N° 981; (939) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI
AP SC Afr. C., v. 8, f. 1112
Vive Jésus, Marie et Joseph!
Rome, le 25 novembre 1880
Eminent et Révérend Prince,
Alors que j'ai donné toutes mes instructions pour organiser mes établissements d'acclimatation et de probation du Caire selon les sages conseils que Votre Eminence m'a donnés de vive voix, je supplie l'immense bonté de Votre Eminence de bien vouloir daigner régulariser la difficile et affligeante position de mes établissements déjà cités vis-à-vis de l'Ordinaire du lieu, c'est-à-dire le Vicaire Apostolique d'Egypte.
J'implore donc que Votre Eminence accorde à ces Instituts les privilèges et le statut que la Sacrée Congrégation a accordés à l'établissement des Missionnaires d'Alger, que l'illustre Monseigneur Lavigerie a fondé dans le Vicariat de Tunis. Toutes les Institutions fondées en Egypte, comme les Lazaristes, et les Missionnaires des Missions Africaines de Lyon, ont un statut régulier, et la conduite des membres de mes Instituts du Caire, depuis 13 ans qu'ils ont été fondés, a toujours été irréprochable, au sens le plus strict du terme. Mes Instituts méritent donc d'avoir le même statut que les autres.
En espérant que cette prière, si souvent adressée à la Sacrée Congrégation sera exaucée, j'embrasse votre Pourpre Sacrée...
Votre très humble, très dévoué et très obéissant fils
+ Daniel Evêque
et Vicaire Apostolique
N° 982; (940) - A SON PERE
ACR, A, c. 14/123
Naples, le 27 novembre 1880
Bref billet .
N° 983; (941) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI
AP SC Afr. C., v. 8, ff. 1117-1119
Le Caire, le 5 décembre 1880
Eminent et Révérend Prince,
Avec la grâce de Dieu, après avoir affronté une terrible tempête entre Candia et Alexandrie, je suis arrivé au Caire avec un retard de 27 heures.
A Alexandrie, j'ai parlé avec Monseigneur Ciurcia des affaires qui nous concernent. Il serait très content si la Sacrée Congrégation accordait à mes deux Etablissements du Caire les privilèges et le statut accordés aux Missionnaires d'Alger fondé par Monseigneur Lavigerie dans le Vicariat de Tunis; il m'a même assuré qu'il avait écrit à ce sujet, il y quelques mois, à Votre Eminence.
Je recommande donc cette affaire à votre immense charité.
Je prie aussi votre bonté in visceribus Christi de répondre à ma prière en m'accordant la subvention que je vous ai demandée, avec ma pétition spéciale à Rome afin de remédier à l'importante perte que j'ai subie à cause de la faillite de Brown; et Votre Eminence sera satisfaite des résultats que cet important subside apportera dans mon Vicariat vaste et laborieux.
Avec la même ferveur je vous recommande l'autre grâce, que je vous ai demandée à Rome, à savoir: d'écrire à Mgr. Ciurcia que Votre Eminence serait très contente que le Prêtre polonais l'Abbé Vincent Jermolinsky (qui m'appartenait de 1870 à 1875, qui a beaucoup travaillé en Afrique Centrale, et que j'ai perdu à cause des manœuvres de mes adversaires), qui actuellement s'occupe des Coptes, puisse revenir sous ma juridiction. Ce saint prêtre, qui est maintenant ici au Caire, serait heureux s'il recevait l'ordre de Monseigneur Ciurcia ou de Propaganda Fide de revenir auprès de moi en Afrique Centrale. Mais sans cette manifestation de la volonté de Dieu, il reste là où il se trouve, parce qu'il est vraiment bon et plein d'abnégation. Nous avons au Soudan plus de 2000 Coptes à convertir, et ce n'est pas normal que ce Polonais de rite latin, suive le rite copte.
Pour l'amour de Dieu, Eminent Prince, ayez de la compassion pour mon Vicariat, qui est le plus difficile; et sachez que sur terre il y a peu de véritables Prêtres qui soient morts au monde et à eux-mêmes comme Jermolinsky, que le Père Felinski de Rome connaît très bien, il connaît aussi mon affaire, et il sait ce que j'ai fait pour ce saint Prêtre, qui a fait ses preuves à mes côtés, ainsi que son dur stage; il connaît aussi les difficultés et l'importance de ma Mission, et il serait heureux de mourir en Afrique Centrale.
C'est un homme dont l'abnégation est extraordinaire, et grâce à sa charité, il est vénéré par les Africains, et il pourrait sûrement me convertir une tribu de Noirs. Pour l'amour de Dieu, écrivez à Monseigneur Ciurcia, et ordonnez-lui, ou du moins dites-lui qu'il ferait plaisir à Votre Eminence s'il ordonnait à l'Abbé Vincent Jermolinsky de venir avec moi, ou bien de me rejoindre à Khartoum.
Je l'ai perdu à cause d'une véritable conspiration en 1875; les Coptes, et pas davantage les Pères Franciscains, n'ont rien à voir dans cette histoire.
Au contraire je dois tout à Monseigneur Ciurcia et au Père Pietro da Taggia un Franciscain, si j'ai obtenu ce valable et pieux sujet en 1870; je lui ai fait apprendre sérieusement l'arabe, et je l'ai initié à la pratique de son saint ministère.
J'ai été très heureux de connaître ici le Révérend Abbé Antonio Morgos, Visiteur apostolique des Coptes.
J'embrasse votre Pourpre Sacrée, et je suis
votre humble, indigne et obéissant fils
+ Daniel Comboni Evêque
et Vicaire Apostolique
N° 984; (942) - A SON PERE
ACR, A, c. 14/124
Le Caire, le 6 décembre 1880
Mon très cher Père,
J'espère que vous êtes à Vérone. La mer était vraiment mauvaise. Il y avait des vagues, et en comparaison, celles que vous avez vues à Sestri étaient vraiment minuscules. Epuisé par la rapidité et les difficultés du voyage de Vérone à Sestri, Milan, Rome, Naples, j'ai souffert en mer, et j'ai vomi plusieurs fois.
A 30 heures d'Alexandrie en Egypte, le capitaine a été contraint de diriger le bateau à vapeur au gré du vent, c'est-à-dire en retournant vers Tunis. Finalement nous sommes arrivés.
Je veux recevoir du courrier de votre part. Hier, j'ai ordonné un Prêtre et un Diacre, et le 8 de ce mois j'ordonnerai un autre Prêtre. Je pense que je prépare une belle expédition. J'espère que vous passerez les fêtes de Noël à Vérone. Nous travaillons pour la plus grande gloire de Dieu, pour sauver les âmes les plus délaissées du monde. Dieu sera avec nous. Vous, priez et sachez que Dieu vous bénira. Dans quelques jours, je baptiserai deux Noirs adultes, et j'appellerai l'un des deux Luigi.
Je vous prie d'envoyer à notre Eustachio à Milan 30 francs que je vous donnerai ensuite. Je salue Teresa, et priez pour
votre affectionné fils
+ Daniel Evêque
N° 985; (943) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 15/102
Le Caire, le 6 décembre 1880
Mon cher Père,
J'espère que la Propagande m'allouera quelque petite somme d'argent.
Si c'est le cas, j'ai prié Monseigneur le Secrétaire Masotti de vous l'envoyer;
je vous prie ensuite d'envoyer environ les trois-quarts de ladite somme à Giulianelli; gardez le reste.
Je suis encore terrassé par le voyage, car j'ai bien souffert. La situation est devenue grave après Candia; nous avons alors été contraints de rebrousser, en partie, chemin et de nous arrêter pendant 11 heures. Mais grâce à Dieu, nous sommes arrivés sains et saufs. Terriblement fatigué depuis plusieurs jours, surtout par un travail épuisant à Rome et à Naples, j'ai versé à la mer ma contribution ordinaire. Hier, j'ai ordonné Prêtre l'Abbé Dichtl, et Diacre, l'Abbé Giuseppe.
Nous partirons de Suez vers le 20. Je laisse toutes les nouvelles Sœurs de Vérone au Caire, ainsi que les 3 laïcs.
Je vous prie de m'envoyer encore au moins une douzaine de vos photographies. J'ai donné la dernière au Supérieur des Jésuites au Caire; je désire le mettre en contact avec vous, pour certains projets.
Je bénis tout le monde, mon Père, etc.
votre affectionné
+ Daniel Evêque
N° 986; (944) - A MONSIEUR JEAN-FANCOIS DES GARETS
APFL, Afrique Centrale, 10
Le Caire, le 6 décembre 1880
Monsieur le Président,
Je vous suis très reconnaissant des deux lettres du 25 et du 27 novembre que je viens de recevoir avec un mandat de 6.025 francs, qui m'avaient été promis depuis 6 mois par un Prêtre d'Amiens, avec l'obligation de célébrer 3.000 Messes, dont certaines ont déjà été célébrées. C'est une pieuse Dame, dont j'ignore le nom qui me les a offerts afin que mes Prêtres, mes Missionnaires et moi nous célébrions 3.000 Messes.
Je partirai de Suez le 20 de ce mois avec une caravane de 14 personnes.
Je laisse ici, au Caire, comme Supérieur de mes Etablissements d'acclimatation le Révérend Père Francesco Giulianelli, Missionnaire Apostolique, auquel je vous prie dorénavant d'envoyer l'argent et les aumônes destinés au Vicariat d'Afrique Centrale.
Je vous prie, aussi, Monsieur le Président, de prendre à cœur cette difficile et laborieuse Mission, et de me donner une somme bien plus importante que l'année dernière, car je me trouve dans une situation très difficile à cause du manque de moyens. Pour l'amour de Dieu, envoyez-moi rapidement un important acompte sur la prochaine allocation.
Des fièvres encore plus fortes m'ont frappé à Vérone, et je ressens encore les conséquences des terribles souffrances de 1878-79; je ne dors pas plus de 3 heures sur 24. Mais, malgré cela je me sens assez fort et poussé à reprendre mes activités en Afrique Centrale, après avoir bien organisé mes Instituts de Vérone.
Je n'accepte pas un Missionnaire qui ne soit disposé à mourir immédiatement. J'ai une immense confiance en la prochaine canonisation d'un grand nombre de Saints Africains qui contribueront à la conversion de toute l'Afrique.
Je recommande à vos prières ma Mission,
votre dévoué Serviteur
+ Daniel Comboni Evêque
et Vicaire Apostolique
Texte original français corrigé.
N° 987; (945) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 15/103
Vive Jésus, Marie et Joseph!
Le Caire, le 10 décembre 1880
Mon cher Recteur,
Je ne peux pas écrire parce que je suis occupé jour et nuit. J'ai reçu ce matin vos chères lettres, mais comment répondre, si pendant toute la journée j'ai été très occupé par d'importantes affaires avec le Révérend Visiteur Apostolique des Coptes, etc.? Dire que je voulais consacrer cette journée à écrire!
Et puis pour partir de Suez le 20 de ce mois, il faut qu'on travaille tous comme des ânes, et je dois bien préparer et définir mes importantes affaires avec le Khédive qui me reçoit demain matin en audience privée, à 11 heures.
Tout comme je me recommande à Dieu, ayez, vous aussi, entièrement confiance dans le Cœur de Jésus, qui vous guidera bien pour Sestri et pour Vérone.
Se borner à enseigner seulement le catéchisme ne me semble pas suffisant pour Sestri, en considérant les conditions de la région, mais tout ce que vous pourrez faire sera agréé par Dieu.
Il y a huit jours que j'ai demandé à Sœur Francesca de faire le bouche-trou au Caire, jusqu'à ce que j'envoie une nouvelle Supérieure du Soudan.
Mais c'est impossible, elle ne veut pas accepter, bien que j'aie insisté de nombreuses fois et malgré mes prières. Elle refuse fermement car dit-elle: 1°. elle est trop jeune; 2°. elle n'est pas capable; 3°. elle pourrait inspirer de la jalousie et de l'inquiétude à celles qui sont plus âgées et plus capables qu'elle; 4°. elle ne veut pas commander, et elle dit qu'elle serait toujours heureuse en obéissant, même si elle était plus âgée, etc. Que faire?.. Faut-il demander à Faustina de commander des personnes qui sont plus instruites qu'elle?... J'ai demandé à Faustina de faire le bouche-trou, mais elle a refusé en disant que les Piémontaises sont plus capables qu'elle, et qu'elle a donc peur.
De surcroît, Sœur Vittoria m'a écrit qu'étant donné les fièvres du Cordofan, elle a dû y envoyer Sœur Eulalia avec une autre.
Le fait de n'avoir conduit en Afrique que trois Sœurs acclimatées (parce que j'avais décidé de laisser au Caire Sœur Amalia comme Supérieure et ange des deux Piémontaises), n'a fourni que de l'aide pour laver la vaisselle et pour faire la cuisine (Sœur Amalia et les autres ne savent même pas un mot d'arabe).
Bref j'avais proposé, en théorie, de prendre avec moi 6 Sœurs, avec Amalia et les deux Piémontaises et cela avait été approuvé ; mais je n'ai pas encore pris ma décision définitive, bien qu'Amalia croie que j'en ai décidé ainsi.
De toute façon, priez le Seigneur pour qu'il m'éclaire, parce que jusqu'à présent, je ne vois pas de meilleure solution que d'emmener les Piémontaises avec Amalia (en tout six), aussi parce que je sais parfaitement qu'il n'y a aucune école catholique féminine dans tout le Vicariat.
Saluez mon Père, et dites-lui qu'il prie pour moi ; saluez de ma part la Supérieure et Virginie, sur laquelle je compte beaucoup, surtout pour ce qui concerne l'arabe.
Saluez le Cardinal de ma part. L'Abbé Losi dit que l'argent n'a jamais été envoyé. Il est vraiment fou ! L'Abbé Giulianelli, il n'y a pas longtemps a payé au Caire une lettre de change du Cordofan de 109 livres sterling. Mais j'irai voir moi-même. C'est vraiment triste d'avoir à faire avec des saints fous ayant perdu la tête. Je crois que nous l'avons obligé à se serrer la ceinture, mais je porte le meilleur des provisions chez les Nouba, à la barbe de l'Abbé Fraccaro! Je suis très content des deux Allemands que j'ai ordonnés Prêtres. Les Jésuites m'en font les plus grands éloges. Les trois laïcs de Vérone restent au Caire, Toscano, Battista, Domenico.
A l'Abbé Luciano...
Votre affectionné
+ Daniel Evêque
N° 988; (946) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 15/104
Vive Jésus, Marie et Joseph !
Le Caire, le 17 décembre 1880
Mon cher Recteur,
Je viens de recevoir votre chère lettre. Pour ce qui concerne l'Abbé Tagliaferro c'est un travail de patience ; il faut attendre (qu'il écrive et qu'il dise ce qu'il veut) jusqu'à ce qu'on puisse le faire aller à Vérone pour parler avec notre Eminent Père, qui est maître dans l'art de toucher les cœurs et l'intelligence, et aussi pour pousser l'Abbé Angelo à prendre une décision (le Maire est prêt à coopérer), et lui dire : "Monseigneur Comboni a entièrement confiance en vous (Abbé Angelo), mais nous sommes convaincus que d'un moment à l'autre, les frères Tagliaferro (notamment le séculier) peuvent faire déloger les Sœurs et les Missionnaires du bâtiment. Monseigneur Comboni s'est activé pour œuvrer, suite à vos promesses de donation du bâtiment".
Mais tous les avocats sont unanimes et pensent que la donation est faite en l'air, si on ne la fait pas légalement ; et ils sont de l'avis que Mgr. Comboni ne peut pas agir à son gré ni développer l'œuvre à Sestri sans cette base légale parce qu'il peut être chassé de l'immeuble du jour au lendemain, etc..
Par ailleurs, supposons que l'Abbé Tagliaferro fasse tout de suite la donation réelle, et nous nous trouvons vraiment embêtés pour réaliser sérieusement une œuvre importante. Il faut donc que nous prenions notre temps.
Je lui remonterai le moral en lui écrivant; mais ne vous découragez pas, et préparez une bonne Institutrice diplômée. S'il n'y a pas de grandes difficultés, on ne réalise jamais les œuvres de Dieu, parce que si tout allait bien, nous aurions toujours comme ennemi le démon, qui n'a pas perdu le talent qu'il possédait quand il étant un ange. Allons donc de l'avant, et bon courage!
Posséder deux maisons a Sestri est d'un grand intérêt pour l'Œuvre, et aussi pour assurer la santé de la Supérieure... On a besoin de Sestri pour l'Afrique Centrale, et les cornes du Diable et de l'Abbé Tagliaferro (que nous ramènerons sûrement vers le bien) ne sont pas aussi fortes que .... les ... et la tête du Christ. Qu'aurai-je fait si j'avais eu peur du Diable (qui se sert des bons et des méchants), pour fonder et réaliser la Mission africaine, ce qui à été possible au Saint-Siège, uniquement sous ma direction.
A Vérone, on peut dire ce que l'on veut, mais le Pape, et les plus grands et valables Missionnaires d'Orient sont convaincus que la Mission Africaine a été possible grâce à la fermeté inébranlable de Comboni ce grand pécheur cafouilleux. Maintenant je commence à en être un peu convaincu moi aussi. J'ai réussi (servus inutilis sum) à ne pas laisser tomber cette difficile Mission, grâce aux ferventes prières du monde entier, et grâce à l'héroïsme de mes collaborateurs les plus persécutés.
Maintenant je vois clairement que c'est Jésus qui nous guide, et la main puissante de l'esprit du Saint fondateur Bertoni est arrivée au moment le plus opportun pour assister mon Œuvre, si charitablement soutenue par notre Eminent Cardinal de Canossa (sans lui j'aurais pu à peine faire le Vicaire paroissial à la Scala). Courage, mon cher Père ! Allez de l'avant et ne vous effrayez pas.
Soutenu par le Cœur de Jésus, (auquel je dédie l'église que je veux bâtir ici au Caire, entre l'Institut masculin et l'Institut féminin : je poserai la première pierre le jour de Noël ; tout est déjà creusé), par Notre Dame du Sacré-Cœur, par notre cher économe Saint Joseph, par l'intelligence et les conseils de notre vénérable Supérieur Général le Père Pietro, et protégé par notre Eminent Evêque, nous réussirons tout. Je n'ai pas du tout peur de l'univers entier.
Il s'agit des intérêts de Jésus et de l'Eglise, et nous réussirons à devenir des pierres non négligeables pour les fondations du grand édifice de l'Eglise Africaine, qui est actuellement l'Œuvre la plus ardue, mais aussi la plus glorieuse et humanitaire, hic et nunc, de l'Eglise Catholique.
Ayez entièrement confiance en ce Dieu qui nous a mis dans la situation dans laquelle nous nous trouvons. Portons la croix, qui est l'instrument qui brise les cornes du Diable et du monde hostile, et allons de l'avant !
J'attends le Révérend Père Supérieur des Jésuites de la Syrie, le Père Normand, qui doit me parler et qui est aussi chargé des Jésuites d'Egypte.
J'ai prié le Supérieur des Jésuites du Caire, et aussi le Jésuite Père Villeneuve, d'être les protecteurs et les gardiens de nos maisons du Caire. Je leur ai donné votre nom et votre adresse. En temps opportun, vous vous mettrez en contact. Entre-temps, pour que les Jésuites restent avec nous (nous ne pouvons recevoir d'eux que des bienfaits et des avantages), je demanderai au Délégué Apostolique d'Egypte qu'un Jésuite puisse venir dans nos deux Instituts pour y prêcher la récollection mensuelle, ainsi que la retraite annuelle.
J'ai ensuite accordé toutes mes facultés au Père Villeneuve pour confesser au sein de mes Instituts et mes sujets, cela sans rien dire à Monseigneur Ciurcia.
Je lui dirai, que, dans la mesure du possible, il fasse de même
J'ai ordonné à l'Abbé Giulianelli et à Sœur Faustina (qui est le bouche-trou en attendant qu'une Supérieure stable arrive ; elle peut le faire parce qu'elle a les deux Sœurs de Sestri, ainsi qu'une postulante qui est un ange, arrivée avec une recommandation des Ursulines de Vienne, et celles-ci sans problèmes obéissent à Faustina) qu'ils communiquent avec vous et avec notre Supérieure de Vérone pour la bonne marche de ces deux Instituts, parce que bien qu'ils doivent m'envoyer un rapport au Soudan sur leur bonne marche, je veux qu'ils dépendent, pour tout, de vous et de la Supérieure. Vous ferez tout ce que vous pourrez (surtout pour que tout ici marche bien), et Dieu ne vous demande rien de plus ; et c'est moi qui assume la responsabilité de vos actes concernant les Instituts du Caire.
Mais pour les aspects pratiques, vous pourrez consulter le Père Villeneuve. Ainsi.... c'est mon souhait le plus ardent, que les Règles de l'Institut masculin et de l'Institut féminin, soient rédigées le plus rapidement possible (c'est aussi un souhait de Rome).
Bon courage, et au travail ! Quand vous les aurez terminées, envoyez-les moi par l'intermédiaire du Père Villeneuve (qui doit les examiner et les faire examiner par des Jésuites expérimentés), qui me les enverra ensuite au Soudan. Mais, quand vous les aurez terminées, avant de les envoyer en Egypte, soumettez-les au mûr jugement du Révérend Père Vignola. Il faudrait que, d'ici un an, ou peut-être avant, nous puissions imprimer (uniquement pour l'usage des Missionnaires et des Sœurs) la Règle, afin d'en donner une copie à chacun, pour qu'elle soit méditée pendant la période d'expérimentation, et que chaque Missionnaire, pour être membre de la Mission, jure de l'observer.
Il vaut mieux que vous y travailliez tout de suite, parce que plus tard, vous aurez moins de temps, car Dieu nous enverra sûrement de nombreux candidats des deux sexes.
Dichtl est un très bon sujet, tout comme l'Abbé Giuseppe ; ils ont tous les deux une véritable disponibilité à donner leur vie pour les Noirs.
Giulianelli est un très bon administrateur, mais comme Supérieur il ne vaut pas grand-chose, bien qu'il se soit un peu amélioré. Comme administrateur (il a été le deuxième employé du Pape au bureau des Finances), c'est un bijou, et je souhaite que vous aussi, en tenant les registres, et en m'envoyant un résumé, vous vous conformiez au Système de Giulianelli, qui me semble vraiment parfait et simple.
Je l'ai donc chargé de vous envoyer un formulaire, et il le fera après mon départ.
Les Sœurs du Caire, et surtout Sœur Amalia, ne connaissent même pas un mot d'arabe ; elles ont été très étonnées en voyant que les Sœurs Casella et Benamati comprennent tout. On peut dire de même des Sœurs de l'Afrique Centrale qui, au grand regret des commerçants indigènes, ne gèrent pas d'écoles. Mais nos Sœurs sont très estimées par les indigènes.
Samedi dernier, j'ai été très bien reçu par le Khédive d'Egypte, et il s'est montré favorable en tout. Il m'a rassuré sur les points suivants :
1°. Qu'il ferait une lettre particulière de recommandation pour moi et pour la Mission à l'Hoccomdar, ou Gouverneur Général du Soudan.
Le Soudan Egyptien, d'après les textes de Géographie imprimés actuellement, et que l'on enseigne chez les Frères des Ecoles Chrétiennes, est 5 fois plus grand que la France entière. La France embrasse (d'après ladite œuvre : "Cours spécial de Géographie pour l'enseignement primaire supérieur des Ecoles de France") 500.000 kilomètres carrés environ, et l'Egypte et ses dépendances embrassent environ 2.500.000 kilomètres carrés. Vous voyez donc l'importance d'une telle lettre de recommandation.
2°. Il m'a dit qu'il ordonnera par télégramme au Gouverneur Général d'envoyer un bateau à vapeur de Khartoum à Berber, pour m'embarquer.
3°. Il a ordonné au Ministère des Finances du Caire, à Riaz Pacha et à Blum Pacha (qui est venu me rendre visite), que mon argent puisse être déposé par le Consul Austro-hongrois dans le trésor égyptien, et que je sois payé à Khartoum par l'administration régionale. Ceci était nécessaire pour éviter les tracasseries et les escroqueries que j'ai subies avec les lettres de change des négociants du Soudan qui sont de vrais Barabas. En outre, il m'a dit de lui écrire ce que je souhaite avoir, il a dit aussi savoir et être vraiment convaincu que je suis le promoteur de la civilisation africaine. Il a énormément apprécié mon Tableau historique des Découvertes Africaines. Tous: les Pacha, les ministres de l'Intérieur etc; et de la Guerre, m'ont reçu avec enthousiasme.
Le 30 de ce mois nous partirons de Suez. Nous sommes 16; et l'Abbé Pimazzoni (qui est un ange, et qui m'a dit qu'il ne souhaitait pas faire ses études à Beyrouth) viendra aussi ; je lui donnerai les Ordres Mineurs à Berber, et il étudiera sous la direction des Abbés Losi et Luigi ; j'espère avoir en peu d'années un Prêtre de premier ordre.
Je suis encore indécis en ce qui concerne l'Abbé Rosignoli. Il n'y a pas de fautes graves, mais l'Abbé Giulianelli prévenu par l'Abbé Pennachi l'a traité, peut-être, avec trop de rigueur. Il insiste pour venir au Soudan, et il fait des promesses... mais nous verrons.
Le Père Villeneuve dit que le plus grand défaut de mon Institut du Caire est le manque de charité, et moi, j'ai ajouté aussi le manque d'humilité. Il dit que le pivot de la perfection chrétienne c'est le "diligite alterutrum" qui conduit à l'amour des œuvres... Il n'a pas une grande estime de Giulianelli, ni de Rolleri, parce qu'il dit qu'ils sont pieux, mais égoïstes. Il m'a conseillé de maintenir forte mon autorité, comme base essentielle de tout. C'est pourquoi je l'ai prié de m'écrire quelques points sur la façon dont je dois me tenir pour bien me conduire vis-à-vis de mes sujets, et il le fera. Dieu est très bon.
Pour être franc et vrai, voici mon opinion sur ces Jésuites. Le Père Villeneuve est très savant, c'est un homme d'une grande vie intérieure, mais un peu extravagant. Mais nous saurons bénéficier de ce qu'il y a de bon en lui, et de l'amour et du zèle qu'il a pour moi et pour notre Œuvre.
Le Supérieur du Caire est plus prudent et plus ferme, mais, dans ses actions, il est plus timide que le Père Villeneuve ; il est donc bon que les Règles soumises au Supérieur du Caire, soient aussi revues par Villeneuve. Il y aussi un Père Jésuite allemand qui est une perle.
Dès que vous recevrez de l'argent de la Rome éternelle (le pauvre Visiteur Apostolique des Coptes, à qui on avait promis une somme d'argent de la part de Propaganda Fide, ce qui fut décidé lors de la réunion du 15 octobre, n'a encore rien reçu), c'est-à-dire de Monseigneur le Secrétaire de Propaganda Fide, envoyez-le immédiatement à l'Abbé Giulianelli, selon les instructions que je vous ai données dans ma dernière lettre.
J'ai beaucoup d'autres choses à vous dire, mais je dois sortir, et la courrier part. Quant aux moyens pécuniaires à Vérone, ne vous faites pas de soucis, Saint Joseph sera là pour vous aider en cas de besoin.
Tous mes hommages à l'Eminent Cardinal, au Père Vignola, aux Stigmatins, et aux Instituts, auxquels je souhaite de tout cœur de bonnes fêtes et une bonne année. Priez et faites toujours prier pour votre modeste serviteur,
très affectionné dans le Seigneur
+Daniel Comboni Evêque
et Vicaire Apostolique
P.S. J'ai une petite dette à payer à Rome au couturier Giomini (qui a travaillé aussi pour le Cardinal) il vous enverra un billet de ma part.
N° 989; (947) - A SON PERE
ACR, A, c. 14/125
Le Grand Caire, le 17 décembre 1880
Mon cher Père,
Bien que je travaille beaucoup (et je travaille pour Dieu), je peux dire que je me suis reposé, et que j'ai retrouvé maintenant mes forces. Le voyage de Vérone au Caire a été éprouvant pour mon esprit et pour mon corps, mais maintenant je suis bien reposé.
Le souverain d'Egypte m'a très bien reçu, il m'a accordé de nombreuses faveurs qui diminuent les dépenses du voyage, et m'a accordé aussi une importante protection pour l'Œuvre dans ses possessions en Afrique Centrale, qui sont 5 fois plus vastes que la France.
A Noël, je baptiserai solennellement deux adultes noirs, un homme et une femme, et je bénirai la première pierre de la nouvelle église que j'ai décidé de construire au Caire, sur un terrain entre nos Instituts masculin et féminin. Saint Joseph pensera à la payer. Pour l'instant, le terrain est recouvert de matériel pour la construction. Priez pour cette Œuvre. Nous partirons le 30 de Suez et nous serons 16: 1 Evêque, 4 Prêtres, 6 Sœurs et des catéchistes.
Ecrivez-moi une longue lettre; rendez visite à Virginie et encouragez-la, car elle est très utile pour mon Œuvre. Les Sœurs du Caire ne connaissent pas un mot d'arabe, et elles ont été très étonnées en voyant que les deux nouvelles Sœurs de Malcesine que j'avais emmenées avec moi, comprenaient cette langue.
Priez afin que Virginie devienne sainte et qu'elle soit heureuse. Saluez de ma part Teresa, la famille, et restez le plus longtemps possible à Vérone avec notre digne Recteur.
Le banquier Brown m'a écrit en me demandant pardon d'être parti de Rome sans m'avertir et sans me payer, il m'a écrit qu'il pouvait me payer jusqu'à 500 francs, mais pas plus, parce que son imprudence et son manque de jugement l'ont ruiné.
Je vous bénis, et priez pour
votre affectionné fils
+ Daniel, Evêque
et Vicaire Apostolique
N° 990; (948) - AU CHEVALIER PELAGALLO
ACR, A, c. 15/90
Vive Jésus, Marie et Joseph !
Le Caire (Egypte),
le 20 décembre 1880
Mon cher Chevalier,
Je regrette beaucoup de ne pas avoir pu passer au moins une heure avec vous à Rome, mais j'étais pressé de partir pour profiter du bateau postal français qui partait de Naples le 27 novembre à midi. En effet, quand je suis arrivé à Naples le matin, j'ai tout juste eu le temps de régler mes affaires avec le Consulat français et avec l'agence des bateaux à vapeur pour embarquer ma caravane pour l'Egypte. Mon premier devoir est celui de me rendre le plus tôt possible dans mon Vicariat.
Du reste, pour ce qui concerne l'affaire Brown, je vous ai confié le dossier, et vous avez eu l'immense bonté d'accepter cette charge ennuyeuse (je vous en remercie infiniment). Cela me tranquillise. Plus jamais de banquiers en ce monde, même s'ils étaient des saints! L'unique banquier en qui j'ai encore une totale confiance, c'est mon cher économe Saint Joseph, à qui j'ai recommandé l'affaire, pour obtenir aussi une bonne subvention de Propaganda Fide. J'ai même mis au pied du mur Saint Joseph ce saint et bon économe pour que Propaganda m'aide ; et... vive Noé!
Si Joseph ne m'écoute pas, je l'ai menacé de m'adresser à son Epouse, et comme j'ai demandé à mes Sœurs de faire une bonne neuvaine en honneur de la Vierge Marie pour la fête de l'Immaculée, et un triduum pour Noël, je suis sûr qu'il exaucera mes vœux. Joseph mon économe devrait avoir un peu d'amour-propre et ne pas permettre que l'on ait recours à des femmes pour des affaires financières, qui concernent les hommes.
En attendant, recommandez-moi à notre cher ami l'Abbé Zitelli pour qu'il m'aide à atteindre ce but auprès de Propaganda Fide.
J'ai cherché dans mes valises, et j'ai trouvé seulement les papiers que je vous envoie ci-joints. Mon crédit, qui n'est pas loin des 20.000 lires, est noté aussi dans le registre de Brown que le Chevalier Luigioni conserve (vous le saluerez de ma part).
Brown m'a écrit de Malte pour m'annoncer qu'il part (sans me dire où), et qu'il a commis un acte de lost of judgment (manque de jugement) ! ! ! et ... s'enfuir en dupant tant d'ecclésiastiques ! ! Recevez mes hommages, et priez pour
votre affectionné
+Daniel Comboni Evêque