N° 951; (1173) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI
AP SC Afr. Aust., v. 6 (1875-1885), ff. 797-800
Vérone, Institut Africain
le 27 juillet 1880
Eminent et Révérend Prince,
Je vous écris seulement deux lignes pour vous exprimer mon entière satisfaction pour la proposition d'assigner une Mission ou une Préfecture Apostolique au Séminaire de Lyon.
Tout ce que j'avais préparé pour les Belges n'est pas du tout opportun parce qu'ayant su par Votre Eminence qu'il s'agissait des Belges, j'avais pris comme base des opérations le grand Fleuve Congo, où l'expédition belge dirigée par Stanley travaille depuis deux ans. Si on confiait ce territoire à Monseigneur Planque, on tomberait dans la même erreur faite quand on lui a confié le Cap Central de Bonne Espérance, trop éloigné et sans communication avec son centre d'action.
Compte-tenu de ce que Planque a deux maisons au Caire, et qu'il souhaite aller même en Haute-Egypte, au-delà des endroits occupés par les Franciscains Réformés (ce qui est très bien), selon mon humble avis il faudrait confier et céder à Planque la maison de Schellal avec la Nubie Inférieure et l'ancien royaume de Dongola; ces deux régions offrent un climat très salubre. Et elles pourraient être ensuite la base des opérations pour prendre en charge l'évangélisation de l'empire de Waday, ou d'une autre région, en relation avec la base des opérations de Schellal et de Dongola (où j'avais pensé installé un établissement, et où il y aussi des Coptes).
De toute façon, je traiterai directement avec Monseigneur Planque, et je m'entretiendrai avec lui pour faire des choses positives et stables, pour ne pas le voir toujours se déplacer avec de nombreuses cartes géographiques à la main, sans pouvoir conclure rien ou presque rien.
Je n'ai pas l'intention avec tout cela, de limiter mes activités pour bien installer et faire prospérer ma Congrégation de Vérone. J'emploierai plutôt toutes mes forces, et je réussirai certainement parce que j'ai ici une œuvre magnifique en faveur des candidats et des Sœurs qui se préparent pour l'apostolat difficile et périlleux de l'Afrique Centrale, si peu connu en Europe, même par de grandes personnalités et par des personnages haut placés.
J'espère que tout sera arrangé au moment de mon départ. Je ne renonce pas à l'idée de confier une petite partie de mon Vicariat aux bons Prêtres de Don Bosco, et de les aider afin qu'ils puissent réussir leur tentative avec mon appui.
Le premier pilier de l'Afrique Centrale, le très savant Mitterrutzner, habite maintenant à San Pietro in Vincoli ; j'ai demandé en vain qu'il soit nommé Consulteur de Propaganda Fide, il n'a jamais rien su de mes démarches en sa faveur. Toutefois, Eminence, en supposant que le 1er août vous célébrerez la Messe dans votre église titulaire, je vous prie de lui faire bon accueil parce que c'est un grand homme et bien méritant ; il mériterait vraiment une Chaire épiscopale. Depuis 29 ans il aide l'Afrique Centrale, il a composé deux dictionnaires et grammaires en Denka et en Bari, et il a recueilli et donné plusieurs centaines de milliers de francs pour l'Afrique.
J'embrasse votre Pourpre Sacrée, et je suis
votre très obéissant fils
+ Daniel Comboni, Evêque
N° 952; (909) - A MONSEIGNEUR ANTONIO SILVA
AFB, Piacenza
Vérone, Institut Africain,
le 28 juillet 1880
Lettre de Comboni. Envoi de documents.
N° 953; (910) - A MERE ANNA DE MEEUS
ACR, A, c. 15/153
Aussee (Haute Styrie),
le 2 août 1880
Ma bien Révérende Mère,
Je vous demande pardon pour le retard que j'ai pris pour vous répondre. C'est ma faute seulement en partie, parce que je suis seul, et j'ai beaucoup de travail.
J'ai fait tout mon possible pour être à Bruxelles le 5; mais comme l'Empereur d'Autriche est toujours à la chasse, il ne m'a pas encore reçu, bien que je sois ici à Aussee depuis cinq jours, à deux heures de Ischl où se trouve Sa Majesté.
Mais si je n'ai pas la chance de vous voir à Bruxelles, je vous verrai en Angleterre. Pour cela, j'accepte l'offre généreuse de votre honorable hospitalité, et je descendrai dans votre région comme vous me l'avez dit et écrit. Là, j'aurai votre adresse, et je saurai vous trouver en Angleterre.
En attendant, priez et faites prier pour moi qui suis l'Evêque le plus tourmenté de la terre; mais ma force se trouve dans le Saint-Sacrement, que vous, ma bonne Mère, servez et faites servir avec tant de cœur et de dévouement.
Votre œuvre est l'apostolat le plus sublime de la terre, la force la plus puissante pour écraser la tête du démon. Je fais beaucoup de vœux afin que cette Œuvre admirable se répande sur toute la terre. Oui, elle se répandra certainement, malgré les petites têtes et les petits cœurs de ceux qui croient être quelque chose et croient pouvoir se passer de l'Œuvre de l'Adoration perpétuelle.
Priez pour
votre très dévoué
+ Daniel Evêque
et Vicaire Apostolique d'Afrique Centrale
Texte original français corrigé.
N° 954; (911) - A L'ABBE FRANCESCO GIULIANELLI
ACR, A, c. 15/13
Aussee en Styrie,
le 6 août 1880
Bref billet
N° 955; (912) - A ROSINA MARINI - GRIGOLINI
APMR, F/2/176
Vérone, le 21 août 1880
Accusé de réception.
N° 956; (913) - HOMELIE DANS LA BASILIQUE DE SAINT ZENON
ACR, A, c. 18/12
Vérone, le 22 août 1880
HOMELIE
lue dans la Basilique de Saint Zénon à Vérone
PAX VOBIS
Il n'arrive jamais qu'à cause du temps qui passe, du changement des habitudes, ou pour un quelconque bouleversement social, les peuples oublient leurs bienfaiteurs. Les peuples sont poussés par un sentiment de reconnaissance, que l'on ne pourrait pas effacer de leur cœur ; et s'ils ne deviennent pas pires que des abrutis ils honorent la mémoire de leurs bienfaiteurs, ils magnifient leurs hauts faits et célèbrent leur gloire. Ce sentiment de reconnaissance surgit de la splendeur qui rayonne sur la patrie, dont est mise en lumière non seulement la grandeur à laquelle ils l'ont élevée, mais aussi la gloire que lui ont procurée ses bienfaiteurs.
La grandeur et la gloire d'un peuple sont de nature morale et matérielle. La grandeur et la gloire morales découlent de la bonté des lois qui gouvernent ce peuple, de la douceur de ses mœurs et des vertus qui sont en honneur chez lui.
La grandeur et la gloire matérielles d'un peuple découlent de l'aisance de la vie, de la prospérité de l'industrie et du développement des arts.
Par la nature des choses, on apprécie beaucoup plus la gloire morale que la gloire matérielle, parce qu'elle est vraiment supérieure.
Ainsi, le héros qui a donné sa vie pour la gloire et la grandeur morale d'un peuple, obtiendra non seulement un titre de reconnaissance, mais il aura aussi sur son front une couronne de bénédictions éternelles, aussi longtemps qu'un fils de ce peuple vivra sur terre. Rome, la ville reine du monde, la dominatrice de tous les peuples, Rome la Ville Eternelle par excellence, si elle se souvient de ses premiers pères, et de tous les grands qui ont de multiples manières œuvré pour sa splendeur, qui lui ont procuré tant de gloire qu'aucune autre ville n'a jamais pu se vanter de la pareille, Rome se souvient avec beaucoup plus d'approbation du nom de ce pauvre pécheur de Galilée, qui entré un jour dans ses murs, y a réalisé la plus grande révolution dont ont parlé les annales des peuples et des nations, en changeant toutes les doctrines de Rome, toutes ses lois, toutes ses habitudes, et transformé cette ville qui était pleine de vices, d'erreurs et de sacrilèges, en une ville pleine de vérité, de vertus et de sainteté pour le monde entier.
19 siècles se sont écoulés depuis lors, et le nom de Pierre résonne toujours comme un nom sacré et vénéré pour Rome; et même aujourd'hui, Rome répète le nom de Pierre avec les plus vifs sentiments de reconnaissance et de joie. Grâce au nom de Pierre, Rome est fière et glorieuse face à tous les peuples de l'univers.
Messieurs ! Si par hasard, quelqu'un ne connaissant pas bien l'histoire du peuple de Vérone, désire savoir de vous pourquoi Zénon, apôtre et martyr de Jésus-Christ est aujourd'hui fêté à Vérone, pourquoi chaque année cette journée est entièrement consacrée à son culte, pourquoi on célèbre avec faste son souvenir lors de plusieurs fêtes solennelles tout au long de l'année, je sais quelle réponse vous lui donneriez: "Zénon est le plus grand, le plus important bienfaiteur du peuple de Vérone" ; tout comme Rome a reçu de Pierre la Foi du Christ, ainsi Vérone l'a reçue de Zénon; et cette Foi, qui entoure d'une gloire lumineuse les gens qui l'accueillent en leur sein, fait d'eux un spectacle admirable pour le monde, pour les anges et pour les hommes.
Tout comme la gloire et la grandeur de Rome ont grandi au fur et à mesure que Pierre, par le sang qu'il y a versé, a scellé les vérités de la Foi qu'il avait annoncée, ainsi il en a été pour la gloire et la grandeur de Vérone, qui ont culminé quand, pour témoigner de la Foi, qu'il avait donnée à cette ville, Zénon en baigna la terre de sa sueur et de ses larmes, et en illustra le nom par les souffrances immenses et extraordinaires de son apostolat laborieux, et dans sa mort, jusqu'à mériter de la part de l'Eglise et de l'histoire le titre sublime et glorieux de martyr de Jésus-Christ.
Et ce peuple, à qui on a fait autant de bien, ne devrait-il pas honorer son bienfaiteur ? Oui, honorez-le, habitants de Vérone, honorez Zénon de votre mieux. En ce fastueux jour, vous qui venez des quartiers de cette ville et de la campagne dans cette grande basilique, faites une belle couronne autour de la tombe sacrée de ce bien méritant ancêtre, en bénissant son nom, et en implorant sa protection.
Oui, en Zénon vous vénérez l'auguste Père, qui vous a régénérés à la vie immortelle de la Foi, et à la pureté de l'Evangile.
Honorez son temple avec la splendeur et le faste de ses fêtes, et gardez-le sur le trône de la grandeur où l'a élevé la piété de vos ancêtres.
Gardez une mémoire éternelle de ce grand Saint, conservez dans votre cœur et accomplissez par de bonnes œuvres le devoir sacré de la reconnaissance qui vous lie à lui.
J'ai été aimablement invité par le vénérable Evêque de notre Vérone et Prince de la Sainte Eglise, à vous dire quelques mots en cette heureuse journée pendant laquelle on célèbre l'Invention du corps de saint Zénon.
Je vous parlerai en bref des importants bienfaits que Zénon vous a accordés avec la Foi, qui constituent votre gloire, et votre vraie grandeur et vous obligent à une éternelle reconnaissance.
Vous êtes très attentifs, donc il n'est pas nécessaire que je vous demande de m'accorder votre bienveillante et courtoise attention. Je commence.
Première partie
Messieurs, seul Jésus-Christ constitue la vraie grandeur des peuples, parce que seul Jésus-Christ, avec l'action vivifiante qu'il déploie, par sa doctrine résumée dans l'Evangile qu'il a confié à l'Eglise Catholique, peut faire fleurir au milieu des peuples toutes les vertus sociales et domestiques qui sont le principe et le fondement de la vraie grandeur.
Donc connaître Jésus-Christ, le fils de Dieu, et en le connaissant, l'aimer, et en l'aimant, pratiquer ses enseignements, constitue pour un peuple sa plus grande chance. Quoi qu'en dise la philosophie d'ici-bas, quoi qu'en pensent les adeptes du sensualisme et du matérialisme, quoi qu'en disent les incroyants, c'est un fait que le peuple qui connaît, aime Jésus-Christ et lui obéit, dépasse de loin les peuples qui, privés des bienfaits de la Foi, ne savent s'occuper que des intérêts mesquins et vulgaires du monde, dont ils reçoivent ensuite en échange des soucis, des humiliations, des misères avilissantes, des déboires amers et enfin la mort éternelle.
Ici tombe bien la sentence du livre de la Sagesse : "Te connaître, en effet, est la justice intégrale et savoir quel est ton pouvoir est la racine de l'immortalité" (Sagesse 15, 3). Voici Messieurs, la source d'où émanent les grands bienfaits que votre saint Evêque Zénon vous a prodigués, voici le fondement sur lequel s'appuie la grandeur à laquelle il a élevé la ville de Vérone qui depuis plus de 15 siècles le vénère comme un vrai Père et son principal Protecteur.
Pour comprendre la grandeur des bienfaits que vous avez reçus de Zénon, il faut bien savoir comment était Vérone à son époque.
Oh ! Avec quelles couleurs pourrai-je vous dépeindre l'état misérable dans lequel la ville gémissait à cette époque funeste ? Allons donc, gens de Vérone, changez d'idée, oubliez maintenant la religion, la piété et la vertu présentes dans cette magnifique ville, oui, oubliez cette sainte religion qui, grâce à la sagesse de vos Evêques, grâce au zèle de vos Prêtres et à la docilité des âmes, est maintenant bien florissante ; oubliez les sublimes vertus, la charité, la piété et l'esprit chrétien qui vous font un si grand honneur.
Pour avoir une pâle image de cette époque calamiteuse, imaginez pour un instant qu'il n'y ait pas encore ces temples sacrés dans lesquels on adore le Seigneur en esprit et en vérité; enlevez les nombreux monuments de piété et de philanthropie chrétienne. Arrachez de votre esprit la vérité de la Foi, supprimez la dévotion de vos cœurs, ôtez le frein à vos passions, privez les âmes des Sacrements de l'Eglise.
Quel spectacle offrait notre peuple avant que la Foi du Christ ne brille sur lui avec ses rayons lumineux ! Rien qu'en l'évoquant, je perçois un frémissement d'horreur dans vos cœurs.
Au sein de notre peuple dominait encore le paganisme puissant, avec ses rites et ses lois infâmes, avec ses abominations brutales, sa longue cohorte d'obscénités, d'excès, de délits les plus odieux ; quel état misérable !
Conséquence funeste du fait que les hommes ont rejeté leur Dieu, en répudiant ses préceptes, pour se conformer aux impératifs des passions dont tous les freins avaient été supprimés. L'Arène, le Cirque, le Théâtre, monuments magnifiques dans lesquels on a admiré (et en certains d'entre eux on l'admire encore aujourd'hui) la grandeur romaine, qui s'est largement étendue à Vérone; regardez plutôt ces monuments comme des monuments de la perfidie, de la barbarie, des vices de nos ancêtres, ce sont les témoins de nos anciennes hontes.
Mais le funeste tableau que je vous brosse avec douleur n'est pas encore achevé. Au milieu de la foule débauchée des païens, selon des témoignages sûrs, il y avait aussi les hérétiques qui s'apprêtaient alors à combattre et à mettre en pièces la vénérable Epouse du Christ avec le venin mortel des fausses doctrines; regardez les Ebionites, les Basilides, etc., et surtout les Ariens, qui ont arraché de l'Eglise Catholique le caractère le plus sublime et le plus substantiel du Christianisme, c'est-à-dire la divinité de Jésus-Christ; ces hérésies portent en elles toute la difformité et tous les vices de l'idolâtrie, ainsi que la rancune qui les putréfie, la haine qui les consume, la fraude et la ruse, qui ont toujours été plus fatales que la guerre ouverte à l'Eglise. Ces serpents venimeux déchiquetaient les entrailles de notre malheureuse Vérone; et bien qu'il y eût à cette époque quelques catholiques qui adoraient Jésus-Christ dans la vérité de la Foi, qui avait répandu sa lumière dès le début du christianisme, surtout grâce aux efforts d'au moins sept Saints Evêques qui ont précédé notre Saint Patron sur la Chaire épiscopale de Vérone, ces catholiques étaient cependant peu nombreux, timides, et se cachaient. Ils étaient insignifiants par rapport à la multitude, que la crue de son erreur inondait à l'instar d'un torrent trouble.
Messieurs, Vérone était ainsi à cette époque. Quand finalement le Tout-Puissant posa son regard miséricordieux sur elle, traçant une limite à ses maux, il confia la grande œuvre de la conversion et de la définitive régénération de cette ville à Zénon.
Et voici que le nouvel apôtre, merveilleusement guidé par la Providence, se présente pour la première fois. Vous désirez le connaître ? Quelles sont donc ses origines ? La Science sacrée et profane qu'il possède dit clairement que ses origines sont illustres. Quelle est sa Patrie ? D'après de très importants documents, il semble et j'en suis profondément convaincu, qu'il était Africain. Mais même si certains arguments prouvent le contraire, je peux vous dire que ma chère Afrique se flatte, à juste raison, de l'avoir compté parmi ses fils, comme Cyprien et d'autres dont Zénon a le style robuste et fougueux. En Asie, on se vanterait de lui comme si c'était Chrysostome, car son éloquence n'est pas moins impérieuse. Et en Italie, on se vante de lui comme d'Ambroise de Milan, car comme celui-ci, Zénon pénètre et dévoile éloquemment les mystères de la Théologie.
Qui sont ses compagnons ? Le zèle qui l'enflamme, et les vertus qui resplendissent comme des flambeaux. Quelles sont les preuves de sa Mission? Elles étaient déjà lumineuses en Syrie d'où il ramène les glorieuses cicatrices du martyre, ainsi que les miracles, par lesquels Dieu glorifie son apostolat prodigieux. Sortez donc, habitants de Vérone, allez à sa rencontre, et saluez-le comme l'ange de la paix, qu'il vous apporte avec l'Evangile ; saluez dans la joie les pas qu'il dirige vers vous, et embrassez avec déférence les pieds qui foulent votre terre chanceuse : en effet "Qu'ils sont beaux les… pieds du messager qui annonce la paix !" (Es. 52, 7).
Exulte Vérone ! car la nuit, dans laquelle tu as erré jusqu'ici comme une aveugle, est en train de finir, dépose les misérables vêtements de la tristesse, et prends ceux de la joie. Dans tes collines, qui sont déjà plus riantes, dorénavant ne résonneront plus les noms impurs de Vénus, d'Adonis, de Mars, de Zeus, de Minerve et d'autres répugnantes divinités païennes, mais on entendra les très doux noms de Jésus et de Marie. Tu briseras les chaînes de la servitude ancienne; et la voix du puissant Zénon chassera ces démons, après que tu auras gémi sous leur impitoyable empire. pendant de nombreuses années.
Tu verras alors comme il est doux de respirer cette aura de liberté, dont les fils de Dieu, régénérés par l'eau du saint Baptême, jouissent dans le royaume du Christ.
Lève donc la tête sur tes collines riantes, ô bienheureuse ville de Vérone ! et prépare-toi à recevoir dignement ton libérateur qui, merveilleusement guidé par Dieu, se dirige vers toi et marche sur les rives de l'Adige, pour t'apporter la Foi de Jésus-Christ; et avec elle, les bénédictions du ciel descendront sur toi.
Réjouis-toi ville de Vérone ; et en pensant à la grandeur et à la gloire auxquelles tu t'élèveras bientôt, oublie les jours de ta souffrance, ainsi que les longues années de ton abjection.
Et voici que Zénon, armé de sa Foi, enflammé par sa charité, s'apprête à accomplir son entreprise ardue et laborieuse. Vérone, à nouveau esclave des folles superstitions du paganisme, bien que, privilégiée par le ciel comme nous l'avons dit, elle ait entendu le nom divin grâce à ses saints Evêques et à ses glorieux martyrs, avait presque oublié Jésus-Christ. Dans son sein il y avait des temples consacrés à des divinités monstrueuses, et sur les autels infâmes on immolait des victimes impures. Il y avait des rites abominables pendant lesquels on justifiait les orgies les plus scandaleuses. Le droit était violé, la justice bafouée, les principes de l'honnêteté corrompus. Que pourrais-je dire de plus ? Le vice et le crime étaient portés en triomphe, de la vertu on ne connaissait même pas le nom. Eh bien ! Zénon veut détruire les temples des idoles, et renverser leurs autels, faire cesser pour toujours les rites impies, les solennités ignominieuses. Zénon veut que le droit et la justice soient respectés, que l'honnêteté soit mise à l'honneur, et que la vertu remplace le crime. En un mot : où a régnait le démon, Zénon veut que désormais règne Jésus-Christ, et que lui seul règne pour toujours, dans les esprits et dans les cœurs.
Il se met au travail sans se laisser effrayer par la colère des prêtres, par la fureur des puissants ou par les passions populaires. Il se met, donc, au travail, et il n'y a pas d'obstacle qui puisse intimider son cœur, il n'y a pas de danger qui puisse arrêter son bras, il n'y a pas de peine qui soit en mesure d'affaiblir son ardeur.
Il se met au travail, et bien que la dureté des cœurs se manifeste, que l'indocilité des esprits soit évidente, et que les préjugés soient nombreux, il ne désespère pas d'atteindre son but.
Regardez-le, Messieurs : enflammé par le zèle apostolique, il entre dans les palais des grands, il s'introduit dans les maisons des pauvres, il parcourt les rues les plus peuplées de la ville, il se montre sur les places publiques, le long des rues les plus fréquentées, et partout, il annonce le nom de Jésus-Christ, et bien que certains le couvrent de railleries, que d'autres l'insultent, et se jettent avec fureur sur lui, l'intrépide Zénon annonce le nom de Jésus-Christ encore plus fort, et il invite partout les fils de cette terre à adorer Jésus-Christ, unique et véritable Dieu du ciel.
Et pour que Jésus-Christ règne et triomphe sur cette terre, sur les esprits et sur les cœurs, Zénon en révèle les gloires infinies, il en découvre les indicibles valeurs, en prêche la vertu, la sagesse, le pouvoir ; et en même temps qu'il manifeste les doctrines de Jésus, ses maximes, ses préceptes, ses lois, il dévoile l'infamie et la monstruosité des doctrines absurdes, des maximes impies, des préceptes iniques, et des lois barbares du paganisme.
Enflammé par tant de zèle, notre Apôtre se lance et se bat contre les hérétiques de son temps et, par sa parole prophétique, il montre la fulgurante et sublime vérité de l'éternelle génération du Verbe du sein du divin Père, et il fait briller d'une lumière vivifiante la divinité de Jésus-Christ contre les assauts furibonds des impies qui, en niant ces doctrines fondamentales de notre sainte Religion, martyrisaient férocement l'Epouse immaculée de l'Agneau divin, qui est mort sur la croix pour le salut du genre humain.
L'histoire n'a pas conservé dans ses pages, à cause de la tristesse de cette sombre époque, tous les détails de la vie de saint Zénon dans notre ville pour la régénérer entièrement et pour l'amener au Christ, avec sa doctrine, son exemple, sa douceur, sa persévérance, sa prière fervente, ses jeûnes âpres, ses larmes et ses souffrances persistantes et dures, que ce soit à la lumière du jour, ou dans le silence de la nuit, que ce soit en privé, ou en public.
Mais on peut dire beaucoup de choses sur ce qu'il a fait dans notre Vérone pour la gloire du Christ, au point que je suis vraiment convaincu que c'est uniquement grâce à l'œuvre de Zénon que nous avons connu Jésus-Christ qui a rétabli parmi nous son royaume sur des bases si stables quelles ne devraient jamais s'écrouler au cours des siècles.
Oui, habitants de Vérone, Jésus-Christ régnait parmi vous avec ses doctrines et ses lois, il régnait parmi vous et au pied de son trône, il voyait vos pères prosternés, qui lui présentaient l'hommage de leur Foi et de leur amour ; il régnait parmi vous. De tout notre diocèse et des terres avoisinantes il voyait venir, à l'ombre de ses tabernacles, un grand nombre de personnes des deux sexes, de toute condition, de tout âge professant leur Foi.
Et tout cela, permettez-moi de le répéter, habitants de Vérone, tout cela grâce à Zénon. C'est lui qui a remplacé les cérémonies superstitieuses d'un culte sacrilège par les augustes rites du Christianisme.
C'est lui qui a revendiqué les droits des plus faibles et des opprimés contre la tyrannie des puissants. C'est grâce à lui que la femme esclave et dépendante de son cruel mari est devenue sa bien-aimée et inséparable compagne, et c'est grâce à lui que les enfants qui n'étaient pas plus considérés que des objets par d'impitoyables parents, font désormais vraiment partie de la famille.
Bref, c'est lui qui, sur les ruines des autels de Vénus, de Mars, de Zeus et de Minerve, a planté la Croix, considérée peu de temps auparavant comme un objet de scandale et de folie. Cette auguste Croix, qui a détruit l'idolâtrie, renversé les temples païens, conquis les puissances de l'abîme, n'est pas seulement devenue l'autel d'un seul temple, mais, selon la magnifique expression d'un Père de l'Eglise, elle est devenue l'autel du monde. Elle a été installée dans les temples, et elle y a été adorée; elle a été introduite dans les palais royaux et elle y a été respecté; elle a été arborée sur les drapeaux et elle y a été redoutée ; elle a été hissée sur les mâts et elle y a été invoquée ; elle a été mise sur la tète des Monarques et elle les a honorés; elle s'est posée dans le cœur des héros, et elle les a encouragés, elle s'est aussi posé sur le front des Prêtres, et elle les a consacrés.
En un mot, c'est Zénon qui a sanctifié le peuple de Vérone, et il a suscité de tels exemples de vertus héroïques chez de nombreux saints qui ont marqué cette ville et ce diocèse, qu'en s'est étonné l'Eglise.
Oui ! Zénon, et une tradition incontestée que l'anonyme Pipinien nous a transmise le confirme, a converti et baptisé Vérone : "Qui Veronam praedicando reduxit ad Baptismum".
Zénon a donc été le premier à proclamer cet Evangile que l'on prêche et que l'on vénère depuis presque 16 siècles ; et cette Foi que depuis si longtemps nous gardons intacte, c'est lui qui l'a implantée dans notre cœur; il a été le premier à administrer les saints Sacrements auxquels nous participons ; il a été le premier à instiller en nous et à sculpter dans notre âme cette piété religieuse et cette dévotion que nous avons toujours cultivée.
Zénon ! Oui, Zénon a été un véritable apôtre, qui a transformé la Vérone païenne et hérétique en une Vérone chrétienne et catholique, en imprimant dans son cœur en caractères indélébiles la Foi en Jésus-Christ. Et c'est ainsi que Vérone s'est élevée à une telle gloire, à une telle grandeur auxquelles en vain elle aurait aspiré dans le passé.
Ainsi puisque seul Jésus-Christ constitue la grandeur et la gloire d'un peuple, quand ce peuple reçoit les effets bienfaisants de son action vivifiante, notre ville donc ne devait-elle pas se considérer comme glorieuse et grande, étant donné qu'elle participait si largement aux effets bénéfiques de l'action de Jésus-Christ ? Oh ! C'est bien que le nom de Zénon soit vénéré et aimé, et qu'aujourd'hui par vos attentions vous lui rendiez honneur. Zénon a tellement œuvré parmi vous pour la gloire de Jésus, qu'il a donné du lustre, et un véritable prestige à notre patrie.
Si je considère la grandeur des bienfaits que nous a apportés Zénon en nous donnant la très sainte Foi de Jésus Christ, je ne trouve aucune des nombreuses illustres personnalités de cette célèbre ville, qui mérite une reconnaissance pareille à celle qu'on doit à Zénon. Qui, en effet, ô Vérone ! a été plus large en bienfaits ? Peut-être celui qui par de nouveaux chemins terrestres et maritimes t'a donné la possibilité de t'enrichir par une fructueuse activité commerciale ? Mais, combien plus tu es débitrice à Zénon, qui t'a ouvert le chemin pour acquérir bien d'autres richesses, et qui t'a montré du doigt les trésors du ciel que tu peux espérer, auxquels par le Baptême tu as droit.
Ô habitants de Vérone ! Nous avons aussi une dette de reconnaissance envers beaucoup d'hommes célèbres qui, dans les sciences, les lettres et les arts, ont rendu notre patrie digne d'admiration dans le monde entier. De toutes ces personnes, nous gardons avec vénération, les œuvres et les écrits ; nous leur érigeons de splendides monuments pour en garder la mémoire, et nous élevons des statues sur les places, pour léguer ainsi à nos descendants leur gloire et notre souvenir reconnaissant.
Mais, est ce que Zénon n'a pas davantage concouru à rendre célèbre notre patrie ? Vérone se fait gloire d'avoir en lui un éloquent lettré, un écrivain, dont les œuvres sont appréciées comme celles des anciens Pères de l'Eglise, et qui sont même louées par les protestants. L'Eglise de Vérone se fait aussi gloire d'avoir comme fondateur principal un père saint. C'est à lui que principalement on doit le prestige de notre Religion et les vertus qui ont beaucoup honoré notre patrie.
En fait, chers Messieurs, si en voyant les fruits d'un arbre, on se souvient et on loue l'ingénieux paysan qui l'a greffé de ses mains industrieuses sans lequel l'arbre n'aurait produit que des fruits sauvages et amers, les beaux fruits de la vertu et de la foi, que produit depuis presque seize siècles Vérone, l'arbre choisi du jardin de l'Eglise, eh bien ! tout le monde doit se répéter que c'est Zénon, tel un industrieux paysan, qui les a greffés pour la première fois sur cet arbre.
Ô habitants de Vérone ! si je ne savais pas que je pourrais offenser votre modestie, je vous parlerais de la Foi et de la vertu qui constituent le caractère le plus marquant de votre peuple. Je vous parlerais de la gloire de cette foi, que vous avez gardée intacte dans la pureté de ses dogmes, et qui a valu à Vérone le beau titre de Verona fidelis : une très sainte Foi dont Zénon vous a greffé dans le cœur les fondements. Cette grande âme a vraiment exulté quand elle a vu ses fidèles et bien-aimés enfants se rassembler pour la première fois dans un temple, le premier construit à Vérone, sur les ruines d'un temple païen. Et Zénon, joyeux et victorieux, lève le front vers le ciel en prêchant la victoire du Christ.
Je vous parlerais, ô habitants de Vérone ! de l'amour et de la charité fraternels que vous avez eus envers les souffrants et les pauvres.
Les bâtiments publics où le vieillard, le malade, l'enfant, l'orphelin et l'égaré sont accueillis, sont là pour en témoigner à jamais. C'est une vertu que Zénon vous a insufflée et que lui même a louée par ces mots : "Votre générosité est connue dans toutes les provinces; vos maisons sont ouvertes à tous les pèlerins; et vos pauvres ne savent pas ce que veut dire mendier la nourriture; les veuves et les malheureux ont des biens qu'il peuvent laisser en héritage; et je vous louerais encore davantage si vous n'étiez pas des miens".
Je ne tairais pas non plus la vertu angélique de la virginité, dont Marie, la Mère de Dieu, première entre toutes les filles d'Eve, a planté dans cette terre le glorieux étendard, et en a semé les candides lys dans l'Eglise.
Je n'oublierais pas non plus que notre Saint fut le premier à les faire germer dans cette terre sacrée de Vérone, que ce soit au milieu des ronces du siècle, ou dans les cloîtres, ou dans les prés fleuris de la chrétienté.
Zénon a conseillé beaucoup de saintes vierges qui vivaient dans leur maison ; et il en dirigeait un grand nombre aussi dans le silence du cloître. Il fut, peut-être le premier en Occident, à enfermer dans les enceintes sacrées les âmes qui voulaient conduire, parmi les hommes, une vie angélique.
Non ! Non ! Vérone. La fertilité de tes terres, le charme de tes collines, la douceur de ton climat, la magnificence de tes monuments, ne sont pas la cause de ta beauté et de ta gloire pour lesquelles tu es honorée, car, à quoi bon te serviraient tous ces mérites, sans la Foi en Jésus-Christ ? O auguste Foi ! tu es le prestige des nations, la paix des peuples, l'honneur de cette ville où tu as été semée.
Tu apprends aux grands de ce monde comment exercer le pouvoir, aux personnes riches comment se servir de la richesse ; dans la société tu lies les hommes avec les liens de la charité. Sans toi, les royaumes sont malheureux, les villes sont misérables, les trônes tremblent et c'est uniquement la peur qui les soutient, les lois ne sont pas aimées et la vertu est piétinée. Sans la Foi le vice est honoré ; le riche devient encore plus riche, en créant mille autres misérables: l'orgueil trouve sa satiété dans l'oppression, la justice est rassasiée par la trahison, l'avidité par le vol, la vengeance par le sang des autres. Sans parler de la curiosité et l'amusement barbares.
Rappelle-toi, ô Vérone ! quand, dans ton fameux et monumental amphithéâtre, tu excitais les bêtes féroces contre les gladiateurs, uniquement pour t'amuser, et pour qu'elles, en suivant leur instinct naturel, se remplissent le ventre de chair humaine, et pour que toi, tu remplisses tes yeux cruels, avec le spectacle barbare du sang humain.
Rappelle-toi, si tu le peux, l'état dans lequel tu étais; les maux qui, sans la Foi, ont inondé tes rues; voilà à quoi jadis servait la douceur de tes mœurs, sans la Foi. Où serait aujourd'hui ta paix? Où serait l'ordre qui te caractérise? Où seraient la beauté et le prestige de tes vertus?
Bénissez, donc, habitants de Vérone, mille et mille fois Zénon qui, par ses efforts, vous a donné la Foi et avec elle vous a accordé de nombreux autres bénéfices et faveurs. Bénissez ce grand Apôtre qui vous a conquis à Jésus-Christ ; bénissez ce Père très aimant, qui vous a régénérés à la vie immortelle de la grâce ; bénissez ce sublime Berger, qui pour vous conduire aux pâturages des doctrines évangéliques, a dû endurer les tourments, la fatigue, l'angoisse, et consumé toute sa vie dans un continu et pénible martyre.
Vraiment, chers Messieurs, Zénon fut un authentique Martyr de Jésus-Christ. Je ne parlerai pas de ce sujet, car j'ai déjà mis en lumière cet aspect au long de cette brève homélie. Et je couvrirai aussi d'un voile toutes les préoccupations, les persécutions, les trahisons, les pièges, les croix et les martyres, que notre Saint pour gagner au Christ notre aimée Vérone a endurés au nom de Jésus-Christ, comme les Apôtres, et tous les Fondateurs d'Eglises.
Saint Jean Chrysostome disait qu'un véritable Martyr de Jésus-Christ est celui qui, même sans verser son sang, possède une âme dotée de fermes déterminations pour la gloire de Dieu, et un cœur enflammé du désir de mourir pour Jésus-Christ et pour le salut des âmes ; et Saint Cyprien appelle Martyrs ceux qui ont beaucoup souffert pour le Christ. Mais je vénère encore plus la sentence des Pères et des autres écrivains anciens, qui dit que Saint Zénon est un martyr.
Je m'incline respectueusement devant la majesté du culte et des rites sacrés, et je respecte les sentiments de l'Eglise qui, revêtue des parement rouges, célèbre solennellement aujourd'hui la fête de l'Invention du corps de notre Saint Martyr et encore plus solennellement la fête de sa Naissance.
Je m'incline finalement devant la grandeur de son nom et de son culte. Ainsi dès que Zénon quitta son corps et rendit son âme à Dieu, il s'envola sur les ailes de la gloire ; il remplit de dévotion non seulement Vérone, mais aussi d'autres villes et royaumes; ces honneurs on les rendait seulement aux Martyrs.
Gloire à Zénon ! c'est un véritable Apôtre et Martyr de Jésus-Christ; et vous, habitants bien-aimés de Vérone, d'après ce que je viens de vous dire, jugez vous-même, si Saint Zénon pouvait vous assurer une gloire plus grande, et davantage de grandeur par son sublime Apostolat et sa précieuse mort !
Il a assuré en effet, parmi vous la Foi de Jésus-Christ, cette Foi qui, pour tous les peuples qui l'accueillent dans leur sein, est l'unique principe, l'unique fondement de la vraie grandeur et de la vraie gloire.
Deuxième Partie
Ne croyez pas, chers Messieurs, qu'avec la précieuse mort de Saint Zénon la source de ses bienfaits pour la ville de Vérone se soit tarie. Sa protection du haut du ciel est bien prouvée au long des siècles par de nombreux et importants bienfaits.
Grâce à l'œuvre de l'invincible et saint évêque Zénon, dans la ville de Vérone l'idolâtrie a été détruite et les dangereuses hérésies ont été extirpées, mais dans d'autres parties de l'Italie et du monde chrétien, des innovateurs et des hérétiques de toutes sortes se sont déchaînés contre la Foi Catholique, et ont essayé de défigurer sa doctrine immaculée et c'est ainsi que des villes entières, des provinces et des nations se sont abandonnées dans les bras de l'erreur ; en tournant le dos à la source de la vie, elles sont allées se désaltérer aux eaux putrides de l'hérésie.
Mais à Vérone, non ! A Vérone, la foi n'a pas fait défaut: au contraire, elle apparaissait encore plus belle, car elle produisait dans son sein des fruits abondants de piété, de religion; dans son enceinte surgissaient des temples magnifiques et des cloîtres s'ouvraient; les gens de tout âge et de toute condition mettaient en pratique les vertus les plus héroïques.
Qui peut dire le contraire? Ici, à Vérone, la Foi demeurait inébranlable face à toutes les épreuves, car les habitants de Vérone, grâce aux souffrances, à la mort et à la protection de leur Apôtre Zénon, la professaient courageusement et la pratiquaient fermement.
Et lorsque, plus tard, cette même Italie fut marquée par de grands bouleversements politiques et religieux, par les horreurs des insurrections et l'anarchie des opinions, elle vit d'une part couler le sang de nombreux de ses fils, et d'autre part beaucoup d'autres qui s'éloigner du centre de l'unité en reniant la Rome papale ; à Vérone rien de tout cela ! la paix n'était pas troublée, et la Foi n'était pas affaiblie. Gouvernée par ses propres Princes et Régisseurs, et puis soumise à Venise, la Reine des mers, Vérone partageait avec elle la gloire de ses conquêtes. Toujours unie à la Chaire de Rome, elle vivait de son esprit qui est un esprit de vérité et de vie. La Foi, ici à Vérone, remportait de belles victoires, parce que dans le fervent patronage de son Apôtre et Fondateur, elle puisait jour après jour des forces nouvelles et une vertu solide.
Notre illustre Patron a toujours montré une grande sollicitude envers l'Eglise de Vérone. Il a toujours perpétué ses attentions paternelles envers elle à travers les 28 saints Evêques que nous vénérons sur les autels et qui ont occupé après lui le Siège Episcopal, et dans lesquels il a répandu son esprit et son amour. Du haut des cieux, il a soutenu la Foi et le courage en faisant les dignes héritiers de sa sollicitude pastorale plus de 100 autres Evêques, qui jusqu'à présent se sont distingués sur l'illustre Siège Episcopal de Vérone.
Du ciel, par ses prières il a toujours obtenu, pour le clergé de Vérone, la Foi, le zèle, l'austérité des mœurs et la discipline ecclésiastique qui lui font tant honneur. Du haut des cieux, il regarde encore le peuple de Vérone, il l'aime comme un père, et il le protège comme un pasteur céleste.
Et en ce qui concerne notre époque, que dire, Messieurs ? Il n'y a personne aujourd'hui contemplant notre ville de Vérone qui ne soit saisi d'une grande admiration. Alors que partout la Foi est exposée à de graves épreuves et qu'hélas ! dans de nombreuses régions de l'Italie elle est en train de s'affaiblir car contre la Foi une guerre terrible a été déclarée, une guerre d'extermination et de mort.
Qui ne pourrait être saisi d'admiration en voyant comment, parmi vous, la Foi resplendit dans toute sa vigueur ? Combien de fois, ces dernières années, avez-vous fait preuve de soumission et de déférence envers l'Eglise Catholique ?
Oh ! par combien de preuves vous avez honoré la Chaire infaillible et le Siège de Pierre, fortifiés par votre Foi et poussés par l'exemple de notre Evêque et Père ? Oh ! combien de preuves d'amour filial avez-vous données à la sainte mémoire de Pie IX, d'autant plus grand qu'il a été plus vilipendé, contredit et tourmenté par ses ennemis ?
Oh ! combien de preuves d'amour filial avez-vous données aussi à son successeur, le vénérable Léon XIII, l'actuel Souverain Pontife ?
Je le dirai et tout le monde le dira avec moi : ici à Vérone, la Foi ne peut absolument pas s'affaiblir, et elle ne peut être atteinte ni dans sa force, ni dans sa beauté, pas même pour un seul instant, parce que les souffrances de Zénon, son apostolat lumineux et son martyre invoquent sans cesse l'Eternel, pour que la Foi ici soit toujours solide et qu'elle n'ait pas à subir de préjudice pour n'importe quelle raison.
Ce fut certainement par une spéciale Providence de Dieu, que sa dépouille sacrée est restée auprès de nous. Il y a quelques années, dans la joie et la jubilation de tout le monde, le corps de Saint Zénon a été retrouvé dans l'ancienne et monumentale crypte de cette superbe et grandiose Basilique. Il a toujours été et il reste pour Vérone, une source inépuisable de grâces et de bénédictions.
Salut, Vénérable Saint ! Insigne Protecteur de cette illustre ville.
Salut Saint Père Zénon ! Accepte ma prière, je me tourne vers Toi et du plus profond de mon cœur je te supplie de faire descendre, en ce jour solennel, les plus grandes bénédictions du ciel. Ce peuple attend tout de Toi. Que tous ses désirs et ses vœux soient donc exaucés par Toi.
Mais je veux déposer une autre prière sur ce tombeau sacré qui, depuis plus de quinze siècles, est une source féconde de nombreuses grâces et miséricordes. Tourne tes yeux pleins de piété vers les peuples de l'Afrique Centrale, qui gisent depuis plusieurs siècles sous l'empire de Satan, et sur lesquels pèse encore l'horrible anathème de Cham.
De cette ville bien-aimée de Vérone est partie la puissante étincelle qui a allumé le feu sacré destiné à illuminer ces nations, pour donner un essor et la vie à cette vigne vaste et désolée du Christ, envahie de ronces. Cette vigne a été confiée par Dieu à mon indignité et à mes soins pastoraux faibles et inadéquats.
Le Sacré-Cœur de Jésus a palpité aussi pour ces peuples de l'Afrique Centrale et le Christ est mort pour eux sur la Croix.
O Zénon ! de ton tombeau, source de tant de miséricordes, étends ta main sur l'humble cénacle des futurs ouvriers de l'Evangile et des Vierges consacrées qui se préparent à l'ardu et laborieux apostolat africain, ce cénacle est né il n'y a pas longtemps dans cette ville religieuse, sous les auspices de notre Evêque, ton illustre Successeur.
Daigne, très glorieux saint Zénon, susciter en cette terre sacrée de Vérone de bonnes vocations pour l'apostolat ardu et saint de la Nigrizia, et fais en sorte qu'à partir de cette ville et de ce Diocèse, par la puissante aide de la prière et de saintes et généreuses vocations apostoliques de tes fils, soit transplanté en Afrique Centrale le trésor précieux de la Foi catholique que tu nous as toi-même amenée d'Afrique, afin que cette sainte Foi, qui constitue la véritable grandeur du peuple de Vérone, soit pour l'Afrique et pour la malheureuse Nigrizia une source de Rédemption et de vie. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
+ Daniel Comboni
N° 957; (914) - A L'ABBE LUIGI GRIGOLINI
APMR, F/R
Le 22 août 1880
Dédicace sur un bréviaire.
N° 958; (915) - A MONSEIGNEUR AUGUSTIN PLANQUE
ACR, A, c. 15/143
Vérone, Institut Africain,
le 22 août 1880
Mon bien cher Supérieur,
C'est avec la plus grande satisfaction que Son Eminence le Cardinal Préfet de Propaganda Fide m'a appris que vous êtes disposé à accepter une Mission dans mon Vicariat, car vous avez un nombre assez important de sujets.
Moi, au contraire, j'en ai bien peu ; c'est pourquoi je tiens beaucoup, en tant que pasteur d'un si grand nombre d'âmes, à leur procurer les moyens de rentrer dans le bercail de Jésus-Christ, sans me soucier de savoir qui s'en occupe, moi ou les autres, mon Institut ou celui des autres, dummodo praedicetur Christus (pourvu que l'on prêche le Christ).
Dès que Son Eminence m'a fait part de son accord et m'a chargé de vous accorder une partie de mon Vicariat, et de ne pas vous donner seulement des os, mais aussi de la viande, c'est-à-dire un endroit avec un bon climat comme base des opérations, j'ai alors écrit à mes Missionnaires au sujet de mon projet sur la partie du Vicariat à vous accorder.
Mais comme la réponse mettra au moins trois mois pour arriver, comme Son Eminence désire que l'on arrive à la conclusion de cette affaire avant mon départ pour le Vicariat, et comme je dois m'y rendre le plus tôt possible (bien que ma santé ne soit pas bonne), c'est-à-dire dans quelques semaines, je vous dis en deux mots ce que j'ai décidé de faire pour le plus grand avantage et [... il manque une partie...] de nous entendre sur tout. Maintenant dites-moi si vous seriez prêt à...
[ il manque toute la fin]....
+ Daniel Comboni
Texte original français, corrigé.
N° 959; (916) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI
AP SC Afr. C., v. 8, ff. 1073-1079
Vérone, le 27 août 1880
Très Eminent et Révérend Prince,
J'ai reçu il a deux semaines environ à Ischl, où je suis allé rendre hommage à l'Empereur d'Autriche, protecteur de la Mission, votre lettre du 3 de ce mois. Après en avoir bien saisi toute la portée et la signification, j'ai sérieusement réfléchi pour voir, étant donné ma nullité et ma faiblesse, si je peux encore vraiment être utile à l'apostolat africain, qui est sans aucun doute le plus ardu et le plus épineux de la terre, ou si au contraire, je lui serai nuisible. D'autant plus que maintenant à cause de tant de peines, de privations, de maladies, de fièvres, de chagrins, de luttes et de contradictions endurés pendant de nombreuses années, surtout pendant la terrible période récente de la famine et des épidémies, je suis devenu vraiment beaucoup plus sensible aux coups de l'adversité, et beaucoup plus faible pour porter les croix.
Mais comme il faut toujours avoir uniquement confiance en Dieu et dans sa grâce, car celui qui a confiance en lui-même (excusez-moi) a confiance dans le plus gros âne de ce monde, et en considérant que les œuvres de Dieu naissent toujours au pied du Calvaire, et qu'elles doivent être marquées par l'adorable sceau de sa croix, j'ai décidé de m'abandonner dans les bras de la Divine Providence, qui est une source de charité pour les malheureux, et qui protège toujours l'innocence et la justice, j'ai décidé, par conséquent, de me mettre entre les mains de mes Supérieurs, vrais représentants de Dieu et du Vicaire de Jésus-Christ, de Votre Eminence et de l'Eminent Cardinal de Canossa, et de vos vénérés Prédécesseurs à la direction de la Sacrée Congrégation, qui est chargée de m'aider dans ma sainte entreprise.
Avant tout je remercie vivement Votre Eminence pour avoir efficacement convaincu l'Eminent Cardinal de Canossa de bien vouloir continuer à m'aider soit pour le choix d'un bon Vicaire, soit en veillant sur mes Instituts Fondamentaux de Vérone. Je vous suis pareillement reconnaissant, et j'en suis profondément ému, pour votre zèle fort vigilant et très sage, et pour les soins attentifs que vous portez afin que mon entreprise ardue et épineuse se développe, autant à Vérone qu'en Egypte, de façon sûre et sans entraves pour atteindre son saint but, convertir à la Foi et à la civilisation chrétienne la partie de la vigne désolée et envahie de ronces, qui a été confiée à mes modestes soins.
Dès que j'ai pu obtenir une audience, je me suis présenté à l'Eminent Cardinal de Canossa pour le conjurer au nom de Votre Eminence :
1°. de continuer à m'aider, pour la bonne marche de mes Instituts africains de Vérone, comme il l'a fait pendant plus de 13 ans,
2°. de m'accorder, parmi son clergé, un excellent Prêtre capable de m'aider comme Vicaire in spiritualibus, et comme Administrateur des biens temporels de l'Œuvre et du Vicariat.
Au premier point, il a répondu ceci : "Oui, volontiers, avec beaucoup de plaisir, parce que j'aime l'Œuvre et la Mission, et je souhaite que les pauvres âmes des Noirs soient sauvées; oui, volontiers, je continuerai à faire le peu que je peux, bien que je ne puisse agir que pour la petite partie qui dépend de moi en tant qu'Evêque de Vérone ; soyez assuré de cela".
Au deuxième point, il a répondu ceci : "je n'ai personne dont je puisse disposer, et je ne peux rien faire, parce que j'ai moi-même besoin de mes bons prêtres, car ils sont de plus en plus rares, et je ne peux pas priver mon diocèse pour en secourir un autre...". En bref, après deux bonnes heures de discussion, de prières de ma part, de refus de la sienne, d'insistance, et de ses raisonnements tordus, etc. etc. (et il avait plusieurs Curés qui attendaient dans l'antichambre), il a finalement décidé qu'il m'accorderait un Prêtre excellent, valable, robuste, prudent, sage et fort zélé..., le Révérend Abbé Francesco Grego du diocèse de Vérone ; né en 1833, il a 47 ans; et il a été pendant 7 ans Vicaire à San Massimo, 4 ans Curé de Prun, et 12 ans Archiprêtre Vicaire Forain de Montorio Veronese; c'est donc un homme expérimenté dans les affaires et dans la direction spirituelle des âmes.
A 25 ans, il s'est fortement senti appelé pour être Missionnaire en Afrique Centrale, et sa vocation avait déjà été approuvée par mon défunt Supérieur, le saint Abbé Nicola Mazza, mais il n'a jamais pu la réaliser parce qu'il avait dû prendre en charge sa mère, sa sœur, et son oncle qui a toujours été un père pour lui.
Et puis l'Eminent Cardinal de Canossa ne lui a jamais donné la permission de partir, parce qu'il pensait qu'il était nécessaire à sa très importante et grande paroisse...
Saint Joseph m'a donc accordé la grâce d'obtenir ce sujet, que je crois très apte pour notre but. J'ai même demandé une deuxième personne, mais en vain.
Je suis allé immédiatement à Montorio pour informer l'Abbé Francesco Grego, des décisions de Son Eminence, et de la condition que j'ai acceptée selon laquelle sa famille resterait sur mes terres dans la maison du patron, l'oncle y travaillerait comme homme à tout faire, et il y vivrait avec la mère et la sœur de l'Abbé Francesco. Ce dernier a bondi de joie en entendant la nouvelle, et il m'a dit qu'il annoncerait sa décision à sa mère dans deux ou trois jours; elle avait déjà déclaré dans le passé qu'elle ne s'opposerait jamais à la vraie vocation de son fils.
En même temps, j'ai sollicité l'Abbé pour qu'il fasse le plus rapidement possible les démarches nécessaires auprès de la Curie épiscopale pour qu'on le remplace dans sa Paroisse.
Mais le Cardinal Evêque de Vérone m'a fait remarquer qu'il n'est pas convenable d'envoyer directement un Prêtre d'Europe en Afrique Centrale.
Il a donc été raisonnablement décidé de nommer l'Abbé Grego comme Supérieur de mes établissements du Caire pendant un an afin qu'il puisse s'acclimater, qu'il s'habitue aux coutumes orientales, et pour qu'il soit en même temps l'Administrateur Général des biens temporels, en se faisant aider dans l'administration privée de mes Instituts du Caire par l'Abbé Francesco Giuliano de Rome, qui dans ce domaine s'y connaît très bien.
Je pense que c'est l'occasion propice pour me débarrasser de celui qui a été la cause principale de tous mes problèmes, qui a suscité et qui a alimenté la discorde parmi mes Missionnaires dans le Vicariat ; il s'agit de l'Abbé Bartolomeo Rolleri, qui a été Supérieur de mes Instituts d'Egypte de 1873 jusqu'au mois de mai dernier.
Dans cette lettre j'exprime à Votre Eminence mon opinion et mon jugement, après avoir longuement réfléchi et en toute connaissance de cause ; si j'avais suivi les conseils sages et réitérés de sérieuses personnalités, j'aurais mieux fait, et ainsi je l'aurais licencié dès 1877 ; mais comme c'est un Prêtre pieux, de bonne conduite morale - et la bonne conduite est le plus beau sermon pour les infidèles - et fidèle à ses devoirs sacerdotaux, j'ai toujours espéré qu'il se repentirait de ses graves erreurs et qu'il corrigerait ses défauts.
C'est un homme d'une telle opiniâtreté et il a une tête si dure que je n'en ai jamais vu de pareille. De surcroît il est dominé par la passion, et il voit ses adversaires tout en noir, et ses partisans tout en blanc.
De 1868 jusqu'à 1875, il était une de mes consolations, il était sage, obéissant, respectueux, bien que très renfermé, il m'aimait comme un père et moi-même je le traitais comme un frère.
En octobre 1875, pour une raison que je ne sais pas encore expliquer, il a été trompé par une personne malveillante qui lui a fait croire ce qu'elle a voulu, pour qu'il prenne ma place. Depuis lors, il a écrit des douzaines de lettres aux Missionnaires du Vicariat en les incitant à s'unir à lui comme un seul homme pour faire appel à Propaganda Fide contre moi.
Entre ici et Khartoum, j'ai plus de 30 de ses lettres pour prouver cela, et comme presque tous les Missionnaires ont refusé par devoir de justice et de vérité, il est devenu l'ennemi et le calomniateur (cependant toujours en toute conscience ! ? !) de ceux qui n'ont pas répondu à son appel.
Il a continué ainsi pendant longtemps, puis il s'est apaisé, surtout quand j'ai amené dans le Vicariat le regretté Abbé Antonio Squaranti pour qu'il soit mon Administrateur et mon Vicaire Général, comme la Sacrée Congrégation me l'avait ordonné.
Le sage et fort prudent Abbé Squaranti, à son arrivée à Khartoum, et après avoir tout bien examiné, a écrit du Caire à Rolleri pour lui dire qu'il (Rolleri) avait été la cause de tous les problèmes du Vicariat, en discréditant à tort le responsable de la Mission auprès des Missionnaires dépendant de lui (ceux qui étaient d'accord, sur un point ou l'autre de ses injustes insinuations étaient presque tous Napolitains) et en le maltraitant de mille façons. Une prise de bec s'est alors engagée avec l'Abbé Squaranti, et elle n'a pris fin qu'avec sa mort.
Comme Rolleri est un homme têtu et assez borné, il a continué à discréditer les bons Missionnaires qui n'étaient pas d'accord avec lui. Mais j'ai découvert sur place la vérité, et je ne me suis donc pas plié à ses exigences, il m'a demandé alors les lettres dimissoires pour s'en aller ailleurs; je les lui ai accordées immédiatement, et je les ai envoyées de Khartoum en janvier 1879, en le priant seulement d'attendre jusqu'à ce que je trouve un autre Supérieur au Caire. Pour ce poste, il m'avait proposé l'Abbé Bellicampi, un ancien Capucin du Collège Mastai, venu au Caire avec l'autorisation de la Sacrée Congrégation de Propaganda Fide.
Mais, puisque du Caire j'avais reçu des renseignements négatifs à propos de ce sujet, j'ai à nouveau conjuré Rolleri de rester à son poste jusqu'à ma venue au Caire et il fit ainsi. Je suis allé au Caire puis à Rome, et après avoir, par l'intermédiaire du Professeur Pennacchi, consulté l'Eminent Cardinal Consolini, depuis cette ville j'ai licencié de l'Institut du Caire Bellicampi car il n'avait pas la vocation pour l'apostolat en Afrique Centrale ; dès lors, Rolleri n'a plus parlé d'abandonner mon Œuvre.
Il ne faut pas oublier que Rolleri a toujours refusé d'aller dans le Vicariat, malgré mes multiples invitations à partir de 1875. Je l'avais invité pour qu'il aille y travailler, et aussi pour qu'il constate sur place, de ses propres yeux quelle était vraiment la situation, et pour qu'il puisse ainsi modifier ses jugements tordus et erronés.
Et, bien qu'il n'ait jamais vu un lopin de terre du Vicariat, bien qu'il n'ait jamais dépassé le Grand Caire et Suez, il a cependant toujours prétendu avoir le don de l'infaillibilité dans le jugement des moindres choses et pour ce qui concerne le personnel du Vicariat, contre le jugement de l'Evêque et Vicaire Apostolique.
Et puis, au mois de juin dernier, avec une autorisation, il est venu en Italie et à Rome; actuellement il est chez lui, mais il a l'intention de retourner en Egypte au mois d'octobre. Il m'a déclaré qu'il n'ira jamais en Afrique Centrale, et qu'il n'acceptera pas non plus de rester à Vérone ; mais il acceptera d'appartenir à l'Œuvre uniquement à condition de rester dans mon Institut du Caire, et bien sûr en tant que Supérieur !
L'autre jour j'ai parlé de tout cela avec l'Eminent Cardinal de Canossa, et ce dernier a décidé avec moi d'inviter Rolleri à rester dans l'Institut de Vérone pour aider mon vénérable Recteur le Père Giuseppe Sembianti, tout en restant sous le contrôle de celui-ci et de l'Evêque. S'il n'accepte pas, qu'il s'en aille où bon lui semblera.
Pour parler en toute confidence avec Votre Eminence (mais je serais très heureux de me tromper et de me rétracter), je dois ajouter à ce sujet que les mauvaises nouvelles qui sont arrivées à la Sacrée Congrégation sur la marche du Vicariat: à savoir que dans le Vicariat il n'y a personne qui soit en mesure d'être mon Vicaire Général et les fausses informations sur le compte de l'Abbé Bonomi, etc., tout cela a pour auteur principal, directement ou indirectement, Rolleri, qui a rédigé tous les rapports...
Mais peu importe ; la vérité se fera jour, parce que Dieu n'est que miséricorde, charité et justice, et Il saura tirer de ces vicissitudes providentielles le plus grand bien pour l'Afrique ; et c'est un bien que d'avoir obtenu maintenant un bon sujet, l'Abbé Grego qui, même s'il ne réussit pas à bien prêcher en arabe parce qu'il est un peu trop âgé, sera très utile pour la gestion des affaires, pour la bonne discipline, et le bon déroulement des choses, afin que tout fonctionne selon l'esprit de Dieu.
Du reste, en vérité, je dois vous dire que le Vicariat ne marche pas si mal, comme cela a été dit à Votre Eminence (et je me rétracterai certainement si, lors de ma prochaine visite pastorale, je constate le contraire).
L'Abbé Luigi Bonomi, âgé de 39 ans, a été Vicaire paroissial pendant 7 ans, et il est en Afrique depuis 1874 ; il a donc beaucoup d'expérience, et c'est un vrai Missionnaire. C'est mon humble avis à propos de cette personne. Je ne dis pas qu'il a toutes les qualités pour être Vicaire Général ; les bonnes manières lui font défaut, et il n'est pas assez clairvoyant pour traiter convenablement avec les autorités ou avec le personnel. Il est trop dur, mais en ce qui concerne la rectitude de sa pensée, son zèle, son abnégation, sa droiture, son humilité et son obéissance, on peut dire que c'est un des meilleurs éléments qu'un Vicaire Apostolique puisse avoir, et surtout parce qu'il est fidèle à son devoir. Mais puisqu'en 1875 il n'avait pas répondu à l'invitation de Rolleri de se rebeller contre moi, et de s'unir à lui (Bonomi était au Djebel Nouba, et Rolleri au Caire), il fit savoir par écrit à Rolleri, que lui (Bonomi) ne reconnaissait pas d'autres Supérieurs que ceux qui ont été nommés par le Saint-Siège, ou par des représentants du Saint-Siège, Rolleri devint alors son pire ennemi, au point qu'il y a trois ans et demi, ce dernier, appuyé par deux Napolitains, avait gravement calomnié Bonomi en disant que celui-ci avait passé plusieurs nuits avec une Sœur. La fausseté de cette calomnie a ensuite été démontrée par le Révérend Squaranti et par moi-même au mois de juin 1878, avec les aveux et la rétractation formelle du calomniateur.
De surcroît, Rolleri, suite à la calomnie d'un Prêtre napolitain, amené en Afrique par Carcereri à la demande de l'Archevêque de Trani, m'a vivement poussé par des menaces à chasser un Missionnaire piémontais de la Mission ; j'avais déjà appelé à Khartoum ce Missionnaire, l'Abbé Gennaro Martini, avec un télégramme. Mais ensuite, le Prêtre napolitain auteur de la calomnie, après une très forte fièvre, craignant de passer dans l'autre monde, se rétracta par écrit en déclarant que ce qu'il avait écrit à Rolleri était une simple calomnie et une de ses inventions pour obtenir les faveurs de Rolleri ; et il a remis une copie de cette rétractation à Rolleri et à moi (je la porterai moi-même à Rome, et l'Archevêque de Trani, après avoir vu le texte autographe, pourra certifier à Votre Eminence la vérité et l'authenticité de l'écrit). Eh bien ! Rolleri après avoir reçu cette déclaration, faite peut-on dire au lit de mort par le Prêtre calomniateur (il est mort 4 mois après), Rolleri ne devait-il pas rétracter devant moi cette calomnie qui visait un Prêtre innocent ? Pourtant, il ne l'a pas fait, et il a laissé courir la calomnie, et cela "en toute conscience..." comme il dit souvent. J'ai donc vécu le martyre, mais j'en suis content parce que le Seigneur l'a voulu ainsi, et je pardonne à tout le monde.
Par la suite Martini, fatigué, est rentré chez lui.
Du reste, ni mon Vicariat, ni mon Œuvre ne marchent mal comme l'a dit Rolleri. Le remède capital à porter à mon Œuvre consistait à reconstituer mon Institut de Vérone sur des bases très solides, surtout en lui donnant un excellent et valable Supérieur ; et c'est ce que j'ai fait en venant en Europe, et j'ai réussi avec l'aide du vénérable Cardinal de Canossa. J'espère que Votre Eminence aura l'occasion de connaître ce nouveau Supérieur. Cet Institut me donnera de bons sujets.
Il me reste d'autres affaires à régler, et la première est d'aller le plus rapidement possible dans le Vicariat... Je dois aussi répondre à vos vénérables lettres, mais je le ferai demain et après-demain.
Le Révérend Planque et moi nous nous sommes entendus par lettre et par voie télégraphique, pour nous rencontrer à Turin et nous accorder à propos de tout; nous le ferons au cours de cette Neuvaine pour la fête de Notre Dame du Peuple.
Pardonnez-moi pour ces longueurs; j'embrasse votre Pourpre Sacrée, et je suis
votre obéissant et dévoué fils
+ Daniel Comboni Evêque
et Vicaire Apostolique
N° 960; (917) - A L'ABBE FRANCESCO GIULIANELLI
ACR, A, c. 15/15
Vérone, le 28 août 1880
Mon cher Abbé Francesco,
Lorsque vous devez payer les provisions ou autre chose pour Rome (comme j'ai lu dans votre dernière lettre que vous avez payé à Rome quelques centaines de francs en les envoyant d'Egypte), n'envoyez pas d'argent, mais informez-moi pour que je fasse payer par mon banquier.
Nous nous sommes finalement débarrassés de l'Abbé Grieff, car il avait une influence néfaste dans notre Institut. A cause de son mauvais exemple et de ses insinuations perverses certains ont honteusement quitté l'Institut.
J'avais remis la Règle en vigueur et mis au poste de Recteur des Instituts le Père Sembianti un saint Prêtre.
Grieff, qui n'a pas d'esprit, a été le premier à ne pas observer la Règle, et il a influencé beaucoup d'autres personnes. Après avoir consulté l'Eminent Cardinal de Canossa et le très prudent Général des Stigmates, j'ai donné à Grieff ses lettres dimissoires, et il est parti mercredi matin pour son diocèse au Luxembourg.
Que le Seigneur en soit remercié. Fuchs, Bouchard, Moron et Dichtl avaient raison de m'écrire ce qu'ils m'ont écrit, parce qu'il avaient vécu avec lui et ils le connaissaient bien. Que Dieu soit remercié. Dites à Dichtl et à l'Abbé Giuseppe que Grieff est rentré chez lui. Maintenant, l'Institut marche très bien.
Avec les 5.000 francs que je vous ai envoyés, pourvoyez aux besoins les plus urgents. De l'argent me sera envoyé de Cologne quand je serai en Egypte.
En attendant, faites ce que vous pouvez. Moi je fais tout mon possible pour partir rapidement. Je bénis tout le monde, les Sœurs etc.
+ Daniel Evêque
Ecrivez-moi à Rome en adressant les lettres à votre mère, laquelle me les transmettra. Saluez l'Abbé Paolo Rosignoli, et le Père Pietro, les Pères Jésuites et tous ceux de notre Institut. Il est fort probable que je vous amène un professeur d'arabe, puisque l'autre est parti pour la Syrie.