Comboni, en ce jour

Pendant le voyage d’animation missionnaire (1871), il célèbre dans la cathédrale de Dresda.
A Mitterrutzner, 1877
Ma confiance réside dans la justice de la Rome éternelle, et dans ce Cœur Divin qui palpita aussi pour la Nigrizia.

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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
541
Liste des Confirmés
1
Khartoum
1873
N° 541 (510) - LISTE DES CONFIRMES A KHARTOUM

ACR, A, c. 10/1 ii



Khartoum, 1873





542
Prop. de la Foi, Lyon
0
Khartoum
6. 1.1874

N° 542 (512) - A LA PROPAGATION DE LA FOI DE LYON

"Les Missions Catholiques", 249 (1874), p. 129

Khartoum, le 6 janvier 1874


 

[3492]
Après que mes explorateurs eurent quitté le territoire des Nouba où ils n'étaient restés que peu de temps, le grand chef Kakoum a envoyé à El-Obeïd un de ses officiers pour m'annoncer que plusieurs chefs des montagnes, à la nouvelle de l'arrivée des Missionnaires, s'étaient déplacés à Delen (Maco dans la langue Nouba) pour les voir et que, à cause de ce qu'ils avaient appris à leur égard, ils avaient prié le chef Kakoum de nous convaincre d'aller nous établir chez eux.

Si j'avais une centaine de Missionnaires, nous pourrions faire le plus grand bien.


[3493]
Cet envoyé de Kakoum a rencontré sur la route d'El-Obeïd des Arabes nomades de la tribu musulmane des Baggaras. Ils lui ont demandé s'il était lui aussi chrétien, car les Nouba, après notre exploration, se disent déjà chrétiens.

Il a répondu affirmativement. Aussitôt, les Arabes lui ont arraché son "ghorbab" (un riche vêtement nubien) et l'ont roué de coups. L'envoyé est arrivé à El-Obeïd le jour même de mon départ pour Khartoum. Je lui ai assuré que nous irions chez eux et je lui ai fait don d'une longue chemise. Il est reparti très satisfait.


[3494]
Cela fait désormais 49 jours que j'ai quitté El-Obeïd et mes Missionnaires m'ont écrit que les Nouba ne cessent d'envoyer des messagers pour savoir quand nous irons chez eux. Il semble que l'heure du salut soit arrivée pour ce peuple. J'espère donc pouvoir y fonder une communauté chrétienne qui nous rendra possible l'apostolat dans les autres tribus.



Daniel Comboni



Texte original en français, corrigé.






543
Note
1
Khartoum
14. 1.1874
N° 543 (1206) - NOTES SUR UNE LETTRE

ACR, A, c. 28/2 n. 8



Khartoum, le 14 janvier 1874





544
Card. Alessandro Barnabò
0
Khartoum
20. 1.1874
N° 544 (513) - AU CARDINAL ALESSANDRO BARNABO

AP SC, Afr. C. ; v. 8, f. 176



Vive Jésus, Marie et Joseph !

Khartoum, le 20 janvier 1874

Très Eminent et Révérendissime Prince,



[3495]
Je suis heureux de vous envoyer ci-joint le rapport concernant l'exploration de la Nubie qui m'a été envoyé par le Père Carcereri, duquel vous ne tarderez pas à entendre de vive voix des détails intéressants.

Puisque ces tribus ne sont qu'à quatre jours de voyage d'El-Obeïd, je pense que cela pourra nous permettre dès maintenant de commencer à poser les premières pierres de l'édifice spirituel qui aura peut-être des conséquences importantes pour la Rédemption de la Nigrizia.

Je ne manquerai pas de vous communiquer toutes les informations et les initiatives qu'il me semble opportun de mettre en place pour réaliser cette nouvelle Mission ; mais je ferai tout cela quand mon bras sera guéri.

En remerciant Votre Eminence pour les belles lettres N° 4 et N° 5, auxquelles je répondrai dès que possible, j'embrasse votre Pourpre Sacrée et je me déclare dans les Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie



votre humble, dévoué et obéissant fils

Daniel Comboni

Pro-Vicaire Apostolique






545
Prière pour l'Afrique
0
Khartoum
25. 1.1874
N° 545 (514) - PRIERE POUR L'AFRIQUE ET DECLARATION

ACR, A, c. 25/21



Khartoum, le 25 janvier 1874

PRIERE

POUR LA CONVERSION DES CHAMITES DE L'AFRIQUE

CENTRALE

A L'EGLISE CATHOLIQUE



[3496]
Prions pour les très malheureux peuples Noirs de l'Afrique Centrale qui constituent la dixième partie de l'ensemble du genre humain afin que Dieu, qui peut tout, enlève finalement de leurs cœurs la malédiction de Cham, et leur accorde la bénédiction que l'on peut obtenir seulement au nom du Christ, Dieu et Notre Seigneur.



PRIERE


[3497]
Seigneur Jésus-Christ, unique Sauveur de tout le genre humain, qui règne d'une mer à l'autre, et du fleuve jusqu'à l'extrémité du monde, ouvre ton Sacré-Cœur aussi aux malheureuses âmes de l'Afrique Centrale qui gisent encore dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort afin que, par l'intercession de la Vierge Marie, ta Mère Immaculée et de son glorieux Epoux Saint Joseph, les Ethiopiens, abandonnent les idoles et que prosternés devant Toi, ils puissent s'unir à ton Eglise.

Toi qui vis... etc. Pater, Ave, Gloria.

_________________



Suit le Rescrit de la Sacrée-Congrégation des Rites.

Ce texte concorde avec le Décret original qui se trouve dans la Chancellerie du Vicariat Apostolique de l'Afrique Centrale.



Donné à Khartoum en Afrique Centrale par la Chancellerie du Vicaire Apostolique le 25 janvier 1874.

(L. S )

Daniel Comboni

Pro-Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale






546
Prop. de la Foi, Lyon
1
Khartoum
1. 2.1874
N° 546 (515) - A LA PROPAGATION DE LA FOI DE LYON

APFL, Répertoire des lettres 1868-1881



Khartoum, le 1er février 1874

Brèves nouvelles





547
Card. Alessandro Barnabò
0
Khartoum
22. 2.1874
N° 547 (516) - AU CARDINAL ALESSANDRO BARNABO

AP SC, Afr. C., v. 8, ff. 182-183

Vive Jésus, Marie et Joseph !

N° 2

Khartoum, le 22 février 1874

Eminent Prince,



[3498]
Je viens de rentrer du Fleuve Blanc où j'ai accompagné jusqu'à Tur-el-Khadra mon pieux et bon Missionnaire l'Abbé Giovanni Losi, trois Sœurs de Saint Joseph et d'autres personnes, qui sont partis avec seize chameaux en direction du Cordofan.

A cette occasion, Son Excellence Ismaïl Pacha, Gouverneur Général des territoires égyptiens au Soudan, a mis à ma disposition gratuitement, un grand bateau à vapeur ; au moment où Votre Eminence recevra cette lettre, l'importante Mission d'El-Obeïd sera pourvue d'un nouvel Institut de religieuses Missionnaires destinées à y faire beaucoup de bien. Pour cela, depuis longtemps déjà j'ai acheté, payé et restauré une confortable maison, séparée de notre habitation et de l'église par une route publique qui s'appelle Derb-el-Sultania ou Route Impériale.


[3499]
Par le prochain courrier, je vous expédierai un bref rapport général sur l'état actuel du Vicariat, c'est-à-dire, sur ce qui a été fait jusqu'à présent, et sur ce que nous devrons faire dans l'avenir pour implanter de façon stable la Foi en Afrique Centrale.


[3500]
Pour le moment, je me limite à vous donner quelques nouvelles particulières au sujet de certaines affaires accessoires, mais quand même importantes.

L'année dernière, dès mon arrivée à Khartoum, en voyant notre petite église, j'avais pensé à en construire une nouvelle et plus grande ; mais, il y a trois mois, à mon retour du Cordofan, j'ai jugé que la construction de la Maison des Sœurs était plus urgente, car ces dernières ont habité jusqu'à présent dans un bâtiment en location, un peu distant de la Mission. Cette décision a beaucoup plu au Comité de Vienne, qui a immédiatement cherché des aides.

Pour construire la maison des Sœurs suivant le projet proposé par Vienne depuis 1854, 200.000 francs au moins sont nécessaires ; mais avec seulement 50.000 francs, en calculant exactement, j'espère, en suivant le même projet, construire une partie du bâtiment pour les Sœurs, c'est-à-dire 12 pièces de 6 mètres de longueur et de 5 mètres et 48 centimètres de largeur. Ces pièces serviront, hic et nunc, d'habitation, d'atelier et d'école de l'Institut féminin, et je me réserve la possibilité de terminer le bâtiment quand j'aurai davantage de moyens.


[3501]
Et puisque j'avais prévu depuis quelques mois de faire cela, j'avais déjà signé à El-Obeïd une lettre de change à l'ordre de mon économe Saint Joseph ; et maintenant je m'aperçois que le vieil et honnête homme (sous la barbe duquel se trouve l'argent qu'il me faut pour ériger d'ici un an deux établissements chez les Nouba ; Saint Joseph, auquel j'ai imposé de surcroît une taxe de 50.000 francs pour avoir permis ma chute du chameau, qui a causé la fracture de mon bras, au Cordofan) honore ma signature, car en 15 jours seulement, il m'a fait parvenir la somme non négligeable de 30.540 francs-or, dont 4000 m'ont été envoyés par Son Altesse François V, Archiduc d'Autriche, Duc de Modène, accompagnés d'une très longue lettre autographe de trois pages, écrite par ce Prince très catholique et très riche qui est fou de la Nigrizia. 12.500 francs m'ont également été donnés par Leurs Majestés Apostoliques l'Empereur Ferdinand Ier et l'Impératrice Marie Anne Pie d'Autriche (sœur de la vénérable Marie Christine Reine de Naples) ; je l'ai su dans une lettre du 13 décembre en provenance du Château Impérial de Prague et cet argent a été expédié au Comité Marial de Vienne afin qu'il me le transmette. Cette Maison Impériale que je connais personnellement m'a donné, en très peu de temps, la somme de 32.995 francs-or pour ma sainte Œuvre Africaine, et il y a de bonnes chances pour que sa protection continue dans l'avenir.


[3502]
L'Afrique Centrale a besoin de moyens considérables, mais elle a un excellent Administrateur dans la personne de Saint Joseph, et le Sacré-Cœur de Jésus est riche en miséricorde et en argent.

Or, comme Votre Eminence, dans son immense charité, a fait approuver la prière latine, que je vous ai expédiée de Khartoum en juin dernier, pro conversione Chamitarum Africae Centralis ad Ecclesiam Catholicam, et comme notre Saint-Père a enrichi cette prière de l'Indulgence plénière pour ceux qui la disent chaque jour pendant un mois, et d'une Indulgence partielle de 300 ans pour ceux qui la disent une fois, et bien je vous assure que l'Afrique Centrale ne manquera de rien, car une prière pareille répandue dans le monde catholique produira des prières, des vocations et de l'argent, qui sont les trois choses nécessaires pour convertir la malheureuse Nigrizia.


[3503]
En ce qui concerne le bâtiment des Sœurs à Khartoum, j'ai béni la pose de la première pierre le 9 de ce mois. Nous avons déjà élevé les fondations grâce à la trentaine d'hommes qui y travaillent, et nous avons utilisé 600 "ardeb" de ciment déjà payés, 400.000 grosses briques achetées et payées, 300 petites poutres de sunt (un bois aussi fort que l'ébène), et 20 grandes poutres de sunt (que j'ai payé 7 écus chacune).

Je prévois que les Sœurs, au mois de juin, pourront habiter dans la nouvelle maison. J'espère ainsi obtenir des constructions solides et durables.

J'ai l'impression que le Sacré-Cœur est avec nous et qu'il m'aidera à vaincre les ennemis de la Sainte Œuvre.


[3504]
Il n'est pas impossible que je visite, d'ici peu, le territoire des anciennes Missions sur le Fleuve Blanc, c'est-à-dire, la Sainte Croix et Gondocoro jusqu'à arriver près des sources du Nil. J'espère que Son Excellence le Pacha Gouverneur Général du Soudan (qui visite pour la première fois Gondocoro où est établi le Siège d'une nouvelle Muderie ou Province égyptienne) ainsi que le Consul autrichien qui avait jadis été Maître de la Mission de Gondocoro, m'accompagneront avec trois bateaux à vapeur.

Je ferai cette visite en deux mois seulement car le bateau à vapeur ne nécessite que 15 jours pour aller de Khartoum à Gondocoro, tandis qu'avec le bateau à voile il aurait fallu plus de 5 mois et 5000 francs de dépense, et cela pour une seule visite pastorale, en endurant aussi de nombreuses souffrances.

Au contraire avec les bateaux du Pacha nous voyageons confortablement et nous ne dépensons rien, à part les pourboires pour les capitaines et les matelots.


[3505]
Je voudrai vous fournir une nouvelle preuve de l'importance capitale de la Mission d'El-Obeïd, la véritable porte de la Nigrizia, point de départ et base des opérations pour implanter la Foi dans la partie Centrale du Vicariat.

Le royaume du Darfour, dont le territoire commence à trois jours de voyage d'El-Obeïd et d'où la capitale et la résidence du Sultan sont à 15 jours de chameau, est en train de devenir une province égyptienne.

Gibert Bey, le Gouverneur de Schiakka, une ville située sur le Bahar-el-Ghazal, au Sud du Darfour, a attaqué les habitants de ce royaume sous le faux prétexte que ces derniers venaient dans cette province pour y exercer la traite des Noirs ; Bey en est sorti victorieux après une bataille décisive en tuant le Vizir du Sultan du Darfour.


[3506]
Le Grand Pacha de Khartoum (qui m'a communiqué ces nouvelles en me lisant les lettres autographes de Gibert Bey et les télégrammes échangés entre lui et le Khédive d'Egypte), a envoyé à El-Obeïd des renforts militaires en ordonnant au Gouverneur d'attaquer le Darfour du côté oriental. Puisque on avait détruit les puits d'eau qui l'entourent, le Darfour était fermé hermétiquement, mais le Gouverneur Général a envoyé 5000 chameaux chargés d'eau pour les assiégeants, et disposant de canons et d'armes à feu en bon état, la victoire reviendra sans doute aux Egyptiens.

Or, le Darfour est fermé depuis des siècles aux étrangers, et une ancienne loi des Sultans condamne à mort n'importe quel étranger. Cela a toujours été fait sauf quelques rares exceptions, comme celle de l'actuel Pacha du Cordofan, qui, comme il me l'a lui-même raconté, est allé dans le Darfour il y a douze ans pour y amener de riches dons de la part du Vice-Roi d'Egypte ; il y est resté pendant 20 mois comme otage et il a beaucoup souffert, me disait-il, car chaque jour il vivait dans la crainte d'être égorgé.


[3507]
Si le Darfour devient une province égyptienne, la véritable Eglise de Jésus-Christ sera en mesure, d'ici peu, d'implanter la Croix sur cette terre ; et bien que le Darfour soit musulman tout comme le Cordofan, sa capitale, Tendelti, deviendrait la porte la plus proche de l'immense empire de Bornou, comme El-Obeïd est actuellement la porte pour pénétrer chez les Nouba et d'autres immenses tribus du Centre du Vicariat. Le Gouverneur Général en toute innocence m'a assuré que l'intention du Khédive d'Egypte est de s'étendre jusqu'à l'empire de Bornou.

Je vous écrirai plus tard à ce sujet.


[3508]
Pour le moment il faut que nous assurions notre activité auprès des Nouba. Je suis convaincu que votre jugement à ce propos sera propice. Je ne ferai rien sans connaître l'avis de Propaganda Fide, car je suis fermement convaincu que mes pas seront bénis par Dieu, s'ils sont guidés par cette Sacrée-Congrégation qui est maîtresse de prudence et de sagesse en tout ce qui concerne les Missions Apostoliques.


[3509]
Il semble que le Khédive d'Egypte ait finalement reconnu les tromperies de Baker et la vérité sur les prétendues victoires et découvertes des routes entre Gondocoro et Zanzibar. Le Khédive est très fâché contre ce fanfaron qui a croqué 29 millions de francs sans avoir été au-delà des frontières de la Mission catholique de Gondocoro. Maintenant, il a envoyé un autre colonel anglais qui était occupé auparavant dans les travaux pour la navigation sur le Danube. Il va essayer de réussir l'entreprise de Baker.

De toute façon, l'intérêt de la Mission d'Afrique Centrale est de maintenir et de consolider de bonnes relations avec le gouvernement égyptien, et d'adopter la plus grande prudence en traitant avec lui pour mener à bien l'affaire importante de l'esclavage. J'ai fait de sérieuses réflexions à ce sujet et je crois qu'un comportement prudent peut-être source d'un grand bien pour la Foi, en effet si nous n'avons pas une conduite extrêmement prudente, cela entraînera des obstacles aux conséquences tragiques.

J'embrasse votre Pourpre Sacrée.

Votre humble et dévoué fils

Daniel Comboni

Pro-Vicaire Apostolique



P.-S. Je répondrai tout de suite à vos vénérables lettres au sujet des Conventions avec le Délégué Apostolique et avec la Mère Générale. Le Père Carcereri est en pleine négociation.






548
Abbé Stefano Vanni
1
Khartoum
1. 3.1874
N° 548 (517) - A L'ABBE STEFANO VANNI

AVAE, c. 31



Khartoum, le 1er mars 1874

Lettre dimissoire.





549
Mère Emilie Julien
0
Khartoum
8. 3.1874
N° 549 (518) - A MERE EMILIE JULIEN

ASSGM, Afrique Centrale Dossier



N° 2

Khartoum, le 8 mars 1874

Ma bien chère Mère Générale,



[3510]
Dans quelques jours je vous écrirai une longue lettre ; pour le moment je suis très occupé.

Notre admirable Sœur Giuseppina est en train d'aller vers l'éternité. Il y a 20 jours je lui ai donné l'Onction des malades et la bénédiction papale. Aujourd'hui elle va mieux, mais je crois que dans ce mois consacré à Saint Joseph elle partira au ciel. Je serais heureux de pouvoir la garder pendant 50 ans bien que malade, c'est une digne héroïne chrétienne.


[3511]
Sœur Germana, Sœur Maddalena et Sœur Ignazia sont arrivées au Cordofan le premier du mois et elles sont entrées triomphalement dans la capitale El-Obeïd. Tout le monde était heureux de saluer ces glorieuses vierges de Saint Joseph qui ont eu le courage de surmonter toutes les difficultés pour aller, les premières, dans la Mission la plus centrale de l'Afrique, où l'Evangile n'avait jamais pénétré jusqu'en 1872.

Je vous écrirai pour régler nos affaires. Dans l'attente, je m'empresse de vous prier de me faire parvenir au Caire de nombreuses Sœurs arabes comme Sœur Anna, Sœur Germaine, Sœur Giuseppina. J'espère qu'après la fête de Saint Joseph, vous pourrez disposer d'au moins une demi-douzaine de Sœurs.

Je vous suis infiniment reconnaissant pour votre bonté, ma bonne Mère, car vous m'aviez aussi destiné la défunte Sœur Abdu. Vous avez fait vraiment le possible pour venir en aide à ma Mission.


[3512]
Je suis à présent en contact avec Sœur Angelica et je désire qu'elle vienne en Afrique Centrale. Une Sœur arabe, ma chère Mère, vaut ici deux Missionnaires, mais pas toutes les Sœurs arabes ; je parle ici des Sœurs qui ressemblent à Sœur Giuseppina, à Sœur Germaine et à Sœur Anna. Pour l'amour de Dieu ! éloignez pour le moment de la Syrie et de la Palestine les Sœurs arabes et envoyez-les ici chez moi.

Cette année j'ouvrirai une nouvelle Mission auprès des peuples Nouba au Sud-Ouest du Cordofan et là il faut tout de suite des Sœurs arabes pour mieux répondre aux souhaits de ces peuples qui veulent embrasser notre sainte Foi.

Je me recommande à votre cœur de Mère.


[3513]
La maison de Khartoum est en construction. Pour les seules fondations des 12 pièces que nous terminerons au mois de juin, il a fallu 202.000 briques de 25 centimètres de longueur, 12 cm. de largeur et 6 cm. d'épaisseur.

Dans deux ans, ce sera un grand bâtiment avec un magnifique jardin.

Sœur Germaine m'a dit que Khartoum lui plaît davantage que Marseille. La ville est située sur deux magnifiques fleuves.

J'écrirai au Président de la Propagation de la Foi pour qu'il vous paye, en mon nom, 3.000 francs, c'est-à-dire le résidu de l'affaire Lorenzo.

Adieu, ma chère Mère ! Saluez de ma part Sœur Caterina et les Sœurs de Rome. Priez afin que j'obtienne des parements pour l'église.

Votre fils

Daniel Comboni

Texte original en français, corrigé.






550
Mgr. Girolamo Verzeri
0
Khartoum
10. 3.1874
N° 550 (519) - A MONSEIGNEUR GIROLAMO VERZERI

ACR, A, c. 15/179



Vive Jésus, Marie et Joseph !

Khartoum, le 10 mars 1874

Excellence Révérendissime,



[3514]
Je dois avouer que j'ai manqué à mon devoir et aux exigences de mon cœur en gardant le silence pendant si longtemps. J'ai imité à la lettre ceux qui pèchent a cause de leur habitude à différer les choses.

Dès ma nomination par le Saint-Siège comme Pro-Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale, je suis rentré en courant à Vérone, et j'avais prévu de passer par Brescia et ensuite aller à Limone. Mais l'urgence de rejoindre Vienne et le Caire avec une importante expédition, m'a empêché, malgré moi, de passer une journée à Brescia comme je le désirais. Mais du Caire, du Cordofan et de Khartoum, j'avais tout de même l'intention d'informer à tout prix Votre Excellence et votre Secrétaire des heureux progrès de la difficile entreprise Africaine.

Hélas ! je ne l'ai pas fait, même si nos petites Annales du Bon Pasteur à Vérone - que sur mon ordre, vous avez dû recevoir - vous ont donné une pâle idée de ma sainte Œuvre et peut-être des Missions Catholiques.


[3515]
De toute façon, en vous demandant pardon pour ce long silence, je peux vous assurer que j'ai prié chaque jour, malgré mon indignité, et que je fais prier ici au cœur de la Nigrizia, pour Votre Excellence, pour le Révérend Carminati et pour tout mon cher diocèse natal de Brescia, dont je garde un souvenir vivant et inoubliable.

Je veux maintenant vous faire un bref rapport de la vie de cette Œuvre du Sacré-Cœur, car mon bras cassé m'empêche d'écrire longtemps.

Le 16 novembre, je suis parti avec mon Vicaire Général pour El-Obeïd capitale du Cordofan pour aller dans ma principale résidence de Khartoum.

Le 25 au matin, après un pénible voyage à dos de chameau qui a duré 9 jours, mon chameau, affolé, commença à paniquer, se mit à courir plus vite qu'un cheval et me jeta à terre où je suis resté à moitié mort, en vomissant du sang. Je n'ai même pas eu le temps de me recommander au Sacré-Cœur. En reprenant mes esprits, je me suis rendu compte que j'avais le bras gauche fracturé.


[3516]
J'ai fait dresser une tente dans le désert, et après un bain de 42 heures ininterrompues avec de l'eau et du vinaigre de dattes, j'ai dû remonter sur le chameau pendant 5 jours pour ne pas mourir dans le désert.

A chaque sursaut du chameau, les douleurs se renouvelaient au bras gauche qui était fracturé. Dieu seul sait combien j'ai souffert.

Quand je suis finalement arrivé au Fleuve Blanc, à Ondourman, le Grand Pacha de Khartoum m'a envoyé son bateau à vapeur qui m'a amené jusqu'à la Mission.

Mais dans toute l'Afrique Centrale, il n'existe pas un médecin qui connaisse les premières notions de médecine et de chirurgie.


[3517]
Bien que Jésus Crucifié soit le médecin qui nous soigne, le Pacha m'a envoyé son médecin personnel, qui m'a lié le bras au cou. Je suis resté 82 jours avec une grande douleur et le bras en écharpe ; mais le bras était mal attaché, tordu et tellement faible que je n'étais même pas capable de faire bouger une feuille.

J'ai célébré une Messe le 2 février, avec une grande difficulté et j'ai été contraint de tenir l'Hostie entre l'index et le majeur, n'ayant pas la possibilité d'unir les doigts au pouce.

Après mille tentatives de la part de la Mère Supérieure, j'ai consenti à me faire examiner par un médecin arabe. Il est venu la veille de la fête de Saint Faustino et Giovita. Il était fort comme Hercule, et il avait la gueule de Judas Iscariote. Après avoir examiné le bras, il m'a assuré que dans les 24 heures je serais guéri, si je me laissais faire une intervention. J'ai consenti.


[3518]
Le lendemain, il est venu avec huit brindilles de dattiers, une poignée de poils de chèvre, un morceau de queue de tigre (sic !) et de caoutchouc ; il était accompagné de deux autres médicastres musulmans. Il m'a pris le bras et aidé par les deux autres, il me l'a tordu, et il a ensuite travaillé de toutes ses forces avec son pouce en repoussant l'os saillant d'un demi doigt pour le remettre à sa place, en déchirant ma chair et tous mes nerfs. Après, il a imprégné une serviette du caoutchouc, il a appliqué un cataplasme fait avec les poils de chèvre et la queue de tigre, et ensuite il m'a attaché le bras. Après cela il a lié les brindilles autour du bras ; j'ai eu l'impression d'avoir la circulation du sang bloquée et il m'a laissé ainsi presque mort sur l'angarèb (une espèce de lit où nous dormons).

Oh ! combien Jésus Christ a dû souffrir quand il a été cloué sur la Croix.

Huit jours après, le bras était presque guéri ! L'os était revenu à sa place, et maintenant que je vous écris, je suis en mesure de travailler comme avant ; et pour cela je dois d'abord remercier le Seigneur, ensuite Saint Joseph et après le médicastre turc qui m'a soigné d'une façon peu délicate, mais sans doute efficace.


[3519]
Toutefois je n'ai pas ménagé mon cher économe Saint Joseph auquel je m'étais recommandé pour que le voyage du Cordofan à Khartoum soit heureux. Puisque ce cher saint a permis que je tombe si tragiquement du chameau, je l'ai frappé d'une amende de mille francs-or pour chaque journée que je passerais avec mon bras lié au cou. Et comme j'ai été obligé de porter mon bras en écharpe pendant 82 jours, et que je n'ai pu célébrer la Messe que 5 fois, mon vénérable économe est donc condamné à payer une amende de 82.000 francs ; ainsi le jour de la fête des Saints Faustino et Giovita, les protecteurs de notre cher diocèse de Brescia (82 jours après ma terrible chute dans le désert), j'ai signé une lettre de change, à l'ordre de notre cher Saint Joseph, pour une somme de 4.100 napoléons, payable dans les six mois ; et je m'aperçois déjà que notre bon Econome, comme d'habitude honore ma signature, car depuis ce jour-là, j'ai encaissé 38.706 francs-or, dont 5000 florins m'ont été envoyés de Prague par Sa Majesté Apostolique l'Impératrice Marie Anne (un véritable miracle de charité) et par l'Empereur Ferdinand Ier, et de Vienne 4.000 francs par ce véritable Prince Catholique qu'est Son Altesse le Duc de Modène, François V.


[3520]
Mon économe, bien que durant sa vie ait été très pauvre, est aujourd'hui l'arbitre des trésors du ciel. Il n'a jamais cessé de m'aider, et en six ans et demi, depuis que j'ai commencé l'Œuvre, il m'a procuré 600.000 francs, c'est-à-dire, qu'il a payé mes dettes pour un montant de 30.000 Napoléons.

Je vous assure, Monseigneur, que la banque de Saint Joseph est plus solide que toutes les banques de Rothschild. Pour le moment, sans que j'aie un seul centime de dette, ce bon économe maintient pour la Nigrizia deux maisons à Vérone, deux au Caire, deux à Khartoum et deux autres à El-Obeïd, capitale du Cordofan peuplée de 100.000 habitants. Dans cette ville en 1872 pour la première fois la Messe a été célébrée et Jésus-Christ a été adoré.


[3521]
Sans m'en apercevoir je me suis perdu en bavardages. Je vous donne maintenant un bref aperçu concernant l'Œuvre.

Le 26 septembre 1872, j'ai quitté Vérone avec une caravane de 13 personnes. Après avoir réglé de nombreuses affaires au Caire, je suis parti de cette métropole le 26 janvier 1873, avec deux grands bateaux et 31 personnes : des missionnaires, des Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition, des Frères artisans et des Institutrices noires.

En remontant le Nil et en passant par le grand Désert de l'Atmur avec, de midi à 16 heures, une température de 60 degrés Réaumur, et après 99 jours de voyage très pénible, nous sommes arrivés à Khartoum, où nous avons été accueillis avec une grande joie par beaucoup de monde. Après un mois passé dans cette capitale (qui fait 48.000 habitants), je suis reparti par le Fleuve Blanc jusqu'à Tura-el-Khadra à bord d'un bateau à vapeur mis gratuitement à ma disposition par le Grand Pacha du Soudan, avec lequel je vis en accord parfait, mieux que nos pauvres Evêques d'Italie avec leurs Préfets et Maires.

Ensuite nous avons pris 17 chameaux pour traverser les landes interminables des Hhassanie et des Baggaras, et après seulement 9 jours de marche, le 19 juin je suis arrivé à El-Obeïd, la capitale du Cordofan, où j'ai été reçu par les Turcs avec une fête pas moins importante qu'à Khartoum.


[3522]
Quand en octobre 1871, depuis Dresde, j'ai donné l'ordre au Père Carcereri, mon actuel Vicaire Général et à cette époque-là, Vice-Supérieur des Instituts des Noirs en Egypte, de partir du Caire avec trois autres compagnons pour explorer le Cordofan, je lui ai donné 5.000 francs pour ce voyage d'exploration ardu et difficile.

Aujourd'hui nous avons à El-Obeïd une Paroisse, deux maisons déjà payées, une pour les Missionnaires et l'autre pour les Sœurs, et une Mission en pleine activité. De même à Khartoum, il y a eu, de 1863 à 1869, un seul Père Franciscain, et jusqu'en janvier 1873 il y avait deux Pères du même Ordre dans une belle maison construite en 1865 par les Missionnaires allemands sous la direction de mon illustre prédécesseur Monseigneur Knoblecher.

Aujourd'hui, il y a deux Instituts, une belle Paroisse et la nouvelle maison que je suis en train de construire pour les Sœurs de Saint Joseph qui d'ailleurs font beaucoup de bien.


[3523]
Or, à qui dois-je ces bons résultats ? Je dois tout au Sacré-Cœur de Jésus, auquel j'ai consacré tout le Vicariat, avec la bénédiction du Saint-Père Pie IX le 14 septembre, date à laquelle nous avons fait une célébration solennelle précédée par le baptême de 12 adultes, et conclue par la Confirmation de 25 néophytes.

La formule de Consécration a été composée par l'Apôtre du Sacré-Cœur, le Père Ramière. Il a composé en même temps à Khartoum une petite Prière en latin pour la conversion de mes 100 millions de Chamites que le Vicariat Apostolique d'Afrique Centrale, le plus vaste et le plus peuplé du monde abrite, et qui constituent la dixième partie de tout le genre humain. Or, le Saint-Père Pie IX a accordé une Indulgence partielle de 300 ans à ceux qui récitent une seule fois cette prière, et l'Indulgence plénière à ceux qui la récitent chaque jour pendant un mois.


[3524]
Vous vous rendez compte, Excellence, que le Saint-Père a vraiment pris à cœur cette œuvre qui est née le 18 septembre 1864, jour de la Béatification de Marguerite Marie Alacoque.

J'ai écrit au Saint-Père Pie IX afin qu'il m'accorde que le vendredi après l'Octave du Corpus Domini, consacré au Cœur de Jésus, soit une Fête d'obligation de Première Classe avec Octave, dans tout le Vicariat d'Afrique Centrale ; mais je n'ai pas encore eu de réponse, car c'est une affaire importante et Rome est éternelle. J'insisterai jusqu'à que le Saint-Siège m'accorde cette grâce.


[3525]
C'est le Cœur de Jésus qui doit convertir la Nigrizia. Il paraît que le Saint-Père a accordé une grâce pareille à la République de l'Equateur en Amérique à la demande du Président et de l'Archevêque de Quito ; j'espère donc qu'elle sera accordée aussi à cette malheureuse partie équatoriale de l'Afrique, qui demeure depuis des siècles dans l'ombre de la mort.


[3526]
Tous mes efforts ont été jusqu'à présent consacrés à consolider et à établir les deux importantes Missions de Khartoum et d'El-Obeïd, qui sont la base des opérations pour porter la Foi dans toutes les immenses tribus du Vicariat.


[3527]
Khartoum est la base des opérations pour porter la Foi dans toutes les tribus de la partie Orientale du Vicariat, qui s'étale entre l'Abyssinie, les Gallas et le Fleuve Blanc jusqu'au-delà des sources du Nil au 12ème degré de Latitude Sud, aux frontières de ma juridiction.

El-Obeïd, qui est la véritable porte de la Nigrizia, est la base des opérations pour porter la Foi dans toutes les tribus, les royaumes et les empires présents dans la partie centrale de mon Vicariat. Le climat d'El-Obeïd est salubre, et j'espère y faire ériger un Consulat Austro-Hongrois, dont le drapeau dans ces régions est un signe de protection de la Religion Catholique.


[3528]
En fonction de ce plan d'organisation de l'Apostolat de l'Afrique Centrale, le Cœur de Jésus a fait faire un autre pas à notre Apostolat.

Le 16 juillet, jour consacré à la Vierge du Carmel, un mercredi matin à 8 heures, alors que nous terminions l'heure d'adoration de la Garde d'honneur du Sacré-Cœur, (que j'ai moi-même établie chaque mercredi, avec l'exposition du Très Saint Sacrement dans tout le Vicariat et dans les Instituts des Noirs au Caire), un chef de la tribu des Nouba située dans le Sud-Ouest du Cordofan, est arrivé à la Mission avec une suite de 15 personnes et m'a invité à bâtir une église et deux maisons dans sa tribu située à Delen, en me disant que tous sont disposés à devenir chrétiens.

Comme je connais un peu par expérience les Noirs et les Turcs, je me suis montré prêt à seconder les souhaits de ces peuples, mais sans trop de conviction j'ai donc prié le chef de revenir au mois de septembre afin de pouvoir évaluer mes forces et de prendre les renseignements qui s'imposent.


[3529]
Entre le Cordofan et le territoire des Nouba vivent les Baggaras une tribu de nomades qui exercent le meurtre et la traite des Noirs. Dès le départ de ces chefs, j'ai cherché des renseignements précis et j'ai tâté le pouls du Pacha du Cordofan. J'ai eu une offre de 200 soldats pour accompagner mes explorateurs dans les montagnes des Nouba.

Le matin de l'Assomption de la Vierge Marie, le 15 août, j'ai décidé d'explorer les régions de ces peuples, tous idolâtres, et qu'aucun Européen n'a encore visitées. J'ai donc ordonné à mon Vicaire Général qui était ici à Khartoum de partir, avec des provisions convenables, pour El-Obeïd, le lendemain de la Consécration solennelle du Vicariat au Sacré-Cœur de Jésus et de Marie. A partir de cette ville nous organiserions ensemble cette expédition si importante.


[3530]
Pendant qu'il était en voyage, le 24 septembre, jour consacré à la Vierge de la Récompense, un mercredi matin, alors que nous terminions l'heure d'adoration pour la Nigrizia, le grand chef des Nouba, qui est magicien, roi, prêtre et médecin, est arrivé à la Mission accompagné par plus de 20 personnes et il m'a renouvelé l'invitation à fonder l'Eglise dans sa patrie.

Il a été très content lorsque je lui ai dit que le Missionnaire qui devait aller voir ses tribus, était en voyage. Ce Missionnaire devait fixer le lieu où fonder la Mission, et revenir ensuite pour préparer et pour pourvoir au nécessaire pour cette fondation. Le chef a visité l'église, il a été frappé par le visage de la Sainte Vierge, par le tableau du Sacré-Cœur, et surtout lorsqu'il m'a vu jouer de l'accordéon et du petit orgue de la chapelle. Il était émerveillé en voyant nos pioches, nos scies et les autres outils. Il est resté avec nous quelques jours, puis il est parti.


[3531]
Quand le Père Carcereri est arrivé, il a refusé les 200 soldats et il n'a pris qu'un guide, et avec un autre Missionnaire et sept personnes, il est parti pour la Nubie. Il a été reçu avec un grand enthousiasme, et après avoir fixé le lieu pour la fondation de la première Mission, il est rentré à El-Obeïd.

Votre Excellence connaîtra directement les détails très intéressants de cette expédition de la voix-même de mon Vicaire Général, le Père Carcereri que j'ai envoyé en Europe, notamment à Rome, Vienne, Vérone et Paris pour des affaires concernant la Mission. En ce moment-même, il est sans doute arrivé au Caire, car il est parti de Khartoum le 11 décembre de l'année dernière.

Je l'ai chargé de rendre visite à Votre Excellence et au très Vénérable Père Carminati.


[3532]
Peut-être que le Sacré-Cœur a décidé que ma chère patrie, le Diocèse de Brescia, pourrait me fournir dans une telle occasion quelque pieux et bon Missionnaire de Brescia, ou quelque bon ouvrier ou Frère Coadjuteur.

Lorsque mon cher Père Carcereri arrivera à Brescia, je supplie humblement Votre Excellence de l'envoyer chez les Filles du Sacré-Cœur où est morte votre Vénérable Sœur, ainsi qu'à l'Institut de l'excellent Abbé Pietro, là-haut près du Castello ; envoyez-le aussi chez les sœurs Girelli dans la contrée de Saint Antoine, et chez le Père Rodolfi.

J'espère que la visite de mon Représentant à Brescia sous votre protection sera bénie par le Sacré-Cœur. Ma cousine Faustina Stampais de Maderno, qui a ouvert la maison féminine du Cordofan, et qui est fille de Sainte Angela Merici, sous la direction des très pieuses et bonnes sœurs Girelli, m'a prié de présenter ses hommages à Votre Excellence, l'évêque qui l'a confirmée.


[3533]
Le 11 novembre, une deuxième caravane de Sœurs et de Missionnaires a rejoint Khartoum. Maintenant El-Obeïd aussi est riche d'un Institut de Sœurs. L'une d'entre elles, Sœur Xavérine de Bayeux, en France, qui avait horreur des chameaux parce qu'ils sont une monture insupportable, a fait quatre jours de désert à dos d'âne ; mais la cinquième nuit, une hyène a dévoré le dos et deux jambes de l'âne, et la Sœur a traversé le désert à pied pendant 13 jours, en marchant 13 ou 14 heures par jour sous une température de 50 à 60 degrés Réaumur. Elle est arrivée à Khartoum très fatiguée, mais maintenant elle va très bien.


[3534]
Je ne peux pas vous exprimer l'impression favorable que les Sœurs ont faite sur les gens. C'est la première fois que des Epouses du Christ viennent s'installer ici, dans ces terres enflammées. A mon arrivée de nombreux Turcs ont été stupéfaits en voyant nos Sœurs. Certains les prenaient pour des hommes venant de la lune, d'autres pour des femmes, mais d'une autre race. Il est certain que les Turcs d'ici ont un grand respect pour les Sœurs. J'en ai qui viennent de Syrie, de Jérusalem, du Mont Liban, d'Arménie, de France, de Malte et d'Italie, toutes parlent au moins trois ou quatre parfois même cinq langues. J'ai des jeunes de 20 ans jusqu'à des vieilles de 40 ans. Elles ont toutes une solide formation religieuse, une grande moralité, un courage presque viril. Elles n'ont pas peur des voyages pénibles et dangereux, elles dorment sous un arbre où peut-être auparavant il y avait une hyène et un lion. Pendant la nuit elles dorment sur le sable à la belle étoile ou dans le coin d'un vieux bateau. Elles entrent dans les maisons des infidèles, pansent leurs plaies et les invitent à la Foi ; elles entrent dans les tribunaux, vont au marché et elles marchandent au profit de la Mission, tandis que les autres se consacrent à l'enseignement et à l'éducation morale des filles ; elles se présentent devant les Pachas pour plaider, poliment mais avec courage, la cause des plus malheureux ; elles se font respecter par les Turcs, par les puissants, par les soldats, par les Africains, et elles travaillent pour l'Eglise comme et parfois même plus que les plus zélés Missionnaires.


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Bref, après l'expérience faite avec elles au milieu des plus graves dangers, en face desquels les hommes les plus courageux d'Europe auraient peur, ces Filles de la Charité catholique, avec un calme étonnant, comme si c'était la vie ordinaire, tiennent le coup et se font respecter par tous. En un mot, c'est la puissance de la grâce de leur vocation apostolique qui opère ces prodiges dans les Missions.

Il y a dix ans de nombreux religieux, bien qu'ils aient reçu une solide formation en Europe, ont fui, terrifiés par ces lieux inhospitaliers, ces Sœurs, au contraire, me sollicitent souvent pour qu'on aille parmi les tribus les plus reculées où il y a davantage de besoins et pour porter à ces Noirs le salut éternel.


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Alors que la charité du Christ les soutient dans ces rudes épreuves, leur cœur est tout ardent d'amour divin, le Cœur de Jésus est leur seul réconfort, leur seule force, leur vie.

Ah ! le monde d'aujourd'hui si agité ne peut comprendre les délices dont jouissent les amants du Sacré-Cœur de Jésus en souffrant et en mourant pour Lui. Une Croix, une souffrance, une affliction endurées pour le Cœur de Jésus valent 100 fois plus que les plaisirs et les fausses délices du monde.


[3537]
Je voudrais, Monseigneur, vous dire deux mots à propos de quelque admirable aspect de la vocation de nos Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition, qui ont été les premières parmi toutes les religieuses l'Eglise à faire face au désert africain et à pénétrer parmi ces populations les plus malheureuses du monde. Pour le moment, je me limiterai à un seul épisode qui s'est passé au mois d'octobre alors que j'étais au Cordofan et que mon Vicaire Général était chez les Nouba.


[3538]
Il y avait ici à Khartoum une Noire chrétienne âgée de 24 ans, qui s'appelait Teresa, elle avait été baptisée l'année dernière alors qu'elle était au service d'un monsieur chrétien. Pendant qu'elle allait au marché pour faire des courses, elle fut enlevée par un musulman ; et pour pouvoir garder sa proie, le musulman a dit au Cadi (le juge du tribunal) que cette fille lui appartenait, qu'elle s'était échappée de sa maison sans aucune raison, et qu'elle est indûment devenue chrétienne.

Le Cadi interrogea la fille pour savoir si elle s'était vraiment échappée et si elle était devenue vraiment chrétienne, la fille a répondu que oui. Alors le juge lui a présenté le Coran en la menaçant de 500 coups de bâton et de la peine de mort si elle n'abandonnait pas le Christianisme et si elle ne revenait pas à la religion musulmane. Elle répondit résolument qu'elle était chrétienne et qu'elle mourrait chrétienne. Alors ils lui ont lié étroitement les pieds, lui ont déchiré les vêtements et donné, sous les pieds et sur tout le corps 300 coups de corbac (un fouet en peau d'hippopotame). Ils l'ont alors invitée deux fois encore à redevenir musulmane, et suite à son refus catégorique, ils lui ont administré encore 300 coups de corbac, et après 200 autres : en tout 800 coups. Le sang coulait, la chair était déchirée, les os complètement brisés avec la moelle qui se répandait par terre : dans cet état, elle continuait à répéter : " Ana Nassràrni " (" je suis chrétienne ").


[3539]
Si j'avais été à Khartoum, le Cadi n'aurait pas commis un tel délit, car il sait bien que la Mission est capable de lui faire payer ses comptes. La Mission ne savait rien de tout cela. Le vrai maître de Teresa l'a su par hasard, et il a couru à la Mission où le Supérieur était absent. Il n'y avait qu'un Missionnaire, le Père Vincenzo qui s'est empressé d'aller à la police pour réclamer la chrétienne ; mais il a été insulté.

Dès que le Supérieur, l'Abbé Pasquale Fiore rentra à la maison, et fut mis au courant de l'affaire, il a fait des démarches vers les personnalités les plus influentes auprès du Cadi pour obtenir la libération de la jeune chrétienne : mais tout a été inutile. Qu'a-t-il fait alors ? Il est allé chez la Supérieure Sœur Giuseppina Tabraui née à Jérusalem et âgée de 31 ans, qui était au lit avec une forte fièvre et il lui raconta la pénible histoire.


[3540]
Qu'a fait la Supérieure ? "J'irai chez le Pacha - a-t-elle dit - et sans se faire de soucis pour sa santé (en ces jours-ci elle est à l'article de la mort, il y a 15 jours, je lui ai administré tous les sacrements et je lui ai donné la bénédiction papale " in articulo mortis"), elle s'est levée du lit, s'est habillée, a emmené avec elle une Sœur arménienne et, avec un bâton pour se soutenir, elle réussit à se traîner jusqu'auprès du Pacha, et lui demanda fermement de remettre tout de suite à la Mission la fille qui avait été battue. Elle lui dit aussi qu'elle dénoncerait immédiatement au Pro-Vicaire Apostolique le délit commis par haine de la Religion Catholique.

Le Pacha déclara ne rien savoir et qu'il donnerait satisfaction au Pro-Vicaire Apostolique, il traita la Sœur avec tout le respect possible, et la pria de pardonner au juge, et de ne pas hésiter à recourir à lui : il serait heureux et honoré de lui accorder tout ce dont elle aurait besoin. L'entretien a duré une demi-heure.

Arrivée à l'Institut, la Sœur a trouvé Teresa déjà à la maison couverte de plaies sur tout le corps. La fille est maintenant en voie de guérison, heureuse d'avoir souffert pour Jésus-Christ.

J'aurai beaucoup à vous écrire aussi à propos des horreurs de l'esclavage.


[3541]
Les marchands d'esclaves armés de fusils vont, par centaines, dans les tribus pour chasser les Noirs et pour en enlever 1000 ils en tuent au moins 200.

On peut rencontrer ces esclaves à pied sur la route. Ils sont de tous âges et des deux sexes, mais la plupart sont des filles de 4 à 20 ans habillées comme notre mère Eve en état d'innocence ; certaines sont liées au cou avec des cordes attachées à une poutre en bois appuyée sur les épaules de dix ou douze d'entre elles, d'autres sont liées avec les mains derrière le dos ou avec des chaînes en fer aux pieds.

Ainsi poussées par les lances de ces canailles, les filles voyagent à pied pendant trois mois, douze ou treize heures par jour. D'autres étaient jusqu'à 800 dans un même vieille barque, entassées l'une sur l'autre sur quatre étages grossièrement construits avec des joncs, pour faire un voyage de plus de mille milles.

Ces malheureuses, qui avaient été violemment arrachées à leur famille et ont vu assassiner leurs parents et ceux qui voulaient les défendre, doivent satisfaire tous les désirs des esclavagistes, et puis elle sont vendues


[3542]
Je ne vous donne ici qu'une pâle idée des horreurs de l'esclavage qui sévit dans mon Vicariat.

Mon Vicaire Général vous en dira davantage, mais il ne pourra jamais décrire ces horreurs, comme elles le sont dans la réalité.

Vous voyez, Monseigneur, quelle Mission le Bon Dieu m'a confiée, mais le Cœur de Jésus triomphera de tout. Je vous en supplie ! recommandez-moi ainsi que ma Mission au Cœur de Jésus, et faites prier les admirables Filles du Sacré-Cœur de Brescia, si profondément saisies par la charité de Jésus Crucifié et transpercé par une lance cruelle. De ce Cœur doivent couler les eaux du salut qui lavent ces pauvres âmes malheureuses, et qui appellent les plus de 100 millions d'infidèles de mon Vicariat d'Afrique Centrale sur le chemin du salut éternel.

Je vous prie de diffuser dans mon cher diocèse de Brescia la prière "Pro conversione Chamitarum Africae Centralis".

Suite à mes ordres, le bon Recteur de mon Institut Africain de Vérone, l'Abbé Antonio Squaranti, a sans doute déjà dû vous remettre cette prière.


[3543]
Mes hommages à l'athlète du Sacerdoce Chrétien et de Brescia, le Révérend Carminati, aux Filles du Sacré-Cœur avec Mère Gesualda, et mes salutations à votre pieux et fidèle serviteur.

Je demande votre bénédiction, et je suis heureux de me déclarer dans les Cœurs de Jésus et de Marie avec un filial dévouement

votre humble fils

Daniel Comboni

Pro-Vicaire Apostolique d'Afrique Centrale



P.-S. Je fais appel à votre bonté et bienveillance pour que vous pardonniez mon écriture grossière due à mon bras qui n'est pas tout à fait guéri et au fait que dans les déserts de l'Afrique Centrale on ne connaît pas encore les normes du savoir-vivre publiées par Monseigneur Dalla Casa.