N° 1031; (986) - AU CHANOINE G. C. MITTERRUTZNER
ACR, A, c. 15/83
Vive Jésus, Marie et Joseph !
Khartoum, le 5 mars 1881
Très cher ami,
Ce matin, j'ai baptisé solennellement 4 adultes, et une Noire, que j'ai ensuite mariée à un des baptisés.
Votre lettre du 23 janvier 1881 est arrivée il y a une semaine ; vous y aviez écrit : "aujourd'hui, je lui envoie (au Père Sembianti) 300 autres florins offerts par une dame, qui veut garder l'anonymat mais qui a posé la condition suivante : le premier Noir baptisé à Khartoum par Son Excellence, devra recevoir le nom d'Henri (Rex) Anne Marie... et vous m'enverrez le certificat de Baptême".
Voici le certificat de Baptême. J'ai choisi un Denka parmi les quatre jeunes (parce que vous êtes célèbre à cause de la langue denka). C'est un beau jeune homme de 18 ans environ, natif de Toi, dans la région des Denka, il s'appelle A-Gher. Il ne connaît pas du tout l'arabe, et il a été instruit par le célèbre et saint Kheralla qui était avec Lanz, Oliboni, Melotto, Beltrame et moi-même chez les Kichs à la Mission de la Sainte Croix, et j'ai contrôlé personnellement ses connaissances du catéchisme en parlant le Denka avec lui. Il mesure 1 mètre 82 (il est plus haut que moi car je mesure 1 mètre 75), et il a des mœurs saines ; si l'Abbé Bonomi Luigi, qui est aussi photographe, n'était pas aussi occupé, je lui demanderais de photographier Henri (Rex) Anne Marie A-Gher, ce néophyte chanceux. Mais nous verrons.
La semaine prochaine avec plus de 30 personnes je pars pour le Cordofan et le Djebel Nouba. Quand j'aurai visité et organisé ces Missions, je partirai pour fonder une autre Mission, très importante, à l'Ouest du Fleuve Blanc dans la région des Kichs et des Bari, et je prendrai la voie du Bahar-el-Ghazal en me dirigeant vers le Sud-Ouest.
Dans une partie de cette future Mission on parle le Denka, le Giur, l'Arol, le Ghogh et le Niam-Niam. C'est une région magnifique, et c'est la plus salubre de toutes. C'est le point d'aboutissement des Missions du Cordofan et du Djebel Nouba.
Mais à ce sujet j'écrirai plus tard, car j'ai fait des études de ce territoire.
Son Excellence l'Hoccomdar, gouverneur général du Soudan Egyptien (qui embrasse un territoire 5 fois plus grand que l'Italie) est mon grand ami, et il fait ce que je veux.
Portez-vous bien. Saluez les bienfaiteurs et remerciez-les. Votre
+ Daniel Evêque
P.-S. Après-demain, je célébrerai une Messe Pontificale de Requiem pour l'âme de mon Eminent bienfaiteur le Cardinal Kutskas Archevêque de Vienne.
N° 1032; (987) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 15/111
N° 8
Khartoum, le 5 mars 1881
Mon cher Père,
Le chemin que Dieu m'a tracé est la Croix. Mais puisque le Christ, qui est mort sur la Croix à cause de l'injustice humaine, avait la tête droite, c'est le signe que la croix est belle et juste. Portons-la donc, et allons de l'avant !
Mon Vicaire l'Abbé Bortolo et moi avions demandé au Supérieur du Cordofan de nous présenter les comptes de son administration, mais il ne nous les a jamais présentés, ni à moi, ni à l'Abbé Luigi.
Quand je suis arrivé à Khartoum, il m'a écrit qu'il était urgent de payer une dette de 1.800 thalers à mon Procureur Giorgi Papa, et je l'ai payée en espèces, ici, à Khartoum, en déboursant les 1.800 thalers.
Dans le courrier suivant, il m'a demandé un chèque de 100 thalers, et je le lui ai payé en espèces. Maintenant (sans jamais me donner les comptes), il vient de m'envoyer un télégramme pour que je lui envoie immédiatement 800 thalers supplémentaires. Je me suis arrêté là, car il ne m'a jamais dit à qui il devait payer cette somme, ni quelles étaient les dépenses faites.
Le fait est que j'ai découvert des affaires louches, et je ne vous en citerai qu'une seule.
Après avoir fait les comptes avec Callisto Legnani (actuellement consul d'Italie à Khartoum), je me suis trouvé créditeur de 1.600 francs-or. Celui-ci s'agitait et disait qu'au contraire, il croyait être lui-même le créditeur ; mais il a dû céder face à l'évidence de notre comptabilité et de nos arguments.
Finalement, comme il avait besoin d'argent, il m'a porté les reçus de deux lettres de change de 900 francs-or que M Legnani Isidoro de Mennaggio, son frère, a payées, par l'intermédiaire de la banque de Naples, au père de l'Abbé Vincenzo Marzano..., et il m'a dit qu'il avait d'autres notes à El-Obeïd.
Il sait que je lui ai déclaré plusieurs fois que je ne lui paierai aucune commande qui ne soit faite par moi ou par mon Vicaire l'Abbé Bonomi. Passons à autre chose.
Comme vous l'avez sans doute lu, l'Abbé Losi a écrit à l'Eminent Cardinal di Canossa un mensonge solennel et calomnieux (pourtant je voudrais avoir 30 saints fous comme l'Abbé Losi, qui aura peut-être, comme il l'a déjà fait, écrit la même chose au Cardinal Préfet de Propaganda Fide, qui m'en a parlé, ou peut-être que Canossa lui-même en aura parlé à Propaganda Fide) dans sa lettre datée du 21 octobre 1880 et précisément dans ces termes:
"Puisque Votre Eminence se préoccupe encore de cette pauvre Mission...
Les Prêtres de cette Mission d'El-Obeïd (c'est-à-dire l'Abbé Vincenzo, qui envoie de l'argent à son père, l'Abbé Fraccaro qui, sans en parler à l'Evêque et Vicaire Apostolique, ou à son Vicaire Général, accepte ce gâchis) m'assurent que Monseigneur Comboni n'a même pas envoyé une piastre depuis trois ans, et qu'il existe une dette énorme auprès du Procureur (qui maintenant n'est même pas créditeur d'une piastre, et auprès de qui tout a été réglé, comme le montre un de ses reçus), etc.".
Mais, d'après les registres de l'administration générale de cette Chancellerie Apostolique du 21 octobre 1877 jusqu'à aujourd'hui, tenue par le Chanoine Fiore jusqu'au 12 avril 1878, par l'Abbé Squaranti jusqu'au 10 septembre 1878, par moi jusqu'au 19 mars 1879, et par l'Abbé Bonomi jusqu'au 18 février dernier, il résulte que sans compter les 11 expéditions de provisions, ont été envoyées au Cordofan 262.073 piastres toggiar du Soudan (soit 13.103 thalers mégid et 14 Piastres), équivalant à 3.047 napoléons-or et 7 francs et 33 centimes.
J'espère que je ne serai pas trop modeste, ni trop orgueilleux pour me justifier, soit auprès de notre Père le Cardinal di Canossa, soit auprès de la Sacrée Congrégation de Propaganda Fide : pour moi rien.
Mais je mettrai la mitre en jeu pour défendre, même devant le Souverain Pontife, l'innocence et la fidélité de mes Missionnaires, et de ceux qui ont donné leur vie pour l'Afrique. Vive Jésus. (Legnani a aussi envoyé 100 francs à la famille et au père d'Angelo Composta de Negrar, sans mon autorisation, et avec l'accord de l'Abbé Fraccaro).
Après toutes ces misères, et d'autres encore que je n'ai pas le temps de citer, je suis fermement persuadé et je vois à l'évidence qu'avec l'assistance de Jésus, de Marie et de mon Joseph, je réussirai cette année à commencer mes projets selon l'objectif de mes établissements actuels, c'est à dire d'avancer vers les tribus frontalières de l'Equateur.
J'ai déjà longuement parlé avec le grand Pacha, qui m'aime bien et qui favorise tous mes projets, parce qu'il est convaincu, bien qu'il soit un musulman fanatique, que notre Œuvre est une Œuvre de sublime civilisation. Le Pacha a de très bonnes relations, aussi, avec l'Abbé Luigi.
Ici à Khartoum j'ai trouvé une lettre de l'Abbé Giordano Vinazzato Vicaire de Santo Stefano à Padoue, dans laquelle il résulte un crédit de l'Abbé Paolo Rossi qui n'a pas encore été encaissé. Je vous l'envoie, faites en ce que vous voulez.
L'Abbé Bortolo va mieux et il mange; il pourra partir avec moi la semaine prochaine pour le Cordofan. L'Abbé Paolo Rosignoli (qui jusqu'à présent fait assez bien) est complètement guéri.
J'ai décidé de laisser les deux Piémontaises à Khartoum sous la responsabilité de Sœur Victoria. Nous les avons mises au travail avec les jeunes filles et les bons résultats ne se sont pas fait attendre; Sœur Amalia s'est tellement émerveillée de leur travail qu'elle m'a prié de les laisser ici.
J'ai aussi tenu compte du climat de Khartoum qui ces dernières années a été meilleur que celui du Cordofan; il vaut mieux donc qu'elles restent à Khartoum, car elles n'ont pas pu s'acclimater au Caire.
J'ai donné les instructions opportunes à Sœur Victoria; que notre Supérieure de Vérone quand elle écrit à Sœur Victoria fasse de même.
Je viens de recevoir votre très intéressante lettre du 5 février (la N° 12). Vous devez savoir que dans tout le Vicariat, nous n'avons que 2.600 francs environ, et qu'hier, j'ai envoyé à l'Abbé Giulianelli, pour qu'il la paye, une lettre de change de 3.000 francs, que l'an dernier il avait prudemment refusé de payer à Monsieur Marquet, parce qu'elle n'était pas en règle.
En général, ma situation financière est déplorable, mais je n'ai pas peur. J'approuve, et je suis content que vous ayez un bon fonds à Vérone, c'est moi-même qui ai écrit à de nombreuses personnes d'envoyer l'argent à Vérone.
Mais je dois penser aussi au Vicariat et à l'Egypte et je suis le seul responsable de toute l'Œuvre, y compris de ses finances, parce que je suis le seul à bien connaître les besoins spirituels et temporels de tous les établissements et de toute l'Œuvre.
Je n'ai pas destiné les 10.000 francs de Propaganda Fide ni à Vérone, ni au Caire, mais une petite partie est pour Vérone, et le reste est pour le Vicariat.
Vous deviez donc envoyer l'argent au Caire, et non pas pour le Caire, mais pour que du Caire, on m'envoie l'argent à Khartoum.
Ma position est encore plus critique parce que personne au monde ne peut me donner un conseil précis et définitif, même pas Propaganda Fide parce que l'Afrique Centrale est complètement différente du reste du monde, et l'homme qui la connaît un peu est l'Abbé Bonomi.
Mais je suis tout à fait tranquille à ce sujet, car je me consulte avec le Seigneur, la Vierge Marie et Saint Joseph, qui m'ont toujours aidé en Afrique, et qui n'ont jamais permis que je me trompe une seule fois, bien qu'en Europe, où on ne connaît pas l'Afrique, on pense différemment. Mais allons de l'avant, et courage ! Je suis très heureux en pensant que Dieu vous a donné tout le zèle et l'amour pour l'Afrique.
Je suis content que vous ayez gardé les 7.000 lires; tout est pour le bien et pour les finances de l'Œuvre, je suis content aussi que vous n'ayez pas fait de dépenses pour envoyer l'argent au Caire, et fait ensuite d'autres dépenses pour envoyer l'argent du Caire à Vérone au mois de juillet. Gardez donc l'argent à Vérone, et Joseph pensera à nous.
Je suis dans l'embarras, et je ne sais pas où poser mes pieds. Mais vive Jésus et Joseph, et allons de l'avant! Je ne peux plus faire marche arrière pour ce qui concerne le Contrat établi pour l'église du Caire: je devais la construire, et faire ainsi, et même à présent je ferais de la même façon, en dépit de l'opinion de Bachit (qui est un honnête homme), et de l'opposition des Franciscains et du Délégué Apostolique.
Voici la simple vérité de la déplorable condition religieuse de l'Egypte, et d'après moi (que cela reste secret entre nous), " le monopole franciscain est la première cause de l'enlisement du progrès religieux en Egypte ".
Chargé par une haute personnalité, j'ai examiné les affaires religieuses de l'Egypte (Rome sait que je les connais depuis de nombreuses années), du Caire et de Souakin j'ai écrit ces idées et d'autres à Rome.
Bientôt vous verrez donc des nouveautés en Egypte, pour le grand bien de la Foi véritable et de nos établissements.
L'Egypte est la clef, le quartier général, le point de départ de la régénération spirituelle d'un quart de toute l'Afrique. Pendant que le diable travaille, le Christ réalise ses Œuvres.
J'en viens maintenant au diacre que j'ai ordonné à Turin, je croyais que tout était terminé et que je n'avais plus rien à faire ; mais Jésus m'offre ici aussi de nouvelles tribulations. Fiat ! Et courage !
Au mois d'avril de l'an dernier, alors que j'étais de retour de Rome, à Sestri (je ne vous avais pas encore vu de mes propres yeux en tant que Recteur des établissements africains de Vérone), j'ai reçu une lettre du défunt Chanoine Ortalda, qui était depuis 28 ans directeur et responsable des Missionnaires et des Evêques missionnaires dans le monde, lettre dans laquelle il m'invitait à prêcher le 3 mai à la Propagation de la Foi à Turin. Je lui ai répondu que je n'avais pas le temps, parce que je devais penser à payer 6.000 francs, soit 217 guinées égyptiennes au Caire (Giulianelli m'avait envoyé un télégramme à ce propos à Vérone, et vous m'aviez envoyé un télégramme à Sestri), et que je devais faire un voyage en France... Le Chanoine Ortalda a insisté pour m'inviter à Turin (par où je passerais pour aller en France), et j'y suis allé. J'ai prêché, j'ai fait une conférence...,et mon devoir. J'étais hébergé à Turin dans la Villa de la Reine, n° 6, c'est-à-dire dans le Collège des Ecoles Apostoliques fondé par Ortalda, qui a ensuite été supprimé (il y avait 150 élèves environ), puis à nouveau restitué, mais sans Supérieur, et avec de mauvais rapports avec l'Archevêque...
Alors que je voulais aller à la recherche des 6.000 francs que je devais payer au Caire (cela aurait été mieux si je les avais fait payer par Brown au Caire), le Chanoine Ortalda m'a fait les propositions suivantes :
1°. Je vous donne les 6.000 francs immédiatement, et vous me les rendrez quand vous pourrez (je les ai rendus).
2°. Je vous promets de destiner pour l'Afrique Centrale, les meilleurs sujets qui sortiront de mon Collège.
3°. Mais vous devez me rendre le service d'ordonner, Titulo Missionis Africae Centralis, le Clerc NN. qui actuellement est maître d'internat de nos jeunes ; et vous devez l'ordonner, en me promettant que vous me le laisserez pendant plusieurs années ici à Turin pour le préparer à devenir le Directeur des Ecoles Apostoliques. Le sujet est bon, continuait le Chanoine Ortalda, il est expérimenté, et il est muni de ses lettres dimissoires (exeat) qu'il a obtenues quand il est entré dans mon Collège.
Face à ces trois propositions du Chanoine Ortalda, peut-être le plus zélé promoteur des Missions étrangères en Italie, et considéré comme tel par tous les Vicaires Apostoliques du monde, quel évêque missionnaire visant le salut des infidèles serait resté indifférent ?
Et comment pouvais-je refuser à ce moment-là, car j'avais besoin d'argent ? J'avais aussi davantage besoin de Missionnaires pour l'Afrique, et j'ignorais quelle orientation allait prendre l'Institut africain de Vérone sous votre direction.
J'ai prié, et j'y ai réfléchi beaucoup d'autant plus que le Chanoine Ortalda de la même façon avait fait ordonner un autre clerc, qui ensuite était parti comme Missionnaire, car il ne s'entendait pas avec lui.
Après avoir examiné le dossier, et entendu plusieurs fois le Chanoine Ortalda dire qu'il avait fait toutes les démarches nécessaires auprès de la Curie Archiépiscopale, j'ai ordonné le clerc Sous-Diacre et Diacre, et j'ai attendu le dimanche pour l'ordonner Prêtre.
Dans la semaine, je suis allé chez l'Archevêque, et je lui ai dit que j'avais fait ces ordinations (il savait naturellement), il m'a dit que cet individu n'avait pas été totalement approuvé par son Ordinaire, parce qu'il avait le "vice de la boisson."
J'ai dit à l'Archevêque que je n'en savais rien, et il m'a dit : "si vous voulez, je vous ferai parvenir une réponse de cet Evêque (d'Ivrea) dans trois jours, et vous serez convaincu". "Non, lui ai-je répondu, j'en suis persuadé, du moment que Votre Excellence me le dit, et j'arrête tout, je ne l'ordonne pas prêtre tant que Votre Excellence ne m'assure pas qu'il est appelé etc.".
Je me suis rendu au Collège, et j'ai déclaré au Chanoine Ortalda que je ne voulais plus ordonner Prêtre le clerc, et le Chanoine en a été extraordinairement affligé. Mais je n'ai pas changé d'avis, et je suis resté ferme sur ma position, je suis donc parti de Turin.
Auparavant, les trois Sœurs de Saint Joseph (et elles ont du flair) m'avaient assuré que ce clerc était très bon, qu'elles l'avaient vu tous les jours, et que je pouvais l'ordonner les yeux fermés. Un Curé d'une région voisine m'a affirmé la même chose, puis un autre Curé, qui était son oncle, est venu; il m'a dit que son neveu était un garçon bon, qu'il avait vécu de nombreuses années avec lui, et qu'il le trouvait toujours cohérent, certes sans beaucoup de talent, un peu trop âgé, mais avec des mœurs toujours intègres. De plus, il a toujours voulu être Prêtre, mais c'est depuis peu de temps qu'il disait vouloir devenir Missionnaire.
Je suis retourné à Turin, mais il n'y avait rien de nouveau. Le Chanoine était content et espérait que j'allais ordonner le Diacre avant de rentrer en Afrique. J'ai déjeuné chez l'Archevêque, et en parlant de ce Diacre, j'ai remarqué qu'il avait toujours la même opinion qu'avant, et qu'il ne voudrait jamais avoir un tel sujet dans son Diocèse.
L'avant-dernière fois que je suis allé à Turin, le climat était assez tendu entre le Chanoine Ortalda et l'Archevêque, qui lui notifia de trouver pour septembre un Directeur avisé pour le Collège, autrement il interdirait la chapelle, le Chanoine Ortalda serait alors contraint de fermer le Collège, et de renvoyer les jeunes et les Sœurs.
C'est ce coup qui a affecté sa santé, qui l'a fait tomber malade et mourir.
C'était alors que le Chanoine Ortalda (espérant toujours la survie du Collège) m'avait proposé de recevoir mon sujet provisoirement à Vérone, jusqu'à ce qu'il le rappelle...
Après une longue discussion, j'avais décidé de lui donner une de mes cartes de visite, qu'il vous aurait remise, et ensuite je vous aurais informé. Je ne pouvais pas faire autrement, je ne pouvais pas refuser, et je devais faire ainsi car, en fin de compte, il était mon sujet.
Quand je suis allé à Rome et ailleurs, j'ai oublié de vous parler de tout cela car aucun Evêque au monde n'est dans ma situation, préoccupé par de nombreuses affaires différentes les unes des autres, et sans Secrétaire.
Quand je suis passé pour la dernière fois à Turin, le 23 novembre, avant de venir en Afrique, j'ai su que le Collège avait fermé ses portes après la mort d'Ortalda ; les Sœurs étaient parties, et le Diacre n'avait donné aucun signe de vie. Ce dernier ne m'a jamais écrit, je ne me suis plus jamais souvenu de lui, et j'ai toujours oublié de vous en parler, et j'ai cru (quand à Turin j'ai parlé avec le Chanoine successeur dans les affaires des Missions d'Ortalda,) que le Diacre s'était retiré chez son oncle le Curé, etc. etc. etc.
J'avais par ailleurs mille autres choses qui me passaient par la tête, et je ne pensais plus à lui. Que dois-je faire maintenant ?
Je laisse, à vous qui êtes mon représentant à Vérone, les facultés, les droits et les devoirs que je peux avoir sur cet individu ; et pour moi, il reste la responsabilité devant Dieu, et devant le monde si il y a eu erreur de ma part.
Il est sûr et certain que j'ai eu devant Dieu les meilleures et les plus saintes intentions pour le bien de l'Afrique.
A Vérone vous avez la possibilité d'être conseillé, quoad ius, par le Révérend Supérieur, par l'Eminent Evêque, par l'Abbé Peloso.
Ou bien le Diacre manifeste une véritable vocation Missionnaire, ou bien il a seulement celle d'être Prêtre (ce dont je doute). S'il avait un penchant pour devenir Missionnaire (s'il y avait quelques indices), et s'il acceptait de payer son voyage et un franc par jour ou plus pendant la période de mise à l'épreuve, avec six mois payés d'avance, vous pourriez le mettre à l'épreuve à Vérone (si l'Eminent Supérieur est d'accord). Mais s'il a uniquement la vocation de devenir Prêtre, qu'il cherche alors un Evêque qui le reçoive, en ce cas je lui remets un exeat, et vous le trouverez ci-joint...
Faites ce qui vous semble le mieux. Pour l'instant, je ne sais que dire. Pardonnez ma position, ou mon erreur, et vive Jésus !
Le Supérieur des Jésuites au Caire m'a dit que le Père Normand, Supérieur de la Syrie et d'Egypte voulait me proposer le Belge, qui est un bon garçon que j'avais vu au Caire; je l'aurais même amené au Soudan, mais comme il vient de la part du Père Boetmann qui nous a envoyé beaucoup de candidats, je lui ai répondu de s'adresser à vous, mais j'ai oublié de vous en informer. Maintenant vous verrez.
Les Jésuites du Caire m'ont dit que c'était un garçon bon et brave, mais qu'il n'était pas appelé à la Compagnie de Jésus.
Je regrette pour Giorgio, faites ce que vous croyez le mieux ; même à Beyrouth il peut faire du bien pour sa famille. Faites en sorte qu'à cause de cela nous ne perdions pas Virginie, car pour l'Afrique elle est comme dix de nos Sœurs. Nos Sœurs sont très bien, mais ici et maintenant, aucune d'entre elles, ni Victoria, ni aucune de celles que je connais, ne vaut Virginie en ce qui concerne les principales caractéristiques de l'Apostolat pratique.
Bien que Virginie et moi nous ayons souffert de la calomnie (et je me vante de cela, parce que je ne suis, tout comme ne l'est Virginie, coupable même de la plus petite chose dont des brigands et des saints fous nous ont fait endosser la responsabilité), en Afrique de la part des religieux, à Vérone et à Rome, Virginie reste toutefois un instrument entre les mains de Dieu pour l'Afrique, et Dieu s'en sert comme il le veut.
Certaines petites épreuves qui sont nécessaires pour les jeunes postulantes ne sont pas opportunes, et ne sont sûrement pas un indice certain de vertu pour qui a déjà exercé l'apostolat sur le champ de bataille ; c'est le cas de Virginie, qui s'est déjà trouvée devant les canons, et qui a déjà fourni des preuves de vertus héroïques sur le terrain difficile de l'Afrique.
Ceci est mon avis, c'est l'avis de l'Abbé Bonomi et d'autres personnes qui ont connu Virginie en Afrique. Si elle n'avait pas de grandes vertus, elle serait déjà partie. Nous pensons qu'il faudrait lui accorder l'habit religieux, et qu'il faudrait avoir envers elle des sentiments de charité comme le mérite une vétéran de l'Apostolat.
En attendant (pour l'amour de Dieu, ne le dites pas à la Supérieure, ni à l'Institut féminin pour qu'elles ne se découragent pas, car une Congrégation cosmopolite comme la nôtre, ne se forme pas en deux ou trois ans, il faut beaucoup de temps, et elle réussira certainement), ici à Khartoum, il n'existe pas d'école féminine, et les 38 familles orientales de Syrie qui sont ici, ne sont même pas connues de Sœur Victoria (qui est cependant une Sœur pieuse et bonne).
Cette dernière a besoin de l'Abbé Luigi pour faire le catéchisme chaque jour aux jeunes filles noires internes.
Beaucoup de ces familles sont venues me voir pour me prier de rappeler les Sœurs de Saint Joseph à Khartoum, ou au moins Sœur Germana et Sœur Anna (Virginie) pour l'école etc.
Hier, une famille d'Alep avec deux filles est venue me rendre visite, j'ai demandé pourquoi ils n'envoyaient pas leurs filles chez les Sœurs, et ils m'ont répondu que c'est parce que nos Sœurs n'écrivent pas et ne parlent pas l'arabe.
C'est une grande mortification pour moi...
Tenons donc compte de Virginie, qui a été de toutes les Sœurs et de tous les Missionnaires, la plus fidèle à moi et à la Mission.
Et moi, qui a été trahi par de nombreuses personnes et par ceux qui avaient été les plus fidèles, j'ai un profond respect et de la vénération pour Virginie, et je voudrais avoir une centaine de Missionnaires comme elle.
Je veux la garder, et même supporter ses défauts, parce qu'elle a fait et fera son devoir. Le jour où j'oublierai Virginie sera le jour où j'aurai perdu tout zèle et toute affection pour l'Afrique.
Mais puisque cela arrivera difficilement car c'est Dieu lui-même qui m'a appelé pour m'occuper de l'Afrique, je compterai donc toujours beaucoup sur Virginie car elle a des qualités éminentes, plus de talent et plus de courage que toutes nos Sœurs du Soudan, y compris les Supérieures.
Sœur Amalia en est convaincue bien qu'elle n'ait jamais vu Virginie, mais des personnes compétentes lui avaient parlé d'elle.
Même Sœur Victoria serait contente de l'avoir auprès d'elle. Mais il vaut mieux qu'elle reste pour le moment à Vérone, qu'elle enseigne l'arabe, et avec abnégation, patience et mortification (car vous savez combien elle a souffert injustement en Europe, mais Dieu en a voulu ainsi), qu'elle se sanctifie, qu'elle perfectionne ses vertus intérieures, et qu'elle se prépare à de plus grandes choses pour la gloire de Dieu.
Du reste, nos Sœurs de Vérone sont ici toutes vaillantes, et Sœur Victoria est un véritable soldat. Pour les raisons ci-dessus, (c'est à vous seul que je le dis), je laisse les Piémontaises à Khartoum.
Elles sont restées ces derniers temps jour et nuits au chevet de Gessi Pacha, qui était à l'agonie; il m'a dit qu'il espérait guérir pour elles, car ce sont de vrais anges. Et Gessi Pacha est un homme qui, en tant que Gouverneur Général de Sobat à l'Equateur pendant ces trois dernières années, a fait fusiller et pendre plus de 5.000 Giallaba ou marchands d'esclaves. Eh bien, il ne cessait d'embrasser le crucifix des Sœurs par respect.
Soyez donc courageux et allez de l'avant, et avec l'aide de Virginie, notre Congrégation aura de grands avantages. C'est ce que je dis maintenant que je suis en danger de mort (et je le serai toujours davantage dans le futur) ; et je le dis en toute conscience, même si j'étais sur le point de mourir, quoi qu'en disent les gens, qui ne connaissent pas la Mission et la véritable Sœur de la charité en Afrique Centrale.
J'approuve complètement votre intention de faire payer 4 lires par an pour l'abonnement à nos Annali del Buon Pastore. Si vous vous en souvenez, moi aussi je voulais que l'on paye davantage qu'une misérable lire par an.
Mettez donc l'abonnement aux Annali à 4 lires, ou mieux, à 3 lires. Nous aurons davantage d'abonnés en demandant 3 lires par an, et davantage de prières aussi. Oui ! 3 lires, c'est mieux. Les œuvres sont si nombreuses, que beaucoup de personnes refuseraient de participer s'il fallait payer 4 lires.
Les rapports des Missionnaires et des Sœurs ne manqueront pas ; restez tranquille. Courage ! Et rappelez-vous que l'Abbé Giuseppe Sembianti est et doit être le premier Missionnaire Apostolique de l'Afrique Centrale.
Vous, moi, et certains Jésuites orientaux que je connais, (sous l'influence bénéfique du Père Vignola, et les auspices de Son Eminence le Cardinal di Canossa), nous devons faire de grandes choses pour l'Afrique Centrale.
Les Missions au Nyanza des Missionnaires d'Alger sont en train de s'écrouler, bien qu'à Lyon on ait publié des merveilles à leur sujet.
Celui qui ne marche pas droit, et pour la seule gloire de Dieu, n'a pas de bénédictions. Espérons qu'ils aillent mieux, que l'Archevêque d'Alger claironne un peu moins, et qu'il travaille un peu plus...
J'ai parlé de l'Abbé Francesco Walcher à ses deux camarades : l'Abbé Dichtl et l'Abbé Giuseppe Ohrwalder. Ils sont de l'avis qu'il ne doit surtout pas aller à Gratz, mais qu'il doit rester à Vérone pour étudier chez les Stigmatins et se former sous votre responsabilité.
Que la sœur de Walcher, Gabriella (ma fille spirituelle) assiste sa sœur Anna, tant que Dieu le voudra, elle est très contente que Francesco reste à Vérone.
Ce dernier m'a écrit de Vérone : "Ici j'ai trouvé tout comme il faut, je ne peux rien dire de plus. La direction à présent est bonne et ferme, mais ce que qu'a fait Grieff n'a pas encore été oublié, et c'est à cause de cela que je ne trouve pas du tout la paix".
Je vous dis cela, mon cher Recteur, pour que vous sachiez à quoi vous en tenir, et pour qu'on efface le souvenir de ce perfide sujet.
Quand (je l'ai su ici) il est revenu de Cologne avec 6.000 francs, il a dit à l'Abbé Paolo : "Je vous les donne à condition que je sois Supérieur, à Vérone ou au Caire." Il a donné l'ordre aussi à Alberto de ne jamais parler avec les Arabes qui étaient dans l'Institut, et d'autres choses encore plus graves contre de nombreuses personnes.
Quand Grieff a demandé à partir, le Supérieur du Séminaire de Londres a dit à l'Abbé Bouchard : "Son départ est une bénédiction pour le Collège ; il est incroyable de voir combien de malice et de perversité se trouve dans cette âme...".
Revenons au Diacre Giovanni, pourquoi après la fermeture du Collège Ortalda ne s'est-il pas adressé tout de suite à Vérone ? Cela me fait soupçonner qu'il ne s'intéresse pas du tout à la Mission, qu'il ait essayé (sans y parvenir) d'être Prêtre dans son diocèse; et quand il a vu qu'il n'était pas accepté, qu'il ait fait demande à Vérone... Pensez-y, et sachez à quoi vous en tenir aussi dans cette affaire.
J'ai su de Rome que notre Eminent Evêque a publié une belle lettre Pastorale sur la Propagation de la Foi, et qu'il a cité aussi les importantes allocations reçues par l'Afrique Centrale et par les Missionnaires Canossiennes de Chine.
Je vous prie de remercier Son Eminence de ma part, et aussi pour avoir encouragé l'aide à la Propagation de la Foi et à la Sainte Enfance.
Je reçois peu de l'Œuvre des Ecoles d'Orient, parce que cette Œuvre est le monopole de Monseigneur Lavigerie, et parce que je n'écris pas beaucoup.
Je ne reçois que 600 francs, ou un peu plus, par an, et ceci à cause du Fondateur de cette Œuvre, mon cher ami Monseigneur Soubiranne, aujourd'hui Evêque de Belley, qui quand il était Directeur me donnait jusqu'à 2.000 francs.
En ce qui concerne la correspondance des anciens Missionnaires avec l'Abbé Bricolo, j'ai cherché les lettres ici à Khartoum, et je les ai trouvées bien conservées et liées, telles que l'Abbé Squaranti les avait reçues de l'Abbé Bricolo. J'y ai jeté un coup d'œil et j'ai trouvé aussi mes lettres et celles de l'Abbé Oliboni..., mais la plupart des lettres étaient celles écrites par le feu Abbé Dalbosco à l'Abbé Bricolo.
Dalbosco un saint Prêtre, mon compagnon et premier Recteur de l'Institut Africain de Vérone, qui venait d'être fondé a San Pietro Incarnario, avait informé l'Abbé Bricolo depuis Khartoum sur de nombreux sujets, etc. ; et je suis de l'avis que beaucoup de ces lettres peuvent servir pour nos Annales avec l'autorisation de l'Abbé Bricolo. Je vous enverrai donc ces lettres dès que possible; informez l'Abbé Bricolo de cela, et comme il les a confiées à l'abbé Squaranti, il peut aussi les confier à vous.
Saluez-le de ma part, et remerciez-le pour le beau livre dont il a fait imprimer la traduction du français. Je lui écrirai quand j'aurai le temps.
J'ai entendu ce qui est arrivé à l'Abbé Moron, je le bénis et qu'il prie pour nous. A propos de Sestri (je n'ai pas le temps d'écrire, ni à l'Abbé Angelo, ni à l'excellente Sœur Metilde), faites ce qui vous semble le mieux dans le Seigneur et maintenez des bonnes relations avec cet Archiprêtre, que vous saluerez de ma part. L'Abbé Luciano me connaît parfaitement, et il saura me pardonner si je ne lui écris pas; je voulais écrire à sa sœur Angelina depuis la mort de son beau-frère, mais je n'ai jamais trouvé le temps pour le faire.
Saluez-le de tout cœur de ma part, et qu'il prie pour moi.
Ce matin, j'ai baptisé solennellement 5 adultes, dont un pieux et excellent jeune homme Dinka de 18 ans que j'ai choisi pour lui donner le nom souhaité par Mitterrutzner : Henri (Rex) Anne Marie. J'ai choisi un Denka parce que Mitterrutzner est l'auteur de la première grammaire et du premier dictionnaire de la langue des Denka. Ce jeune, noir comme le charbon, est originaire de Toi (village des Denka) ; il mesure 1 mètre 82, il est donc plus grand que moi. Il ne connaît pas l'arabe, et il a suivi la catéchèse en langue Denka ; je l'ai interrogé, et j'ai remarqué qu'il connaît bien le catéchisme, et très bien l'esprit de notre sainte Foi.
C'est Kheralla qui l'a catéchisé et l'Abbé Beltrame le connaît très bien. Le jeune Dinka s'appelle A-Gher, ce qui signifie blanc, vierge..., et son âme est vraiment pure. Après avoir été baptisé ce matin, il a reçu son certificat de baptême rédigé par l'Abbé Luigi, sur lequel est écrit Henri (Rex) Anne Marie A-Gher. Son parrain a été mon fidèle serviteur américain Domenico Correia; j'envoie aujourd'hui les certificats de baptême de 4 garçons et d'une fille à Mitterrutzner. Il y a encore beaucoup de filles catéchumènes à baptiser, mais elles ne sont pas encore assez préparées.
Je vous envoie aussi le certificat de décès de l'Abbé Domenico Noya, pour Barletta, vidimé par le Consul Italien.
J'ai déjà écrit de Khartoum à Nöcker à Cologne, et nous sommes en train de préparer des Rapports pour Cologne.
Il me reste à solder, après plus d'un an, les comptes du Chevalier Melandri, que j'avais chargé d'acheter des livres de philosophie à Naples; il est un de mes principaux correspondants de Rome car il est très serviable.
Je l'ai prié d'attendre parce que j'attends le moment où j'aurai le courage de demander à Propaganda Fide de payer... Mais je n'en ai pas encore le courage après avoir reçu 10.000 francs. J'attends l'occasion d'obtenir quelques aumônes, prélevées sur les autres petites allocations qu'on doit me destiner.
Je vous préviens, mais j'espère que c'est moi qui payerai.
J'essayerai de parler au Chevalier Melandri, directeur de la Typographie Polyglotte de Propaganda, et à Tanfani à Saint Louis des Français (à propos des deux coussins qui sont à Vérone) ; j'essayerai de les payer bientôt.
Le meilleur moyen pour expédier directement des caisses à Khartoum est de passer par Gênes, Suez et Souakin, et de les envoyer à mon adresse, car c'est uniquement si elles sont adressées à mon nom que l'on ne paye pas de douane ni à Alexandrie, ni à Suez, ni à Souakin; sinon, il faut payer 8 % de la valeur de la marchandise, comme on a payé avec Legnani. Voici l'adresse:
A Monseigneur Comboni
Evêque de Khartoum à Souakin (au bord de la Mer Rouge)
(transbordement à Suez)
Il faut envoyer la marchandise par l'intermédiaire de la Société Rubattino à Gênes.
Les deux sacs de riz de Monsieur Grigolini et la cire de Montorio sont arrivés à Berber.
Mon agent à Alexandrie s'appelle M. Germano Carcereri.
Mon agent à Souakin s'appelle M. A. Marquet.
La marchandise doit toujours m'être adressée et recommandée à mes agents.
Mon Procureur de Suez s'appelle M. Zahr, Vice-Consul de la Belgique (c'est un grec schismatique, et il ne connaît que l'arabe, mais il a des Secrétaires qui connaissent toutes les langues ; c'est pour cela qu'il écrit même en italien, et très clairement).
Si vous envoyez des objets précieux à Alexandrie, envoyez-les à mon adresse et recommandez-les au Consul austro-hongrois d'Alexandrie.
Je vous donnerai dans d'autres lettres les noms de mes agents installés ailleurs. Dans votre lettre (N° 11), sur Sestri je lis : "le matériel utilisé depuis 10 mois par les Sœurs doit être payé immédiatement comme cela a été établi dès le début (est-ce bien vrai ?), etc.," je ne comprends pas, je n'ai rien établi, tout cela est faux ! Répondez-lui qu'il vous présente mon engagement écrit.
Je bénis tout le monde, et priez pour votre affectionné
+ Daniel Evêque
N° 1033; (988) - A SON PERE
ACR, A, c. 14/129
Khartoum, le 5 mars 1881
Bref billet
N° 1034; (989) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 15/112
N° 9
Khartoum, le 8 mars 1881
Mon cher Père,
Notre grande caravane est partie ce matin pour le Cordofan avec 4 Sœurs, les Abbés Luigi, Bortolo, et Rosignoli, avec Isidoro, etc. et plus de 30 chameaux. J'ai envoyé les provisions il y a 20 jours. Comme j'ai encore beaucoup à faire ici, je partirai dans cinq jours et puisque je voyage au grand trot je gagne du temps et je suis sûr de les rejoindre tous en 10 jours seulement, pour arriver ensemble dans la capitale du Cordofan. Comme je n'ai pas d'argent, il faut qu'ici j'emprunte un millier de thalers.
J'ai laissé l'Abbé Arthur Bouchard comme Supérieur à Khartoum ; c'est un homme solide, possédant un grand esprit d'abnégation, et comme l'Abbé Luigi, moi-même, et surtout les deux Abbés Allemands Dichtl et Giuseppe et l'Abbé Pimazzoni, il ne boit jamais de vin, mais de la mérissa. Dichtl est son assistant, avec lequel Francesco étudie merveilleusement, entre autres il étudie le Catéchisme Romain. Beschir reste ici comme catéchiste et commissionnaire avec Gabriel et Domenico le jardinier.
Je vous prie de faire payer à Vienne, ou d'envoyer au libraire Mayer, 4 florins et 8 Kreutzer.
Comme la caisse la mieux fournie se trouve à Vérone, et la plus maigre au Soudan, j'ai écrit aujourd'hui au Bon Marché (à Mme Boucicaut) à Paris, en commandant à cet immense établissement, à qui j'avais jadis commandé les vêtements blancs pour toutes les Sœurs de l'Afrique et pour tous les Missionnaires (qui ont été très contents des chapeaux gris que je leur ai apportés de Rome, et le Consul austro-hongrois s'en est félicité avec moi), de vous envoyer la note à payer, que vous réglerez tout de suite en espèces ou par lettre de change (car ces grands magasins expédient toujours la marchandise mais ils exigent d'être payés lors de la livraison), 1.000 mètres de satinette, etc., des voiles bleus et d'autres petites choses.
Il vaut mieux que vous gardiez l'argent à Vérone jusqu'à ce que Dieu le veuille. Je vous bénis, ainsi que l'Institut masculin, et féminin, et priez pour
votre affectionné
+ Daniel Evêque
N° 1035; (990) - CONTRAT AVEC AL-NUR IBRAHIM
ACR, A, c. 22/3 n.1
Le 9 mars 1881
Contrat pour la construction de l'église de Khartoum.
N° 1036; (991) - A L'ABBE GIOVANNI BELTRAME
AMV, cart. "Missione Africana"
Khartoum, le 12 mars 1881
Mon très cher Abbé Giovanni,
Je ne peux pas résister au désir de vous donner deux nouvelles, une triste, et une belle. La triste est la mort de notre cher Kherallah, qui nous a beaucoup aidés (et vous en particulier ) à apprendre la langue des Denka; vous connaissez tous les détails de la vie de cet incomparable chrétien, qui a vécu et qui est mort comme un saint. Vous découvrirez la magnifique biographie qu'est en train d'écrire mon excellent Abbé Dichtl, élève de mon Institut Africain de Vérone, que j'ai affecté à Khartoum.
La bonne nouvelle est... devinez... Francis..... (votre compagnon de voyage à Benischiangol)... qui s'est finalement marié... Il a pris pour épouse une des plus belles femmes abyssines de Khartoum, qui avait été la concubine d'un Grec. Convertie au catholicisme par une de mes Sœurs arabes de Khartoum, elle est restée ici dans la Mission pendant trois ans. C'est une fille aimable âgée de 23 ans environ, plusieurs fois elle avait été demandée en mariage par des commerçants, mais elle avait déclaré qu'elle voulait rester célibataire, ou bien se marier avec un bon catholique pratiquant, même vieux.
Or, Francis est vieux, c'est un maçon expérimenté, mais il est devenu encore plus petit avec l'âge, et il a perdu sa voix. J'ai célébré son mariage le dernier dimanche de carnaval, et hier, j'ai demandé à l'épouse si elle était contente, et elle m'a répondu : "ana fil fardùs.... je suis vraiment contente, et je vous serai reconnaissante jusqu'à la mort mon Père, parce que vous m'avez donné comme mari un homme qui est le meilleur que j'ai connu".
Ensuite, Francis est venu dans le salon, et je lui ai demandé s'il était content; il m'a répondu, en levant le doigt de la façon que vous savez si bien imiter: "oui, je suis content...vous avez été un père pour moi.... maintenant, je suis installé".
Il a donné à son épouse un beau collier et des bracelets en or...
Il vous salue de tout son cœur.
Au Caire j'ai eu un long entretien avec le nouveau Khédive ; il a donné l'ordre de nous aider, à tous les gouverneurs des régions que je traverserai avec mon importante caravane de 16 personnes, dont des Sœurs, des Missionnaires, des artisans, etc. …
Cette caravane n'a mis que 29 jours pour aller du Caire à Khartoum. Nous nous sommes arrêtés 5 jours à Souakin, et quand nous sommes arrivés à Berber, il y avait le bateau à vapeur qui nous attendait depuis 11 jours. Ce bateau avait été envoyé par le Grand Pacha el Hoccomdar sur l'ordre du Khédive pour m'amener à Khartoum.
Ici, j'ai rencontré Gessi Pacha, le dompteur de l'esclavage dans la région du Bahar-el-Ghazal (où il a fait pendre et fusiller plus de 5.000 Giallaba).
Il est tombé gravement malade et les médecins l'ont renvoyé chez lui. Pour assister Gessi j'ai envoyé nos Sœurs chez l'agent consulaire italien Callisto Legnani où il logeait; nous l'avons constamment soigné avec l'aide d'un bon médecin allemand, ainsi il a pu s'en sortir, et hier il est parti à bord d'un bateau à vapeur pour Berber. Il ira à Vérone pour connaître mon Recteur et mon Institut féminin, parce qu'il est convaincu qu'il a été sauvé par mes Sœurs.
J'ai déjà envoyé une caravane de plus de 30 personnes vers le Cordofan et le Djebel Nouba. Mon serviteur, Slatin le Gouverneur Général du Darfour et moi-même, nous partirons la semaine prochaine à dos de dromadaire.
J'irai à El-Obeïd en 5 jours. Saluez de ma part l'Abbé Tomba, Betta, les Prêtres, ceux de Canterane, le Dr. Baschera et l'Abbé Mamolo.
Votre affectionné ami
+ Daniel Evêque
N° 1037; (992) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 15/113
N° 10
Khartoum, le 12 mars 1881
Mon cher Père,
J'ai trouvé les lettres de l'Abbé Bricolo, et je les enverrai par l'intermédiaire de Callisto Legnani l'été prochain. Elles sont presque toutes écrites par l'Abbé Alessandro Dalbosco, premier Recteur de l'Institut Africain de Vérone, et je pense que vous y trouvez du matériel qui pourrait être publié dans les Annali del Buon Pastore.
Kheralla est mort hier ; Dichtl écrira sa biographie. Aujourd'hui j'ai écrit à l'Abbé Beltrame pour lui annoncer la nouvelle car il le connaissait bien. C'était un Denka vraiment saint; je n'ai jamais vu de chrétien aussi convaincu, aussi imprégné et transformé par la grâce, du moins parmi les Noirs. Je connais peu de personnes semblables en Europe en ce qui concerne la sainteté, les vertus, la rectitude,...
Si je peux, je donnerai d'autres détails à Dichtl par lettre. Mais il serait bon que vous alliez voir l'Abbé Beltrame, pour entendre de sa bouche certains détails.
L'Abbé Beltrame a mis au point avec Kheralla un dictionnaire et un précis de grammaire de la langue des Denka (que cela reste entre nous : Kheralla avait beaucoup de patience envers l'Abbé Giovanni Beltrame qui le maltraitait, lui faisait des reproches, etc. quand il ne comprenait pas un mot Denka; cela suffit pour conclure que Kheralla était un saint. L'abbé Beltrame se mettait en colère pour un moment, c'est un effet des fièvres du Soudan, puis se calmait, il connaissait très bien la fermeté de la Foi et les vertus de Kheralla).
Gessi Pacha (qui a fait fusiller et pendre plus de 5.000 Giallaba, ou marchands de chair humaine, afin de supprimer l'esclavage... et il a bien fait! je le dis avec tous les Missionnaires qui connaissent ces régions), est guéri, il a repris des forces et ainsi hier il a pu partir pour le Caire à bord du bateau à vapeur.
Il reconnaît que sa guérison (j'affirme que c'est aussi grâce à Dieu, grâce à son courage, grâce aux médecins et à moi-même qui l'avons envoyé ailleurs) est due à la Mission, et surtout à nos Sœurs qui l'ont assisté jour et nuit.
C'est pour cela qu'il a voulu que j'écrive une lettre pour vous, car il veut venir exprès à Vérone pour vous voir et pour voir les Sœurs, afin de manifester sa reconnaissance. Il a voulu que j'écrive aussi une lettre pour mon père car il veut lui rendre visite à Limone.
Gessi Pacha était Gouverneur Général du Sobat à l'Equateur (un territoire trois fois plus grand que celui de la France), par sa vaillance, et par son courage indicible et sans pareil il a dompté les rebelles, sans même avoir les soldats nécessaires car le gouvernement Turc ne lui en donnait pas, de peur qu'il n'arrive à abolir de fait l'esclavage.
Cependant, le Gouvernement a été contraint de le nommer Général Pacha suite à certaines pressions surtout de la part de l'Angleterre, et de le combler de décorations.
Alors qu'il risquait de mourir, je l'ai invité de belle façon à se confesser, il sursauta et m'a dit: "Je demande pardon à Dieu pour tous mes péchés, j'ai davantage de Foi que ce que vous croyez; mais à mon âge, c'est-à-dire à plus de 50 ans, je ne me crois pas obligé de dire mes misères à un autre homme... Dieu ne me demande pas cela.... Mais je commence un peu....", ensuite, il a dit: "laissez-moi me reposer ". Alors que j'étais sorti de la chambre de la maison de Callisto Legnani, où Gessi habitait il lui dit: "Monseigneur veut que je me confesse, je suis trop vieux...
Mais Sœur Victoria lui a cousu dans la chemise une médaille de Notre Dame du Sacré-Cœur; ensuite, je lui ai donné de l'eau de Lourdes rapportée par Virginie et, grâce à Sœur Francesca qui a mélangé les médicaments à l'eau de Lourdes, nous l'avons fait boire. Le fait est que, grâce à son courage, et peut-être aussi grâce au Seigneur et à la Vierge (mais moi je crois que c'est grâce à Elle), il allait mieux; et à la grande surprise du médecin et de tout le monde, il s'est tout à fait rétabli.
Gessi Pacha est un vrai héros, mais il n'a jamais pratiqué la religion ; cependant, il a toujours aimé les Prêtres, et c'est lui qui m'a prêté 20.000 francs sans faire de papier... Il viendra vous rendre visite avec son épouse (qui est à Trieste; ils se sont mariés à Odessa il y a 20 ans), recevez-les bien.
C'est lui qui m'avait invité, il y a deux ans, pour fonder une Mission au Bahar-el-Ghazal, où il aurait pris en charge toutes les dépenses pour la construction de deux grands établissements, etc. C'est un héros plein de vertus et de péchés.
Comme il y avait une évidente inimitié entre lui et son Supérieur Rauf Pacha, les consuls et moi, nous nous sommes organisés pour qu'il touche ses salaires, la deuxième prime de 1.000 livres égyptiennes (26.000 francs-or), pour qu'il prenne le bateau à vapeur et une dahhabia, et il est parti avant-hier, jeudi, pour Berber.
Comme je n'ai pu écrire à mon père à propos de la visite de Gessi, écrivez-lui. Ce serait même mieux si mon père venait à Vérone, parce qu'il n'a pas la possibilité de le recevoir convenablement, et alors il a peur et il tremble comme une feuille. La visite aura lieu cet été ou après.
Ici, je laisse l'Abbé Arthur Bouchard comme Supérieur, aidé par le bon et excellent Dichtl, qui donne des cours à Francesco Pimazzoni. Je leur ai donné les ordres suivants : "Vous devez considérer Pimazzoni comme mort pendant un an; il doit uniquement étudier".
Je ne comprends pas la situation de Sœur Victoria (c'est une véritable Missionnaire, et elle le sera encore plus quand elle aura appris l'arabe).
Ou bien le cancer qu'elle a eu à Cordofan est le fruit de son imagination, de celle de Sœur Grigolini et de l'Abbé Fraccaro, ou alors Notre Dame du Sacré-Cœur a fait un miracle éclatant, car elle est saine et robuste, elle passe des nuits entières auprès des malades, et le matin, elle est à son travail, elle est auprès de moi, elle est partout, elle mange de tout et avec appétit, et elle jouit d'une excellente santé (et elle dit qu'elle connaît et sent son mal). L'Abbé Bonomi croit que ce cancer n'a jamais existé. Quant à moi, je ne sais encore quel jugement émettre. Son médecin protestant est ici à Khartoum et a soigné aussi l'Abbé Bortolo; il dit qu'elle a eu un cancer et que ce sont ses médicaments qui l'ont guérie. Pour donner mon avis, j'attends quand je serai au Cordofan.
Je vous envoie une lettre du défunt Abbé Alessandro Dalbosco, datée du 9 juin 1858 et adressée à l'Abbé Bricolo, et que j'ai trouvée dans le paquet de lettres de ce dernier.
Kheralla, qui venait tous les jours pour connaître le jour de mon arrivée, est un vrai saint du paradis, qui priera pour l'Afrique. Je lui avais permis d'aller dans sa tribu pour y prêcher l'Evangile quand j'aurais été au Bahar-el-Ghazal.
Présentez mes hommages à Son Eminence, au Révérend Père Vignola, à l'Abbé Luciano, à la Supérieure, etc.
Votre affectionné
+ Daniel Evêque
P.-S. Je viens de recevoir la note de la Typographie Polyglotte mais sans les lettres.
N° 1038; (993) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 27/17 n.1
Khartoum, le 12 mars 1881
Bref billet.
N° 1039; (994) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 18/32
Khartoum, le 14 mars 1881
Bref billet.
N° 1040; (995) - AU CARDINAL LUIGI DI CANOSSSA
ACR, A, c. 14/104
Khartoum, le 15 mars 1881
Eminent et Révérend Prince,
Aujourd'hui j'ai 50 ans, mon Dieu! On vieillit vite, et sans rien faire.
Il est vrai que je me trouve face au Vicariat le plus laborieux et le plus difficile du monde, qui marche plutôt bien, et qui, par la grâce divine, est arrivé à un point que je n'aurais pas cru pouvoir atteindre il y a 8 ans, à cause des énormes obstacles que j'avais prévus; le progrès de mon Vicariat est dû au bon vouloir de Dieu, à votre aide, mais aussi à mon modeste travail. Mais après tout, c'est une grâce si je n'ai pas fait obstacle, et si je peux seulement m'exclamer et avec raison: servus inutilis sum. Le peu que j'ai pu faire, c'est uniquement parce que j'ai reçu l'aide vigoureuse de Votre Eminence. Nous pouvons donc dire: servi inutiles sumus.
Je vous remercie infiniment de l'affectueuse lettre Pastorale que votre zèle apostolique a écrite en faveur de la Propagation de la Foi et de la Sainte Enfance, dans laquelle vous avez présenté l'Afrique Centrale.
J'espère que tout ira bien tant du point de vue des finances que du point de vue des vocations, au fond c'est ce que vise le très sage Léon XIII. Vous verrez que, grâce à cette lettre, naîtront de nouvelles vocations à la prêtrise, parce que les diocèses qui donnent plus de Missionnaires auront davantage de Prêtres. Les temps sont difficiles, mais le Christ est vivant, et il cassera les cornes des pécheurs.
Ici, je suis submergé par les visites des Européens, des Turcs, etc., qui savent que c'est le jour de mon anniversaire, ce soir, notre table sera honorée par la présence de l'Hoccomdar accompagné par toute sa cour de Pachas, de Beys, de Mudirs, etc. Il s'agit de Rauf Pacha Gouverneur Général du Soudan qui gouverne un territoire (entièrement sous ma juridiction) 5 fois plus vaste que la France. Notre caravane, composée de plus de 30 personnes, est partie la semaine dernière; guidée par l'expérimenté (bien qu'un peu rustre et ombrageux) Abbé Luigi Bonomi, accompagné par l'Abbé Rolleri (et je devais rejoindre cette caravane en trois jours), elle est déjà arrivée dans le désert; mais l'Abbé Rolleri qui vient de se remettre d'une maladie et, ayant peur car il a été frappé par la fièvre, a prudemment pensé à rebrousser chemin (et il a bien fait!); maintenant il est ici. Il a énormément changé ses idées, il a dit à plusieurs personnes qu'il ne pensait pas voir autant d'activités et tellement de bien à Khartoum. Il n'est bon à rien, et il reste toujours dans sa chambre. Et bien que depuis presque un mois il ne célèbre pas la Messe et ne dise pas le Bréviaire, il est toujours utile pour son bon exemple, sa bonne conduite et sa piété.
Pour faciliter mon voyage, Son Excellence le Pacha m'a fait savoir aujourd'hui qu'il mettra à ma disposition (gratuitement, bien entendu!) un bateau à vapeur pour me conduire vendredi ou samedi jusqu'à Tura-el-Khadra, d'où en 6 jours seulement à dos de dromadaire j'arriverai au Cordofan.
J'ai fait des choses magnifiques avec le gouvernement égyptien, et avec ce Vice-Roi Gouverneur Général. J'ai dit et prouvé que la Mission catholique est le plus important élément de civilisation, et qu'elle est ici pour civiliser les Noirs en les faisant devenir des chrétiens, et pour contribuer à l'abolition de la traite des Noirs... Ce gouverneur musulman m'a promis toute sa protection, et comme au Djebel Nouba il y a beaucoup de voleurs et de bédouins qui volent nos provisions et enlèvent les personnes, le Pacha est prêt (mais nous lui en avons fait parvenir l'ordre d'en-haut, que cela reste entre nous, même de la sournoise Angleterre) à envoyer une troupe de 200 soldats pour nous défendre, ce que je refuse pour l'instant. Mais j'accepterai quand un commissaire européen viendra ici à la tête de l'expédition.
En attendant, il m'a proposé toutes les aides nécessaires, et il a donné l'ordre au Pacha du Cordofan de se mettre à ma disposition, et de m'accorder les hommes et tout ce dont je pourrais avoir besoin.
Cela suffit pour le moment. Quand j'aurai fini de visiter le Cordofan et le Djebel Nouba (je pars avec le bateau à vapeur samedi soir, jour de la fête de Saint Joseph), je vous enverrai un rapport bref mais précis.
J'espère que la Mission, malgré toutes les difficultés, fera des progrès.
Je demande instamment qu'à Vérone les candidats, et particulièrement les Sœurs, étudient sérieusement l'arabe parce qu'une Sœur qui connaît l'arabe, fait autant de travail apostolique que 10 Sœurs valables qui ne le connaissent pas.
Au nom de tout le Vicariat, je souhaite à vous et au Marquis Ottavio de très bonnes fêtes de Pâques.
Votre dévoué fils
+ Daniel Evêque