai informé mes Missionnaires de Khartoum de cette décision.


[3962]
Le Père Stanislao Carcereri, qui résidait à Khartoum en tant que Vicaire Général, m'a prié avec insistance de le charger de cette mission parmi les Nouba, et cela avant son départ pour l'Europe afin de pouvoir lui-même en parler en tant que témoin oculaire à la Sacrée-Congrégation de Propaganda Fide à Rome.

J'ai accepté et je lui ai ordonné de venir immédiatement à El-Obeïd, accompagné du bon et expérimenté vétéran de la Mission catholique, Monsieur Auguste Wisnewsky, laïc du diocèse d'Ermeland, appartenant à notre Mission depuis 1856.


[3963]
A leur arrivée à El-Obeïd, j'ai décidé d'envoyer au Djebel Nouba Monsieur Wisnewsky et le Père Franceschini sous la direction du Père Stanislao Carcereri. Ils sont partis le 16 octobre et sont arrivés rapidement à la première montagne des Nouba, c'est-à-dire à Djebel Nouba ou Uarco. Ils ont parlé avec le Chef Cogiour Kakoum et ils sont retournés à El Obeïd 13 jours après. Le Père Stanislao m'a fait un rapport que j'ai tout de suite envoyé à Propaganda Fide.

Le Père Carcereri est ensuite allé lui-même à Rome et il a donné de vive voix encore quelques informations supplémentaires. Ce que Propaganda Fide a décidé a été indiqué dans le rapport annuel de l'an dernier (p.1). Pareillement, il a été mentionné (p.3) que le 31 mars 1875, les Missionnaires Luigi Bonomi, Gennaro Martini et Domenico Polinari sont arrivés sans encombres à Djebel Nouba et ont été reçus avec joie par le grand Chef Kakoum, j'ai été invité moi aussi par lui-même à lui rendre visite.


[3964]
Le Supérieur de cette Mission, l'Abbé Luigi Bonomi, membre de l'Institut Missionnaire de Vérone, s'est installé avec ses compagnons près de la résidence du grand Chef; il a ensuite construit, non sans vaincre de nombreux obstacles, un ensemble de cabanes selon la tradition du pays, entourées par une zeriba (haie), qui peuvent servir comme chapelle et habitation, mais aussi comme salles de classe et, plus tard aussi comme habitations pour les Sœurs et pour l'école féminine.

Le premier travail a été d'explorer le pays, de connaître les gens et d'apprendre leur langue.


[3965]
Cette Mission a autour d'elle une vingtaine de petites montagnes qui entourent en demi-cercle une vaste plaine.

Le territoire des Nouba est entre le 12ème et le 11ème degré de Latitude Nord et entre le 26ème et le 28ème degré de Longitude Est (Paris).

Les habitants, que j'évalue à environ 40.000, sont des infidèles qui détestent l'Islam, et qui, au contraire, sont favorables à la Mission catholique, surtout parce que le Cogiour Kakoum y est très favorable.


[3966]
Notre présence à Delen déplaira à plus d'un gouverneur du Cordofan et il faudra s'attendre ainsi à plusieurs tempêtes, mais ce sont des difficultés qui passent et nous espérons que la Mission, sous la protection du divin Cœur de Jésus, fleurira et prospérera.

Même si l'on ne tient pas compte du bon emplacement de cette nouvelle Mission qui n'est qu'à 5 jours de voyage (à dos de chameau) de celle d'El-Obeïd, le caractère des Nubiens, qui est bien meilleur que celui des habitants des anciennes Missions de la Sainte Croix, de Gondocoro et des autres tribus du Fleuve Blanc, milite en faveur de cette fondation.


[3967]
Les Nouba ont l'avantage, pour les missionnaires, de ne pas être nomades, ils ont des habitations stables. Même s'ils ne sont pas très travailleurs, comme nous le remarquons en Europe, ils le sont beaucoup plus que les tribus le long du Fleuve Blanc et ils cultivent leurs terres pour avoir la nourriture nécessaire pour toute l'année. En outre, les Nouba "ont une tête", c'est-à-dire, qu'ils pensent et qu'ils réfléchissent; en parlant avec eux on a souvent l'impression de discuter avec des Européens cultivés, et ils ont le sens du devoir et de l'estime pour le Prêtre.

Ils ont aussi d'autres qualités: ils sont unis, s'aident mutuellement et risquent leur propre vie dans les dangers communs. Entre eux il n'y a presque jamais de querelles et on peut dire qu'ils mènent une vie patriarcale.


[3968]
La moralité qui prévaut ici est supérieure à celle des autres tribus.

Bien que les jeunes filles soient presque toutes quasiment nues, et qu'il soit très rare que l'une d'entre elles ait un bout de chiffon pour se couvrir, nos Missionnaires qui sont parmi les Nouba depuis de nombreux mois afin d'étudier en profondeur le pays, n'ont jamais remarqué parmi eux la moindre immoralité.

Il faut aussi remarquer la soumission et l'obéissance qu'ils ont envers leur grand Chef Kakoum qui est leur souverain spirituel et civil. On croit avoir affaire à une unique et paisible famille, ce qui nous a vraiment frappés tous, les Missionnaires comme les Sœurs qui étaient avec nous.


[3969]
Ce Chef n'a pas de police, ni de tribunal criminel. Il n'y a pas de loi, pas de militaires, et pourtant il gouverne tout le monde pacifiquement, tous font appel à lui pour régler les petites querelles et ils lui obéissent; les coupables subissent avec patience la peine qu'il inflige. Mais ce Chef n'entreprend rien d'important sans réunir le Conseil des anciens du peuple. Ces derniers se rassemblent et assis sous un arbre (Adansonia), ils discutent et traitent chaque petite affaire avec une maturité et une sagesse vraiment étonnantes. J'ai été plusieurs fois le témoin oculaire de ces assemblées.

Voilà les raisons les plus importantes qui nous font espérer que cette première Mission parmi les Nouba sera prospère. Plus tard, quand elle sera bien enracinée, peut-être pourrons-nous aller de l'avant selon le modèle des "Réductions du Paraguay ".

Il y a aussi des obstacles de toute sorte, les plus importants sont les suivants:


[3970]
1) La quasi-totale nudité de la population et surtout des femmes. Les Nouba croient étrangement que les femmes habillées ne peuvent pas avoir d'enfants. Sur cent hommes on n'en trouve presque aucun qui couvre d'un bout de tissu ou de peau les parties du corps qui doivent être recouvertes.

Parmi les femmes, c'est encore pire; il n'y en a qu'une sur 200 qui porte sur le corps un bout de tissu en coton. Les Sœurs sont donc vraiment nécessaires ici pour éduquer les filles et les femmes. A travers la culture du coton, qui pousse sûrement ici, on pourra avoir de meilleurs vêtements.

2) Il y a une superstition grossière et parfois très bizarre. Ils croient en un esprit qu'ils appellent Ocuru (correspondant à peu près à notre ogre) et qui prend souvent possession du Grand Chef et des autres Chefs. Cet esprit devine beaucoup de choses, mais il "ment" aussi souvent.


[3971]
3) Le caractère des Nouba fait aussi problème. Ils ne font rien pour nous sans récompense, même s'ils nous avaient assuré qu'ils nous aideraient. Ils nous tiennent pour de grands seigneurs ou des Lords anglais.

4) Les menaces fréquentes des voisins arabes Baggaras nomades et parfois même des habitants de ces montagnes, qui viennent souvent pour voler et tuer. Mais ces ennemis craignent la Mission parce qu'ils croient que les Missionnaires ont à leur service non seulement le Gouvernement Egyptien du Cordofan, mais aussi leurs propres forces militaires. A vrai dire nous ne laissons jamais notre habitation sans surveillance pour la protéger des voleurs, des hyènes et des lions. La Mission rend donc un bon service aux Nouba car depuis notre arrivée jusqu'à aujourd'hui, les habitants de Delen n'ont jamais été attaqués par les Baggaras, ni nous non plus.


[3972]
Malgré tous ces obstacles, je suis sûr que la Mission, sous la protection du Divin Cœur de Jésus, s'enracinera dans cette région, d'autant plus que nous sommes certains que les Nouba ont généralement confiance en nous et qu'ils enverront leurs enfants dans nos écoles, comme l'ont fait jusqu'à présent le Chef Kakoum et d'autres. Mais pour donner une instruction régulière, il faut que nous les Missionnaires et les Sœurs, apprenions bien la langue nubienne. Cette langue, d'après ce que je peux en déduire jusqu'à présent, est beaucoup plus riche que les langues Denka et Bari. Nous avons déjà déchiffré beaucoup de mots surtout avec l'aide de Kakoum qui connaît bien l'arabe du Soudan et qui peut donc nous donner des informations de la meilleure façon possible.


[3973]
Ce serait maintenant le moment de parler de l'histoire probable des tribus Nouba; cependant, je veux le faire plus tard et de façon plus précise. Maintenant je ne veux dire que deux mots sur ce dont je suis sûr.

Les Nouba jadis étaient un peuple très nombreux, mais il a été décimé par les continuelles incursions des envoyés musulmans des Gouverneurs du Cordofan, des Arabes nomades et des perfides Giallaba, ou des marchands turcs. Tous ces assassins et voleurs se présentaient chaque année bien armés, ils tuaient les hommes, enlevaient les garçons et les filles qu'ils conduisaient ensuite sur les marchés aux esclaves d'El-Obeïd, de Khartoum et d'Egypte.


[3974]
Ils formaient ensuite des régiments entiers de soldats avec les garçons enlevés. Cela se faisait depuis longtemps, mais encore plus souvent depuis 1822, après la conquête du Soudan par les troupes égyptiennes de Mohammed Ali, et jusqu'à aujourd'hui.

Les gouverneurs du Cordofan, Rusant Bey, Mustafa Bey et Mohammed Bey se sont acharnés de la façon la plus horrible depuis 1836 jusqu'en 1844.

Le premier des susnommés est arrivé avec des canons et des fusils, il a pillé et détruit tout ce qu'il a pu, a tué les Chefs, parmi lesquels le père du Cogiour Kakoum, a conduit des milliers d'esclaves vers le Cordofan et a formé cinq régiments nubiens avec les jeunes les plus forts, qui se sont ensuite montrés très valeureux. La traite des esclaves n'était alors pas encore abolie par les puissances européennes; aujourd'hui elle l'est, mais seulement sur le papier, car les lois restent lettre morte.

En effet la traite des esclaves est très florissante malgré toutes les lois et les décrets du Khédive d'Egypte qui l'interdisent. Ces interdictions existaient déjà en 1856 sous le Vice-Roi de l'époque, Saïd, mais seulement pendant le jour; la nuit, les esclaves étaient vendus librement et une taxe, pour les caisses du Vice-Roi, était prélevée sur chaque esclave vendu.


[3975]
Je suis convaincu que toutes ces violences des musulmans contre les Nouba constituent la raison principale pour laquelle ils détestent l'Islam. Les Musulmans avaient envoyé de nombreux Muftis, Fakis (Marabouts), Ulémas (leurs missionnaires, comme le fait toujours le gouvernement égyptien après ses conquêtes dans le Soudan) pour leur prêcher l'Islam, mais les Nouba ont rejeté l'Islam avec mépris et parfois ils préféraient même la mort plutôt que de se faire musulmans.


[3976]
Les Nouba affirment qu'ils descendent des chrétiens de la Nubie Supérieure (entre Wady-Halfa et le Cordofan, les déserts occidentaux de Dongola, l'Abyssinie et la Mer Rouge). Il y a plusieurs siècles, ils auraient été repoussés au Sud par les musulmans venus d'Egypte et d'Arabie. C'est pour cela qu'ils ont gardé le nom de "Nouba" et ils prétendent être des chrétiens. Ce n'est pas tout à fait improbable et il y a de nombreux indices historiques et linguistiques sur lesquels je ne manquerai pas de m'étendre plus longuement et plus précisément quand mes Missionnaires et moi aurons fait davantage de recherches.


[3977]
Du reste, après avoir été chassées, ces tribus se sont mêlées aux Noirs idolâtres et elles ont été privées de Prêtres pendant des siècles, ce qui permet de comprendre qu'elles ont perdu toute idée chrétienne à l'exception d'une cérémonie, qu'elles observent à la naissance de chaque enfant; c'est-à-dire. l'immersion du nouveau-né dans l'eau. Ces Nouba croient aussi en un seul Dieu et en un monde d'esprits (les démons). Ils appellent Dieu "Beletwo".


[3978]
Ces quelques informations sur la nouvelle Mission parmi les Nouba, pour le moment, pourraient être suffisantes. J'espère que Dieu bénira nos efforts et que l'illustre Comité de la Marienverein continuera à nous aider par des contributions importantes et à nous garantir, avec son influence morale, la protection nécessaire du gouvernement royal et impérial. Le drapeau de Sa Majesté Apostolique, l'Empereur François Joseph Ier flotte déjà triomphalement ici dans les Missions de Berber, Khartoum et Djebel Nouba au Cordofan. Ce drapeau est honoré et craint par les Turcs et les Noirs d'Afrique Centrale; c'est un symbole de paix, de la Foi catholique et de la puissante protection des Missionnaires dans tout le vaste Vicariat.



5. SCHELLAL




[3979]
Je dois bientôt restaurer aussi la Mission de Schellal afin de pouvoir assister les chrétiens qui sont en train de travailler à la construction de la voie ferrée qui ira jusqu'à Khartoum; elle est déjà construite entre Assouan et Schellal et les travaux ont déjà commencés entre Wady-Halfa et Dongola, etc.

Notre maison de Schellal (construite par le Pro-Vicaire Monseigneur Kirchner) est en excellent état. On pourra, tout autour, y mettre en culture un jardin potager parce que la Mission possède 14 feddan de terrain (environ 50.000 mètres carrés) qui, bien cultivé, suffira à nourrir, dans le futur, le personnel de la Mission. Grâce au chemin de fer, il y aura davantage de chrétiens et les membres de la Mission pourront exercer une activité bénéfique.



6. LES INSTITUTS DES NOIRS

POUR L'AFRIQUE CENTRALE AU CAIRE




[3980]
Des informations concernant ces Instituts ont déjà été données dans les précédents rapports annuels et je ne veux maintenant qu'ajouter une note à propos de leur importance.

Je les ai fondés en 1867. En 1871 j'ai envoyé du Caire où ils s'étaient déjà acclimatés en 1867, deux Missionnaires: Carcereri et Franceschini, pour explorer le territoire et trouver un endroit qui pouvait convenir à la Mission du Cordofan. En 1872, le Saint-Siège m'a confié le Vicariat Apostolique d'Afrique Centrale et, depuis lors 14 prêtres européens sont venus comme Missionnaires; depuis 4 ans pas un seul n'est mort; ils sont tous robustes et en bonne santé, ils travaillent avec beaucoup de zèle dans cette difficile vigne d'Afrique Centrale. C'est sans aucun doute parce qu'ils ne sont pas partis directement d'Europe pour l'Afrique Centrale, mais qu'ils ont pu s'acclimater pendant une longue période au Caire.


[3981]
Pendant cette période d'acclimatation, les Missionnaires peuvent apprendre la langue arabe, les us et coutumes des Arabes et des autres populations.

Ainsi, bien préparés, ils peuvent commencer l'activité missionnaire, alors qu'avant, sous la direction de l'excellent Pro-Vicaire Knoblecher (1848-1858) et de ses successeurs Kirchner et Reinthaller, la plupart des membres de la Mission mouraient peu après leur arrivée à Khartoum, à la Sainte Croix et à Gondocoro.


[3982]
Depuis 1867, tout le personnel de la Mission du Caire devait vivre dans des maisons en location, pour lesquelles je devais payer tous les ans presque 100 napoléons-or. Pour éviter cette importante dépense, j'ai fait en sorte de recevoir en don du Vice-Roi d'Egypte un terrain pour pouvoir y construire deux maisons, une pour les Missionnaires et l'autre pour les Sœurs. Je me suis adressé plusieurs fois en insistant auprès du Consul Général Chevalier Von Schreiner pour obtenir du Khédive ce terrain, mais toujours sans succès. Mais quand le Chevalier Ceschini est devenu Consul Général et agent diplomatique en Egypte, Dieu a béni nos efforts et le Vice-Roi a donné à la Mission un magnifique terrain dans le quartier central du Vieux Caire (quartier Ismaïlia); il fait 3.891 mètres carrés et il est suffisant pour pouvoir y construire les deux Instituts.


[3983]
D'après l'estimation des experts égyptiens du Khédive, la valeur de ce terrain est de 43.000 francs. Je remercie donc de tout cœur le magnanime Vice-Roi et surtout le généreux Consul Général Chevalier Ceschini qui s'est donné tant de mal pour nous procurer ce don précieux!

La construction des deux maisons est déjà commencée et les dépenses faites jusqu'à présent s'élèvent à 22.000 francs et ont déjà été payées. Mais j'ai vraiment besoin de la part des amis de la Mission d'aides financières considérables pour promouvoir et compléter cette œuvre si importante pour le Vicariat.


[3984]
Dans les différentes Missions du Vicariat il y a actuellement 14 Prêtres, 9 Sœurs (de la Congrégation de Saint Joseph), 7 laïques européens comme coadjuteurs, parmi lesquels le bien méritant vétéran de la Mission Monsieur Auguste Wisnewsky, qui est venu à Khartoum en 1856 avec les Missionnaires L. Gerbl, I. Lanz et A. Kaufmann. Outre le personnel cité, je dois aussi subvenir aux besoins d'un grand nombre d'Institutrices noires qui ont été formées à Vérone et de presque 100 élèves garçons et filles.


[3985]
Jusqu'à présent Dieu m'a clairement accordé ses bénédictions; je n'ai pas de dette, quoique cette fois mes caisses soient vides. Mais le Bon Dieu, pour lequel nous travaillons, nous aidera aussi dans le futur, il nous gardera nos anciens bienfaiteurs et il en suscitera d'autres. Ma devise est: "Ou la Nigrizia, ou la Mort!". Et moi je résisterai jusqu'à mon dernier souffle.


[3986]
Cette année deux commerçants hérétiques ont abjuré leur ancienne confession; nous avons baptisé aussi 69 adultes. Le 21 juillet 1875, j'ai baptisé et administré le sacrement de la Confirmation à 16 adultes en une seule fois.



L'INSTITUT POUR LES MISSIONS

DE L'AFRIQUE CENTRALE




[3987]
Cet Institut existe depuis 1867, sous la protection de Son Excellence l'Evêque Monseigneur Luigi Marquis de Canossa et grâce à la bienveillance de Sa Majesté Apostolique Ferdinand et de l'Impératrice Anne Pie; il a été fondé pour y former les Missionnaires pour l'Afrique Centrale.


[3988]
Le Saint-Siège a confié notre Vicariat Apostolique à cet Institut. J'ai ajouté à cet Institut pour les futurs apôtres de l'Afrique celui des "Pieuses Mères de la Nigrizia " pour former ainsi des Institutrices pour les femmes des Missions.

De ces deux Instituts sont déjà partis pour l'Afrique Centrale de nombreux Missionnaires. D'après les derniers chiffres donnés par le Révérend Supérieur l'Abbé Antonio Squaranti, il y a 6 candidats et 15 Sœurs sont déjà prêtes pour aller en Afrique comme Institutrices.


[3989]
Je viens de vous présenter un petit tableau de l'actuelle activité missionnaire dans et pour l'Afrique Centrale. La Marienverein en Autriche-Hongrie a beaucoup aidé cette activité et je prie l'illustre Comité et tous les membres de cette association de nous aider avec bienveillance aussi dans le futur.

De notre côté, nous prierons chaque jour pour Sa Majesté Apostolique Royale et Impériale et pour toute l'auguste Maison Impériale; nous prierons pour le Révérend Président de l'illustre Comité, pour tous ses membres et pour tous les bienfaiteurs vivants de notre Mission; mais nous voulons aussi prier pour le repos éternel des deux plus grands bienfaiteurs, Sa Majesté Impériale Ferdinand et Son Altesse Impériale le Duc de Modène, et aussi pour les messieurs bien méritants de notre Mission, le conseiller aulique Frédéric von Hurter-Ammann et l'inoubliable monsieur le Baron de Spens.



Daniel Comboni

Pro-Vicaire Apostolique

Texte original allemand.






626
Lett. Past. cons. a N.S. S.C.
0
Delen
28.10.1875
N° 626 (595) - LETTRE CIRCULAIRE

ACR. A, c., 18/9 n.1



Delen, le 28 octobre 1875

Daniel Comboni

Pro-Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale

par la grâce de Dieu et du Saint-Siège Romain



Au vénérable Clergé Séculier et Régulier et aux très chers Fidèles de notre Vicariat Apostolique, salut et bénédiction.

[3990]
Mes Fils bien-aimés, il est vrai que nos tribulations sont grandes et innombrables, il est vrai que les dangers, la soif, les maladies, les afflictions, les luttes et les croix nous accompagnent partout. Mais nous pouvons dire en toute vérité avec l'Apôtre Paul que les consolations avec lesquelles Notre Seigneur Jésus- Christ nous réconforte sont plus grandes encore. C'est pourquoi, nous vous invitons humblement à louer et à bénir la bonté et la miséricorde du Sacré-Cœur de Jésus-Christ. Vous vous souvenez avec quelle joie et quelle jubilation spirituelle, nous avons consacré solennellement et publiquement le 14 septembre 1873 notre personne, notre immense Vicariat Apostolique et vous, mes Fils bien-aimés, au Divin Cœur de Jésus. Souvenez-vous des espérances que nous avions dès le début, en sachant qu'une ère nouvelle de grâces et de bénédictions allait commencer et que des trésors de piété et de miséricorde allaient sortir de cet adorable Cœur pour nous et pour les cent millions et plus d'infidèles de notre Vicariat très difficile.


[3991]
Mais quelle créature humaine ou angélique aurait pu nous ouvrir la porte de ce Sanctuaire divin et faire jaillir sur nous ses richesses inépuisables?

Ah! le Disciple élu pleurait quand il a vu le Livre mystérieux scellé par sept sceaux et en entendant un Ange qui, d'une voix sonore, s'exclamait: "qui est digne d'ouvrir le Livre et d'en briser les sceaux"? (Quis est dignus aperire Librum et solvere signacula eius?) Mais nul n'était capable, ni dans le ciel, ni sur terre: et nemo poterat neque in coelo neque in terra; et ego flebam multum (Ap. 5, 3-4.) Qui ouvrira donc pour nous ce Livre mystérieux du Sacré-Cœur de Jésus Christ? Quelle sera la Clef bénie qui en ouvrira la porte?... Ah! Essuyons les larmes, ô très chers Fils! retenons nos pleurs, consolons-nous...


[3992]
Voici la ravissante Fille du Roi David, la Vierge Marie Immaculée, qui a dans ses mains cette précieuse Clef, que dis-je, c'est elle-même la Clef Mystique du Cœur adorable de son Fils Jésus. Oui, Marie ouvre ce cœur et personne ne peut le fermer, elle le ferme et personne ne peut l'ouvrir (Clavis David quae aperit et nemo claudit; claudit et nemo aperit.). Elle ouvre ce Divin Cœur à qui elle veut, comme elle le veut et quand elle le veut. Elle dispose des trésors infinis de ce Cœur Divin comme elle le veut, en faveur de qui elle veut.

Mais pourquoi Marie a tant de pouvoir sur le Cœur adorable de Jésus?

Parce qu'Elle est la Mère bienheureuse de Jésus, elle est donc la Reine et la Dame du Cœur de Jésus. Ô Nom béni! Ô Nom adoré! Ô Nom le plus beau après celui de Mère de Dieu! Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus! Ce Nom ineffable est comme du miel dans la bouche, une mélodie à l'oreille, il est la joie du cœur (mel in ore, melos in aure, in corde iubilus).


[3993]
C'est un Nom qui a manifesté la bonté du Cœur de Jésus-Christ pendant ces temps difficiles, pour illuminer et consoler tout le monde, pour réconforter les justes, pousser les pécheurs à la pénitence, enrichir de Grâce ceux qui font appel à Elle. Elle se réjouit d'être invoquée Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus par ses Fils. Par ce titre, Elle est proclamée Dispensatrice généreuse de tous les immenses trésors et de toutes les grâces du Sacré-Cœur de son Divin Fils Jésus.

Elle est déclarée la Mère la plus tendre et la plus aimante de toutes les mères, l'Avocate la plus éloquente de tous les Anges et de tous les Saints, l'Espoir des pécheurs, le Réconfort des affligés, la Lumière des errants, le Port des personnes en danger.

Elle est saluée comme la Femme sans tache, le Siège de la Sagesse, le Prodige de l'Amour infini de Dieu, la perpétuelle louange de tous les siècles, l'Eloge universel de tous les êtres, le Concert public et général de toutes les créatures, le Miracle de la Toute Puissance divine.


[3994]
Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus! Oh! Que de gloires renferme cet auguste Nom! Que de valeurs et de grandeurs il contient! Et c'est pour cela que ce Nom béni résonne sur les lèvres de millions de fidèles. (1) Elle est invoquée dans le monde entier par les justes et les pécheurs, les Prêtres et les laïques, les princes et les vassaux, les grands et les petits... Oui, ce Nom très doux est parvenu aux oreilles de tous; tous la saluent, l'appellent, l'invoquent et en expérimentent les bienfaits en obtenant des grâces spirituelles et temporelles de la part de cette Mère très compatissante!

Tous les jours, dans le monde entier, une mélodie céleste de nombreuses voix s'élève de la terre vers le Ciel pour bénir la Dame du Sacré-Cœur de Jésus pour les nombreuses grâces obtenues par Elle (2).


[3995]
Et le Cœur de Jésus, oh! qu'il aime voir Celle qu'il aime tant, si honorée et si glorifiée ici sur terre! Ainsi il fait toujours davantage pleuvoir ses bénédictions du Ciel sur ses adorateurs et sur ceux de Sa Sainte Mère. Et Jésus dit à tous: "Si vous voulez entrer dans mon Cœur et participer aux grâces et à mes bénédictions, ayez recours à Marie et vous pourrez accéder à moi par son intermédiaire. Invoquez-la comme Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus et Elle vous consolera." Oui, venez, très chers, et contemplez les œuvres du Seigneur. Venez et contemplez ce prodige de la grâce de Dieu, Notre Dame du Sacré-Cœur qui a tous les pouvoirs sur le Cœur adorable de son Fils Jésus. Elle peut tellement, qu'elle est appelée "l'Avocate des causes les plus difficiles et les plus désespérées". Et Saint Ephraïm l'appelle: " l'espoir des désespérés " (Spes desperantium). Et Saint Bernard: "la toute-puissance suppliante".


[3996]
Ce nouveau titre, avec lequel la grande Mère de Dieu apparaît parmi nous glorieusement, n'est-il pas maintenant un grand signe de salut et de grâce pour notre très cher Vicariat de l'Afrique Centrale? Si Notre Dame est la clef mystique du Cœur de Jésus, ne voudra-t-Elle pas répandre les trésors infinis de ce Cœur adorable sur ces âmes abandonnées des descendants de Cham? Si Marie, qui est ainsi invoquée, ne sait refuser de grâces à personne, voudra-t-Elle et pourra-t-Elle ne pas nous secourir dans nos grandes tribulations, dans notre laborieux et difficile apostolat et dans tous nos besoins?


[3997]
Non, non, non!.. Jamais jusqu'à présent nous n'avons entendu que quelqu'un ayant invoqué Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus, n'ait pas été exaucé par Elle.

Ranimons notre foi, ô Fils très chers, ranimons notre foi; la divine Mère a prophétisé que toutes les générations l'appelleraient bienheureuse (Luc 1). L'Ethiopie et l'Afrique Centrale n'entreront-elles pas dans le concert des Bénédictions à la Grande Femme sans péché?... Oui, elles entreront et trouveront à travers Elle leur Dieu Sauveur et elles l'adoreront. " L'Ethiopie tendra les mains vers Dieu", dit le psalmiste (Ps. 68, 32).


[3998]
Oui, suivons cette resplendissante Etoile de Jacob, Notre Dame du Sacré- Cœur, et bientôt l'Afrique Centrale trouvera son Sauveur Jésus: (Lumen requiramus lumine et inveniemus Iesum).

C'est pour cela que nous nous adressons en toute confiance à Elle. Nous avons l'intention d'offrir et de vous consacrer nous-mêmes, vous, Fils dévoués, et toutes les âmes de notre immense Vicariat à Elle. Nous espérons obtenir les aides, les moyens et les grâces par l'intermédiaire de Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus afin de pouvoir planter sur ces landes enflammées de l'Afrique Centrale la glorieuse bannière de l'adorable Croix de Jésus Christ.


[3999]
Et lorsque ces peuples, qui vivent encore aujourd'hui dans les ténèbres pitoyables de l'idolâtrie ou du fétichisme seront converties et se réfugieront dans le Cœur de Jésus-Christ, quand le nom de Jésus résonnera sur les lèvres des fils de Cham, un hymne de joie et de reconnaissance s'élèvera de tous les cœurs et tout le monde s'exclamera: " Louange, Gloire et Bénédiction éternelle à Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus ".

Grâce à Elle, nous sommes entrés dans le Sacré-Cœur de Jésus; grâce à Elle nous connaissons Jésus-Christ, grâce à Elle nous participons à la Rédemption, aux grâces, aux mérites, à l'héritage de notre Sauveur Jésus-Christ; et c'est grâce à Elle que nous espérons un jour entrer dans le Royaume des Cieux qui nous a été promis par Jésus-Christ, auquel revient la gloire avec le Père et l'Esprit Saint pour les siècles des siècles.


[4000]
Afin de compléter et de perfectionner l'Acte de Consécration du Vicariat au Sacré-Cœur de Jésus, que nous avons déjà solennellement publié, et pour nous assurer tous les trésors de grâces et de bénédictions de la part de cet adorable Cœur, nous avons humblement décidé que, lors de la prochaine fête de l'Immaculée Conception, dans toutes les paroisses de notre Vicariat, après la Messe solennelle et avant les Litanies, soit récité devant le Très Saint-Sacrement, sur l'autel, l'Acte suivant de Consécration de l'Afrique Centrale à Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus, en terminant l'office sacré avec la bénédiction Eucharistique.


[4001]
A ce propos, en vertu des facultés que Sa Sainteté le Souverain Pontife Pie IX nous a accordées, nous concédons l'indulgence plénière à tous les fidèles qui, repentis et confessés, communieront, assisteront à cette célébration et prieront pour la victoire de l'Eglise et pour le triomphe du Vicaire de Jésus-Christ.



Fait à Delen (Uarco), notre résidence provisoire au Djebel Nouba,

le jour de la Fête des Saints Apôtres Simon et Judas,

le 28 octobre 1875.



Daniel Comboni

Pro-Vicaire Apostolique d'Afrique Centrale



le Secrétaire

Notes

(1). Les personnes inscrites à la Confrérie de Notre Dame du Sacré-Cœur sont plus de 12 millions.

(2). Jusqu'à aujourd'hui, le registre central d'Issodoun en compte 120.000.






627
Faustina Stampais
1
El Obeid
25.11.1875
N° 627 (598) -A FAUSTINA STAMPAIS

ACR, A, c. 15/151 n. 2



El-Obeïd, le 25 novembre 1875

Bref billet.





628
Acte de Consécration N.S. S.C.
0
11.1875
N° 628 (599) - ACTE DE CONSECRATION

DE L'AFRIQUE CENTRALE

A NOTRE DAME DU SACRE-CŒUR DE JESUS

ACR, A, c. 18/9 n° 2



Novembre 1875



[4002]
Nous voici prosternés à vos très saints pieds Marie, Vierge Bénie, et Mère de Dieu; en exultant de joie nous vous saluons pour la première fois de ces terres désertes avec le nouveau et glorieux Titre de "Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus". Ce Nom auguste resplendit aujourd'hui pour nous comme un soleil dans les ténèbres, comme un arc-en-ciel de paix et de réconciliation entre la terre et le ciel. En apparaissant aujourd'hui parmi vos Fils, vous ranimez nos espérances, vous nous consolez en nous montrant que la bonté et la bienveillance de Notre Sauveur Jésus-Christ se manifestent à nos cœurs. Vous dévoilez pour toutes ces terres les trésors de grâces et de bénédictions renfermés dans ce Cœur adorable, parce que vous seule en êtes la Reine et la Dame.


[4003]
Oui, nous vous saluons, Marie, Auguste Souveraine du Sacré-Cœur de Jésus. Nous vous saluons en cette fête solennelle et sacrée, Fille bien-aimée du Père Eternel, grâce à laquelle la connaissance de Dieu est parvenue jusqu'aux dernières frontières de la terre.

Nous vous saluons, Domicile de l'Eternel Fils, qui par vous s'est incarné.

Nous vous saluons, demeure ineffable de l'éternel Esprit de Dieu, qui a répandu en vous tous ses dons et toutes ses grâces. Ô Marie, Reine aimable du Sacré-Cœur de Jésus, comme vous savez répondre à nos besoins!

La Divine Providence vous avait choisie pour ce moment et ce lieu...,

Venez, oui, venez parmi nous, Vierge Immaculée, venez, régnez et dominez sur toutes ces terres désolées et abandonnées! Ah! Vous seule pouvez, ô Marie! féconder de votre bénédiction cette terre qui a été aride pendant 19 siècles!

Vous seule pouvez éclairer de votre lumière beaucoup de pauvres infidèles, les malheureux fils de Cham, qui vivent encore aujourd'hui dans l'ombre de la mort! Vous seule pouvez donner à des millions de malheureux leur Seigneur et Dieu!


[4004]
Et c'est pour cela qu'ayant entièrement confiance en votre compassion maternelle, nous faisons appel à vous; nous nous réfugions sous votre puissante protection, sûrs que vous nous consolerez, que vous exaucerez nos prières et que vous essuierez les larmes de vos nombreux fils!

Venez donc, ô Marie! Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus, venez à notre aide. Après Jésus, c'est en vous que nous plaçons tous nos espoirs.

Vous êtes la bannière de la Foi, et répandez-la avec votre puissance dans ces contrées!

Vous êtes la Mère bienheureuse de Notre Divin Rédempteur mort pour tous sur la Croix, et faites en sorte que cette Croix soit plantée dans toute la Nigrizia.

Vous êtes la Reine des Anges, envoyez une armée d'anges à notre secours pour abattre le royaume de Satan!

Vous êtes la Mère des Apôtres, suscitez en de nombreux ouvriers de l'Evangile l'esprit apostolique et conduisez-les dans cette partie délaissée de la vigne du seigneur!...... ah! pour nous, après Jésus Christ, vous êtes tout.

Et c'est pour cela qu'après nous être offerts et consacrés au Sacré-Cœur de Jésus, nous nous consacrons aujourd'hui solennellement à vous. Oui, à vous, à Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus, nous nous offrons, nous nous donnons, nous nous consacrons.


[4005]
Nous vous consacrons nous-mêmes, nos familles et tout le Vicariat d'Afrique Centrale. Nous vous consacrons nos pensées, nos paroles, nos actions.

A Jésus et à vous nous offrons et nous consacrons nos souffrances, nos efforts et toute notre vie. A vous et à Jésus nous confions et nous consacrons toutes les âmes des régions de l'Afrique Centrale.

Et vous, Marie, Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus, ayez soin de nous, vos pauvres fils, protégez-nous comme votre héritage et votre propriété.

Soyez notre guide dans nos voyages, soyez notre réconfort dans les doutes, notre lumière dans les ténèbres.

Soyez notre santé et notre force dans les maladies, notre Avocate, notre Mère, tout au long de notre vie, auprès du Cœur de votre Fils béni Jésus.

Et au moment de notre mort, protégez-nous, aidez-nous avec Jésus.

Et que nos dernières paroles soient: que le Cœur de Jésus soit aimé partout.

Que Notre Dame du Sacré-Cœur de Jésus soit louée et bénie dans toutes les langues. Ainsi soit-il.



Daniel Comboni

Pro-Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale






629
Père Stanislao Carcereri
0
11.1875
N° 629 (1210) - AU PERE STANISLAO CARCERERI

AGSR 1694/106



Novembre 1875



[4006]
"Le climat du Djebel Nouba est insalubre pendant un mois, je crois, mais il

est salubre le reste de l'année"

..."Nous ferons tout à Berber, où après nous être un peu querellés, nous finirons par nous embrasser parce que je vous aime toujours comme je vous ai aimé car vous êtes toujours mon fils aîné"

Ce sont quelques phrases de Comboni tirées d'une lettre du Père Carcereri.






630
Faustina Stampais
1
Khartoum
15.12.1875
N° 630 (600) - A FAUSTINA STAMPAIS

ACR, A, 15/141 n. 3



Khartoum, le 15 décembre 1875

Bref billet.