N° 1001; (959) - A L'ABBE NAZZARENO MAZZOLINI
ASC
1880
Autographe sur une image pieuse
N° 1002; (960) - A ERMINIA COMBONI
AFC
1880
Bref billet.
N. 1003 (961) – NOTE
ACR, A, c. 20/21 n. 3
1880
N° 1004; (962) - TABLEAU HISTORIQUE DES DECOUVERTES AFRICAINES
ACR, A, c. 18/13
Vérone, 1880
RAPPORT DE SON EXCELLENCE DANIEL COMBONI AU RECTEUR DES INSTITUTS AFRICAINS A VERONE
Foi catholique et Civilisation chrétienne en Afrique Centrale, tel est le sublime apostolat de la grande Œuvre de la Rédemption de la Nigrizia.
Nous militons sous cet étendard sacré et glorieux, bénis par le Vicaire du Christ et par le Saint-Siège Apostolique. La Foi et la civilisation n'ont jamais été ennemies entre elles; et quoi qu'en dise la philosophie, quoi qu'en pensent les sensualistes et les matérialistes, quoiqu'en disent les agnostiques, reste toujours le fait que la Foi et la Civilisation s'embrassent et que l'une ne peut se passer de l'autre.
En effet la Foi catholique, avec la prédication de ses dogmes, de ses principes, de ses enseignements et de sa morale divine, porte toujours en elle et engendre la véritable civilisation chrétienne. Celle-ci accueillie et assumée par les peuples infidèles, est portée et poussée par une impulsion puissante et irrésistible, à se tourner vers son centre, vers la véritable Foi, dans laquelle elle reconnaît son inséparable amie, son enseignante, sa mère.
C'est pour cela que par nos Annales nous nous efforcerons de faire connaître à nos chers bienfaiteurs, nos efforts, nos œuvres, nos succès, l'apostolat des Missionnaires et des Sœurs de nos Instituts Africains de Vérone, mais aussi les progrès matériels réalisés grâce à leur travail, les découvertes, les travaux scientifiques et les fruits de la vraie civilisation chrétienne en Afrique Centrale. Nous voulons ainsi rendre gloire à Jésus-Christ qui est l'unique auteur de la Rédemption et de la vie, la véritable source de la civilisation et du salut des populations infidèles, l'inébranlable fondement de la vraie grandeur et de la prospérité des nations civilisées du monde.
Beaucoup de nos lecteurs, même suffisamment instruits et cultivés, ne connaissent pas l'Afrique, sa géographie, son histoire, ses coutumes, ses peuples ; et n'ayant donc pas une idée exacte et précise du terrain sur lequel nous déployons nos efforts apostoliques, ils ne peuvent évaluer correctement la grandeur, les difficultés et les particularités de nos saintes Missions.
Il est nécessaire que nous donnions un compte-rendu exact du terrain envahi de ronces où nous peinons et nous travaillons. Il faut que nous fassions bien connaître l'Afrique, et surtout l'Afrique Centrale.
Dorénavant, nous parlerons de l'Afrique, du point de vue historique, géographique et social ; et dans le présent fascicule des Annales, nous présenterons en bref à nos chers abonnés l'histoire des découvertes africaines.
Ces importantes découvertes permettront de mieux comprendre l'élan religieux et scientifique, qui tourne les regards de l'Europe chrétienne vers l'Afrique Centrale.
Les inventions scientifiques et les découvertes géographiques ont déterminé le passage du Moyen Age à l'Epoque Moderne.
En quatre siècles elles ont eu un tel essor, que l'esprit, émerveillé, contemple les changements qui sont déjà réalisés, et ceux qui se réaliseront dans la famille humaine.
Le génie Grec ne pouvait aspirer à un triomphe plus lumineux. Ce progrès, que je dirais presque excessif, fruit, comme celui de l'industrie, de la division et de l'intégration du travail, ne nous émerveillerait pas, mais nous effrayerait s'il avait seulement pour but d'accroître le niveau de vie, et pour conduire l'humanité vers un matérialisme mesquin.
Mais si l'on croit que les inventions scientifiques et l'immense développement des sciences positives n'oppriment pas mais aident et même agissent en faveur du progrès moral des peuples, personne ne doute que ce bien s'obtient principalement en étendant nos connaissances sur la Terre, et sur ses habitants.
La géographie est née et s'est développée grâce aux émigrations et à l'installation des colonies, grâce à l'esprit religieux et à la soif de conquête, grâce aux voyages scientifiques sur terre et en mer; elle demande et fournit un grand nombre de données aux sciences positives et morales, et elle a un caractère varié comme les éléments qui la constituent.
Les découvertes faites dans le domaine de la géographie ont une importance non seulement scientifique, mais aussi politique et religieuse.
C'est pour cela que nous avons vu surgir dans les capitales des états d'Europe et d'Amérique, des Sociétés Géographiques protégées par les gouvernements; des Académies, des Périodiques et des Œuvres de tous les formats sont publiés et font le point sur les progrès scientifiques.
Dans ces ouvrages les érudits parfois proposent des solutions à certains problèmes, que l'œil du voyageur confirmera plus tard. Nous avons vu les Sociétés des saintes Missions Apostoliques et l'armée des hérauts du Christ qui ont pénétré avec la Croix et l'Evangile, là où ni l'épée, ni l'avidité de l'argent, ni le noble amour de la science n'ont pu se frayer un chemin.
Parmi les pays de la Terre, l'Afrique est celui qui a été autrefois à l'origine des explorations maritimes les plus audacieuses et les plus longues, et de nos jours des découvertes les plus grandes et les plus intéressantes.
Plutôt dépourvue d'îles et de baies, et trois fois plus grande que l'Europe, elle n'offre pas d'emplacement opportun aux navigants, ni de ports assez sûrs.
Celui qui a le courage de pénétrer à l'intérieur de ce Continent, qui est uniforme comme ses côtes, rencontrera des difficultés et des obstacles que ne présentent ni l'océan immense, ni ses écueils, ni les savanes et les forêts du Nouveau Monde, ni les glaces des mers polaires, ni les hautes cimes des Andes et de l'Himalaya, ni les déserts de l'Asie centrale et leurs tribus.
La Cartes géographiques de l'Asie et de l'Amérique sont assez complètes; les explorateurs des mers polaires ont résisté à moins 48° (et parfois, dit-on, à moins 55°, 60° Réaumur), ils ont franchi les pôles , et ils ont vu, des plus hautes latitudes, le spectacle d'une mer sans glace. Tout cela s'est réalisé après seulement quelques siècles d'explorations, et avec peu de victimes de la science.
En Afrique, au contraire, les fleuves mêmes ne constituent pas, comme ceux des autres continents, les grandes voies du commerce et de la civilisation; leur navigation est très difficile et parfois impossible, à cause des cataractes, des bancs de sable, de nombreuses îles, des rives basses, de la nature du lit du fleuve qui se transforme en lac ou en marécage, ou qui se perd même sous le sable et les dunes.
Mais même si l'Européen surmonte tous les obstacles, traverse les immenses déserts de sable enflammé qui séparent l'Afrique du reste du monde et qui séparent aussi les unes des autres ses régions bien peuplées et fertiles, même s'il triomphe de la nature des bêtes féroces qui errent sur les montagnes et dans les plaines, et qui demeurent le long des rives, mais aussi au fond des fleuves et des lacs, même s'il passe indemne parmi les tribus africaines dont les instincts ne sont freinés par aucune loi civile ou religieuse, l'Européen aura toujours affaire au climat meurtrier, son véritable ennemi, avec une température qui, à l'ombre et au Nord, va de 35 à 45° Réaumur, et, qui au soleil sur les sables enflammés du désert qu'il doit pourtant traverser, fait parfois plus de 50° et même 60° Réaumur au-dessus de zéro.
L'histoire des découvertes du continent africain est une pénible énumération de héros morts pour la religion et pour la science.
Gumprecht, depuis la fin du siècle dernier et jusqu'en 1848, dénombre plus de 53 célèbres explorateurs européens qui sont morts en Afrique (Monatsberchten de la Société Géographique de Berlin, 1848).
Après autant de généreuses victimes, après autant d'explorations qui avaient débuté de nombreux siècles avant Jésus-Christ, nous ne connaissons pas encore parfaitement le système des plus importants fleuves d'Afrique; et les Cartes les plus récentes et les mieux tracées ne représentent, de façon satisfaisante pour les exigences de la science, qu'un peu plus des deux tiers de sa grande superficie.
Cette lutte du zèle apostolique et du génie investigateur contre tous les obstacles qui empêchent de pénétrer dans les régions de l'intérieur de l'Afrique, loin de cesser à cause des grands sacrifices et de la lenteur des progrès, n'a jamais été menée avec autant d'ardeur et de persévérance que de nos jours, par l'Eglise catholique, par la civilisation et par la science.
L'élan des découvertes géographiques, qui s'est déployé en Afrique de 1840 jusqu'à aujourd'hui, avec une admirable énergie et persévérance, est un des spectacles les plus dignes d'admiration et d'intérêt du XIXème siècle.
On dirait qu'en lui donnant un développement et une activité si extraordinaires, les nations d'Europe ont obéi, par un accord tacite, à une même pensée: celle de soutenir les efforts et initier aux conquêtes de la civilisation ce continent qui était devenu, sans explication plausible, l'objet d'un abandon systématique.
Il semble que l'Afrique soit condamnée depuis de nombreux siècles à aller en arrière plutôt qu'à avancer et à progresser.
L'histoire, cent ans environ avant le départ des Israélites d'Egypte, nous rappelle bien la prise de la capitale de l'Ethiopie, que l'historien Joseph Flavius appelle Saba, qu'il décrit comme une ville très forte, située près du fleuve Astosabos; il nous dit aussi que le Roi des Perses, Cambise, changea le nom de Saba par celui de Méroé, en honneur de sa sœur Méroé.
L'histoire nous rappelle aussi l'émigration de 240.000 guerriers égyptiens qui, sous Psammétique, le premier Roi égyptien qui a régné après l'expulsion définitive des rois éthiopiens de l'Egypte, se sont installés sur une île au sud de Méroé, c'est-à-dire au sud de l'actuelle ville de Khartoum, entre les fleuves Astosabos (le fleuve Bleu) et l'Astapus (le Fleuve Blanc jusqu'à Sobat), et à huit jours de voyage à l'Est des Nubae ou Nubatae (peut-être la tribu des Nouba au Sud du Cordofan, qui alors était plus étendue à l'Est).-Voir Hérodote II, 30 et suivants - .
L'histoire nous rappelle en outre le voyage autour de la Libye fait par les Phéniciens, sur ordre de Néchao en 609 avant Jésus-Christ - Voir Hérodote IV, 42); ainsi que le périple du carthaginois Hannon, tenté vers 500 avant Jésus-Christ, et cité dans le recueil des géographes Grecs mineurs imprimé par Froben en 1533, d'après un manuscrit du Xème siècle conservé dans la bibliothèque de Heidelberg.
Les armées romaines ont couvert ces territoires postérieurement. Pétrone, général romain sous Auguste, 30 ans avant Jésus-Christ, a pris et détruit Napata, l'ancienne capitale de Tirhaka, située sur la grande courbe Nord du Nil, sur le mont Barkhall, où se trouvent encore de nombreuses ruines.
Méroé, certainement, la capitale de la Reine Candace, dont on parle dans le Nouveau Testament (Ac., 8, 27) est aussi tombée entre les mains des Romains.
Néron, au début de son règne, a envoyé une expédition d'exploration assez remarquable sous les ordres de deux centurions et des forces militaires pour explorer les sources du Nil et les pays à l'Ouest de l'Astapo ou Fleuve Blanc, à cette époque reculée on croyait que c'était le vrai Nil.
Aidés par un souverain éthiopien, peut-être par Candace, les Romains ont traversé la région connue sous le nom de Nubie Supérieure, jusqu'à 890 milles romains de Méroé.
A la fin de leur voyage, ils ont atteint d'immenses marécages, dont personne ne semblait connaître la fin, entre lesquels les canaux étaient si étroits qu'un petit bateau réussissait tout juste à porter un homme.
Malgré tout, ils ont continué leur voyage vers le Sud jusqu'à ce qu'ils voient le fleuve tomber en cascade et sortir parmi des rochers (peut-être au-delà de Gondocoro entre Regiàf et Doufli, près de l'Albert Nyanza).
A ce point-là, ils ont rebroussé chemin, en apportant avec eux, à l'usage de Néron, les Cartes des régions qu'ils avaient traversées.
Après, Pline, Strabon, d'autres auteurs romains ont pris connaissance de cette partie de l'Afrique Centrale, mais sans y apporter quoi que ce soit d'important ou de nouveau.
Bien que l'histoire nous ait fait connaître ces importantes expéditions d'époques très anciennes, les Anciens n'avaient aucune connaissance claire de la configuration de l'Afrique, ni des pays que le grand Désert du Sahara sépare des Berbères.
L'Egypte, qui a occupé depuis la plus haute antiquité un rang très élevé dans le monde, qui s'est étendue vers le Sud et a imposé ses institutions et ses coutumes à des distances à peine atteintes aujourd'hui, semblait avoir épuisé sa mission.
Les riches et industrieuses populations que l'Antiquité a vues s'installer sur le littoral de la Méditerranée, à Carthage, en Cyrénaïque, en Numidie et en Mauritanie, ont disparu en laissant tout juste quelques traces de leur passage.
La barbarie avait repris possession de ces belles provinces que la domination romaine avait portées à un très haut degré de culture et de civilisation.
Au Moyen Age, l'Islam a traversé l'Afrique du Nord comme un torrent d'un bout à l'autre, et a poussé ses incursions jusqu'à l'intérieur de l'Afrique. Et si l'Islam a réussi à modifier profondément les esprits, s'il a créé des idées et des coutumes qui ont résisté aux siècles, il n'a nulle part fondé une structure politique importante et durable.
Il faut arriver au XVème siècle pour voir poindre l'aurore d'une ère nouvelle. Jusqu'à cette époque, on n'avait eu qu'une idée très imparfaite de la configuration de l'Afrique; les notions scientifiques depuis Ptolémée s'étaient plutôt éloignées que rapprochées de la vérité. On n'avait une idée un peu précise que de la région du Nord. Mais les anciennes cartes de Sanudo, de Bianco et de Fra Mauro en faussèrent les contours.
Les expéditions maritimes des Portugais, dont l'initiative et la persévérance extraordinaire ont immortalisé le nom d'un de leurs plus grands princes, Henri le Navigateur, ont découvert et fait connaître un nouveau monde.
En 1434, a été découvert le cap Baiador ; en 1482, a été exploré le Golfe de Guinée ; en 1487, Bartolomeo Diaz a atteint et dépassé le Cap Orageux, appelé ensuite Cap de Bonne Espérance ; et avant la fin du siècle, de 1497 à 1499, Vasco de Gama franchissait ce Cap et a suivait la Côte Orientale de l'Afrique jusqu'à la hauteur de l'Arabie.
La Carte de Diego Ribera, publiée en 1529 à Séville en Espagne, et celle de Dapper, qui a été publiée en 1676 à Amsterdam, ont donné pour la première fois le profil exact du continent africain. Cette dernière semble même avoir dépassé, sous de nombreux aspects, les progrès de la géographie moderne.
Ensuite, de nombreux comptoirs furent fondés sur les côtes de l'Afrique, et de nombreuses tentatives ont été réalisées pour y installer des colonies.
Cependant, ces colonies n'ont jamais quitté le littoral, et les commerçants ne se sont jamais aventurés à l'intérieur des terres.
En revanche, les Portugais ont très tôt exploré une grande partie de l'Afrique Centrale, et ils ont réussi en quelque sorte à anticiper, sur les rives du Zambèze et dans le bassin du Congo, certaines des découvertes de Livingstone.
Après eux, les Français en Sénégambie, et les Hollandais au Cap de Bonne Espérance, ont exploré une partie du continent africain, mais sans trop accroître les connaissances déjà acquises grâce aux efforts des Portugais.
L'intérieur de cet immense et haut plateau, dont les premiers remparts sont à quelques kilomètres de la mer, restait encore caché par un mystère impénétrable, soit à cause de la politique cupide du gouvernement de Lisbonne, qui suivant l'exemple des Phéniciens, cachait aux autres peuples la situation de ses colonies et les résultats de ses entreprises commerciales, soit encore à cause des informations trop vagues fournies par les voyageurs et les Missionnaires.
La carte de l'Afrique de d'Anville de 1749 offre l'image précise des connaissances géographiques au milieu du XVIIIème siècle.
Quel que soit l'intérêt que peuvent présenter les données et les informations que nous devons à des hommes de mérite, comme Battel, Lancaster, Keeling, Fernandez, Alvarez, Bonnaventura, Schouten, Le Maire, Brue, Barbot, le Père Krump, Kolbe, Atkins, Schaw, Smith, Moore, Norris, Sparman, Patterson, Le Vaillant, et cent autres qui, de 1589 à 1790, se sont consacrés à l'exploration du continent africain, les résultats de leurs voyages ne sont pas à la hauteur de la science géographique moderne. Et à l'exception de très rares cas, ils ne peuvent pas être sérieusement pris en considération.
L'institution qui a donné un caractère scientifique aux voyages en général, et qui a particulièrement promu ceux en Afrique, est l'Association anglaise fondée à Londres en 1788 pour le progrès des découvertes africaines, nommée British African Association ou Association Britannique Africaine. C'est grâce à elle qu'a commencé le grand mouvement d'exploration, qui de nos jours seulement a pris toute son ampleur.
Les voyages se multiplient et s'organisent suivant un projet commun. L'Afrique est attaquée de tous les côtés, et les mystères de ses régions intérieures commencent à sortir des ténèbres.
Le premier voyageur de cette nouvelle période a été l'anglais Browne qui, de 1793 à 1796 est allé de l'Egypte au Darfour, en traversant la partie orientale du désert de Libye.
En 1794, les deux Anglais Watt et Winterbotton ont pénétré dans le pays des Foulbés. Un an plus tard, l'écossais Mungo Park est arrivé à Giòli-Ba.
En 1798 et 1799, Frédéric Hornemann est parti du Caire, a traversé les Oasis de Siwa et d'Augila, et est arrivé à Murzuk, où aucun Européen n'était jamais arrivé. De 1798 à 1800, Jacotin et Nouët, pendant la campagne du Général Bonaparte ont tracé la carte géographique de la Basse, de la Moyenne et de la Haute-Egypte.
En ce XIXème siècle, les voyages se multiplient pour explorer différentes régions de l'Afrique, du Nord-Est, du Nord-Ouest, du Nord et de l'Ouest.
En 1802, Dénon parcourt la Haute-Egypte, et recueille de précieuses informations sur les limites occidentales du désert de Libye.
En 1803, Mohamed Ebn-Omar-el-Tunsi, en suivant la même voie que Browne traverse le désert de Libye, et en passant par le Darfour, arrive jusqu'à Waday où il recueille d'importants renseignements ethnographiques; en 1811, en repassant par le désert de Libye, il se dirige vers le village des Tibbous, et il rejoint Murzuk. L'explorateur Badia Ali Bey el Abbasi, sillonne l'intérieur de Teli au Maroc, en fixant la position des villes principales par des observations astronomiques.
En 1810, Seetzen explore certaines parties du désert de Libye, qui a ensuite été parcouru, en 1820-25 par Minutoli, Ehrenberg, Hemprich, Scholtz, Gruoc, Soeltner, en passant par la Haute-Egypte, après avoir visité l'oasis de Kiwa.
En 1817-20, Caillaud explore les oasis de Khargié et de Dâhhel, en fixant leurs positions astronomiques.
En 1826, Pacho explore les oasis de Marâdé, de Lech Erré avec la Cyrénaïque.
En 1832-33, Hoskyns trace une carte complète de la grande oasis de Tebe. Ritchie part de Tripoli en 1818 et arrive à Murzuk où il meurt.
En 1819, Lyon parcours le même chemin, et en 1821, Beechey trace la carte des côtes de la grande Syrte, et explore la Cyrénaïque. La même année, le Sultan Teima traverse le désert de Libye pour entrer dans le Darfour.
En 1823, Belzoni, de Padoue, le grand découvreur des monuments de l'Egypte et de la Nubie, lors d'un voyage vers Tombouctou est cueilli par la mort dans le désert enflammé.
Il y a un fleuve qui se jette dans le golfe de Guinée, et qui offre par sa vaste étendue, par la complexité de son cours et le mystère de son origine, une splendide analogie avec le roi des fleuves, le Nil: il s'agit du Niger. Assez tôt les efforts des explorateurs se sont concentrés pour résoudre ce problème hydrographique. Mungo-Park pendant les premières années de ce siècle, pénètre, depuis la Gambie, dans le bassin du Niger.
Malgré les attaques incessantes des indigènes, au prix d'énormes sacrifices et d'indicibles souffrances, il descend le cours du fleuve jusqu'à Bûssa, où il meurt, après avoir vu succomber la plus grande partie de ses compagnons de voyage.
En 1810, Adams, après un naufrage sur la côte occidentale de l'Afrique, a été fait prisonnier par une tribu de Mauri, et a été conduit à l'intérieur de la région.
En 1816-20, Kutton arrive à Kumassi, capitale de l'Aschianti.
En 1816-21 Peddie, Gray et Dochard explorent le Rio Nuñez, et vont à Bâkel.
En 1818, un voyageur français, Mollieu, renouvelle l'entreprise de Mungo-Park, et explore le bassin du Sénégal et de ses affluents, le Falémé et le Bà Fing; il n'arrive pas jusqu'au Niger, mais il réussit à localiser les sources du Sénégal, de la Gambie et du Rio-Grande. La même année, Bowdich parcourt une partie de l'Aschianti, et de la Côte d'Or. Laing a exploré les régions de Timmami, de Kuranko, et de Sulimana, au Sud de la Gambie.
En 1823, Jean Adams pénètre au Dahomey.
En 1824-25, Grout de Beaufort accomplit d'importantes observations géographiques concernant le Sénégal, le Falémé et la Gambie, et il explore le Bambuk et le Kaarta.
En 1825-28, Richard Lander et Clapperton, en partant du fort William sur la Côte des Esclaves, ont traversé le Dahomey et la terre des Yorouba, et sont arrivés par la voie de Bûssa et de Zria dans les états des Foulbés.
En 1826, Vidal reconnaît les embouchures du Niger, et il en trace une carte. La même année, Caillié parti de Kahandi sur la côte occidentale, passe par Timbo, traverse les bassins du Sénégal et de la Gambie, et ensuite traversant les territoires des Mandinghi, par la voie de Ginni, arrive, le premier des Européens dans la mystérieuse ville de Tombouctou sur le Niger, à la limite méridionale du Sahara. De là, en passant par Arauan, Taodermi, Bel'Abbas et Tafilelt, il a été un des premiers Européens à avoir exploré toute la partie occidentale du désert du Sahara.
En 1829, Roussin explore et reconnaît toute la côte de la Sénégambie.
En 1830, les frères Lander (Richard et Jean) remontent le Niger, et arrivent jusqu'à Sokoto.
En 1832, Richard Lander recherche pour la troisième fois dans le Niger le confluent du Bénuë. Avec Laird, Allen et Oldfield, il navigue sur le cours inférieur du Niger, appelé aussi Quorra, dont l'embouchure avait été l'objet de nombreuses discussions et recherches. Richard Lander explore cette embouchure, qu'il a été le premier à parcourir après Bûssa en 1833.
De 1836 à 1845, Beecroft remonte trois fois le grand fleuve, explore, dans son delta, le bras de Wari, et il trace le cours du fleuve Efik, ou Vieux Calabar.
En 1839, Freeman parcourt une partie de l'Aschianti et d'autres régions; en 1846, il visite Duncan, d'où il pénètre à l'intérieur du royaume du Dahomey.
En 1841, Trotter, Allen et Thomson explorent plus minutieusement le cours inférieur du Niger.
En 1843-44, Raffenel, Peyre-Ferry, Huard- Bessinières explorent le Bambuk et le Falémé, et tracent un itinéraire du Sénégal à la Gambie.
En 1846, Denham explore une partie du Dahomey et de la Côte d'Or, alors que Raffenel entreprend un second voyage d'exploration dans le Kaarta.
Sont intéressants les travaux d'Irwing, ainsi que les explorations de Forbès qui a voyagé dans le Dahomey en 1850, les explorations de Hornberger et de Brutschin qui ont visité la Côte des Esclaves et le territoire des Ewé en 1853, les explorations de Hutchinson, de May, de Crowther et de Glover qui en 1854 pénètrent au Niger par l'affluent du Non, et en explorent le cours, ainsi que le bas Bénuë.
Ne sont pas moins célèbres les travaux d'Ecquard et de Baikié sur plusieurs régions de la Guinée et sur le cours inférieur du Niger, et la célèbre exploration de ce dernier, qui eut lieu en 1854: il part de la côte de la Guinée pour arriver jusqu'au confluent du Benuë, une rivière imposante qu'il remonte jusqu'à Jola, point extrême atteint par Enrico Barth en descendant du Nord. Baikié. Il trace un itinéraire de Lukogia à Nupé et à Kano.
Quelques années après, sous l'impulsion du Général Faidherbe, alors gouverneur de la Sénégambie, de nombreux officiers de la marine française, (Lambert qui va de Kakandi à Senou-Débou en 1860, en traversant Futa Giallon, et Mage et Quintin qui vont à Segou par Kaarta de 1863 à 1866) ont reconnu le cours supérieur du Niger.
En 1869, Winwood Reade s'approche de ses sources dans les montagnes proches de la mer, qui délimitent les frontières vers l'Est avec la Sierra Leone.
En 1855, Townsed explore le pays Yorouba.
En 1857, Scala de Lagos arrive à Albeokuta, et explore la zone du littoral jusqu'au Vieux Calabar.
En 1858, Anderson, en passant par la Sierra Leone, atteint, à l'intérieur des terres, la ville de Musardu. Glover et May reconnaissent le cours inférieur du Niger et parcourent le pays Yorouba.
En 1859, Vallon voyage deux fois de Waïda à Abômé, la capitale du Dahomey.
En 1860, Pascal explore le Bambuk et les cataractes de Guïna sur le Sénégal, et Jariez décrit les rivières du Siné et du Salum.
En 1861, Azan explore Walo, et Braouézec voit le lac Panié Ful et une partie du pays des Wolofs.
En 1862 Vallon explore la Casamance; Martin et Bagay tracent la Carte des états Sérères.
Le célèbre Missionnaire Apostolique l'Abbé Borghero de Gênes étudie et illustre, après un séjour de nombreuses années, le royaume du Dahomey, en pénétrant profondément à l'intérieur de ces régions. Robins visite Lukogia sur le Bénuë ; Gérard et Bonnat explorent les embouchures du Niger et le Nouveau Calabar.
En 1873, Buchholz, Lühder et Reichenow parcourent toute la côte Occidentale. En 1875, Bonnat explore le fleuve Volta jusqu'à Salaga, ville tributaire des Aschianti.
En 1876, Dumaresq découvre dans le Wémi une voie fluviale qui unit Lagos à l'intérieur du Dahomey. Crowther voyage de Lukogia jusqu'à Lagos.
En 1877 Grenfell et Ross explorent les pays baignés par le cours inférieur du fleuve Kamarun, et ils en tracent la carte géographique.
Malgré les lacunes qui restent encore à combler, toutes ces explorations en Afrique Centrale sont une conquête importante.
En effet, le bassin du Niger renferme une série de tribus fortement peuplées, et des états qui commencent à avoir un début d'organisation.
La récente expédition des Anglais contre les Aschianti, a mieux fait connaître les régions voisines extrêmement fertiles. Jusqu'à maintenant, il n'y a que le climat brûlant et les miasmes meurtriers des marécages qui s'opposent aux efforts de civilisation des Anglais.
Au Nord et à l'Ouest, l'Algérie et le Sénégal sont devenus pour les Français des points de départ vers le grand désert du Sahara, qui arrive jusqu'aux frontières de leurs possessions. Dans cette direction ils rencontrent d'abord la partie la moins hospitalière, le Sahel, une vaste plaine sablonneuse et aride avec quelques rares oasis, et habitée à certains endroits par des peuples très fiers.
En 1852 Léopold Panet, un explorateur français parti du Sénégal, parcourt l'extrémité occidentale du Sahel, de Saint Louis à Mogador en passant par Adrâr et Uâd Nun.
Je passe sous silence les explorations dans le Sahara algérien de Renou, du docteur Cosson, de Letournaux de la Perraudière, de Marês, et de de Colomb, effectuées de 1853 à 1861.
En 1858, un des géographes les plus savants de cette époque, H. Duveyrier, explore avec succès le Sahara, cette mer de sable, où de nombreux explorateurs intrépides ont péri.
Il a parcouru le haut plateau central du Sahara, entre Laghouât, Biskra, Gabès, Ghadâmès, Ghât, Murzuk et Tripoli, et la région montagneuse des Azgiers. Sont aussi très intéressants les voyages et les travaux scientifiques des explorateurs qui ont parcouru la partie septentrionale du continent africain de 1860 jusqu'à 1879. Parmi ces explorateurs il faut signaler ici Messieurs: Vincent, Bourrel, Colonieu, Burin, Abu-el-Moghàd, Mircher, Vatonne, de Polignac, de Colomb, Beaumier, Tissot, Muchez, Dournaux-Dupéré et Joubert (assassinés dans le désert), Tirant et Rebatel, Roudaire, Parisot, Martin, Baudot, le Docteur Jaquemet, Le Châtelier, Largeau, Say, Masqueray, des Portes et François.
On entreprend à partir aussi du Maroc et de Tripoli, des voyages scientifiques dans la partie septentrionale du continent africain.
En 1829, Washington arrive à l'intérieur du Maroc jusqu'à Marrakech, dont il détermine la position. G. Davidson, en passant par le Maroc occidental, va de Tanger à l'Uàd-Nun, rejoint l'Uâdi Dhra'a, et meurt assassiné à Suekeya dans le Sahara marocain en 1836.
En 1844-45, Barth explore le littoral du Maroc, de l'Algérie, de Tunis, de Tripoli, de Barca et d'Egypte.
En 1845, Richardson arrive à Ghat en partant de Tripoli et en passant par Ghedamis.
En 1846-49, Fresnel recueille d'intéressantes informations sur le Waday et sur le Darfour.
En 1848, Prax fait le premier voyage scientifique de Tunis à Soûf, à Tougourt, et revient par Biskra. Berbrugger, Dickson et Hamilton parcourent le Sahara algérien, les régions de Tunis, de Tripoli et de Barca, et une partie du désert de Libye.
En 1857, Bonnemain voyage de Biskra à Ghedamès.
En 1858, Abû-Derba traverse le territoire des Aregs entre Laghouat et Ghat. Mardokhai Abi Surrur, de 1858 à 1863, voyage plusieurs fois par le désert d'Akka du Maroc, jusqu'à Tombouctou, en passant par Taodenni et Arrouan.
En 1862-64, Rolhfs sillonne le Maroc dans plusieurs directions, jusqu'à Uâdi-Dhra'a, il rejoint l'Atlas, visite et explore les oasis de Tafilelt, il arrive à In-Salah, Touat et Tidikelt, et rejoint Tripoli par Ghedamès.
Sont également remarquables les voyages entrepris de 1867 à 1878 par les explorateurs Balansa, Wimpffen, Hooker (Joseph Dalton), Maw et Ball, Fritsch et Rein, Von Bary et Soleillet (qui a été le premier à tracer la carte de tout le plateau de Tademait et Warglà jusqu'à In-Salah); et est tout aussi intéressant le voyage en 1869 de l'explorateur Nachtigal à Tu, entrepris par la voie de Tripoli, de Murzuk et du Désert du Sahara.
En 1869 Sur cette route, une malheureuse femme a été assassinée par son escorte. Nous connaissions cette dame, Alessia Tinne, une Hollandaise de La Haye, qui était devenue célèbre pour ses importants et nombreux voyages en Afrique Centrale.
Plus à l'Est, le Sahara change d'aspect; le sol devient pierreux, les oasis se multiplient, et la population se fait moins rare à proximité de l'Egypte, où le désert reprend son domaine.
Pendant l'hiver 1873-74, Gérard Rohlfs, déjà connu à cette époque grâce à plusieurs explorations importantes dans les régions les plus inaccessibles de l'Afrique Septentrionale, a entrepris une expédition scientifique dans le désert de Libye, accompagné par Jordan, et il en a déjà fait connaître les résultats importants. Après avoir exploré les oasis de Khazgier Dûkhel, Farâfra, Siwa et Bahariyé, il a découvert que le Bahar Bêla Mâ (fleuve sans eau), tracé sur les anciennes cartes, n'existait pas.
Au Sud de cette région se trouve le Soudan, qui en divers endroits se confond avec celle-ci et qui dernièrement a déjà été le but d'importantes explorations. Ici se trouve le cœur et le centre de l'Afrique, là commence la patrie de la race noire, ou éthiopienne, qui s'est étendue au Sud, sur toute la vaste surface du grand plateau d'Afrique.
L'Angleterre et l'Allemagne ont, plus que les autres nations, contribué ces derniers temps à accroître les connaissances scientifiques de ces contrées qui étaient presque complètement inconnues jusqu'à nos jours.
En 1823, Oudney, Denhan et Clapperton traversent le Sahara entre Tripoli et Kuka, et ils arrivent jusqu'aux frontières d'Adamawa; ils passent par le delta du Chari, le long de la rive Sud-Est du lac Tchad, et ils explorent Wandala et les provinces orientales de l'empire de Sokoto. Pendant ce voyage mémorable, Clapperton et Denham ont découvert le Lac Tchad, un grand bassin intérieur qui reçoit les eaux de la vaste dépression, dont le plateau central et celui du Sahara forment les bords.
Sur les plages de ce grand lac se groupent les états les plus développés et les plus peuplés du Soudan, surtout ceux du Bornou, de Kanem, de Baghermi et de Waday. Ce dernier est frontalier avec le Darfour, qui est tombé en 1874 sous la souveraineté de l'Egypte.
En 1822-26, Laing va de Tripoli et de Ghedamès à In-Salah, puis traverse Mabruk, et arrive à Tombouctou. Il a été massacré en revenant, aux alentours d'Arouane.
En 1849, a lieu la grande expédition de Richardson, d'Overweg et de Barth, mais seul ce dernier est revenu, et il en publia en 1855 un rapport émouvant. L'expédition, qui était partie de Tripoli pour Marzuk, avait traversé le grand désert du Sahara par une nouvelle voie; elle est passée par Ghât, en explorant tout d'abord le pays d'Aïr, ou Azben, et le territoire des Azgers et des Touaregs Kel-Owi; elle arrive au Soudan, et rejoint le lac Tchad.
Overweg le premier des européens explore le Gober et les îles de Yedina sur le lac Tchad, qui étaient jusqu'alors inconnues. Suite à la mort déplorable de ses compagnons, Barth se dirige vers l'Ouest jusqu'au Niger, il visite Tombouctou, qu'aucun Européen, après lui, n'a pu atteindre ni revoir.
Cet illustre voyageur explore une grande partie du Baghermi jusqu'à Massagna, il rejoint le Benuë à la confluence du Faro, il explore Yola et traverse les états des Haussas, il s'arrête à Sokoto, Kano et Katsena, et pour rentrer, il suit le Niger jusqu'à Saï en passant par Tombouctou; il traverse à nouveau le Sahara, et il rejoint l'Europe en passant par Tripoli.
Les recherches personnelles, et les précieuses informations qu'Overweg a rassemblées, concernent presque la moitié de tous les états musulmans de la Nigrizia.
Vogel, en marchant sur ses traces, par le désert du Sahara et de Kuka, a exploré une partie du Ba-Logomé et les marécages de Tuburi; il arrive en 1856 à Wara dans l'empire du Waday, où il est été assassiné sur l'ordre du Sultan de cet état. Sept expéditions sont successivement parties à sa recherche; l'une d'entre elles guidée par Beurmann a atteint son but, mais elle a coûté la vie à son chef en 1863, qui à partir de Bengazi avait parcourut Augélia, Morzuk, la Montagne d'Harug, Vao et Kuka.
Les autres explorateurs, parmi lesquels le Docteur Heugling, Steudner, Kinzelbach et Munzinger, sont partis à la recherche de Vogel en passant par la voie de la Nubie, et ils ont exploré une partie du territoire marécageux à l'Ouest du Haut-Nil.
De 1865 à 1867, Gérard Rohlfs, qui s'était auparavant signalé à l'attention publique par sa périlleuse campagne du Maroc à Tripoli, par Tafilelt, Touat et Ghadamès, entreprend et achève avec succès son grand voyage au Bornou, en passant par Gebes Es-Sôda et la Hamâda el-Homra; il a traversé avec succès le continent africain de Tripoli, au bord de la Méditerranée, jusqu'à Lagos, au fond du golfe de Guinée, près de l'Océan Atlantique.
Cette mémorable expédition, une des plus hardies et des plus fructueuses de ce siècle, est suivie par celle du Docteur Nachtigal qui, en 1870, a offert au Sultan du Bornou les dons du roi de Prusse, en reconnaissance des services rendus par ce souverain à Barth, à Vogel et à Rohlfs.
Les années suivantes, Nachtigal continue ses explorations dans les divers états qui touchent les rives du lac Tchad. Il identifie les dépressions du sol dans le Batélé et à Egaï; il visite Borku, Gundi sur le Chari, et il explore le Ba-Logoné, le Balli, et le Ba-Batschikam; grâce à lui, les connaissances géographiques de ces contrées ont fait de sensibles progrès.
Il est aussi le premier Européen qui, en passant par la voie de Murzuk à Kuka, soit entré dans les pays des Tibbou Reschadé, et qui ait visité le Tibesti, au prix des plus grands dangers et des privations les plus dures. Il a traversé l'empire du Waday, une terre inhospitalière, où Vogel et Beurmann ont succombé; et c'est par la voie du Darfour qu'il a atteint le Cordofan et Khartoum, où nous l'avons accueilli avec joie. Il est entré en Egypte vers la fin de l'année 1874. Ainsi, il a ajouté ses importantes découvertes à celles des explorateurs de la vallée du Nil.
Cette expédition, qui a duré 5 ans, est une des plus remarquables qui ait été réalisée dernièrement. Elle a mis le Docteur Nachtigal au premier rang des explorateurs de l'Afrique, elle a ouvert de nouvelles perspectives à ceux qui, dorénavant, auront pour base de leurs opérations et pour point d'appui de leurs entreprises, les possessions égyptiennes au Soudan.
L'Egypte, après le règne du grand Mahhammed-Ali, a acquis une position exceptionnelle au sein des états africains. Face à l'incurable décrépitude de l'empire des Osman en Europe, l'Egypte progresse toujours plus dans les voies de la civilisation moderne.
L'épée du général Bonaparte semble avoir été la puissance magique qui a réveillé, dans sa tombe trente fois centenaire, le génie de l'Egypte ancienne.
Grâce à l'élan et à l'esprit d'initiative de ses Vice-Rois, et spécialement du premier Khédive, Ismaïl Pacha, aidés par une phalange d'administrateurs de premier rang, choisis dans tous les pays d'Europe, la vallée du Nil a pris un aspect moderne.
La navigation à vapeur est organisée partout, du Caire à la première cataracte; des bateaux égyptiens sillonnent le Grand Fleuve de Berber à Khartoum, au Fleuve Bleu, et sur toutes les parties navigables du Fleuve Blanc et de ses immenses affluents.
Les locomotives sifflent au pied des Pyramides et ne tarderont pas à aller dans le désert, grâce au plan de Fozler, qui a entrepris la construction d'une voie ferrée, à partir de la seconde cataracte de Wady-Halfa à Dongola, et de Dabba, à travers les steppes de Bayuda, jusqu'à Mothhamma (presque en face de Schendi) et Khartoum, sur une longueur de plus de 1.000 kilomètres.
Cette renaissance, qui ne pouvait pas empêcher mais stimuler les ambitions territoriales de l'Egypte à puissamment aidé les fructueuses conquêtes de la géographie africaine.
Le gouvernement du premier Khédive a offert son aide efficace et généreuse aux scientifiques intrépides qui ont choisi ses états comme point de départ de leurs explorations.
La détermination du bassin du Nil, et particulièrement la recherche de ses sources, a toujours été la raison principale de toutes les entreprises. Celles-ci prenaient deux directions, correspondant aux deux bras du Nil, qui mélangent leurs eaux à proximité du village de Ondurman, près de Khartoum, capitale des possessions égyptiennes au Soudan, métropole du commerce de la Nigrizia Orientale, et nœud, ou point de communication entre l'Egypte et l'Afrique Centrale. Le bras oriental est l'Astosabos des anciens, ou l'Abbay des Abyssiniens, ou le Bahar-el-Azrek des Arabes, c'est-à-dire le Fleuve Bleu. Le bras occidental est l'Astapus des anciens, ou le Bahar-el-Abiad des Arabes, c'est-à-dire le Fleuve Blanc.
Avant de parler du réseau oriental du Nil, il est nécessaire de citer rapidement les voyages et les explorations qui ont été entrepris pendant ce siècle, pour bien connaître les régions de l'Ethiopie qui se réfèrent à ce réseau.
De 1805 à 1809, Enrico Salt pénètre deux fois en Ethiopie Orientale, et il en rapporte des informations précieuses et intéressantes.
De 1814 à 1817, Burckhardt parcourt la Nubie et le Nord de l'ancienne Ethiopie.
En 1819, Caillaud découvre les ruines de l'ancienne ville de Méroé située à l'Orient du Nil, entre l'Atbara (qui vient du Tecazze, l'Astaboras des anciens), et le Bahar-el-Azrek, que j'ai moi-même visité en admirant ses anciennes pyramides.
En 1827, Rüppel a visité la Nubie Orientale près de l'Abbaï, et il en a relevé les positions astronomiques et les découvertes zoologiques.
La même année, le Baron de Prokesch Osten explore le cours moyen du Nil.
En 1834, Combes et Tamisier, après avoir parcouru les steppes de Bayuda et le territoire des Abbabdas et des Bischiarins, visitent une partie de l'Ethiopie.
En 1836, Von Katte parcourt le Nord de l'Ethiopie.
En 1838-39, Lefèvre étudie les mines de Fazoglo, alors qu'était personnellement présent Mahhammed-Ali, le Vice-Roi d'Egypte, certains Cheikhs me l'ont assuré. En 1840-41, d'Arnaud, Sabatier et Werne font une seconde expédition exigée par le Vice-Roi d'Egypte, et ils visitent les contrées de l'Abbaï.
En 1841, Krapf et Isemberg voyagent en Ethiopie et chez les Afar.
De 1839 à 1843, Th. Lefèvre, Petit et Quartin-Dillon explorent le Chiré, le Goggiam et le Schioa..
De 1839 à 1844, Rochet d'Héricourt voyage à deux reprises dans le royaume de Schioa, et pénètre jusqu'au pays des Herers.
En 1842, Ferret, Galinier et Rouget parcourent le Tigré et le Simen, et en ramènent des informations intéressantes sur l'histoire naturelle, sur l'état physique, moral et politique de ces pays, et les différentes positions astronomiques.
En 1844, Pallme explore Méroé et ses alentours. De Jacobis, Sapeto et les frères d'Abbadie font des études importantes sur l'actuelle Abyssinie, érigée en Préfecture Apostolique, surtout pour ce qui concerne la langue et les dialectes.
Montuori, un Lazariste de Naples, avec un autre compagnon, par Galabat et Cadaref, et le Fleuve Bleu, arrive à Khartoum où il exerce son ministère.
Penay, en tant qu'inspecteur sanitaire des possessions égyptiennes au Soudan, parcourt à des époques différentes les provinces de Dongola, de Berber, de Sennar, de Taca, et du Fazoglo, sa résidence principale étant Khartoum.
En 1848, les Pères Ryllo, Knoblecher, Vinco, Pedemonte et Casolani arrivent à Khartoum en passant par Dongola et le désert de Bayuda. Brehm remonte le Bahar-el-Azrek jusqu'à Rosères.
En 1854, Munzinger va de Massaua au pays de Bilen. En 1864 Hamilton et C. Didier voyagent, de Souakin à Kassala et Cadaref.
En 1854-55 Burton, Speke, Herne et Stroyan explorent le pays des Somaliens.
En 1855, Beltrame parcourt le pays de Khartoum à Benischiangol.
En 1857-66, le Père Léon des Avancher parcourt la région des Ilormas au Sud de Schioa.
En 1870-73 Walkefield continue la même exploration à partir de la côte orientale.
En 1859, Von Harnier va de Massaua à Rosères.
En 1860, le Baron de Barmin et Hartmann explorent le Sennar et le Fazoglo.
Von Heulin, Steudner et Kinzelbach visitent les régions des Bilens et des Beni-Amer.
En 1864, De Pruyssenaer traverse par diverses voies la région entre le Nil et l'Abbay.
Schweinfurth explore le territoire baigné par l'Atbara et ses affluents.
En 1868, Otton Reil parcourt les territoires des Hadendoa, des Beni-Amer et des Habab.
Rohlfs, chargé de l'expédition anglaise, traverse la région de la Mer Rouge à Magdala, et il rassemble du matériel topographique.
Munzinger explore toutes les rives occidentales de la Mer Rouge et le territoire des Afar.
Carlo Piaggia parcourt plusieurs fois le cours de l'Abbaï, le Tomat, il visite la tribu des Barta et des Berta, l'Abyssinie, surtout le Nord, et il devient particulièrement familier de ces populations, surtout de celles qui habitent autour du lac de Demba, ou Tsana, près des sources du Fleuve Bleu.
En 1871 Miles visite la région des Somaliens, déjà explorée par Burton et Haggenmacher y pénètre en 1874-75 de Barbera à Libahèli.
En 1876 Mokhtàr et Fauzi tracent diligemment une carte de la région entre Zeila et Herrer.
En 1871-72, Marno de Vienne explore toutes les régions et les tribus de Khartoum jusqu'à Fadassi; il a été le deuxième européen, après Monseigneur Massaia, à avoir atteint cette contrée, dont il a amplement décrit les aspects intéressants dans un beau volume.
En 1876-77, Antinori, Chiarini et Martini voyagent de Zeila, sur la baie de Tugiurra, jusqu'à Ankober dans le royaume de Schioa. Ils explorent scrupuleusement ces régions, et Chiarini meurt cette année-là à Gera, prisonnier du prince du lieu.
En 1878, Gessi et Matteucci atteignent Fadassi par la voie de Benischangol; ils avaient l'intention d'aller plus loin, et de se rencontrer dans le royaume de Kaffa avec les explorateurs italiens guidés par le Marquis Antinori. Mais il leur a été impossible d'aller au-delà de Fadassi, et ils ont été contraints de revenir à Khartoum.
Après ces notions historiques, je vais maintenant vous parler des deux réseaux du Nil déjà cités.
Nous ne dirons rien sur les différentes opinions des géographes depuis Hérodote jusqu'à Kloden à propos des sources du Nil. Notre but, par ces quelques lignes, est de présenter rapidement comment a été dernièrement résolu ce grand problème vieux de 25 siècles, sur l'exploration de tout l'immense bassin du Nil, et de ses fameuses sources.
L'origine du réseau Oriental de ce grand réservoir d'eau, c'est-à-dire le Fleuve Bleu, se trouve sur le mont Giesch, dans le district de Sakala, en dessous du 10,50ème degré de Latitude Septentrionale au Sud du Lac Tzana, qu'il traverse ensuite.
Cette origine a été connue par les Portugais au XVIIème siècle, et elle est décrite par Bruce vers la fin du siècle dernier, qui croyait que c'était la vraie source du Nil. Cette opinion fut considérée comme vraie jusqu'au début de notre siècle, quand on a reconnu que le Fleuve Bleu, par le volume de ses eaux, est beaucoup moins important que le Fleuve Blanc, lequel, avant l'expédition égyptienne de 1820, n'était connu que de nom.
Le réseau des eaux du Fleuve Bleu, et la configuration du plateau abyssinien ont été connus de façon complète plus tard par deux Français: Lefèvre, qui avait accompli son voyage de 1839 à 1843, et Leieann qui a parcouru l'Abyssinie de 1862 à 1864.
L'expédition anglaise dirigée par Sir Napier, en 1867-68, terminée par la défaite de l'armée abyssinienne, et la mort de l'empereur Théodore, a permis de divulguer des informations sur cette espèce de Suisse africaine, où, grâce à l'héroïsme et à l'obstination des Abyssiniens pendant douze siècles d'assauts réitérés par les fanatiques adeptes de l'Islam issus de la Mecque, le Christianisme a survécu jusqu'à nos jours, même s'il a été terni et corrompu par l'hérésie de Dioscore d'Alexandrie, qui a envahi les Eglises d'Egypte et d'Ethiopie.
Monsieur Antoine d'Abbadie, membre de l'Institut de France, a été le premier Européen à découvrir et à décrire le vaste territoire des tribus des Galla, qui s'étend du royaume de Schioa jusqu'à l'Equateur et qui constitue avec l'Abyssinie le grand plateau éthiopien.
En 1838, en compagnie de son frère Arnaud et de Sapeto, il pénétra en Abyssinie jusqu'à Gondar. De là, en passant par le Fleuve Bleu, Gudru et Nonno, il est arrivé à Enerea. Jouissant de l'amitié du prince local, qui devait épouser la fille du roi de Kaffa (pays originaire du café le plus exquis du monde, et le mot café dérive de Kaffa), il a profité de l'occasion pour visiter ce royaume, en accompagnant comme parrain de mariage, la délégation envoyée par le Prince d'Enerea, qui devait aller à Kaffa pour prendre la future épouse.
Il est resté 15 jours à Bongo, la capitale du royaume. Entouré de tous les soins par cette cour royale, il a pu y réaliser ses études scientifiques et prendre des renseignements exacts sur la puissante race des Uarata, qui habite le pays de Kullo, Gobbo, Ualamo, etc. Il est retourné avec le cortège royal par la voie de Gera, de Gomma, à Enerea où il étudia de prés la tribus des Galla, explora la région et en traça une magnifique carte géographique.
D'Abbadie est le plus grand spécialiste de ces régions et de ces peuples, dont il étudia les langues et les dialectes. Il a exécuté des grands travaux de géodésie sur une longueur de 1.000 kilomètres, de Massaua au bord de la Mer Rouge, jusqu'à Bongo, capitale de Kaffa; il a relevé les premiers cours d'eau tributaires du Giuba, et il a réalisé d'importantes recherches très fructueuses sur la physique du globe, sur la météorologie, sur les races humaines et sur leur histoire.
En 1844-45, Monsieur d'Abbadie arrivé à Quarata au bord du lac de Tsana écrivit à la Sacrée Congrégation de Propaganda Fide, pour lui proposer de fonder une Mission chez les Galla. Grégoire XVI a alors érigé en 1846 le Vicariat Apostolique des Galla, en le confiant aux Capucins, et en y mettant à la tête Monseigneur Guglielmo Massaia, Evêque de Cassia.
Ce dernier, après avoir visité l'Abyssinie pour y ordonner des Prêtres indigènes, et pour y élever au rang d'Evêque et de Vicaire Apostolique le saint et docte Lazariste De Jacobis, a voyagé pendant de nombreuses années autour de sa Mission, sans pouvoir y pénétrer. Il a été un des premiers Européens à visiter les Schiangallas jusqu'à Fadassi, et il a finalement atteint la principauté d'Enerea et le royaume de Kaffa en 1851 par la voie de Godjam.
Ce valeureux Apôtre de l'Afrique Orientale a travaillé inlassablement pendant plus de 33 ans pour les pays que le Saint-Siège lui avait confiés.
Après avoir enduré l'exil huit fois avec un courage héroïque, il a accompli sa Mission ardue et difficile en plantant l'étendard de la Foi catholique et de la civilisation chrétienne parmi les peuples Galla.
Le réseau Occidental du Nil, c'est-à-dire du Fleuve Blanc, est vraiment beaucoup plus important que le précédent. L'exploration de ce grand bassin commence en ce siècle avec l'explorateur suisse Burckhardt qui, de 1812 à 1814, a parcouru la Nubie aux frais de la Société Africaine de Londres. Il mourut alors qu'il tentait de gagner le désert de Libye, dans le but d'atteindre le Fezzan.
Son successeur immédiat a été le Français François Caillaud, qui pénétra dans la Nubie Supérieure jusqu'au 10ème degré de Latitude Nord.
Ce voyage, qui a eu lieu de 1819 à 1822, a donné une forte impulsion aux études de l'archéologie égyptienne.
Les explorations du Fleuve Blanc commencent à partir de 1821, quand Ismaïl Pacha, fils du grand fondateur de la dynastie régnante en Egypte, a assujetti les petits Melek, ou rois indépendants de la Nubie, du Sennar et du Cordofan, et est mort brûlé vif par ses ennemis dans la ville de Schendi en 1822.
En juin 1825, l'illustre géologue Italien originaire de Bassano, G. B. Brocchi est arrivé à Khartoum, où il est mort le 25 septembre 1826, en laissant un important carnet de notes scientifiques.
En 1827, le fleuve a été reconnu par Liant de Bellemont, un Français, qui a ensuite été pendant plusieurs lustres ministre de Mahhammed-Ali et de ses successeurs, et aussi notre généreux bienfaiteur, il est arrivé jusqu'à El-Aïs, à deux degrés de Khartoum.
L'expédition de montagne dirigée par le célèbre Joseph Russeger, conseiller ministériel autrichien n'a pas dépassé ce point; mais ce dernier, accompagné par Kotschy, a atteint le Cordofan en 1837, et il a été le premier Européen à visiter les régions de Takalé, et celles du Dar-Nouba, où depuis quelques années nous avons une Mission catholique. Ses voyages accomplis entre 1835 et 1841 et décrits dans ses ouvrages publiés à Stuttgart, sont un riche trésor pour la science, et donnent d'importants éclaircissements sur les questions relatives à la géologie et la minéralogie des contrées parcourues.
En ces voyages vers le Fleuve Blanc et le Cordofan, Russegger et Kotschy avaient été précédés par Rüppel qui, de 1824 à 1833, avait déjà relevé les positions astronomiques et les découvertes géologiques.
Ces géographes ont ensuite été suivis par Charles Lambert qui en 1839 a fait le relèvement de la route de Khartoum à El-Obeïd, et triangulé tout le Cordofan central; et, en même temps, en a étudié les richesses du sous-sol.
Sur la base des données de ces géographes et la description de la traversée du désert de Bayuda entre Dongola et le Cordofan accomplie d'abord par l'armée égyptienne guidée par Deftedar en 1821-22, et par Holroyd en 1837, Pallme a pu réaliser en 1844 son intéressante exploration du Cordofan; il a publié d'importantes informations détaillées, qui ont servi par la suite aux voyages de De-Müller et de Brehm en 1848, de De-Schliefen, qui en 1853 a recueilli des données circonstanciées sur les nouvelles routes utilisées par les caravanes, entre Dongola et le Cordofan, à travers les steppes de Bayuda, et le chemin emprunté par le Comte d'Escayrac de Lautrec qui a traversé le Cordofan jusqu'à la frontière du Darfour, et est passé par le Takalé.
L'exploration du Bahar-el-Abiad, sur les terres des tribus indépendantes des Noirs, devait être faite sous les auspices du grand Mahhammed-Ali, qui a ordonné en 1839 un voyage d'exploration.
Des officiers turcs, sous la responsabilité du capitaine Selim, sont partis en bateau de Khartoum le 17 novembre 1839, et ont avancé jusqu'au 6° 30' de Latitude Nord; ils sont retournés à Khartoum le 28 mars 1840.
L'expédition comptait huit dahhabies ou barques du Nil avec cabines, 10 canons et 27 petites barques, et était composée de 400 hommes armés, parmi lesquels deux Français, M. d'Arnaud et M. Thibaut. Chacun des deux explorateurs a rédigé un journal de cette expédition, journal qui fut ensuite publié.
Peu de temps après, Mahhammed-Ali organisa une deuxième expédition, qui partit le 3 novembre 1840 et rentra à Khartoum le 18 avril 1841.
Le chef scientifique de cette expédition qui est arrivée jusqu'à Gondocoro au 4°42' de Latitude Nord était le susnommé Monsieur d'Arnaud, qui a eu comme compagnons Sabatier et le prussien Werne. Ils firent un grand nombre d'observations scientifiques. D'Arnaud publia une carte des régions explorées, et Werne fit un compte-rendu du voyage.
Plusieurs expéditions ont ensuite été faites sur le Fleuve Blanc, et à l'Ouest, jusqu'au Darfour et aux Fertit.
Ce n'est pas le moment maintenant de parler des voyages de Combes et de Tamisier, de Trémaux, du Comte Ferdinand de Lesseps, de Penay, de Johnson, de Taylor, de Gobat, de Lafargue, de Vauday, du docteur Kuny, du duc d'Aumont et du colonel russe Kovalevski; ce dernier a entrepris une expédition au Soudan en 1848, après avoir parcouru les immenses steppes de sa patrie.
Mais je dirai seulement que, suite aux explorations scientifiques militaires citées, Brun-Rollet, consul sarde, a accompli une série de voyages sur le vaste territoire situé entre Khartoum et le 4ème degré de Latitude nord; il a exploré et étudié minutieusement les différentes tribus qui habitent à l'Ouest du Fleuve Blanc, les Hassanieh, les Abou-Rof, les Schilluks, les Denka, les Giangués, les Nouers, les Kichs, les Eliabs, les Ghoghs, les Arols, les Schirs et de nombreux autres peuples.
Il a parcouru plusieurs fois le Bahar et le Ghazal, qu'il appelle le Misselad, et le territoire occidental du Haut Nil, et il est allé dans le Banda.
Il a fourni d'importantes informations sur les pays qu'il a visités, et il a contribué à introduire et à développer le commerce européen parmi les diverses tribus du Fleuve Blanc.
Le Vice-Consul anglais Petherick a entrepris, depuis Khartoum, 5 voyages sur le Fleuve Blanc ; il a parcouru le Niam-Aïth, ou Bahar-el-Ghazal, et le Bar-el-Arab, il est allé au centre du pays des Giurs, et il a atteint le 4ème degré de Latitude Nord.
Le Chevalier Martin Hansal, membre de la Mission catholique depuis 1853, et depuis 15 ans Consul austro-hongrois à Khartoum, a rédigé d'importants rapports scientifiques sur les pays situés entre le Tropique et l'Equateur, surtout après avoir passé quelques années dans notre Mission de Gondocoro, où il a appris aussi la langue des Bari.
En 1857, les frères Poncet (Ambroise et Jules) ont exploré le Haut Nil jusqu'à Regiaf, sont allés à l'intérieur du pays des Nouers, des Giurs jusqu'à Dar-Fertit, et ils ont recueilli des informations sur les pays plus au Sud, jusqu'à Bambura (Uele). Alexandrina Tinna, Von Heuglin et Steudner ont exploré le Niam-ïth, et une grande partie du territoire à l'Occident du Haut Nil, et ils sont remontés jusqu'à Gondocoro.
En 1855-57, Latif Effendi (le maltais De-Bono) accomplit une longue et fatigante exploration du fleuve Sobat, un des plus grands affluents du Bahar-el-Abiad. Ce négociant, comme il me l'a dit lui-même, et celui qui l'accompagnait me l'a dit aussi, a passé plus de trois ans près de ce fleuve.
Il est certain qu'aucun Européen n'est allé plus loin que lui, sur le fleuve Sobat. Mais comme son seul but était le commerce des défenses d'éléphants, et de s'enrichir avec ce trafic, il n'a laissé par écrit aucune information importante.
Le vrai cours du Sobat est donc encore mystérieux.
En 1859, les Révérends Abbés Beltrame, Melotto et moi-même, après avoir été un an auparavant avec l'Abbé Joseph Lanz dans le pays de Ghoghs, à l'Ouest du Fleuve Blanc, entre le 6ème et le 7ème degré de Latitude Nord, pendant huit jours nous avons remonté le Sobat, jusqu'où notre bateau avait pu arriver, et nous avons minutieusement tracé une carte de cette partie du fleuve; nous avons aussi publié un compte-rendu de cette exploration.
Après nous, quelqu'un d'autre s'est aventuré le long de ce grand et mystérieux fleuve, mais seulement pour quelques jours de marche.
Finalement, Junker en a exploré en 1876 le cours inférieur jusqu'à un certain point, et il en a tracé une carte.
Enfin, la Mission catholique de l'Afrique Centrale, érigée le 3 avril 1846 par le Bref Pontifical de Grégoire XVI, et installée la première fois à Khartoum en février 1848, a énormément contribué à faire progresser, par ses œuvres, ses études et ses explorations, la connaissance géographique du réseau Occidental du Nil.
En 1849 et 1850, le docteur Ignace Knoblecher de Saint Canziano, près de Ljubljana, responsable de la Mission catholique, l'Abbé Angelo Vinco de l'Institut Mazza de Vérone, et d'autres Missionnaires, ont rejoint le point extrême touché par l'expédition égyptienne de 1841.
Vinco a été le premier des Européens à rester si longtemps sur le Fleuve Blanc à cette latitude. Pendant son séjour dans ces régions, il a observé le climat, la nature du pays, il a voyagé pendant quelques jours loin de la rive, il a rencontré les Beris, il a vu de nouvelles tribus, et il en a étudié la langue, les coutumes et le caractère.
Il a mis en place la Mission de Gondocoro où le Pro-Vicaire Knoblecher a fait construire la maison de la Mission selon le système européen, avec un très beau jardin, et un temple consacré à la Vierge Marie; tout cela a suscité une grande stupeur parmi ces peuples. Il a fourni des informations très importantes sur le cours encore inexploré du Nil, sur le cours de ses affluents, sur les populations qui vivent dans les régions équatoriales où on cherche les sources du Nil.
En 1852 l'Abbé Vinco devait entreprendre un voyage parmi ces peuples et dans la zone des sources avec un groupe de Noirs qui avaient beaucoup d'estime pour lui. Mais frappé par des fièvres incessantes, il n'a pas pu réaliser cette audacieuse exploration. Ses forces furent moins vigoureuses que son cœur, et le 22 janvier 1853, la religion et la science l'ont perdu définitivement. Il est le premier martyr de la Foi et de la civilisation du Fleuve Blanc.
Monseigneur Knoblecher, Pro-vicaire apostolique de l'Afrique Centrale est encore plus méritant que Vinco pour ce qui concerne la connaissance scientifique de la géographie du réseau Occidental du Nil.
Il a décrit plusieurs fois le grand fleuve de Khartoum jusqu'à Gondocoro, il en a tracé le cours, il en a mesuré l'étendue et la profondeur, il en a calculé la vitesse, il a décrit les peuples et les tribus qui habitent sur ses rives.
Ensuite il est allé très au Sud, pour en découvrir les mystères. Le 16 janvier 1850, il a atteint le 4° 9' de Latitude Nord, et au début du mois de juin de 1854, il est arrivé jusqu'au 3ème degré de Latitude Nord, où commencent les cataractes, au-delà desquelles le grand fleuve sort du grand bassin de l'Albert Nyanza.
Aucun Européen, avant lui, n'avait atteint jusqu'alors un point aussi éloigné du Haut Nil vers l'Equateur. Monseigneur Knoblecher est le premier initiateur de la vraie civilisation chrétienne en Afrique Centrale.
D'Alexandrie à Gondocoro, il est connu sous le nom d'Abuna Soliman (Père Soliman). Le nom d'Abuna Soliman est prononcé avec un grand respect par les peuples de la Nubie et du Fleuve Blanc. Ses œuvres d'apostolat et les travaux de ses Missionnaires - parmi lesquels il faut citer Gostner, Kirchner, Überbacher, Lanz et d'autres, sans oublier les Missionnaires de l'Institut Mazza de Vérone -, ainsi que les succès et les peines de la Mission d'Afrique Centrale, les études sur les langues parlées dans les régions du Fleuve Banc, surtout le Denka et le Bari, sont enregistrés dans les Annales de la Propagation de la Foi de Lyon, de Paris, de Vienne et de Cologne, dans les Bulletins de la Société Géographique de Vienne, et dans les œuvres du docte Professeur Mitterrutzner de Brixen.
Ces découvertes et ces explorations dans le Centre de l'Afrique avaient reçu une impulsion extraordinaire qui venait d'un autre endroit du continent.
Le tableau merveilleux que je vais brosser, et qui s'est réalisé en cinq lustres seulement, a révélé les mystères les plus importants de la géographie africaine.
En 1848 et en 1849, Rebmann et Krapf, deux explorateurs allemands, découvrent au Nord de Zanzibar deux montagnes très élevées, couvertes de neiges éternelles. Ils pensent qu'il s'agit des Monts de la Lune dont avait parlé Ptolémée, et où - dit-on - se trouvent les sources du Nil.
Cette découverte a stimulé tout-à-coup et d'une manière extraordinaire le zèle des explorateurs qui ont entrevu la possibilité de pénétrer dans la vallée du Nil à partir du Sud et d'arriver par cette voie à la solution du grand mystère des sources du Nil.
Deux officiers anglais de l'armée des Indes, les capitaines Burton et Speke, reçoivent de la Société Géographique de Londres la mission de tenter cette grande entreprise.
En 1857, ils partent de Zanzibar, ils marchent tout droit vers l'intérieur, et le 13 février 1858 arrivent sur les rives du lac Tanganyika. C'est une date mémorable dans les annales des explorations africaines. Après avoir traversé le lac en largeur, les deux explorateurs se séparent. Burton est frappé et terrassé par les fièvres. Speke part seul vers le Nord, et atteint la plage méridionale d'un second lac très vaste appelé Ukerewe par les indigènes, mais auquel Speke donne le nom de la Reine d'Angleterre, Victoria Nyanza.
Convaincu d'avoir trouvé finalement les véritables sources du Nil, Speke accompagné par le capitaine Grant, reprend tout de suite son voyage.
En 1861, l'expédition se retrouve près du lac Victoria, et elle le contourne par l'Ouest, sans s'apercevoir que tout près il y a un autre grand lac. L'expédition arrive en Ouganda où le Roi M'tesa l'accueille joyeusement, et avec toutes les faveurs.
Sur la rive septentrionale du lac, Speke et Grant découvrent la sortie du fleuve, qu'ils considèrent à partir de ce moment comme le bras originel du Nil, même s'ils n'ont pas pu en parcourir le cours.
Les affirmations des deux explorateurs anglais ont été confirmées par les explorations successives, surtout par celles du colonel américain Long en 1874 et de Stanley en 1875. A leur retour, Speke et Grant rencontrent à Gondocoro Samuel Baker, qui avait déjà entrepris avec son héroïque expédition la même exploration, mais dans le sens inverse.
La conjonction des deux expéditions montre de façon évidente que la solution du grand mystère des sources du Nil est proche.
En poursuivant sa marche vers le Sud, au prix d'incroyables privations et sacrifices, Baker reprend le cours du Nil au niveau des chutes de Karuma, le point d'où s'étaient éloignés les deux capitaines qui l'avaient précédé, et il constate que le fleuve se déverse dans un second et vaste bassin, le Mwutan auquel il a donné le nom de l'auguste époux de la Reine d'Angleterre, Albert Nyanza. C'était en mars 1864. Bien que Baker n'ait vu qu'une petite partie du littoral de ce lac, et qu'il n'en ait pas découvert le débouché, le réseau principal du Nil a été, tout de même, depuis lors presque déterminé.
Ces grandes découvertes, qui ont couronné et stimulé l'ardeur des explorateurs et des scientifiques, ont été, en même temps, à l'origine de vastes programmes politiques.
La concentration de tous les territoires qui composent l'immense bassin du Nil sous le sceptre du Vice-Roi d'Egypte, devient au Grand Caire, une idée bien ferme et acquise, dont la réalisation passe rapidement dans le domaine des faits accomplis. En 1870, Sir Samuel Baker, élevé au titre de Férik Pacha, quitte le Caire à la tête d'un petit corps d'armée, avec la mission d'étendre l'autorité du Khédive jusqu'aux lacs Nyanza, sous prétexte de réprimer la traite des esclaves.
Cette expédition, qui a coûté au trésor égyptien l'énorme somme de plus de 26 millions de francs, n'a pas du tout atteint son objectif.
En 1874, le Colonel Gordon, né en Angleterre, et nommé aussi Férik Pacha, a été chargé de cette même expédition mais sur des bases différentes. Gordon Pacha, qui était déjà célèbre pour son extraordinaire courage dans plus de 20 batailles éclatantes en Chine où, au service de l'Empereur Céleste, et avait dompté les rebelles, était un homme à la hauteur de sa mission. Doué d'un courage héroïque, d'une fermeté inébranlable comme homme de guerre, et d'un cœur généreux, avec l'intention d'éviter toute effusion de sang, il a entrepris sa grande œuvre, qui a déjà donné des résultats importants, et a planté l'étendard égyptien non loin de la résidence du grand roi M'tesa, près de l'Equateur, et aussi non loin du Victoria Nyanza.
Gordon Pacha, par son courage persévérant, a porté un grand coup à l'horrible plaie de la traite des esclaves. Mais Gordon avait besoin d'un bras puissant, d'un homme qui partage ses points de vue et ses projets, et qui mette en pratique ses plans et ces idées.
L'homme le plus apte à bien le seconder dans cette difficile tâche, était le capitaine Romolo Gessi, né à Ravenne, très versé dans l'art militaire, doué d'un courage invincible et de sang froid, de petite taille mais très résistant, d'une constance à toute épreuve. Pendant la guerre de Crimée, il avait suivi l'armée anglaise comme interprète, car il connaissait bien l'anglais, l'allemand, le français, le turc, le grec, l'arménien et d'autres idiomes.
Gessi avait besoin de Gordon ; Gordon n'aurait pas pu réussir une si difficile entreprise sans l'aide, la fidélité et la constance de Gessi, qui a été lui aussi élevé au rang de Pacha.
Je parlerai une autre fois des victoires de Gessi, le dompteur du fier Soleiman Ziber, et de nombreux autres cruels négriers, marchands de chair humaine qu'il a fait fusiller près du Bahar-el-Ghazal, portant ainsi un bon coup à l'horrible trafic des esclaves sur le territoire méridional de l'empire du Darfour, déjà assujetti.
Je ne parlerai que de la domination du Khédive qui, grâce au travail de Gordon aidé par Gessi, a acquis dans les vastes contrées situées entre le Sobat et le Nyanza, une base stable et sûre.
La tentative de transporter un bateau à vapeur sur le Nyanza Albert par le Nil, est l'œuvre de Gessi qui a été couronnée d'un beau succès.
Il a réussi, après d'incroyables difficultés, à avancer par voie terrestre, avec le bateau en pièces détachées, de Regiaf à Dufli, où le fleuve est navigable jusqu'au Mwutan.
Il a été le premier explorateur à faire le tour des plages de l'Albert Nyanza, qu'il a trouvé bloquées au Sud par un amas d'Ambag (Aedemonia mirabilis). La viabilité des communications sur toute la longueur de ce grand bassin, a été confirmée par ceux qui, envoyés par le gouvernement égyptien, ont visité le lac,
Le cours du Nil Blanc, c'est-à-dire de tout le réseau Occidental du roi des fleuves, a ainsi été déterminé définitivement.
L'américain Henri Stanley est un autre explorateur très célèbre pour son courage et les résultats de ses grandes entreprises, il a réalisé la circumnavigation du lac Victoria-Nyanza qui reçoit 10 fleuves et qui a un périmètre de 1.600 kilomètres. Stanley a ainsi complété les découvertes importantes sur ce lac.
En effet, dans cette région se présente un autre très vaste champ d'investigations. Il s'agit de tracer à l'occident la ligne des différentes altitudes qui constituent la démarcation du grand bassin du Nil Blanc, et d'identifier le réseau de ses nombreux affluents.
Sur cette voie les explorateurs auraient pu se rencontrer avec les voyageurs qui exploraient la partie centrale du Soudan, et ils auraient pu ainsi réunir les observations faites, en partant de points opposés.
Ici, nous rencontrons successivement: les frères Poncet qui explorent en 1857-60 le pays des Giurs et le Dar-Fertit, et qui recueillent des informations importantes sur les pays plus au sud jusqu'au Uele.
En 1857-60 Malzac et Vayssières parcourent le Mareb, le Nam-Aïth, visitent les Ghoghs, les Arols, les Giurs, et une grande partie de l'Ouest du Haut Nil, jusqu'à Runga (j'ai rendu visite à ces deux voyageurs en 1859 dans leurs bases commerciales chez les Kichs, et Malzac m'a assuré qu'il a vu chez les Runga et chez d'autres tribus de l'intérieur, des centaines et des milliers de têtes d'ennemis vaincus, suspendues à des arbres, sur la voie qu'il avait suivie, et que telle était la coutume des vainqueurs).
En 1860 Antinori, Miani et Carlo Piaggia parcourent les rives du Bahar-el-Ghazal, le territoire des Giurs et ce dernier arrive jusqu'à Fertit.
En 1861, Penay et Bono visitent certains de ces mêmes pays en passant par le Fleuve Blanc (Penay y meurt la même année).
Le consul anglais Petherick, pendant ses voyages et ses multiples explorations commerciales entre 1848 et 1863, pénètre vers le Sud, jusqu'au pays des Niam-Niam, où notre Carlo Piaggia a séjourné pendant deux ans, de 1863 à 1865.
Deux Allemands, Theodor Von Heuglin et le botaniste Steudner (qui est mort pendant de cette campagne), au cours de leurs explorations sont allés au-delà du Bahar-el-Ghazal et du pays des Giurs, jusqu'aux tribus noires du Dar-Fertit et Leiean parti du Cordofan vers Bahar-el-Arab, a été le premier Européen à relever le cours du Nam-Aïth, affluent du Fleuve Blanc.
Toutes ces expéditions préparent le grand et remarquable voyage du docteur Schweinfurth qui est parti de Khartoum en 1869, et qui a atteint le 3°35' de Latitude Nord, en traversant le pays des Niam-Niam et du Mombouttou.
Il décrit minutieusement ces peuples qui étaient auparavant inconnus, atteint la ligne, d'ailleurs très peu marquée qui sépare le bassin du Nil de celui du Lac Tchad, et il découvre sur le versant occidental un fleuve encore inconnu qu'il appelle Uele. Arrivé à ce point, le courage du hardi voyageur ne s'était pas amoindri, mais le manque de ressources pécuniaires l'a forcé à rebrousser chemin. S'il avait pu avoir davantage de moyens, il aurait certainement engagé son escorte pour aller jusqu'au cœur du Soudan, où il espérait rencontrer le docteur Nachtigal au Bornou ou dans d'autres royaumes du centre.
Le courageux Miani de Venise qui, dans les précédents voyages s'était approché très près de l'Equateur, en 1869, accepta de la part de l'excellent Giafar Pacha, gouverneur du Soudan égyptien, un salaire mensuel de 1.000 piastres égyptiennes (260 francs), se joignit à une expédition commerciale de Monsieur Gattasc, négociant copte, et partit de Khartoum en naviguant sur le Fleuve Blanc jusqu'à Abuka. Il alla chez les Kichs, et en passant chez les Ghoghs, les Arols et les Giurs, il est arrivé jusqu'à Bakangoï sur l'Uele. Terrassé par les privations, les fatigues et les cruelles vexations de son escorte, il est mort dans le pays des Mombouttou en novembre 1872, laissant en héritage une petite collection d'objets ethnographiques, et deux jeunes Accas, pour qu'ils soient confiés au défunt Roi Vittorio Emmanuele II. Ces deux jeunes, qui ont été généreusement accueillis par la noble famille Miniscalchi, ont reçu avec une attention paternelle, une éducation à la religion catholique dans les écoles primaires, de l'excellent instituteur Scarabello de Vérone.
Monsieur Marno a ensuite fait, en 1875, une expédition de reconnaissance sur la rive gauche du Nil Blanc, dans la direction des contrées que Schweinfurth avait visitées par une autre voie. En compagnie du colonel américain E. Long, il a exploré le territoire des Makrakas, que Junker a parcouru un an après.
Messieurs Kemp, Chippendall, Watson, Linant de Bellefond et Long, avec les autres membres de l'expédition commandée par Gordon Pacha, ont tracé la carte du vrai Nil jusqu'au lac Nyanza Victoria, de Khartoum à Regiaf, Makedo, Dufli, Magungo, Schioa-Moru, Foweira et M'ruli.
Long après avoir exploré le Makraka, s'avance jusqu'à Rubaga, résidence du roi M'tesa. De là, il part et découvre le lac de Kabeki (lac Ibrahim) qui a ensuite été exploré par Carlo Piaggia. Linant de Bellefond a tracé la carte de la voie qu'il avait suivie jusqu'à la capitale du roi M'tesa.
Le docte et valeureux Emin Bey (Docteur Schnitzler) a soigneusement exploré en 1876-77 le royaume d'Unyoro et celui de l'Ouganda, et il a rapporté de très intéressantes informations sur la flore de l'Afrique Centrale, de Sobat à l'Equateur.
Maintenant je devrais parler des voies que les explorateurs ont tracées à partir des côtes orientales de l'Afrique jusqu'aux régions internes de cet immense continent.
En 1811, Smee visite le cours inférieur du fleuve Giuba. Krapf, Rebmann et Erhard explorent entre 1843 et 1855 le pays qui s'étend au pied du mont Kenya et du Kilimandjaro au Sud-Est.
En 1845, Maizan à partir de Bagamoyo pénètre le premier dans l'Uzarumo, où il est tué.
En 1846, Rebmann explore le littoral entre Mombasa et Malindi.
En 1846-48 Guillain navigue le long des côtes du Zanguebar et du pays des Tuaheli, et y réalise d'intéressants travaux hydrographiques.
En 1861, Rigby explore le Giuba jusqu'à Berdera où il est massacré avec beaucoup de ses compagnons de voyage.
En 1865-75, Wakefield et New font des excursions au-dessus de la côte orientale, et ils recueillent des informations précises pour atteindre les grands Lacs. En 1870 le Père Horner, en partant de Bagamoyo, s'avance jusqu'à Kinolé, la capitale de l'Ukami.
En 1841, Brenner explore le pays des Ilmorna entre le cours inférieur du Dana et du Giuba. Walkefield continue cette exploration de la côte orientale.
New entreprend deux voyages au Kilimandjaro, et Hildebrandt en 1806 va de Mombasa à Kitui.
La même année, Cotterit et Price identifient la rivière de Quilimane et la voie de S'Adani à M'pwapwa.
En 1876-78 a lieu la grande expédition anglicane de la Société des Missionnaires de Londres, la Church Missionary Society. Pourvue d'importants moyens matériels, de beaucoup d'argent, et d'une lettre autographe de la Reine Victoria adressée à M'tesa le roi d'Ouganda, cette expédition s'est rendue, d'après ce que j'ai pu lire dans un journal français, de la côte du Zanguebar jusqu'aux grands Lacs équatoriaux, pour y implanter des Missions anglicanes.
Il y a environ 20 Missionnaires anglais parmi lesquels se distinguent, le Docteur Wilson, les Messieurs Shergold Smith, Mackay, Hartnell, Clark, O'Neil et Robertson, qui après avoir exploré le Wami et le Kingami, sont allés de Bagamoyo à Nyanza, et ont traversé ce grand bassin du Sud au Nord.
En plus de ces derniers, il faut citer trois autres Missionnaires de la même Société: le Docteur Felkin, Pearson et Lichtfield, qui sont passés par la voie de Berber (où ils ont été hébergés dans notre Mission) et de Khartoum, et se sont dirigés en 1878 par le Fleuve Blanc vers les lacs Nyanza.
Quelques-uns sont morts à cause des fièvres; Smith et O'Neil ont été massacrés avec 100 hommes d'escorte sur une île du lac Victoria; le docteur Wilson et quelques compagnons sont restés pendant un certain temps à Rubaga, la capitale du roi M'tesa. Mais ils ont été contraints en 1879 d'abandonner le terrain de leurs activités et ils sont rentrés en Angleterre par la voie du Nil.
Mais le zèle apostolique qui puise sa force du haut des cieux et au pied de la Croix n'a pas peur des tourbillons et des tempêtes.
Ce sublime terrain, bien qu'envahi de ronces, devait être occupé par une phalange de véritables apôtres qui ont reçu de Dieu la mission légitime de le cultiver. L'illustre Congrégation des Missionnaires d'Alger, fondée par l'Eminent Archevêque Monseigneur Charles Martial Allemand Lavigerie, dans le but d'évangéliser les régions encore infidèles de l'Algérie et du désert du Sahara, est accourue, bénie par le Vicaire du Christ, pour prêcher la Foi aux peuples de l'Afrique Equatoriale.
Au moins deux expéditions de trente propagateurs de l'Evangile sont allées à Zanzibar en 1878-79. Ils ont pénétré par divers chemins et se sont installés soit près du lac Tanganyika, soit près du lac Victoria-Nyanza, où ils ont été aimablement accueillis par le roi M'tesa, qui les entoure encore de son aide et de sa protection.
Entre-temps, un vaste terrain entièrement nouveau s'ouvre aux recherches de la science et de la géographie africaine. C'est le centre même de l'Afrique Equatoriale qui pousse déjà et sollicite soit la curiosité et le courage des explorateurs soit le zèle apostolique des Missionnaires.
Ces vastes régions inconnues du plateau central, dont les expéditions au Soudan et dans la vallée du Nil ont fait bouger la frontière septentrionale entre le 2ème et le 10ème degré de Latitude Nord, ont été souvent explorées tout autour de leurs frontières.
A une époque assez reculée, les expéditions portugaises ont eu pour ces régions une certaine importance qui n'est pas, en général, assez reconnue.
Les grands états du Kazembé et du Muata-Yamvo, qui commencent tout juste à sortir de l'obscurité, ont été parcourus et explorés pendant la première moitié de ce siècle par toute une série d'explorateurs portugais qui, de la côte occidentale, sont arrivés jusqu'à la frontière orientale de l'immense plateau.
En 1793-1801, le médecin portugais De Lacerda e Almeida parti de Senna, rejoint le Zambèze, et arrive à Lusenda, résidence de Kazembé, à l'Est du lac Moreo. La science est débitrice de De Lacerda pour les premières coordonnées astronomiques de cette zone de l'Afrique.
En 1806-15, les frères Pombeiros traversent la partie méridionale du continent africain, de Louanda sur la côte occidentale à Sofala sur la côte orientale, en passant par la capitale du Kazembé.
En 1826, Owen réalise des travaux hydrographiques sur le Bas Zambèze.
En 1831-35 Monteiro et Gamito remontent le Zambèze, et arrivent jusqu'au royaume d'Ulunda.
En 1843-46, Graça, en partant de Bagouela arrive non loin du lac Moero.
En 1841, Livingstone, Oswel et Murray explorent les territoires à l'Ouest de la République du Transvaal, rejoignent Seckek sur le Zambèze, et en 1848, ils découvrent le lac Ngami.
En 1850-51, Galton atteint les limites du désert du Kalahari, arrive au pays du Damara, et il en établit les coordonnées astronomiques.
En 1851-53, Anderson traverse le pays de Nama-Kwa, et il arrive jusqu'au cours inférieur du Kùméné.
Ladislao Anerigo Magyar, auquel, parmi les autres explorateurs, son mariage avec une princesse indigène de Bihé donne un caractère particulier, a exploré une grande partie de l'Ouest de l'Urùa, et il atteint Yah Quilem, aux alentours de Kasal. Ce grand voyageur hongrois a parcouru de 1847 à 1857 le centre de l'Afrique Australe, de l'Océan Atlantique à l'Océan Indien, entre le 4ème et le 22ème degré de Latitude méridionale ; il a exploré 26 fleuves, et de nombreux pays que l'on ne connaissait même pas de nom. Après avoir exploré l'Angola en 1860, il meurt en 1864 à Kuya dans le Bengouela.
En 1853-58, Silva Porto traverse l'Afrique de Bengouela au Cap du Grade.
En 1856 Green et Wahiberg explorent le lac Ngami et son affluent le Tiogué, ainsi que les pays plus à l'Ouest.
En 1860, Roscher explore les voies de Kondutsci à Kilwa, de Kilwa à Mésulé, et à Nusewa sur le lac Nyassa, et enfin de Nusewa à Kisunguni.
En 1860-64, Von der Decken Thornton et Kersten explorent la côte orientale entre le Malindi et la rivière Ruvuma, la route de Kilwa à Mésulé, le Zambèze jusqu'au confluent du Kafué, et la montagne du Kilimandjaro, dont la triangulation est faite par Thornton.
En 1873-75, Güssfedt, Bastian et Pechnel Lösche explorent dans la région équatoriale, le littoral de l'océan Atlantique entre le Zaïro et le Kuilu.
En 1876, Yung navigue sur le lac Nyassa, et il constate que ce bassin s'étend vers le 9ème degré de Latitude Sud.
Les membres de l'expédition allemande pour l'exploration de l'Afrique occidentale, Von Homeyer, Pogge et Lux participent très activement à ces grandes explorations. Von Hemeyer atteint Kassangi. Pogge et Lux avancent davantage jusqu'à Kimbundu, et Lux va tout seul jusqu'à Lussumba, capitale de Muata Yanvo.
Sur la côte occidentale de l'Afrique, en 1816 le capitaine anglais Tuckey remonte le fleuve Congo, sans pouvoir réussir à dépasser les cataractes de Yellala, et il succombe à cause du climat pernicieux.
Avec lui Smith explore et reconnaît le cours inférieur de ce grand fleuve jusqu'aux cataractes déjà citées.
En 1860 Burton et Mann, au fond de la baie du Biafra, effectuent l'ascension du gigantesque pic de Mongo-Ma-Loba Cameroum, ils explorent le pays des Fans, et ils remontent le Congo jusqu'aux cataractes de Yellala.
En 1856 et en 1864, Du Chaillu explore successivement les embouchures des fleuves Gabon, Muni et Ogué; il pénètre au Sud de ce dernier fleuve, à plus de 200 kilomètres à l'intérieur du continent.
En 1859, Braouézec trace la carte des rivières qui se jettent dans l'estuaire du Gabon. Serval, Griffon du Bellay, Reade, Abigot, Genoyer et Aymes explorent le cours inférieur de Ogowai (Ogué); et les deux premiers explorateurs parcourent les territoires voisins et la rivière Rhemboé.
Après eux, l'anglais Walker et les grands explorateurs français, Marche et le Marquis de Compiègne, continuent l'exploration de l'Ogué jusqu'au confluent de la rivière Ivindo. Walker, lors d'un second voyage, explore l'Ogawai et le territoire voisin jusqu'à Lopé, dont il détermine la position astronomique. En 1874, ces derniers fixent, au-delà des chutes de Bué, le point extrême atteint jusqu'à cette année par les Européens.
En 1875, Lenz, membre de l'expédition allemande, dont on vient de parler, remonte le Muni et l'Ogué, jusqu'au confluent du Schebé.
Le comte Pierre Savorgnan de Brazza, patricien romain au service de la marine française, le docteur Ballay et Marche explorent en 1875-77 l'Ogué, et ils tracent une carte de son cours entre Lupé et le confluent du Bambi.
Le comte Brazza, accompagné de Ballay et de Marche, en 1877-78 pénètre plus que tous les autres à l'intérieur; il accomplit un voyage, très difficile et remarquable au prix de privations et de sacrifices indicibles. Il a fourni des informations très éclairantes et importantes pour la connaissance de la géographie africaine, ce qui lui valut une médaille d'or de la Société Géographique Italienne.
D'autres expéditions très intéressantes partent de l'Afrique Centrale.
En 1803-1806, le docteur Lichtenstein parcourt la colonie du Cap de Bonne Espérance jusqu'aux frontières septentrionales.
En 1814, Barrow explore l'intérieur de la région du Cap.
Le docteur Kowan parti du Cap en 1808 atteint le fleuve Limpopo.
Burchell et Thomson sillonnent le Cap dans tous les sens, et ils en explorent les régions du Nord. Philipp explore certaines parties du Cap, et en 1820 pénètre jusqu'au Natal. Hallbeck explore en 1827 les rives et le cours du Nu-Garlep, ou fleuve Orange.
En 1828, Cowie et Green voyagent au Nord du Cap en traversant l'état libre d'Orange, et ils atteignent la baie de Lagoa.
En 1837, Alezander part de la ville du Cap vers l'Ouest, parcourt le pays des grands Nama-Kwa, et il arrive dans la baie de la Baleine.
La même année, Harris visite l'état libre d'Orange et la république du Transvaal.
En 1841-44, Wahlberg explore le Nord du Cap entre Natal et le Limpopo, et il arrive dans la baie de la Baleine et au lac Ngami.
En 1841-48,Owselle et Murray explorent les territoires à l'Ouest de la République du Transvaal, et ils arrivent jusqu'à Schek sur le fleuve Zambèze. Gordon Camming sillonne dans tous les sens les territoires du Transvaal.
En 1852 Macabe et Mahar explorent les pays de Ba-Long, et ils visitent les rives septentrionales du Ngami.
En 1854, Moffat et Edwards explorent les régions au Nord de la colonie du Cap. La même année, Chapman parcourt dans tous les sens la vallée de la rivière Zuga dans le bassin du grand lac salé au Nord-Ouest du Transvaal.
Hahn et Rath explorent en 1857 le pays des grands Nama-Kwa.
En 1861-63, Baines et Chapman partent de la baie de la Baleine, au Nord de la colonie du Cap, arrivent au bord oriental du désert du Kalahari, et parviennent jusqu'au lac Ngami et aux cataractes du Zambèze.
Les travaux de Moffat sur les régions du Cap sont très importants.
Le zoologue allemand Fritsch demeure trois ans, de 1864 à 1866, dans la république d'Orange chez les Betschiunas. Lors de ses tournées scientifiques, il rassemble des informations qui lui serviront pour son excellent travail sur les peuples de l'Afrique méridionale.
En 1869, Ed. Mohr entreprend son voyage pour rejoindre la grande cataracte du Zambèze. Ch. Mauch en même temps parcourt le Transvaal et le royaume de Mosilikatsé. Il trouve le gisement aurifère de Tati, explore toute la région du Sud-Est en 1872, et il découvre, à partir du 20ème degré de Latitude Nord, les remarquables ruines de Zimbabé.
Dans les années 1864-75, Raines lors de plusieurs voyages met tout en œuvre pour bien connaître le Transvaal, les royaumes de Matien et de Sekelletu, et les territoires situés au Nord du désert du Kalahari.
Hahn parcourt le pays de Damara, et Krönlein explore une partie du pays des Nama-Kwa.
En 1868, Erskine voyage dans le pays des Amazoulous, dans la république du Transvaal, et dans le royaume de Ünzila, il suit le cours du Limpopo, jusqu'à son embouchure et il en détermine les coordonnées astronomiques.
En 1870, le docteur Griesbach parcourt les colonies du Cap et du Natal, le pays des Amazoulous, en détermine les coordonnées astronomiques, et il relève d'importantes informations géologiques.
La même année, Bullo, Hübner et Elton explorent la république du Transvaal.
En 1872, Erskine entreprend le deuxième voyage dans le Transvaal, dans le pays des Zoulous, et sur le cours inférieur du fleuve Limpopo.
En 1874-78, le docteur Holub après avoir parcouru la partie occidentale de la république du Transvaal, explore le royaume des Matabélé, le grand lac salé à la frontière au Nord du désert du Kalahari, et il arrive jusqu'à Sechek au bord du Zambèze.
Enfin, la récente expédition anglaise contre les Zoulous, ou Amazoulous, a énormément contribué à donner des informations plus exactes et nombreuses sur une partie de ces régions qui constituent l'Afrique Australe.
Mais le nom de David Livingstone occupe une place spéciale dans l'histoire des découvertes africaines. Célèbre entre tous Livingstone domine les explorateurs qui l'ont précédé, ses contemporains, et ceux qui lui ont succédé jusqu'à aujourd'hui sur ce grand théâtre des explorations et des pérégrinations africaines. Pendant plus de trente ans cet homme admirable y a exercé le plus splendide et le plus sublime apostolat de la science avec une ardeur infatigable et une énergie extraordinaire. Il a parcouru, tout seul, du Sud au Nord, et de l'Ouest à l'Est, la moitié du continent africain qui est en quelque sorte devenu sa seconde patrie.
Les explorations de Livingstone commencent en 1840 dans la Mission anglicane de Kuruman chez les peuples Betschiunas.
En 1845, il arrive sur les plages du lac Ngami, la première des mers intérieures découvertes en Afrique. A cette époque ses explorations s'étendent sur les territoires situés au Nord du Cap de Bonne Espérance, où a été ensuite fondée la république du Transvaal, et au bord du Zambèze à Sechek.
De 1853 à 1856 Livingstone effectue le premier de ses grands voyages. Il part du Nord vers le cours supérieur du Zambèze où il a découvert les magnifiques chutes, plus imposantes encore que ce fleuve. Ensuite il se dirige vers l'Ouest jusqu'à Louanda, sur les côtes de l'Océan Atlantique. De là, il revient en arrière, il traverse l'Afrique dans toute sa largeur, et parvient à Quilimane au bord de l'Océan Indien, il découvre le lac Didolo et les sources du Liba.
De 1858 à 1861, il effectue une série de voyages qui lui permettent de démarquer le bassin du Zambèze, et il en explore le cours inférieur. Il remonte l'affluent du Schiré à travers une succession de cataractes, et il se rend compte que cette rivière n'est que le canal de déversement d'un immense lac : le lac Nyassa. Avec son compagnon de voyage, Monsieur Kirk, il découvre aussi le lac de Schirwa qu'il explore entièrement.
Après une brève interruption, pendant laquelle il revoit l'Angleterre, Livingstone entreprend en 1866 sa troisième et dernière expédition.
Il part de la baie de Mikindami par l'embouchure de la Rovuma, contourne le lac Nyassa par le Sud, explore les régions du Mazitou, et il rejoint le Loangwa et le mont Urungù. En passant par Itawa, il pénètre dans les contrées complètement inconnues qui s'étendent à l'Ouest du Nyassa. Il explore l'Ulunda, et la capitale du Kazembé et visite les îles Mpabala du lac Bangueolo. Là, il rencontre une nouvelle série de lacs, le Bangueolo, le Meoro, le Komolondo qui réunit un grand cours d'eau, le Luabala ou Luapula, que Livingstone a pris de façon erronée pour un bras originaire du Nil, mais les dernières découvertes ont établi qu'il appartient au système du Congo.
En 1869, il arrive au bord du lac Tanganyika qu'il traverse partiellement ; puis il reprend le voyage à l'Ouest, et il arrive à Nyangwé, la limite septentrionale de ses explorations.
Il revient à bout de forces et malade à Ugigi, où il rencontre, à l'automne de l'année 1871, Henri Stanley, qui avait été envoyé pour le chercher, car, en Europe, le bruit courait qu'il était mort. Alors que Stanley retourne à Zanzibar, Livingstone, guéri de sa maladie et pourvu de nouvelles ressources, côtoie la rive orientale du lac Tanganyika, et se dirige à nouveau au centre de l'Afrique.
Par Ufipa il arrive au lac Moero, et il complète plusieurs points de ses explorations. Mais bientôt les fièvres, contractées dans ces régions marécageuses et sous des pluies battantes, le reprirent, pour ne plus le quitter.
Au début de l'année 1873, il fit le tour du lac de Banguoelo, et atteignit la partie sud de Tschitambo, où il a dû s'arrêter. Il mourut à cet endroit la nuit du 1er mai, sous un abri improvisé par ses serviteurs. On l'a trouvé le matin, agenouillé aux pieds de son lit.
L'histoire des sciences géographiques ne contient pas beaucoup de pages aussi émouvantes, et d'un caractère aussi sublime, que le simple récit de cette mort solitaire et silencieuse d'un grand homme, martyr d'une grande cause.
Au cours de cette année, d'Angleterre deux expéditions sont parties sur ses traces. L'une, dirigée par Grandy, lieutenant de la marine anglaise, prit la côte du Congo comme base des opérations, mais elle n'obtint aucun résultat; la deuxième, dirigée pareillement par un officier de la marine, le lieutenant Cameron, alors âgé de 28 ans, obtint de très importants résultats. Guidé par les conseils d'un éminent personnage, Sir Bartley Frère, qui avait été pendant de nombreuses années aux Indes, puis envoyé spécial de la Reine d'Angleterre à Zanzibar, Président de la Société Géographique de Londres, et Président du Comité Anglais du Cap de Bonne Espérance pour l'abolition de l'esclavage, guidé donc par les conseils de cet homme supérieur, Cameron est parti de Zanzibar vers la fin de l'année 1873.
A mi-chemin de Tanganyika, à Kaseh, il a croisé la caravane des serviteurs de Livingstone, qui transportaient la dépouille mortelle de leur patron, inhumé ensuite dans le magnifique temple de Westminster à Londres.
Après avoir pris toutes les mesures pour assurer le transport de ces reliques, et la conservation des cartes et des précieux manuscrits de l'illustre explorateur, Cameron poursuit résolument son exploration.
Le 2 février il arrive au lac Tanganyika, il l'explore entièrement, et en trace une carte exacte. Au cours de ses explorations, il trouve l'embouchure du lac, le Lukuga, qui s'étend vers l'Ouest et rejoint le Lualaba. Cette découverte pousse Cameron à descendre par cette rivière et à poursuivre ainsi l'œuvre de Livingstone. Il arrive jusqu'à Nyangwé ; mais là, l'hostilité d'un chef indigène l'oblige à se diriger vers le Sud-Ouest. Dans cette direction il explore la partie orientale de l'Urua (le lac Nassali et celui de Mohryal), il traverse les bassins du Kassaï, du Kuangoy, du Zambèze, et les états très peuplés du Balunda. Il détermine et dessine le système des affluents de la rive gauche du Congo, et il arrive en 1875 au bord de l'océan Atlantique, près de Benguela.
Cette mémorable expédition, qui a enrichi la science de 85 démarcations, ou coordonnées astronomiques de position, et de 3.718 mesures d'altitude, était digne de Livingstone, dont le souvenir avait poussé Stanley à l'entreprendre.
Un si brillant succès a été accueilli en Angleterre et dans toute l'Europe avec un sentiment légitime d'admiration.
Il y a aussi un autre nom qui domine majestueusement dans le théâtre des découvertes africaines: celui de Henry Stanley, un des voyageurs correspondants du New-York Herald qui, en 1871, avait su retrouver Livingstone que tout le monde croyait mort.
De 1874 à 1877 il a accompli un vrai miracle, en traversant l'Afrique Equatoriale de l'Est à l'Ouest, en suivant un nouvel itinéraire, en visitant des pays complètement inconnus des Européens et, en partie, inconnus même des Arabes.
Il a été le premier à tracer de visu tout le cours du Lualaba, ou Congo, qu'il a baptisé du nom de Livingstone, et qui est une des plus grandes artères fluviales du monde, qui va du lac Tanganyika jusqu'à l'Océan Atlantique; et il a fait tout cela au milieu d'énormes difficultés qu'il a pu surmonter uniquement avec l'aide de la puissance divine. Tous les jours, la fatigue, la faim, les maladies, les flèches empoisonnées, ou les balles des Africains faisaient des vides dans les files de la troupe qui l'accompagnait. Les cannibales chassaient avec acharnement la caravane, en s'invitant mutuellement au banquet de celui qui devait être le plat le plus appétissant et le plus exquis.
Trois jeunes Anglais, les frères Edouard et Francis Pocock, et Frédéric Barker qu'il avait emmenés avec lui, périrent l'un après l'autre. Stanley seul résista à toutes les épreuves, et il réussit lui seul à accomplir la tâche gigantesque, sublime et écrasante qu'il s'était imposée. Alors que tous les explorateurs qui l'avaient précédé, parmi lesquels l'héroïque Livingstone, voyaient leurs tentatives échouer, il lui suffisait d'avoir le courage de mener une telle entreprise à bon terme.
La voie qu'il a parcourue est jonchée de cadavres; est-ce que cela a de l'importance? Il la suit imperturbablement, avec une ténacité indomptable, même après avoir couru le risque de mourir, lui et les siens, juste au moment où ils s'approchaient du but. L'homme qui a porté cette entreprise herculéenne à son terme, est un homme qui appartient à l'histoire.
Cette mémorable expédition est dite anglo-américaine, parce qu'organisée et soutenue par le journal anglais le Daily Telegraph, et par le journal américain le New York Herald. Les instructions données au grand explorateur américain étaient de compléter les découvertes de Speke et de Grant, de faire la circumnavigation du Victoria Nyanza et du Tanganyika, et enfin de compléter les découvertes de Livingstone.
Parti de Londres avec les trois jeunes Anglais déjà cités, il a réuni à Zanzibar les membres de son escorte composée de 135 hommes, parmi lesquels quelques courageux qui l'avaient accompagné à Ugigi lors de son premier voyage à la recherche de Livingstone.
Il a quitté Bagamoyo le 17 novembre 1874, et a installé son campement à Schiamba Gonera. Il est passé par la région d'Usagaru, en s'écartant de la voie d'Unyamyembé normalement empruntée par les caravanes, et il se dirigea vers le nord à travers les espaces solitaires de Mgunda Mkali et l'Ugogo, où il est arrivé le 31 décembre.
Les guides ont déserté à Mukalala dans l'Ikimbu; et c'est par la voie d'Uveriveri qu'il est arrivé à Suna, où il a découvert une région bien cultivée, et une population d'une beauté surprenante.
Il a poursuivi jusqu'à Tschiuiù, à 400 milles de Bagamoyo d'après les indications du podomètre, et il est arrivé à Mangara. Il s'est arrêté à Vinyata sur la rive du Licumbu, et après avoir engagé et gagné une dure bataille avec les Uatuuru, il a rassemblé sa caravane à Mgongo Tombo dans l'Iramba; là, il s'est rendu compte qu'il avait perdu 120 hommes et Edouard Pocock en moins de trois mois.
En suivant le bord occidental de Massai, il est arrivé à Kagheyi, district d'Ucclamby dans Usukuma au bord du Victoria Nyanza le 27 février 1875.
Après avoir réuni et assemblé les pièces de son bateau, le "Lady Alice ", construit à Londres, il l'a mis à l'eau; et avec 11 marins et un guide, en se dirigeant vers l'Est et en suivant un détroit qui sépare les îles d'Uruma de celles de Bugayeya, il a atteint l'île de Kriva.
Après une courte halte sur l'île de Kibiki, il est passé par Ukafu et est arrivé à Beyal dans la baie de Murchison, où il a débarqué le 4 avril au milieu d'une foule de 2.000 personnes, et où il a été solennellement reçu à Usvara par M'tesa, roi d'Ouganda, de Karagvé, d'Usugo et d'Usuni.
Ce roi était une personne intelligente, valeureuse, et redoutée, son vaste royaume s'étendait du 31ème au 34ème degré de Longitude Est, et du 1er degré de Latitude Nord au 3° 30' de Latitude Sud, avec 2 millions d'habitants environ.
Il était autrefois un idolâtre, mais un riche et puissant musulman, Khamis Ben Abdullah l'a converti, ainsi que toute sa cour, à l'Islam en 1871.
A Uragara, ou Ulagalla, alors capitale et résidence de M'tesa (aujourd'hui, c'est Rubaga), Stanley a salué le colonel français Linant de Bellefonds, fils du célèbre ministre de Mahhammed-Ali, fondateur de l'actuelle dynastie égyptienne, qui avait été envoyé par Gordon Pacha chez le monarque africain, sous prétexte de conclure entre lui et le gouvernement égyptien un traité de commerce.
Quelques mois après, Linant de Bellefonds fut assassiné.
Je ne parlerai pas ici de l'exploration effectuée par Stanley tout autour de l'Albert Nyanza, ni de ses périlleuses aventures sur cette mer intérieure qu'il a reconnue comme étant un unique grand lac, comme le pensait Speke, et non un groupe de lacs, comme le croyait Livingstone.
Je ne parlerai pas des obstacles, des péripéties vécues, de la punition qu'il a infligée aux indigènes de Bambireh, et des résultats obtenus.
Je ne décrirai pas les chaînes de montagnes de l'Afrique Equatoriale qu'il a vues, je ne parlerai pas de la race aux longues jambes qui habite sur les terres à l'Ouest de l'Ouganda, de Karagvé et des Ui, et qui déteste mortellement les étrangers.
Je ne parlerai ni de la race blanche de Gambaragara, ou de la reine des montagnes dont la hauteur s'élève à treize ou quinze mille pieds au-dessus du niveau de la mer, ni des sources chaudes de Myagata, et des nombreuses autres découvertes géographiques importantes.
Mais je parlerai rapidement de son expédition infructueuse vers l'Albert Nyanza, et de son extraordinaire pérégrination à travers le continent noir, jusqu'à l'océan Atlantique.
Après avoir exploré le Victoria Nyanza, Stanley est parti avec 2.280 hommes guidés par le général Sambuzi, que le roi M'tesa avait mis à sa disposition pour entrer dans le pays hostile de l'Unyoro, gouverné par le roi Kabba Rega, contre lequel Baker Pacha avait combattu en vain, et contre lequel combattait encore Gordon Pacha.
Stanley voulait atteindre les plages de l'Albert Nyanza. Le bateau " Lady Alice " a été mis à l'eau, ainsi que les canots sur lesquels il fallait embarquer pour explorer la totalité du grand lac, pénétrer ensuite dans la région qui s'étend à l'Ouest, rejoindre Nyangwé, et puis se décider sur son itinéraire ultérieur.
Stanley atteignit, en effet, l'Albert Nyanza en janvier 1876, il en releva la Latitude, la Longitude, l'altitude, et prépara tout le nécessaire pour le traverser. Mais il fut déçu, parce qu'il dut affronter une force très puissante, envoyée par Kabba Rega, roi d'Unyoro, et ennemi juré de M'tesa, roi d'Ouganda. Stanley a été contraint de se retirer précipitamment.
Revenu en Ouganda, il refusa une armée de 90.000 hommes, c'est-à-dire de 50.000 hommes commandés par le général Sekibobo, et de 40.000 conduits par Mquenda, que le roi M'tesa lui avait offerts pour l'escorter à nouveau au lac Albert.
Avec les membres de son expédition, il s'est dirigé vers le Sud, par une voie parallèle à celle de Speke, mais plus à l'Ouest, et il est arrivé à Karagvé.
Il a mis un mois pour explorer ce grand bassin, qu'il a baptisé du nom d'Alexandra Nyanza, en honneur de l'épouse du Prince de Galles, futur roi d'Angleterre.
Il marcha vers le Sud-Ouest pour remonter le fleuve jusqu'à sa source. Mais la faim l'a forcé à abandonner le projet de pénétrer dans le territoire au Sud du Muta n'Zige, ou Albert Nyanza, au Nord de Tanganyika, et il est allé à Ugigi.
Ici il a apprit que Cameron avait abandonné le Lualaba. Alors il a fait le tour de Tanganyika à bord du "Lady Alice", et est arrivé à Kambar par la voie d'Uguhta en débarquant à Ukangara. Il a suivi le Luama jusqu'à son confluent avec le Lualaba, et il est arrivé par ce fleuve jusqu'à Nyangwé, 40 jours après avoir laissé le Tanganyika.
Il avait l'intention d'aller dans les régions du Nord jusqu'à Momboutou, puis de traverser l'Afrique le long de la chaîne de montagnes qui sépare le bassin du Niger de celui du Congo. Mais il vit dans le Mayema les Arabes qui avaient escorté son prédécesseur à Uotera, pays du roi Kasongo, duquel il a obtenu les preuves certaines que Cameron s'était dirigé vers le Sud en compagnie de marchands portugais.
C'est alors qu'il a résolument décidé de tenter l'entreprise de traverser le continent noir, en suivant le cours du Lualaba jusqu'aux côtes de l'océan Atlantique.
Stanley est parti de Nyangwé avec une escorte de 500 combattants environ le 5 novembre 1876, en voyageant à travers l'Uzimba et l'Uregga.
Comme il n'a pu continuer à aller de l'avant à cause de la densité des forêts habitées aussi par des peuples très cruels et par des bêtes féroces, il franchit le Lualaba, et continua sa route le long de la rive gauche traversant l'Ukusù au Nord-Ouest.
Les indigènes s'opposaient à son passage et le harcelaient jour et nuit. Avec leurs flèches empoisonnées, qui sont toujours mortelles, ils ont blessé et tué beaucoup de ses compagnons. Dans cette région de cannibales la lutte a été désespérée.
Il essayait de les apprivoiser avec douceur et par des dons, mais ils refusaient et ils considéraient sa patience comme une preuve de lâcheté. Pour compliquer davantage sa situation, une escorte de 140 hommes, enrôlée à Nyangwé dans le Mayema, refusa de l'accompagner plus loin.
Les indigènes ont essayé de profiter de la situation et firent de grands efforts pour l'écraser définitivement. Il se défendit héroïquement, mais il n'avait pas d'autre moyen pour échapper à son destin, que de confier sa vie à ses bateaux, ou bien rebrousser chemin et abandonner son entreprise. Sur l'eau il avait un avantage incontestable sur ses ennemis; chaque journée de chemin n'était que la répétition du jour précédent.
Tout au long du fleuve la lutte a été désespérée jusqu'à ce que, utilisant avec force les armes et les rames, il arriva à une série de cinq grandes cataractes, très proches les unes des autres, situées au Nord et au Sud de l'Equateur. Pour les franchir, il a fallu se frayer un chemin à travers 13 kilomètres de forêts touffues, en sortant de l'eau les 18 barques, et le "Lady Alice ", son bateau d'exploration, laissant souvent la hache pour le fusil quand il était assailli.
Après avoir franchi ces cataractes, lui et ses compagnons se reposèrent quelques jours pour reprendre des forces après les fatigues qu'ils avaient endurées. Au 2ème degré de Latitude Nord, le grand Lualaba quitte sa direction jusqu'à ce point septentrional, pour couler vers le Nord-Ouest, puis vers l'Ouest, et finalement vers le Sud-Ouest. C'est un vaste cours d'eau de 2 à 10 milles de largeur, rempli d'îles.
Pour éviter les luttes incessantes, qui épuisaient ses forces, avec les nombreuses tribus de féroces cannibales, il a dû ramer d'une île à l'autre, jusqu'à ce que, harcelé par la faim - il restait parfois jusqu'à trois jours sans rien manger - il résolut de débarquer sur la rive gauche du fleuve.
Heureusement, il y rencontra une tribu qui avait une certaine idée du commerce. Ces indigènes avaient 4 fusils qui provenaient de la côte occidentale de l'Afrique; ils appelaient Ikutu Ya Congo (ou fleuve du Congo), le grand fleuve sur lequel il naviguait.
Ce grand explorateur alors exulta, parce qu'il avait compris qu'il n'était pas loin d'atteindre son but. Il se lia à ces Africains par le pacte du sang (qui se fît en mélangeant le sang de l'un des Noirs avec celui de Francis Pocock ; parmi ces peuples c'était un signe de paix et d'amitié).
Stanley acheta une grande quantité de provisions, puis, il poursuivit son voyage le long de la rive gauche du fleuve.
Il arriva trois jours après dans le territoire d'une puissante tribu dont les habitants étaient armés de fusils, et il pensa qu'il n'était pas loin de la côte occidentale de l'Atlantique. Dès que ces individus virent l'homme blanc, ils mirent à l'eau 54 grandes barques, et l'attaquèrent.
C'est seulement après avoir vu trois de ses hommes tués, que Stanley cessa de crier à ces Noirs qu'il était leur ami. Alors il s'engagea dans la bataille la plus acharnée qu'il ait menée sur ce fleuve, elle se déroula sur une longueur de 12 kilomètres. Cette bataille a été l'avant-dernière des 32 engagées sur le Lualaba.
Ce fleuve, après avoir souvent changé de nom, prend le nom de Zaïro, ou Kuango, en s'approchant de l'Atlantique. Quand il traverse le grand bassin entre le 26ème et le 17ème degré de Longitude, il a un cours de plus de 1.400 milles avec de magnifiques affluents au Nord, et surtout au Sud.
Les affluents les plus importants au Nord sur la rive droite sont : le Riuki, le Liru, l'Urindi, le Lovva, le Lulu, le Kankora, le Mbura et l'Arivumi qui coulent dans les régions des cannibales, le Mongala, le Kunga et le Mpaha, la rivière Blanche et le Ginemba; et au Sud de la rive gauche, il y a le Rumani, le Yumba, le Sankuru, l'Ikilemba ou Uriki, et le Nkutu.
De là, en côtoyant la haute chaîne de montagnes entre le grand bassin et l'océan, ce fleuve descend avec plus de 30 cataractes déchaînées et rapides, et il se jette dans le grand fleuve entre les chutes de Yellala et l'Atlantique.
Les pertes de l'expédition anglo-américaine ont été très importantes, outre les trois jeunes Anglais, parmi lesquels Francis Pocock a péri dans les cataractes de Massaia. Le 3 Juin, Stanley, lui aussi, a failli être entraîné dans le tourbillon des chutes de Mua, et six semaines après, avec tout l'équipage du " Lady Alice " il est précipité du haut des furieuses chutes de Mbelo, ils ont échappé à la mort uniquement grâce à un miracle de la Providence Divine.
Finalement, après mille terreurs et péripéties endurées dans cette obscurité, et dans les mystères de l'inconnu pour pouvoir revenir dans le royaume de lumière, après avoir franchi 57 cataractes et mené 32 batailles, après avoir parcouru 1.800 milles, de Nyangwé à la côte Occidentale, Stanley et les survivants de son intrépide escorte, sont arrivés par Embona et Kabinda à Saint Paul de Laonda au bord de l'océan Atlantique au début du mois de septembre 1877.
De là, en passant par le Cap de Bonne Espérance, il a conduit ses fidèles compagnons à Zanzibar, en les rémunérant par une récompense généreuse et bien méritée.
En passant par la Mer Rouge, Stanley est arrivé en janvier 1878 au Grand Caire, où j'ai été heureux de nouer avec ce grand héros africain une amitié parmi les plus sincères et les plus vives. J'ai été heureux aussi de participer, avec mon regretté Vicaire Général, l'Abbé Antonio Squaranti, au banquet préparé en son honneur par l'illustre général Stone Pacha, Président de la célèbre Société Géographique Egyptienne.
Au moment où j'écris ces lignes, se déroulent sur le continent africain plusieurs expéditions, dans le but de faciliter les découvertes africaines, parmi lesquelles je me borne à citer uniquement celle que, sous la direction de Stanley, le Roi des Belges est en train d'organiser le long du cours du fleuve Livingstone.
Je veux également citer l'important voyage du jeune Prince Giovanni Borghese, patricien romain, accompagné du docteur Matteucci et de Monsieur Massari, lesquels se sont déjà approchés du Darfour aux frontières de l'empire du Waday. Le mouvement extraordinaire des explorations de toutes les régions de ce grand continent continue toujours avec beaucoup d'ardeur et d'énergie, et presque toutes les nations d'Europe y prennent part.
Ce petit mémoire sur le TABLEAU HISTORIQUE DES DECOUVERTES AFRICAINES n'est qu'une esquisse et le résumé d'un Ouvrage plus volumineux et complet que, s'il plaît à Dieu, je rédigerai plus tard, et qui sera suivi par le TABLEAU HISTORIQUE DES MISSIONS CATHOLIQUES fondées par le Saint-Siège Apostolique sur les îles et dans le grand continent africain.
Les résultats essentiels des expéditions et des découvertes citées dans ce mémoire, peuvent être saisis d'un seul coup d'œil sur l'intéressante Carte de l'Afrique publiée en 1874 par le très savant géographe allemand H. Kiepert, dans le volume VIII du Bulletin de la Société Géographique de Berlin.
Encore plus complète est la carte réalisée en 1879 par Keith Johnston et qui a pour titre General Map of Africa, constructed from the most recent coast surveys, and embodying the results of all explorations to the present time, by Keith Johnson, F. R. G. S. 1879.
Certainement c'est donc un monde nouveau qui s'est ouvert à l'activité humaine. Sans aucun doute, il y a encore de nombreuses lacunes à combler, car il reste encore à découvrir plus d'un quart de l'Afrique, qui demeure caché dans le mystère le plus profond. Mais l'impulsion donnée à ces recherches est si importante que l'on ne tardera pas à mener à terme cette immense tâche.
L'Œuvre immortelle conçue et organisée par Sa Majesté Léopold II, roi des Belges, et le grand mouvement qu'il a suscité pour les découvertes africaines, dans le noble but d'abolir, de fait, l'infâme traite des Noirs (l'Angleterre et l'Allemagne aussi œuvrent efficacement en ce sens), et de promouvoir la civilisation en Afrique Centrale, ne manquera pas de produire ses fruits.
La prodigieuse puissance, qui déploiera dans toute sa splendeur la lumière de la véritable civilisation chrétienne dans toutes les régions du grand continent africain, sera l'Eglise Catholique, avec la prédication de l'Evangile, parce que seul Jésus-Christ est le Chemin, la Vérité, la Vie. Et la Foi en Jésus-Christ, ses principes, ses enseignements et sa morale divine sont à la base de la véritable civilisation, la source de la vie, le fondement de la grandeur et de la prospérité de tous les peuples, et de toutes les nations de l'univers.
+Daniel Comboni
N° 1005; (963) - AU CARDINAL LUIGI DI CANOSSA
ACR, A, c. 18/38
RAPPORT SUR LA FAMINE ET LES EPIDEMIES en Afrique Centrale en 1878-79
Eminent et Révérend Prince,
Plus de 12 ans se sont déjà écoulés depuis que Votre Eminence a accepté de la part du Souverain Pontife Pie IX l'importante tâche de soutenir ma faiblesse, de défendre et de diriger la très sainte Œuvre de la Rédemption de la Nigrizia.
Et les importants résultats, dont l'Eglise naissante de l'Afrique Centrale est très heureuse, sont dus au zèle magnanime, constant et plein de ferveur de Votre Eminence, aidé aussi par ma modeste personne et par la coopération de nos vaillants Missionnaires, parmi lesquels se sont distingués, pour ne pas parler des vivants, les pieux Abbés Alessandro Dalbosco, Antonio Squaranti, et Salvatore Mauro, tous de vénérable mémoire.
Votre fermeté, Eminent Prince, votre courage n'ont pas chancelé, et n'ont pas été ébranlés par les nombreux obstacles et les difficultés que la sublime Œuvre a dû traverser.
Vous avez toujours gardé une inébranlable confiance dans la réussite de cette Œuvre, malgré la faiblesse des instruments dont la Divine Providence devait se servir, et aussi malgré le peu de moyens pécuniaires et matériels, dont la gigantesque entreprise avait besoin.
Mais vous, réconforté par l'Esprit du Seigneur et par l'infaillible parole de son Vicaire, vous avez bien voulu, constamment rassurer notre esprit, nous réconforter dans nos infirmités, nous indiquer les voies à suivre, et bénir nos pauvres efforts. Non satisfait de vous borner à couvrir par votre tutelle et votre protection la sainte entreprise, vous avez engagé la puissante et vaste influence de votre très illustre nom, afin que jaillissent de nombreux pays d'Europe et de la part de généreux Princes des aides importantes et une protection efficace.
Notre incapacité et notre modeste personne auraient eu peu de résultats sans votre appui constant et efficace. Et comme votre charité a toujours été prodigue de réconforts, d'aides, de conseils et d'encouragements, permettez, Eminent Prince, que je vous dédie ce bref aperçu historique sur les épouvantables calamités de la famine et des épidémies qui ont ravagé et frappé le territoire vaste et démesuré du Vicariat Apostolique d'Afrique Centrale en 1878-79.
Par ce récit, vous vous rendrez clairement compte que la très sainte Œuvre que vous soutenez est vraiment une Œuvre de Dieu. Votre âme intrépide trouvera des raisons pour protéger toujours davantage cette sublime entreprise, pour la plus grande gloire de Dieu, pour le mérite de l'Eglise de Vérone, et pour le salut de notre malheureuse, mais toujours chère Nigrizia.
Les œuvres de Dieu doivent toujours naître au pied du Calvaire. La Croix, les contradictions, les obstacles, le sacrifice sont le sceau ordinaire de la sainteté d'une œuvre. C'est par ce chemin parsemé d'épreuves et de ronces que les œuvres de Dieu se développent, prospèrent, et atteignent la perfection et le triomphe.
C'est la bienveillante et sage économie de la Providence, pleinement confirmée par l'histoire de l'Eglise et par toutes les Missions Apostoliques de la terre, qui manifeste cette vérité éclatante, à savoir que la véritable religion de Jésus-Christ n'a jamais été implantée dans aucun royaume, à aucun endroit, sans les sacrifices les plus durs, sans les contradictions les plus féroces, et sans le martyre.
La raison en est très évidente: puisque toutes les Œuvres de Dieu visent, par leur nature, à détruire dans le monde le royaume de Satan, pour le remplacer avec le salutaire étendard de la Croix, le prince des ténèbres doit nécessairement se troubler, s'agiter, se débattre, et déchaîner toutes les puissances des abîmes et toutes les funestes passions de ses acolytes, pour combattre à son tour son formidable et éternel ennemi, Jésus-Christ le Rédempteur du genre humain, afin de lui résister, de l'attaquer et de le conquérir.
Or, parmi les œuvres de l'apostolat catholique, engendrées par l'Eglise du Christ, une des plus ardues, des plus laborieuses, des plus sublimes et importantes de l'univers est sans aucun doute notre Mission d'Afrique Centrale, qui embrasse un territoire bien plus grand que toute l'Europe, et qui est peuplée, d'après la statistique de Washington, de plus de 100 millions d'infidèles, sur lesquels n'a pas encore brillé l'astre lumineux et vivifiant de la Foi; cette Mission a été confiée par le Saint-Siège à notre petit Institut des Missions pour la Nigrizia de Vérone.
Parmi les terribles tempêtes qui ont secoué et ébranlé dés le début cette Eglise naissante, dont je suis, bien qu'indigne, le premier Evêque, il y a une épouvantable calamité qui se remarque davantage; il s'agit de la famine et des épidémies qui ont fait rage dernièrement, dont les effets se font encore sentir, dont les marques sont encore vives et dont il faut supporter les douloureuses conséquences.
Mais c'est une Œuvre de Dieu, qui est maintenant purifiée dans le creuset des souffrances, des croix, et du martyre, et qui renaîtra encore plus vigoureuse et puissante, pour réaliser, animée d'une vie nouvelle, la haute mission d'apporter la Rédemption et la civilisation aux tribus de la Nigrizia.
Le manque ou la pénurie des pluies annuelles de 1877 a été la cause principale de l'épouvantable famine et de la sécheresse, qui ont ravagé une bonne partie de notre immense Vicariat.
Les régions qui ont été les plus gravement atteintes par ce terrible fléau, ont été la Nubie Inférieure, la Nubie Supérieure, de Dongola à la Mer Rouge, les régions baignées par le Fleuve Bleu, le Fleuve Blanc et le Nil, entre l'Egypte et le Sobat. Ont été atteints aussi le Royaume du Cordofan, les provinces du Darfour, les tribus du Djebel Nouba, les Schilluks, et toutes les régions qui s'étendent du Bahar-el-Ghazal jusqu'aux Gnam-Gnam, et au lac Albert Nyanza.
Les semailles et les plantations faites dans ces terres très fertiles, se sont desséchées dès qu'elles ont commencé à bourgeonner. Les herbes, les fleurs et les prés ont été carbonisés par les rayons brûlants du soleil, ce qui fait que très vite les misérables habitants de ces régions n'avaient plus rien à manger, et presque tous les animaux sont morts de faim.
Mesurez, Eminent Prince, les dimensions et l'étendue du malheur qui a frappé ces pauvres populations ainsi que notre Mission.
La famine subie par les populations qui habitaient le long des fleuves a été particulièrement épouvantable, mais plus encore celle endurée par les Arabes du désert, dont la grande partie des chameaux est morte de faim.
Quand nos caravanes ont dû franchir ces déserts, la Mission a affronté de grands sacrifices et des dépenses énormes.
En effet le prix de la location des chameaux qui avaient survécu au massacre, a été multiplié par 4, et comme ils étaient affaiblis, épuisés à cause de la faim, ils ne pouvaient porter qu'un tiers ou qu'un quart de la charge habituelle.
Les dépenses de nos expéditions étaient donc multipliées par quatre, les chameaux et les chameliers étant morts ou terrassés par la famine, et les expéditions qui étaient pourtant nécessaires pour secourir les Missions frappées par la disette, devenaient pour nous très difficiles, ou même impossibles.
Par conséquent presque tous les aliments de première nécessité faisaient défaut ou alors leurs prix atteignirent des sommets incroyables, soit 10, 12, et même 20 fois plus chers que d'habitude.
Le froment, par exemple, a été payé par le Consul austro-hongrois, Monsieur le Chevalier Hansal, à 72 thalers l'ardeb (un sac de 100 kilogrammes environ), alors qu'auparavant on le payait seulement 5 thalers. Plus tard, le froment manqua aussi à Khartoum, et on ne le trouvait à aucun prix. Dans le royaume du Cordofan, on aurait même payé jusqu'à 500 francs l'ardeb, mais il n'y en avait pas du tout.
Le durah (maïs) qui est la nourriture principale des populations des possessions égyptiennes au Soudan qui forment un territoire 5 fois plus vaste que toute l'Italie, est aussi la nourriture habituelle de nos orphelins et de nos élèves des deux sexes dans les établissements de Nubie.
Nous avons donc payé le durah jusqu'à 108 francs l'ardeb sur les marchés de Khartoum, alors que d'ordinaire il ne coûtait que 4 ou 5 francs.
Le Consul austro-hongrois m'a assuré l'avoir payé jusqu'à 3 thalers le rub, c'est-à-dire 336 francs l'ardeb.
Le dokhon, espèce de millet, dont se nourrissent les populations du royaume du Cordofan et de l'empire du Darfour, et qui constitue la nourriture habituelle des élèves, des orphelins et des esclaves réfugiés dans nos trois établissements du Cordofan, est passé de 3 thalers, prix habituel, à plus de 37. L'ardeb a été payé dans le Darfour jusqu'à 140 thalers, c'est-à-dire 46 fois plus cher que d'habitude. De même pour les viandes, plutôt maigres et rebutantes des animaux amaigris par la faim, devenus squelettiques, et dont le prix s'est élevé jusqu'à 10 ou 12 fois plus que d'ordinaire.
La situation était encore pire, au Djebel Nouba, où le sel était difficile à trouver.
Il a fallu se nourrir pendant longtemps de maigres aliments sans pouvoir les saler.
Il est donc facile de comprendre qu'une grande partie des populations africaines de la classe pauvre a manqué totalement de vivres. J'ai constaté de mes propres yeux l'extrême misère de nombreuses régions où des villages entiers, décimés par la faim, se nourrissaient d'herbes, de graines de foin, et même d'excréments de chameaux et d'autres animaux.
Par ce bref aperçu, Votre Eminence peut bien imaginer mes angoisses, et les graves problèmes que j'avais pour nourrir et soutenir, outre les Instituts de Vérone et du Grand Caire, les nombreux établissements que nous avions fondés dans le Vicariat, composés d'un personnel non seulement indigène, mais aussi de Sœurs, de Missionnaires et de Frères coadjuteurs européens qui, sous ce climat africain très accablant, avaient aussi besoin d'une bonne alimentation pour faire face aux efforts apostoliques.
La Supérieure des Sœurs de Saint Joseph dans le Cordofan, alors qu'elle souffrait de fièvre, voulait goûter un peu de pain trempé dans de l'eau; nous en avons cherché partout dans la ville d'El-Obeïd, mais nous n'en avons pas trouvé. Finalement, un généreux négociant israélite nous en a porté un peu, et la Sœur a pu en manger, puis elle est morte, frappée par son mal.
Pour procurer un peu de pain aux Missions du Cordofan, le regretté Abbé Antonio Squaranti a acheté à un prix élevé 20 ardebs de froment; après l'avoir fait moudre à Khartoum, il a cherché des chameaux pour le transporter au Cordofan.
J'ai couru dans tous les sens, j'ai fait appel aux plus importants commerçants et au Gouverneur Général du Soudan pour avoir des chameaux.
Mais ce fut impossible d'y parvenir ; il manquait ou les chameaux, ou les chameliers, parce qu'ils étaient presque tous morts, malades, ou épuisés par la faim et les fièvres. Le froment est resté bloqué pendant 4 mois à Khartoum ; les Missionnaires et les Sœurs de nos trois Missions du Cordofan n'ont pas mangé de pain pendant plusieurs mois, et ils ont dû se nourrir de dokhon comme les indigènes du pays.
Tout ceci n'est cependant que l'ombre de la misère extrême qui a frappé ces malheureuses contrées.
La soif, un fléau beaucoup plus terrible que la faim, a ravagé ces pays étendus qui sont éloignés des grands fleuves, le Nil, le Fleuve Blanc et le Bahar-el-Ghazal ; ces régions ne sont baignées que par les pluies annuelles qui habituellement les arrosent en juillet, août et septembre.
L'année 1877 a été la plus sèche dont l'histoire de l'Afrique Centrale garde le souvenir. Les campagnes ont été littéralement carbonisées par la canicule, et les prairies brûlées par le soleil.
Toutes les réserves d'eau étaient asséchées, ainsi que tous les puits du Cordofan et du Darfour dont la profondeur est généralement de 20, 30 et même de 40 mètres et plus ; parmi ces puits, il y avait aussi les deux grands puits de nos établissements de la capitale du Cordofan.
Je frissonne d'horreur rien qu'en pensant à l'hécatombe horrible que la soif et la sécheresse ont faite parmi les animaux et les populations du Cordofan et de l'empire du Darfour.
Je parlerai rapidement de la soif à El-Obeïd et à Malbès, où nous avons trois importantes Missions.
Bien que nos Missions aient été souvent aidées par notre Procureur Giorgi Papa, par quelques bons catholiques, parmi lesquels Monsieur Ibrahim Debbane de Syrie, et aussi par quelques musulmans qui appréciaient notre œuvre, et qui nous procuraient de l'eau, à un certain moment nous avons, nous aussi, été contraints d'en acheter à un prix très élevé, ce qui a fortement troublé nos maigres finances.
Il a fallu économiser l'eau pour boire et pour faire la cuisine.
Parfois, les Missionnaires étaient contraints de conserver l'eau qu'ils avaient utilisée le matin pour se laver le visage, pour se désaltérer pendant la journée.
Il fallait utiliser l'eau avec beaucoup de parcimonie pour se laver, et pendant un certain temps, on ne pouvait plus se laver le visage le matin, il fallait la mettre de côté pour les moments de grande soif dans la journée.
Pendant plus de 4 mois, on n'a pas pu laver le linge à cause du manque d'eau.
Elle faisait tellement défaut dans la capitale du Cordofan, que l'on a dû transférer la plus grande partie du personnel des deux grands établissements à Malbès, dans la colonie agricole que nous avions fondée, où il restait encore un peu d'eau, mais il y avait si peu de vivres que quand on réussissait à manger un peu pour le petit déjeuner, on ne mangeait pas à midi, et quand on mangeait à midi, le soir il n'y avait pas de dîner.
Les généreuses aumônes reçues de nombreux bienfaiteurs d'Europe ne suffisaient pas pour nous procurer ce peu de nourriture.
Je ne peux pas décrire par des mots les grandes privations endurées par les Missionnaires, les Sœurs, et le personnel de nos Missions.
Les enfants, les élèves, les jeunes filles, accouraient chez les Missionnaires et les Sœurs pour demander un peu d'eau parce qu'ils mouraient de soif; et comme ils n'avaient rien pour l'étancher, les pauvres pleuraient. Ils se disputaient fraternellement pour que chacun puisse boire un peu de l'eau sale restée dans la bassine, où le missionnaire et la Sœur s'étaient peut-être lavés.
Je voudrais dire davantage... mais la plume tombe de mes mains... Dieu a écrit dans le livre de la vie les sacrifices et les privations endurés par nos Missionnaires et nos Sœurs sous un climat si dur et enflammé.
Ce que faisaient nos Sœurs est admirable devant Dieu. Souvent, à trois heures et demie du matin, Sœur Arsène Le Floch, de Bretagne, Supérieure de l'établissement féminin partait accompagnée d'une autre Sœur jeune et vaillante, avec quelques bormas (vase contenant entre 3 et 4 litres d'eau).
Après avoir marché pendant 4 ou 5 heures, elle arrivait sous un soleil cuisant au bord d'un puits éloigné; après avoir attendu son tour, en menant une âpre discussion avec les gardiens farouches des puits, en arrivant parfois aux menaces, elle réussissait à avoir avec une difficulté incroyable une eau noire, boueuse, graisseuse, saumâtre et rebutante, qu'elle payait 3, 4 ou même 5 francs la borma, c'est-à-dire plus cher que le vin en Italie.
Puis les deux Sœurs faisaient le même chemin péniblement pour retourner à la Mission, où elles étaient attendues avec anxiété pour obtenir d'elles une petite quantité d'eau afin de se désaltérer.
A 3 heures ou 3 heures et demi de l'après-midi on refaisait souvent le même chemin à pied, en transportant l'eau sur un âne consumé par l'effort et qui tombait sans cesse; et on revenait à la Mission quand la nuit était déjà tombée, et parfois à minuit.
A une certaine distance de notre colonie agricole, les Missionnaires et les Sœurs ont réussi, après de nombreux efforts, à creuser un puits qui donnait un peu d'eau graisseuse et boueuse, et ils l'ont fait garder jour et nuit par deux robustes catéchumènes, mais des voleurs assoiffés venaient pendant la nuit, et avec violence, ils prenaient l'eau pour la vendre à leur profit.
A Malbès, la Mission avait trois vaches, auxquelles on donnait un peu d'eau à boire deux fois par semaine. Mais comme elles étaient brûlées par la soif et très maigres, elles ont fini par ne plus donner de lait; et même quand elles avaient du lait, la part distribuée à chacun était réduite à presque rien.
Souvent certains Missionnaires de la colonie agricole de Malbès, qui, peut-on dire, manquait de tout, à l'exception d'un peu d'eau, devaient aller chez les nôtres à El-Obeïd pour leur apporter de l'eau, ou bien pour chercher des articles de première nécessité pour les Missionnaires de Malbès. Le voyage durait 7 heures, et le trajet était très pénible; il fallait souvent le faire à pied, sous un soleil brûlant, ou la nuit, pendant laquelle le chemin était infesté de voleurs, de bêtes féroces et d'hyènes. Souvent, les lions s'approchaient, rugissaient, et faisaient trembler de frayeur les voyageurs. Je pourrais citer ici de nombreux cas effrayants qui se sont passés l'an dernier; mais je n'en citerai qu'un.
Un soir, alors qu'à Malbès presque tout le monde était malade ou à bout de forces, et privé de tout pour se rétablir, en sachant que la Mission d'El-Obeïd avait extrêmement besoin d'eau, une de nos laborieuses Sœurs émue par tant de malheurs, animée par une charité héroïque, a vivement supplié et a obtenu de la Supérieure l'autorisation d'aller chercher de l'eau pour la transporter à El-Obeïd, où elle aurait pu secourir ces assoiffés, et ensuite se procurer des vivres et revenir à Malbès pour aider les nôtres qui manquaient de tout. Arrivée au puits, luttant avec animosité contre les gardiens, elle a réussi après de nombreux efforts à acheter à un prix très élevé deux guerba (grosses outres) d'eau. Elle a alors chargé un chameau et elle est partie à pied vers la capitale, avec un jeune Africain récemment racheté. Il s'agissait d'un trajet très difficile de 7 heures, plein de bêtes féroces, de voleurs et d'assassins, mais l'amour triomphe de tous les obstacles. Elle a continué son chemin très courageusement, et non sans peur au milieu des hurlements des bêtes sauvages et des chiens, et des rugissements des lions qui la faisaient trembler. Elle a parcouru au moins les trois quarts de la route quand le chameau, épuisé par la faim et à bout de forces, est tombé lourdement par terre.
La Sœur et le jeune-homme ont essayé par tous les moyens avec de vigoureux coups de fouet et de corbac (fouet en peau d'hippopotame, avec lequel on frappe les esclaves et les animaux) de faire en sorte que le chameau se lève et continue sa route, mais tout effort était inutile.
Que faire dans cette situation ? Si on restait là toute la nuit, on risquait d'être dévorés par les bêtes sauvages ou assaillis par les voleurs; si on laissait là le jeune et qu'on faisait partir la Sœur toute seule à El-Obeïd, c'était exposer le jeune à se faire voler les deux outres d'eau, et exposer la Sœur à de graves dangers, d'autant plus qu'elle avait très peur.
Pendant un quart d'heure la Sœur est restée perplexe et tremblante, puis en réfléchissant aux besoins extrêmes des nôtres de Malbès et d'El-Obeïd, et en faisant confiance au Dieu de l'amour qui console les affligés, et à la Sainte Vierge Immaculée, le refuge des pauvres, décida de laisser le jeune pour garder l'eau, et elle partit toute seule pour chercher de l'aide. C'était une nuit ténébreuse, éclairée seulement par les faibles rayons d'une lune de 3 ou 4 jours. Au bout d'un certain temps, elle entend l'aboiement furieux des chiens qui lui indiquent la présence d'un village. Elle s'arrête craintive, car s'approcher du village c'est risquer d'être dévorée par les chiens qui sont dangereux dans cette région, bien qu'utiles. Mais d'un autre côté, elle sait qu'il était nécessaire d'appeler à l'aide. Alors elle poussa de hauts cris vers ce village entouré de chiens : "Ja Nas taälu ! Ja Nas taälu !" (habitants, venez ! habitants, venez !). Quelques minutes après, elle voit apparaître deux Baggaras robustes et velus (Arabes gardiens de troupeaux) qui ont accouru en entendant ces cris déchirants, et ils se sont exclamés : "comment se fait-il, Madame, que vous soyez ici de nuit, seule, courant le risque d'être dévorée par des bêtes féroces, ou d'être volée ou assassinée ?..." et avec beaucoup de sollicitude suite aux prières de la Sœur, ils l'accompagnent à l'endroit où elle avait laissé l'eau ; ils y trouvèrent le chameau accroupi et le jeune qui le gardait. Après de vigoureux coups de fouet et en le poussant de leurs bras musclés, ils ont réussi à relever le chameau. Pas encore satisfaits, ces bons Africains accompagnèrent la Sœur, le gardien et le chameau jusqu'à El-Obeïd, où ils sont arrivés à minuit plus morts que vifs.
Je ne vous dirai rien, Eminence, de la peine que les Missionnaires ont endurée puisqu'ils n'avaient pas de vin pour célébrer tous les jours la Sainte Messe, ineffable réconfort des âmes en peine. Le vin faisait tellement défaut qu'il n'en restait que pour célébrer le divin Sacrifice les dimanches et les jours de fête.
Mais comme il n'y avait plus de vin pour la Sainte Messe dans la capitale du Cordofan, j'ai été contraint d'en envoyer de Khartoum, dans de petites fioles par la poste afin qu'ils puissent célébrer la Messe les jours de fête. Du reste, ni les Missionnaires, ni les Sœurs n'avaient de vin à boire, ils ont presque toujours bu une eau graisseuse, saumâtre et rebutante.
Au milieu de tant de misères, Eminent Prince, je dois solennellement déclarer que ni les Missionnaires ni les Sœurs n'ont manqué de courage et de zèle dans leur difficile ministère ; fermes et inébranlables dans leur difficile et sainte vocation, ils sont restés à leur poste, heureux et satisfaits au milieu de tant de privations et de sacrifices, et ils ont travaillé infatigablement pour gagner des âmes au Christ. Ce qui met davantage en évidence la grâce de leur apostolat saint et fort pénible, c'est le fait que nos Missionnaires et nos Sœurs n'ont jamais tremblé, n'ont jamais paniqué, et ne se sont jamais découragés face à la fureur de la tempête, ni au milieu des maladies les plus dures, ni devant la mort de nombreux de leurs Frères et Sœurs Missionnaires. Ils ont soutenu courageusement et fermement le choc de cette épouvantable tempête, toujours confiants en ce Dieu, qui abat et qui relève, qui tourmente et qui console, et en ce divin Sauveur qui, après sa pénible Passion et sa Mort, est glorieusement ressuscité.
Cette abnégation est encore plus évidente si on pense qu'eux-mêmes étaient souvent attaqués par les fièvres, sous un climat brûlant, tourmentés aussi par les piqûres des moustiques et d'autres insectes qui les martyrisaient nuit et jour.
Bref, ils étaient tous sous le doux poids de la Croix, privés complètement de tout réconfort humain, mais pleins de force, de courage et d'espoir en cette même Croix de Jésus-Christ qui est le sceau infaillible de l'Œuvre du Seigneur.
Mais à toutes ces privations et à ces sacrifices communs à tous nos Missionnaires et à nos Sœurs, une autre croix très lourde s'ajoutait dans mon esprit, et dans le cœur de notre pieux administrateur général l'Abbé Antonio Squaranti, c'est-à-dire la très importante dette de 46.784 francs que nous avons trouvée, jointe à celle de plus de 14.000 francs que nous avons été obligés de faire pour pourvoir aux besoins fort urgents à cause de la famine toujours croissante, et pour ne pas laisser périr la Mission; plus la somme de 10.000 francs que nous avons empruntée pour acheter une machine à vapeur pour arroser notre jardin de Khartoum, afin qu'il ne sèche pas et pour qu'ainsi ne disparaisse pas notre unique terrain productif stable, résultat de nombreux efforts et du travail de nombreuses années, au grand détriment de la Mission; nous nous sommes ainsi trouvés face à une énorme dette de plus de 70.000 francs.
Eminent Prince, je ne vous parlerai pas des autres croix nombreuses et des calamités qui ont rempli mon cœur d'amertume et de souffrance, ceci vous suffira pour que vous ayez une pâle idée de ma situation dramatique et pénible. Mais tout cela est encore bien peu. Une autre horrible calamité devait arriver pour déchirer mon âme par une des douleurs les plus profondes.
A la fin du mois de juillet 1878, le ciel a commencé à s'alourdir de nuages épais; des éclairs et des coups de tonnerre menaçaient de détruire ces terres désolées. Rapidement, des pluies battantes sont tombées du ciel, et elles ont été abondantes pendant deux mois; de mémoire des indigènes les plus vieux du pays, on n'en avait jamais vu de pareilles. Le niveau des deux grands bras du Nil, c'est-à-dire le Fleuve Blanc et le Fleuve Bleu, a tellement augmenté qu'il a dépassé le niveau du terrain, et ces fleuves ont menacé d'inonder la capitale des possessions égyptiennes au Soudan et aussi notre grand établissement de Khartoum.
Donc, alors que l'importante garnison de plusieurs milliers de soldats guidée par les ingénieurs militaires construisait des levées de terre tout autour de la ville pour arrêter les eaux et pour empêcher l'inondation, nous avons, à grands frais, pris de gros bouts de bois et des centaines de longs troncs de dattiers coupés dans notre jardin, pour construire de solides levées en face de la Mission sur les rives du Fleuve Bleu; au bout de trois semaines de travail ininterrompu, la ville et la Mission ont finalement été en sécurité, et le courant fracassant n'a pas pu provoquer de dégâts considérables.
Toutefois des centaines et des milliers de maisons se sont écroulées, mais nos établissements sont restés intacts ; les digues et les levées construites serviront pendant de nombreuses années pour préserver la Mission des inondations futures.
Les paysans (fellah), avec le peu de semence qu'ils ont pu conserver l'année précédente qui avait été désastreuse, ont semé du blé, du durah, du sésame, des légumes et tout ce qu'ils avaient et bien qu'à bout de forces, commencèrent à cultiver toutes les terres desséchées que les pluies abondantes avaient ramollies.
La terre a été fécondée, et rapidement, gonflée par les eaux torrentielles qui tombaient du ciel, elle a produit d'abondantes récoltes comme on n'en avait jamais vu les années précédentes. Tous croyaient qu'avec les nouvelles récoltes la terrible famine devait cesser, et que l'abondance des vivres ferait même disparaître la terrible misère endurée jusqu'alors.
Mais il n'en fut pas ainsi. Pendant les pluies diluviennes, des centaines, des milliers de maisons et de cabanes de pauvres indigènes se sont écroulées, car elles étaient construites en pisé, en paille ou avec des branchages fragiles; et les pauvres habitants se sont retrouvés à l'improviste sans abri, exposés nuit et jour à ciel ouvert, aux pluies diluviennes ou à un soleil ardent.
Ces malheureux, exposés à toutes ces intempéries ont été frappés par des fièvres violentes et tellement malignes, que rapidement, ces régions étendues ont été recouvertes de cadavres d'hommes et de femmes de tout âge.
Les quelques survivants étaient devenus des cadavres ambulants, ils erraient dans les rues et dans les déserts, pâles et épuisés en demandant de l'aide. La terreur et la frayeur se répandaient partout, et la terrible épidémie s'est répandue dans les villes, dans les gros villages et dans les campagnes avec une telle violence et une telle intensité, qu'une grande partie de ces régions s'est transformée rapidement en un vaste cimetière.
Nous sommes les témoins oculaires de cette hécatombe causée par la terrible épidémie dans les pays baignés par le Fleuve Blanc, le Fleuve Bleu, et le Nil. Nous avons vu des personnes, qui jouissaient d'une excellente santé, frappées par la mort en une heure, en une demi-heure, en dix minutes.
Beaucoup de nos catholiques tombaient ainsi à l'improviste, foudroyés par ce mal inexplicable qui se manifestait par des symptômes de fièvres nerveuses, typhoïde ou pétéchiale, et souvent il reste tout juste le temps pour leur administrer l'Extrême Onction et l'absolution à l'article de la mort.
Dans beaucoup de villes, de bourgs et de villages, de nombreux habitants et des familles entières, qui avaient souffert de la faim l'année précédente, après s'être nourris des premiers fruits de l'abondante récolte, tombaient morts à côté des denrées fraîchement amoncelées dans les cabanes et dans les parcelles de leurs habitations.
Des personnes dignes de foi, qui revenaient à Khartoum après de longs voyages dans les régions du Fleuve Bleu et du Fleuve Blanc, m'ont assuré qu'ils avaient trouvé des villes et des villages presque entièrement dépeuplés, et les maisons, les voies publiques, et les campagnes étaient jonchées de cadavres putréfiés, étendus à côté de l'avoine, du durah, du froment et du sésame qu'ils avaient récoltés, et c'est par les exhalaisons meurtrières des cadavres en décomposition que s'est répandue sur de vastes territoires cette épidémie qui a fauché des victimes partout.
Je suis allé chercher nos cinq Sœurs de l'Institut des Pieuses Mères de la Nigrizia à Berber, pour les conduire à Khartoum à bord d'un bateau à vapeur mis à ma disposition par Son Excellence Gordon Pacha, Gouverneur Général des possessions égyptiennes au Soudan.
J'ai pu donc visiter les villes et les villages situés entre Berber et Khartoum, que j'avais vus autrefois très peuplés et pourvus en abondance de vivres et de toutes choses; mais je les ai trouvés dépeuplés et déserts, et les quelques survivants étaient si maigres qu'ils ressemblaient plutôt à des cadavres ambulants, ils se nourrissaient de graines, de foin, d'herbes, de nabak, et d'excréments de chameau, sans avoir assez de forces pour semer et travailler les campagnes environnantes, dont le terrain très fertile mais non cultivé était déjà recouvert de foin, de plantes et d'herbes sauvages qui formaient une magnifique végétation luxuriante que l'on n'avait pas vue depuis longtemps.
Les cabanes et les maisons étaient presque toutes détruites, le bétail avait presque totalement disparu. La majestueuse ville de Schendi, ancienne capitale des rois de Nubie, et la très vaste région de Temaniat, étaient presque dépeuplées et détruites...
Nous avons distribué un peu partout du blé et des aumônes, et il n'est pas nécessaire de dire que ces malheureux se montraient très reconnaissants envers nous.
Il est inutile, Eminent Prince, que je vous donne des détails plus précis sur le tableau désolant de l'épouvantable famine et de la mortalité dans cette très grande partie de notre Vicariat. Il faudrait plusieurs volumes. Il suffit que je vous parle rapidement de 4 points. J'assume toute la responsabilité de leur vérité et exactitude ; et ma présentation fort modérée est vraiment en-dessous de la terrible réalité.
1° Une grande partie des abondantes quantités de blé, de froment, de sésame, etc. et une bonne quantité de durah que ces terres très fertiles ont produites suite aux pluies extraordinaires dont nous avons parlé, n'ont pas pu être récoltées dans les campagnes, à cause du manque de bras des colons et des cultivateurs qui étaient morts ou qui étaient incapables de travailler.
C'est pour cela que, même avec la nouvelle récolte, la famine perdure encore dans ces régions, bien qu'un peu moins durement.
De nombreux grands propriétaires du Fleuve Bleu se sont adressés au gouvernement pour qu'il leur envoie des hommes et des soldats afin de moissonner les abondantes récoltes, en offrant en compensation plus de la moitié des produits. Mais le gouvernement, bien qu'appauvri pour n'avoir pu encaisser même pas un quart des impôts fonciers et personnels, bien qu'il n'ait pas pu payer les employés et les militaires de service (c'est pour cela que beaucoup d'entre eux ont été contraints de voler et de piller pour se procurer des vivres), a dû aussi refuser une offre aussi généreuse par manque de bras, et à cause des funestes conséquences de la faim et de l'épidémie qui ont décimé à une grande échelle le personnel de l'administration et de l'armée.
2° Dans une partie de notre Vicariat plus vaste que toute l'Italie, en partant de Khartoum et tout autour, la moitié de la population des deux sexes est morte à cause de la famine et de l'épidémie, ainsi que la moitié des animaux.
3° Dans de nombreuses autres régions du Vicariat, les trois-quarts de la population et des animaux sont morts.
4° Le pharmacien du gouvernement, Monsieur Fahmi, qui a été pendant longtemps le médecin de la Mission catholique, fort habile pour soigner le typhus et les fièvres dominantes au Soudan m'a souvent répété que dans de nombreux villages et de vastes régions au Sud-Est de Khartoum, et d'après l'affirmation faite aussi par de nombreux témoins oculaires, non seulement la totalité de la population des deux sexes est morte, mais aussi tout le bétail, les chameaux, les animaux et même les chiens, qui sont les gardiens providentiels assurant la sécurité publique dans ces villages malheureux.
Votre Eminence peut bien imaginer, d'après le peu que je vous ai raconté, quelle débâcle des finances de toute l'Œuvre ont causée cette terrible disette et cette épidémie qui ont sévi l'an dernier dans notre cher Vicariat, et combien de privations et d'angoisses elles ont procuré à nos Missionnaires, à nos Sœurs, et au nombreux personnel de nos Missions.
Mais tout cela est encore peu. Ce qui a le plus rempli mon esprit d'une profonde affliction, presque jusqu'à mourir d'angoisse et de douleur, ce fut les souffrances et la décimation que les maladies et la mortalité ont provoquées parmi le personnel actif de la Mission et les funestes conséquences qui, l'aimable et toujours divine Providence le voulant ainsi, en ont découlé.
Mais avec la grâce divine, cela n'a ni ébranlé notre courage, ni abattu la force de notre esprit. Toutes ces épreuves terribles et ces sombres calamités ont même fortement contribué à renforcer notre âme, à mettre entièrement notre confiance en ce Dieu des miséricordes, qui nous a précédés sur le chemin de la Croix et du martyre, et à nous maintenir fermes et constants dans notre vocation ardue et sainte.
Vers la fin du mois de septembre, quand les pluies diminuent, de violentes fièvres qui ont dégénéré en fièvres typhoïdes, des maladies terribles et mortelles, des maux de toutes sortes, ont frappé presque tous les membres de la Mission ; la variole maligne et le typhus pétéchial ont tué de nombreuses personnes.
Toutes les Sœurs de Khartoum sont tombées gravement malades. Sœur Savérine de Normandie toujours laborieuse et infatigable, qui n'avait jamais souffert d'aucune maladie, bien qu'étant depuis au moins trois ans sous ce climat mortel, a été frappée de terribles fièvres qui l'ont conduite au bord du tombeau.
Presque toutes les élèves et les orphelines de l'Institut féminin sont tombées malades, et beaucoup d'entre elles ont succombé sous la faucille de la mort.
Tous les Prêtres, sauf un, tous les Frères coadjuteurs européens, et presque tous les membres de l'établissement masculin ont été harcelés par des fièvres brûlantes et interminables et par de terribles maux, et beaucoup sont arrivés à toute extrémité.
L'Abbé Policarpe Genoud a été frappé par une forme foudroyante du typhus, et en moins de 20 minutes il rendit son dernier soupir. Sœur Henriette, une fleur française aux mœurs angéliques et une véritable héroïne de la charité, a été consumée au mois d'avril par un terrible typhus pétéchial ; c'était la dernière des neuf Sœurs de la bien méritante Congrégation de Saint Joseph de l'Apparition qui, victimes de la charité, ont fécondé cette Mission de leur travail et qui ont sacrifié leur vie pour la rédemption de la malheureuse Nigrizia.
Six Frères coadjuteurs européens, pieux et habiles, parmi lesquels l'excellent Ferdinando Bassanetti du diocèse de Plaisance et Antonio Iseppi de Vérone, sont morts l'un après l'autre en quelques jours.
13 de nos meilleurs élèves des deux sexes, bien formés et instruits dans notre très sainte Religion et dans les arts et métiers, sont morts. Rapidement, les grands établissements de Khartoum se sont transformés en des infirmeries qui finirent par devenir un vaste hôpital.
Puisque certains membres de l'Institut masculin se sont rétablis, bien qu'ils soient affaiblis par la véhémence des maladies, j'ai pensé, pour les faire changer d'air, les envoyer sur le Nil à bord d'un grand bateau vers Temaniat et Djebel Taieb, accompagnés par le seul Prêtre resté indemne de l'épidémie généralisée.
Je suis alors resté seul dans la capitale du Soudan pour administrer les sacrements et pourvoir aux besoins les plus urgents du nombreux personnel interne de la Mission, mais aussi des gens de la ville de Khartoum.
Pendant un certain temps, j'ai donc dû accomplir les tâches d'Evêque, de Prêtre, de Vicaire, de Supérieur, d'administrateur, de médecin et d'infirmier. Mais Dieu m'a offert une aide importante avec les Sœurs Savérine et Germaine, qui étaient elles aussi frappées par des fièvres très fortes; la première, qui restait presque tout le temps au lit, ou immobile dans sa chambre, était à tout moment consultée comme spécialiste des fièvres et du typhus, pour recevoir d'elle des conseils pour mieux s'occuper des malades.
Alors que je me trouvais seul au milieu de tant de calamités et que je croyais que j'aurais dû aider l'autre Sœur, Germaine Assouad, originaire d'Alep (l'arabe étant sa langue maternelle) à affronter la mort, comme par un prodige, animée par un sublime esprit de charité, elle bondit du lit de ses douleurs et pendant quatre mois elle endura d'indicibles fatigues, jour et nuit pour aider les malades, pour les soigner, et pour préparer à bien mourir les nombreux infirmes qui parlaient l'arabe, l'italien et le français.
Avec cette courageuse et infatigable fille de la charité j'ai partagé des efforts immenses, des peines et des douleurs indicibles. Elle a fait tout ce qu'elle a pu pour les autres, en oubliant complètement ses propres souffrances; elle accourait partout où on avait besoin d'elle.
Non seulement elle était prête à soigner les plaies, et à essuyer les larmes des malheureux, à aider les moribonds comme une infirmière très habile, mais elle se prêtait aussi avec un zèle apostolique à soigner les souffrances de l'âme, elle invitait à la pénitence et la Confession ceux qui étaient jusqu'alors sur le chemin de la perdition, elle se prêtait à instruire les catéchumènes, à conduire sur les chemins du salut éternel tous les dévoyés, à catéchiser les ignorants, à allumer la flamme de la foi et de l'amour de Dieu chez ceux qui s'apprêtaient à apparaître devant le Juge Suprême.
Que de bien a fait Sœur Germaine Assouad d'Alep ! Que de larmes a-t-elle essuyées ! Combien de baumes de consolation a-t-elle versés dans le cœur des malheureux ! Quelle grande aide m'a-t-elle m'a fournie dans la désolation qui sévissait et qui nous a frappés !
Ensemble nous avons éprouvé de si grandes angoisses quand nous ne pouvions pas soulager nos Missionnaires, nos Sœurs et nos Frères coadjuteurs malades, ni même leur donner un peu de bouillon pour les restaurer, parce qu'il nous était impossible de trouver quoi que ce soit pour le faire, même à un prix élevé. Que de difficultés ! Que de malheurs ! Dieu seul peut mesurer la grandeur et l'intensité de notre douleur.
Mais l'angoisse la plus désolante, et le coup le plus dur qui m'a frappé et projeté dans un océan d'amertume et de douleur, a été la perte irréparable que la mission a subie de l'incomparable Abbé Antonio Squaranti, le bras droit de la sainte Œuvre, mon véritable ange du réconfort et du conseil.
Dieu, dans ses insondables mais toujours bienveillants desseins, me l'a pris, pour lui donner la couronne réservée aux justes. Il a été un homme d'une loyauté sans faille, dont la rectitude et la fidélité sont sans comparaison, pieux, savant, prudent, de caractère doux, très humble, obéissant, très zélé pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, entièrement enflammé pour la rédemption de la Nigrizia.
Ce digne Prêtre, que Vérone, et surtout la Paroisse de Saint Paul n'ont pas encore oublié pour les grands résultats qu'il a pu obtenir là-bas grâce à son zèle sacerdotal, m'a été généreusement accordé par le zèle ardent de Votre Eminence pour succéder au pieux Abbé Alessandro Dalbosco dans la direction des Instituts Africains de Vérone. Il est resté à ce poste important et très délicat pendant plus de six ans sans interruption. Durant cette période ce Prêtre a fait preuve de sagesse, d'esprit d'initiative, et a manifesté ses très belles vertus.
En 1877, après ma consécration épiscopale, pour des raisons multiples et importantes qu'il est inutile de citer ici, j'ai pensé l'amener avec moi en Afrique Centrale comme Administrateur général des biens temporels du Vicariat, avec l'intention d'en faire ensuite mon Vicaire Général, et plus tard, si toutes les conditions voulues étaient réunies, de le faire nommer par le Saint-Siège, Evêque et mon coadjuteur avec droit de succession dans le gouvernement de notre difficile et laborieuse Mission.
Bien que l'Abbé Antonio Squaranti ait beaucoup travaillé pendant le voyage et enduré de grands efforts, il a cependant toujours conservé une bonne santé, et il a prouvé qu'il pouvait tenir fermement et inébranlablement dans son nouveau ministère fort difficile.
Au cours des mois très chauds de juin et juillet, il a été surpris par la faiblesse et la fatigue que tous les Européens ressentent pendant cette saison, surtout la première année de leur séjour à Khartoum; mais à l'apparition des pluies tropicales, il a commencé à retrouver les forces d'autrefois.
A l'arrivée du nouveau Kharif et des pluies diluviennes tombant sur une terre aride et brûlée par le soleil et par la terrible sécheresse de l'année précédente, je me suis bien clairement rendu compte que nous allions à la rencontre d'une saison meurtrière, pleine de conséquences terribles, et d'affreuses calamités.
Pour sauver une personne si importante des épreuves d'une maladie pernicieuse qui pouvait l'atteindre, car c'était la première fois qu'il respirait cet air, et comme il était déjà affaibli par les fatigants voyages qu'il avait accomplis, et de surcroît enclin aux troubles gastro-intestinaux qui l'obligeaient à être modéré et sobre, j'ai décidé de le faire changer d'air, et de l'éloigner des dangers en l'envoyant à Berber, chargé de visiter cette Mission, où se trouvaient déjà depuis six mois les cinq premières Sœurs de l'Institut de Vérone, qu'il avait formées à l'esprit et à la vie apostolique de l'Afrique Centrale avec la collaboration d'une Supérieure très sage.
Il a obéi immédiatement à mon ordre, sans se rendre compte que je l'éloignais du théâtre de l'imminente épidémie pour lui en éviter les dangers.
Il partit à bord d'un bateau en compagnie d'un négociant syrien, et, le jour de la fête de l'Archange Saint Michel, après 13 jours de voyage, il arriva à la Mission de Berber, où en peu de temps, il s'est parfaitement rétabli.
A la mi-octobre, il m'a même annoncé dans une lettre qu'il se sentait très fort et vigoureux, et que même en Europe il n'avait jamais joui d'une santé si parfaite. Mais il devait rester là-bas jusqu'à ce que je le rappelle à Khartoum.
Pendant ce temps, le terrible fléau de l'épidémie que j'ai déjà citée dans ces pages sévissait à Khartoum. Les funestes nouvelles des maladies et des morts qui avaient frappé la Mission arrivèrent aux oreilles de Squaranti; il a été aussi attristé en apprenant que j'étais seul pendant un certain temps sur le théâtre de cette désolation pour administrer les Sacrements et aider les moribonds, bien qu'après le retour des convalescents à Khartoum, j'aie été secondé par l'Abbé Carmino Loreto, un jeune Prêtre de Naples, qui est ensuite parti regagner sa patrie.
Quand notre cher Squaranti a été informé que ma situation était terrible et critique, et que dans la capitale des possessions égyptiennes du Soudan, il y avait de nombreux malheureux qui avaient besoin du ministère sacerdotal, sans perdre de temps, il est monté avec l'Abbé Vanni à bord du premier bateau arabe qui partait pour Khartoum, tellement rempli de pauvres gens que les Missionnaires pouvaient à peine bouger.
Je ne parlerai pas ici des désagréments de ce voyage qui a duré 15 jours.
Le onzième jour, l'Abbé Squaranti a été assailli par une fièvre brûlante. Comme tous les deux étaient partis précipitamment, ils avaient oublié de prendre avec eux des médicaments et de la quinine, comme cela se fait habituellement. La fièvre l'a assailli à nouveau avec encore plus de violence le douzième et le treizième jour.
Le dernier jour, l'attaque a été si forte et si accablante que Squaranti était vraiment à l'article de la mort; il avait déjà fait le don total de sa vie au Seigneur, et quand il est arrivé à Khartoum, il se préparait au grand passage.
En le voyant aussi maigre et consumé par quatre jours seulement de fièvre, j'ai été frappé de stupeur. Bien que j'aie nourri dans mon cœur un très faible espoir de le sauver, nous avons déployé notre affection et tous les moyens pour le soigner, nous avons consulté les médecins et utilisé les médicaments les plus efficaces, en n'épargnant rien pour le réconforter et prolonger son existence.
Mais tous les soins et les attentions se sont avérés inutiles. Douze jours après être arrivé à Khartoum, réconforté par tous les dons de notre sainte Religion, parfaitement calme et résigné, le visage souriant, consumé par l'amour de Dieu, il s'est envolé vers son Créateur le 16 novembre 1878 à 7 heures du soir, pour recevoir la récompense de ses sublimes vertus.
L'héroïsme de sa charité, pour avoir voulu courir à mon secours dans le théâtre des calamités les plus terribles, pour se sacrifier entièrement au salut des âmes dans une situation aussi dangereuse, lui a procuré la mort, qui nous a tous plongés dans une immense désolation et une grande douleur.
Cette grave et douloureuse perte du bras droit de la Mission, les énormes efforts soutenus, et la quantité inattendue de calamités, d'angoisses et de douleurs, si nombreuses que de longues pages ne suffiraient pas pour les décrire, tout cela a fini par miner et abattre ma robuste constitution, et ma santé.
Après avoir passé de nombreux mois sous l'épouvantable poids de tant de croix et de douleurs, sans jamais dormir, pas même une heure sur vingt-quatre, ni de jour, ni de nuit, le 16 janvier 1879 au soir, après avoir été appelé au chevet d'un malheureux riche négociant orthodoxe, qui, le matin, en très bonne santé, s'était occupé de ces affaires, et le soir exhalait son dernier soupir, j'ai été saisi d'une violente fièvre qui usa toutes mes forces et me réduisit à un état déplorable.
Mais face à des calamités si épouvantables le cœur du Missionnaire Apostolique doit-il s'égarer et succomber sous le poids de tant de malheurs ? ... Jamais ! La croix est la voie royale qui mène au triomphe. Le Sacré-Cœur de Jésus a palpité aussi pour les pauvres Noirs.
Le véritable apôtre ne recule jamais devant les obstacles les plus terribles, les contradictions les plus violentes, et il affronte de pied ferme les nombreuses tribulations, et le coup des tempêtes les plus furieuses. Il marche vers le triomphe par la voie du martyre.
Pareillement à nos confrères Missionnaires de Chine qui ne reculent pas face à la mort et aux supplices les plus impitoyables, nous affronterons courageusement les grandes fatigues, les voyages périlleux, les privations épouvantables, le lent martyre d'un climat accablant et des fièvres brûlantes, les sacrifices les plus durs, et même la mort, pour gagner à la Foi les peuples de l'Afrique Centrale, et pour les rassembler tous à l'abri de l'unique bergerie du Christ.
Alors que nous, humbles ouvriers de la malheureuse Nigrizia, soutenons de pied ferme le choc impétueux des croix et des calamités de notre difficile et laborieux apostolat, nous devons aussi imiter nos vénérables Confrères et Vicaires Apostoliques de Chine, de Mongolie et des Indes pour élever nos voix vers nos généreux bienfaiteurs, pour implorer de l'aide en faveur de nos malheureux et toujours chers Africains qui gémissent encore sous le poids de nombreux malheurs. Clamant penuria pauperum, clamant nudi,clamant famelici (Saint Bernard. Epist. XLII), "Les pauvres crient leur misère, ils crient leur nudité, ils crient leur faim ".
La disette, les épidémies ! la faim, la soif !... paroles terribles, terribles maux, pénibles fléaux ! ... Depuis David qui pâlit à la menace du Prophète Gad : veniet tibi fames in terra tua...erit pestilentia in terra tua (2 Rois, 24,13), je crois que rarement quelqu'un en entendant prononcer de telles paroles temperet a lacrymis (Virgile), n'ait pas tremblé et crié: Libera nos Domine !
Qu'arrivera-t-il si la faim, la soif, et la terrible épidémie s'acharnent, sévissent ensemble, en semant la misère, la désolation et la mort sur la terre déjà désolée du peuple malheureux de Cham ?
Alors, se réalisera la parole du prophète : "pandetur malum super omnes habitatores (Jer.1, 14)". Mon âme est encore troublée alors que je me souviens, comme je l'ai fait dans ces pages, de la ruine et des dévastations que la famine et l'épidémie ont provoquées dans mon vaste Vicariat, et dont j'ai été, en partie, le témoin oculaire.
Mais même si tout cela réveille ma douleur, et m'effraye seulement par son évocation, j'ai raconté cette histoire amère, digne de notre pitié et de nos larmes, parce que quod non audeo ego, audet et charitas, et cum fiducia pulsat ad ostium amici, nequaquam putans pari se debere repulsam (St. Bernard, Epist. XI).
C'est pour les pauvres Noirs que je parle; c'est pour ceux qui sont nus, pour les fils affamés de l'Afrique Centrale; et c'est justement propter nomen Domini Dei nostri quaesivi bona tibi. Plein de confiance dans cette charité, (bona mater charitas...diversis diversa exhibens, sicut filios diligit universos (St Bernard, Epist. II), pour les pauvres Noirs, et je parlerai et je pleurerai en même temps pour le saint et sublime apostolat de l'Afrique Centrale.
Les nations civilisées d'Europe et d'Amérique, et surtout l'Episcopat et les généreux et fervents catholiques de France, de l'empire Austro-hongrois, d'Allemagne, d'Italie, d'Angleterre, de Belgique, etc., ont vivement réagi à l'annonce du terrible fléau de la famine qui avait frappé depuis quelques années de nombreuses et vastes provinces de la Chine, des Indes Orientales, de la Mongolie, de l'Afrique, et d'autres Missions de la terre. Touchés par une immense charité et par la compassion la plus tendre pour de si nombreux malheureux, ils ont rivalisé d'efforts pour secourir efficacement leurs malheureux frères.
Nous tous, Evêques et Vicaires Apostoliques des Missions étrangères dans les régions des infidèles, nous aurons une reconnaissance éternelle envers les vénérables Evêques Catholiques et les généreux bienfaiteurs d'Europe, qui nous ont prodigué de si nombreux secours. De nos missions, les ferventes prières de nos chers fils, régénérés par le saint Baptême, s'élèveront chaque jour au ciel. Oui, nos néophytes prieront toujours pour nos magnanimes bienfaiteurs.
Mais sans rien ôter à ce désolant tableau de la famine et des calamités qui ont fait rage dans les régions reculées et qui ont été décrites avec précision par nos vénérables confrères les pasteurs de ces importantes Missions, ainsi que par les Consuls et les représentants des nations civilisées d'Europe accrédités auprès de ces gouvernements étrangers, je n'hésite pas à manifester mon humble avis, et après avoir longuement et raisonnablement réfléchi, j'ose prononcer, cette très grave affirmation : la famine et l'épidémie de l'Afrique Centrale ont été bien plus terribles et épouvantables que celles de la Chine, des Indes, et de toutes les autres Missions apostoliques de l'univers.
En voici les principales raisons:
I° : Aux Indes et en Chine, sans tenir compte de la disette et de la famine, le climat est généralement doux et supportable, et dans de nombreuses régions, il est plus salubre que celui d'Europe. De plus, l'air y est généralement plus agréable et plus sain, on y boit de l'eau limpide, fraîche et savoureuse. La douceur du climat, la pureté et la fraîcheur de l'air et de l'eau apportent un soulagement délicieux, et c'est déjà une grande ressource pour les pauvres affamés.
Au contraire, dans la plus grande partie des pays d'Afrique Centrale, en plus de la famine et la disette la plus désolante, il y a un climat accablant et insupportable, les chaleurs y sont excessives et suffocantes même dans les habitations et les taudis, où on peut s'abriter à l'ombre.
Ensuite, dans les interminables déserts, où le Missionnaire ne peut se reposer nulle part, car il n'y a pas d'ombre, ce dernier voyage sous les rayons cuisants du soleil de 11 heures du matin à 4 heures de l'après-midi, et ne rencontre que du sable aride et un ciel enflammé sous 40, 50 et même 60 degrés, il cherche en vain un soulagement, car il est vraiment impossible de trouver une des ressources citées ci-dessus, qui au contraire soulagent le pauvre affamé des Indes et de Chine.
De plus, dans les immenses régions éloignées des grands fleuves, comme dans le Cordofan, dans le Darfour, et au Djebel Nouba, ou dans les tribus de l'intérieur, il faut ajouter au fléau de la faim celui encore plus terrible de la soif ; l'eau, graisseuse, boueuse, saumâtre et rebutante, puisée dans des puits d'une profondeur de 30 à 40 mètres, est parfois plus chère que le vin en Italie.
Certains jours, on n'en trouvait pas même en voulant la payer très cher.
Qui pourra mesurer ma douleur et l'étendue de toutes ces privations ?
Je ne peux pas passer sous silence le cas non moins grave du manque de sel pour assaisonner la nourriture, que nous avons parfois expérimenté.
Si nous tenons compte de toutes ces circonstances critiques qui aggravent la condition des affamés en Afrique Centrale, la vérité éclatante du premier point de mon affirmation citée ci-dessus brillera, et montrera la gravité des malheurs de la faim et de la pénurie généralisée en Afrique Centrale, bien plus terribles et effrayants que dans les autres Missions du monde.
II° : Je n'ai jamais lu ou entendu dans l'histoire et dans les informations concernant la famine aux Indes, en Chine et dans les autres régions de la terre, que les articles de première nécessité aient fait défaut aux Missionnaires, aux Sœurs, et aux Frères coadjuteurs venus d'Europe dans ces pays, ni que ces articles de première nécessité aient coûté des prix exorbitants et fabuleux, jusqu'à 10, 20 ou 30 fois plus cher que d'habitude, comme j'en ai parlé ici. Or, tout cela est arrivé en Afrique Centrale.
Nos Missionnaires, nos Sœurs, nos Frères coadjuteurs de Vérone dans le Cordofan, au Djebel Nouba, ainsi que certains négociants et employés dans le Darfour, près du Fleuve Blanc, et du Bahar-el-Ghazal, ont manqué totalement de pain ; et pendant longtemps, ils ont été contraints, malgré la nausée et la répugnance, de se nourrir de dokhon, une espèce de millet,(penicillaria) qui a été payé à Khartoum jusqu'à 140 thalers l'ardeb, c'est-à-dire 636 francs-or, alors qu'il coûtait habituellement 3 thalers, l'équivalant de 15 francs-or environ, il a donc été payé 46 fois plus que d'habitude.
Oh ! que mon cœur a été angoissé en me voyant dans l'impossibilité absolue de faire quelque chose contre une si dure calamité !
Que de chagrin m'a procuré la simple pensée de la pénurie généralisée dans le Cordofan, laquelle a privé Sœur Arène Le Floch, la généreuse Supérieure d'El-Obeïd, du modeste réconfort d'un peu de pain de froment trempé dans de l'eau, alors qu'elle gisait sur son lit de mort, et qu'elle s'apprêtait à s'envoler vers le Paradis !
Les privations et la disette généralisée qui avaient frappé la plupart des pauvres indigènes dépassent toute imagination et toute mesure ; et je suis sûr qu'aucun pays au monde n'est aussi malheureux que cette grande partie de la Nigrizia.
III° : Je n'ai non plus jamais entendu ou lu dans les journaux et dans les Annales des Missions des Indes, de Chine et des autres parties du monde, que la faim, la soif et les épidémies aient eu comme conséquence cette terrible et épouvantable mortalité, dont j'ai déjà parlé dans ce bref rapport, à cause de laquelle, dans certaines vastes zones du Soudan, une grande partie de ces malheureuses populations a été victime de la mort; et dans certaines localités, non loin de la capitale des possessions égyptiennes dans la Nigrizia, la moitié, les trois quarts et parfois la totalité des habitants sont morts, ainsi que la moitié, les trois quarts et parfois la totalité des animaux, jusqu'aux chiens qui sont normalement fort et vigoureux ce qui en fait généralement, dans ces régions, les gardiens providentiels de la sécurité publique, contre les bandits, les assassins et les bêtes féroces.
IV° : Aux Indes et en Chine, l'industrie est très développée, la culture et la civilisation sont très anciennes; et pour ne citer rien d'autre, les Grandes Expositions Universelles et Mondiales que nous avons admirées à Londres, Paris, Philadelphie et Vienne depuis bien 5 lustres, nous ont donné une idée des grands progrès de l'industrie et de la culture de ces empires d'Extrême-Orient.
En matière de mécanique et de constructions indiennes et chinoises, on peut dire qu'elles rivalisent, sous certains points de vue, avec l'Europe.
Dans ces pays, malgré la famine, en plus de la clémence du climat et de la salubrité et de la fraîcheur de l'air et de l'eau, il y a des maisons confortables et solides dans lesquelles on peut se protéger des intempéries des saisons, des pluies diluviennes et des rayons brûlants du soleil.
Il n'en est pas de même dans les terres inhospitalières et les contrées reculées de la Nigrizia; l'industrie y est quasiment inconnue, et la culture et la civilisation viennent tout juste de naître.
En fait, on peut dire que ces pays sont encore primitifs, et que beaucoup d'entre eux sont encore plus en retard en matière de culture et de civilisation que nos premiers parents Adam et Eve après leur chute...
A l'exception de la ville de Khartoum, laquelle, après la fondation de la Mission catholique, possède quelques maisons en pierres et en briques cuites, sur le modèle de l'établissement de la Mission et de notre résidence qui ont été les premiers à être construits à l'européenne, en Afrique Centrale, donc dans tout le Vicariat d'Afrique Centrale, il n'y avait aucune maison en pierres ou en briques cuites comme en Europe. Les quelques maisons des grands et des riches sont construites avec du sable, de la boue, en adobe, mais elles sont si fragiles qu'elles tombent ou s'écroulent rapidement au bout de quelques saisons de pluies diluviennes pendant le Kharif (saison des pluies annuelles). Les maisons en pierres ou en briques appartiennent aux familles privilégiées et opulentes des principales villes, où siège un Pacha, ou un gouverneur de Province.
Mais la plus grande partie des habitations de l'Afrique Centrale appartenant à la classe moyenne sont construites avec de la paille ou en pisé ; et une grande partie de la population pauvre n'a que quelques cabanes rudimentaires pour s'y réfugier la nuit ou pendant le Kharif, ou alors elle s'abrite dans des cavernes ou sous des arbres ; beaucoup de personnes n'ont même pas cela, et sont contraintes de vivre à ciel ouvert, sans avoir de refuge pour s'abriter des chaleurs ou des pluies annuelles.
Il faut ajouter aussi le fait important que presque tous les Africains d'Afrique Centrale dorment toujours à même le sol, à l'exception des chefs et des personnes aisées qui dorment sur une peau de vache, de tigre (sic !), ou d'un autre animal.
Les gens sont presque tous complètement nus, demeurent ainsi durant la nuit qui est parfois assez froide, et restent sous les rayons brûlants du soleil, ou bien sont exposés aux vents, aux pluies, et à l'humidité pendant la journée, ce qui cause souvent des fièvres meurtrières et d'autres maladies mortelles.
Dans ces contrées reculées, pendant la saison du Kharif non seulement les classes pauvres mais aussi les plus aisées sont sans abri. En effet, lors des pluies diluviennes annuelles, beaucoup de maisons construites avec des rameaux, de la paille, du sable, de la boue ou de la terre séchée au soleil, s'écroulent complètement, fondent comme le sucre ou le chocolat quand elles sont imbibées d'eau.
Ainsi la plus grande partie de la population de l'Afrique Centrale est privée d'abri pour se protéger pendant la saison des pluies, et reste ainsi exposée à toutes les intempéries, au froid pendant la nuit, à la chaleur pendant la journée, de sorte que beaucoup de ces malheureux tombent malades. Ils contractent ainsi des fièvres contagieuses, qui mettent fin à une vie misérable par une mort encore plus misérable et malheureuse.
Mesurez, Eminent Prince, l'étendue des souffrances de ces populations africaines si malheureuses, frappées par la faim, la soif, la chaleur, le froid, exposées à toutes les intempéries des saisons très différentes les unes des autres et fort dangereuses, sans abri possible, et sujettes à de nombreuses maladies mortelles.
Comparez toutes ces misérables conditions avec celles beaucoup plus clémentes et saines des populations des Indes et de l'Extrême Orient. La vérité de mon affirmation citée ci-dessus sera ainsi évidente: à savoir que la famine et les épidémies en Afrique Centrale ont été beaucoup plus terribles et épouvantables que celles des Indes, de Chine, de Mongolie et de toutes les autres Missions Apostoliques de l'univers.
V° : Finalement, l'erreur funeste et très pernicieuse du fatalisme de l'Islam, l'ignorance extrême et l'habituelle condition malheureuse de ces pauvres Noirs gisant sous l'impitoyable joug de l'esclavage le plus terrible et le plus horrible, tout cela aggrave outre mesure la misérable condition des affamés de l'Afrique Centrale par rapport à celle des affamés des Indes, de Chine, et des autres Missions de la terre.
Le fatalisme de l'Islam, et l'extrême ignorance des pauvres Noirs abrutis sous le poids de l'esclavage, est une des principales raisons pour laquelle l'affamé lui-même ne se préoccupe pas de son malheur, de ses misères, de sa faim, de sa soif, de ses privations, de ses maladies, et des dangers qui menacent sa vie; et la société de ses frères africains dominés par la superstition du fatalisme au milieu desquels il vit, y fait encore moins attention.
Le mahométan affamé, qui ne possède ou ne trouve rien pour se rassasier et pour survivre (et cela est pire pour l'esclave noir), est convaincu que c'est la dure loi du fatalisme, selon laquelle il doit accepter le destin voulu par Dieu, c'est-à-dire qu'il doit absolument mourir, car Dieu l'a destiné à cela, sans se secouer, sans s'inquiéter, sans faire de bruit, sans se plaindre, il est complètement résigné à son destin; il demeure tranquille et serein, il ne se soucie de rien, il ne fait aucun effort pour trouver des solutions, pour éloigner de lui le malheur. Souvent, en proie à son fatalisme, il s'installe devant la porte, ou à côté de sa maison, derrière une cabane, ou encore sous un arbre, il reste là impassible, et imperturbable, il attend la mort, s'écriant avec son prophète: "Allah Kerim", c'est-à-dire, Dieu est digne d'honneur !
Face à un malheur qu'ils déclarent établi et décidé par Dieu, suivant le même fatalisme, le même principe et pour la même raison, sa famille, ses frères, sa patrie, ne bougent pas, ne font rien pour éloigner de telles disgrâces.
Ainsi, il n'est pas rare que dans une même ville, un même village, de graves malheurs arrivent sans que la population ne s'en rende compte, s'en préoccupe, ou s'efforce de les éloigner ou d'y apporter des remèdes.
Mais aux Indes, en Chine et dans les autres Missions du monde, les populations sont en général plus sociables, plus cultivées, plus civilisées, et plus industrieuses. L'affamé, et celui qui est frappé par un malheur, se débrouillent, s'ingénient, s'adaptent, et font en sorte de l'éloigner. Sa famille s'associe à ce malheureux, ainsi que ses parents, ses amis, ses concitoyens; un sentiment d'humanité et de philanthropie s'éveille, et le malheureux est soulagé par ses propres efforts et par le secours des autres.
Donc, dans ces vastes royaumes et empires, la condition des affamés et des malheureux est vraiment meilleure et davantage supportable qu'en Afrique Centrale.
De surcroît ces gouvernements, qu'on peut considérer, sous un certain aspect, comme réguliers, parce qu'ils maintiennent des relations diplomatiques avec les grandes puissances d'Europe et d'Amérique, ont fait d'immenses sacrifices pour aider leurs citoyens affamés.
Même les Princes et les Princesses indiens, et les Mandarins de Chine ont fourni de généreuses aides aux pauvres, et c'est surtout le gouvernement de la Reine d'Angleterre et Impératrice des Indes qui leur est venu en aide avec de considérables aumônes. Les Ministres plénipotentiaires, les Consuls des nations accrédités auprès de ces gouvernements se sont également mobilisés énergiquement en leur faveur.
Mais en Afrique Centrale, les gouvernements locaux ne se préoccupent pas du tout des malheurs et des calamités de la population.
Généralement, ils ne pensent qu'à saigner à blanc leurs sujets et à prélever le plus d'impôts possibles, même par toutes sortes de violences.
La seule personne animée par de nobles sentiments, pleine de bonne volonté, et capable d'agir efficacement pour soulager tant de calamités, aurait pu être l'excellent Gordon Pacha, Gouverneur Général des possessions égyptiennes au Soudan. Mais il n'était pas là à l'époque où sévissait le fléau de la famine. Et quand il est revenu à son poste à Khartoum, il était dans l'impossibilité absolue de disposer d'aides importantes, parce qu'il n'avait pas pu cette année-là prélever les divers impôts dans plusieurs provinces, et il manquait d'argent et des fonds nécessaires pour maintenir l'armée et les diverses administrations de ces vastes possessions éloignées.
A cause de cette pénurie généralisée, il a même été contraint de licencier une partie de ses employés, et de réduire les rangs de l'armée égyptienne, car il ne pouvait pas en payer les salaires. Par conséquent, ensuite, de nombreuses personnes licenciées sans être payées se sont adonnées au vol et à la violence, sous prétexte qu'elles devaient vivre, et ne voulaient pas mourir de faim.
Aux Indes, en Chine, en Mongolie, et dans les autres Missions, dès que l'horrible fléau de la famine est apparu, les Evêques, les Vicaires Apostoliques et les Missionnaires, avec beaucoup d'autorité, ont élevé leur voix, qui résonna aux oreilles des généreux bienfaiteurs d'Europe ; et grâce à la bonté divine, ils ont pu recevoir des aides importantes.
En revanche, en Afrique Centrale, j'ai été le seul et unique Evêque et Vicaire Apostolique, et j'ai donc pu élever ma voix beaucoup trop tard, au moment où tous les esprits et les pensées étaient absorbés par les affamés des Indes, et tous les regards tournés vers la Chine, la Mongolie, et les autres Missions désolées du globe.
Mais ma voix était faible et isolée ; mon cri de douleur a résonné trop tard. Et même si de nombreuses et opportunes aides de bienfaiteurs généreux et pieux sont venues adoucir les angoisses de mon âme, et soulager de grandes misères, elles n'ont cependant pas réussi à faire front aux besoins les plus urgents. Cependant, la miséricorde divine, grâce à l'immense charité des bienfaiteurs, a fait tenir debout les Missions difficiles et importantes du Vicariat, et elle a sauvé de nombreuses âmes en pourvoyant aux besoins les plus urgents.
Les Missionnaires, les Sœurs, les Frères coadjuteurs, et le personnel de la Mission ont tenu de pied ferme, et supporté avec une constance invincible, avec courage et résignation, les plus grandes privations et les plus grands sacrifices.
Nous avons énormément souffert ; et nous en sommes contents et heureux, parce que le Seigneur a daigné nous faire participer à sa passion, et il nous a beaucoup aidé à porter sa Croix divine, symbole de la résurrection et de la vie.
Bien que le Vicariat de l'Afrique Centrale subisse encore les conséquences de ces terribles calamités, nous nourrissons dans notre cœur l'espoir le plus ferme qu'aidée encore plus efficacement par les prières et les aumônes de nos pieux, généreux et aimés bienfaiteurs d'Europe, notre Mission ardue et sainte sortira certainement purifiée et indemne des désastres et de la mortalité cités ci-dessus, dont dans l'histoire de l'Afrique Centrale on ne trouve pas d'autres exemples, et qui dépassent, sans comparaison possible, toutes les calamités que le Vicariat a subies depuis l'époque de sa fondation le 3 avril 1846.
Telle est mon humble et modeste opinion sur la famine et les épidémies en Afrique Centrale en 1878-1879, qui ont été plus épouvantables et terribles que celles des Indes, de Chine, de Mongolie, et de toutes les autres Missions apostoliques de l'univers.
D'après ce simple tableau qui illustre la famine et les épidémies dans notre Vicariat, il apparaît très clairement que la Mission d'Afrique Centrale est une Œuvre divine, parce qu'elle est marquée par l'adorable sceau de la Croix, comme les Œuvres de Dieu les plus saintes qui, dès les premiers siècles de l'Eglise, ont surgi pour réjouir et embellir la vénérable Epouse du Christ.
C'est pour cela que la Mission de l'Afrique Centrale est digne, Eminent Prince, de votre charitable et haut patronage, et digne des magnanimes bienfaiteurs qui, jusqu'à aujourd'hui, ont efficacement aidé sa fondation, son développement, et sa consolante croissance.
Dans cette grande Œuvre s'est manifesté clairement le doigt de Dieu.
L'heure a sonné pour la Rédemption des très malheureux peuples d'Afrique Centrale qui gisent encore aujourd'hui dans les ténèbres et à l'ombre de la mort. Vraiment cette mission est la plus difficile et la plus laborieuse de l'univers entier ; et c'est pour cela que le zèle apostolique suscité et aidé par la grâce et la volonté divine a pu, seulement aujourd'hui, réussir à rendre possible ce difficile et fort laborieux apostolat, qui exige les vertus les plus solides, les sacrifices les plus durs et aussi le martyre.
Mais il est vrai aussi qu'au sein de l'Eglise agissent encore le zèle et la charité pour conduire, maintenir, et faire prospérer les Œuvres divines, qui ont pour but la plus grande gloire de Dieu, et le salut des âmes les plus délaissées et les plus nécessiteuses du monde, malgré tous les efforts des puissances infernales, qui s'affairent avec une intention diabolique pour abattre et détruire la Religion catholique, et son merveilleux apostolat dans le monde.
Non! Jamais les puissances de l'abysse ne réussiront à détruire l'Œuvre de Dieu, ni à éteindre dans le cœur des catholiques la flamme de l'amour généreux qui la soutient, lui donne la vie, la croissance et la prospérité.
Il s'agit d'arracher du sein de la barbarie et de l'infidélité cent millions d'infidèles, sur lesquels pèse encore le terrible anathème de Cham.
Il s'agit d'acquérir au Christ ces peuples gisant encore sous le poids de l'esclavage le plus horrible. Pour obtenir cette grande régénération de la Nigrizia, mon devoir sacré, en tant que Premier Pasteur, Evêque et Vicaire Apostolique d'Afrique Centrale, est de faire appel à la Foi et à la charité de tous les catholiques de l'univers, afin que, confiants dans l'immanquable promesse de Celui qui a dit : "demandez et il vous sera donné, cherchez et vous trouverez, frappez, et il vous sera ouvert", tous élèvent à Dieu une prière quotidienne et fervente pour obtenir ces deux grâces:
1°. Que Dieu suscite au sein de l'Eglise des ouvriers évangéliques fervents et saints, de généreuses et pieuses Sœurs de charité, des Mères de la Nigrizia, qui sous le drapeau du Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale, l'assistent et l'aident à acquérir ces âmes au Christ et à sa divine Eglise.
2°. Que Dieu suscite encore au sein de l'Eglise et de la société chrétienne de généreux bienfaiteurs afin que, par de saintes et abondantes aumônes, ils aident cette grande Œuvre de l'apostolat de l'Afrique Centrale, pour qu'elle atteigne son noble but, et pour que toutes les œuvres catholiques nécessaires pour maintenir la Foi et le culte divin, s'établissent dans ces contrées si reculées, et que ces populations puissent faire partie du grand troupeau de Jésus-Christ.
Que de mérites ont gagné et gagneront auprès de Dieu ceux qui ont prêté et qui prêteront leur concours efficace à cette Œuvre divine! Tous ceux-là, sans aucun doute, ont assuré leur salut éternel.
Nous implorons du Sacré-Cœur de Jésus, de Notre Dame du Sacré-Cœur, et du Glorieux Patriarche Saint Joseph Patron de l'Eglise, auxquels le Vicariat Apostolique de l'Afrique Centrale est consacré, toutes les bénédictions spirituelles et temporelles pour nos chers bienfaiteurs, fermes et inébranlables dans notre cri de guerre : "Ou la Nigrizia, ou la mort!" pour Jésus Christ et pour l'Afrique Centrale.
+Daniel Comboni
N° 1006; (1225) - NOTE SUR UNE LETTRE
ACR, A. c. 47/5 n.10
1880
N° 1007; (1175) - AUTOGRAPHE SUR UN MISSEL
MPMV
1880
N° 1008; (964) - A MONSEIGNEUR JOSEPH DE GIRARDIN
AOSIP, Afrique Centrale
Souakin (sur la Mer Rouge),
le 7 janvier 1881
Monsieur le Président,
Je me hâte de vous envoyer le Tableau des Statistiques pour la Sainte Enfance d'après les renseignements que je viens de recevoir de mon Supérieur de la Mission de Khartoum.
Je ferai tout mon possible pour bien organiser cette Œuvre dans mon difficile Vicariat ; mais je vous prie instamment, Monsieur le Directeur, de venir à mon secours. Il faut conquérir à l'Enfant Jésus l'Afrique Centrale qui n'a jamais pu se réjouir des bienfaits de la Foi.
Dans les années précédentes, je vous ai prié de m'envoyer l'allocation de la Sainte Enfance par l'intermédiaire du banquier catholique Monsieur Brown et Fils, à Rome. Hélas ! ce vieillard a fait banqueroute, et plusieurs ecclésiastiques (même des Evêques et des Cardinaux) ont perdu de l'argent. Par conséquent, n'envoyez plus rien à Monsieur Brown, car il a disparu de Rome.
Comme je n'ai pas de possibilité à Paris, je vous prie d'envoyer l'argent destiné à l'Afrique Centrale au Supérieur de mes établissements du Caire en Egypte, à l'adresse suivante :
Au Révérend Père Francesco Giulianelli
Supérieur des Instituts des Noirs pour l'Afrique Centrale
Le Caire (Egypte)
Je viens de recevoir la magnifique Lettre Encyclique du Pape pour la Sainte Enfance. Mon devoir sera d'écrire à tous les Evêques, Cardinaux, etc., (et surtout en Italie) que je connais particulièrement, pour les pousser à publier des Mandements, etc. ... et pour qu'ils fassent tout leur possible pour développer la Sainte Enfance. Cette Encyclique est providentielle, et vous, Monsieur le Directeur, vous y avez un grand mérite; vous avez directement poussé le Saint-Père Léon XIII à écrire cette lettre qui sauvera des millions d'enfants.
Il faut en profiter à présent. Il faut battre le fer tant qu'il est chaud. Les Evêques agiront avec courage malgré les temps difficiles. Avec...
+Daniel Comboni Evêque
et Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale
P.S. Demain, j'entre dans le désert (15 jours de voyage jusqu'à Berber) avec 16 personnes, des Missionnaires et des Sœurs.
Texte original français, corrigé.
N° 1009; (965) - A MONSEIGNEUR JOSEPH DE GIRARDIN
AOSIP, Afrique Centrale
Souakin, le 7 janvier 1881
Statistiques et notes administratives.
N° 1010; (966) - A MONSIEUR JEAN-FRANCOIS DES GARETS
APFL, Afrique Centrale, 7
Souakin (sur la Mer Rouge),
le 9 janvier 1881
Monsieur le Président !
Me voici entré dans la première ville orientale de mon Vicariat. Je vous envoie les deux petits Tableaux Statistiques pour la prochaine répartition; il manque le petit Rapport annuel, mais je crois qu'il vaut mieux ne pas le faire maintenant; j'attends d'avoir fait une partie de ma visite pastorale.
En attendant, je vous écrirai le plus souvent possible pour faire connaître la nature et les détails du laborieux apostolat d'Afrique Centrale, qui est si peu connu de nos chers bienfaiteurs et abonnés.
Puisqu'il est difficile de se former une idée exacte de notre terrain de travail, sans bien connaître ce que la science et la géographie ont fait pour cette partie du monde qui s'appelle l'Afrique, qui est la plus voisine de l'Europe, et qui est pourtant la moins connue (l'Eglise et ses Missions catholiques ont en cela une part très importante), je me suis proposé de vous envoyer un Rapport qui a pour titre : "Tableau historique sur les Découvertes Africaines", qui servira de base solide pour connaître non seulement la portée et l'importance des Missions catholiques de l'Afrique Centrale et Equatoriale, mais aussi de toutes nos Missions de l'Afrique entière.
Ce Rapport sera suivi du Tableau historique des Missions Catholiques de l'Afrique. Mais je développerai surtout les détails des Missions de l'Afrique Centrale, et les principaux travaux qui sont nécessaires, d'après nos expériences, pour bien installer une Mission au sein des tribus africaines.
Les travaux apostoliques de l'Afrique Centrale sont bien différents, plus laborieux et plus difficiles que ceux des autres Missions du monde; et c'est cela qu'il faut bien expliquer.
A Rome, j'ai été poussé par le digne et vénérable Monseigneur Masotti (c'est un homme éminent et supérieur) à écrire beaucoup et à expliquer ce qui se passe en Afrique Centrale ; je le ferai pendant mes moments de repos, et selon mes possibilités.
Je suis bien embarrassé à cause du manque de ressources, qui sont bien au-dessous du strict nécessaire qu'il faut pour les œuvres que nous avons dans le Vicariat, et pour celles qu'il faut absolument fonder pour le développement nécessaire de cette rude Mission.
Je vous prie, Monsieur le Président, de m'aider. Surtout les derniers postes de Missions ont besoin d'être aidés. Ah ! Je ferai tout mon possible pour bien faire marcher ces Missions.
Je viens de recevoir la magnifique lettre Encyclique de Léon XIII sur la Propagation de la Foi. C'est un monument de charité de la part de ce grand Pontife qui porte dans son cœur les Missions Apostoliques ; mais vous y avez un grand mérite pour avoir poussé le Souverain Pontife à écrire cette lettre.
Ah! Votre charité, votre dévouement et votre zèle sont admirables.
Nous sommes de petits Pygmées par rapport aux dignes membres des Conseils Centraux de la Propagation de la Foi.
Je me dois d'écrire à tous les Evêques et Cardinaux que je connais personnellement, surtout en Italie dans les diocèses où les ressources sont plus importantes, afin de les pousser à faire des Mandements, des prédications, et à recommander dans les églises l'Œuvre de la Propagation de la Foi, qui est la conditio sine qua non de l'existence et du développement des Missions, dans l'univers entier, et surtout de l'Afrique Centrale et des missions à l'intérieur de ces terres.
Demain, après-midi, je pars de Souakin pour Berber avec 50 chameaux ; en 15 jours nous traverserons le désert qui sépare le Nil de la Mer Rouge et j'espère arriver dans le Cordofan et au Djebel Nouba en passant par Khartoum pour la mi-mars.
Je pars avec une caravane composée de 16 membres de ma Mission, vous en trouverez les noms sur cette petite feuille pour les Missions Catholiques.
Nous ne cessons jamais de prier et de faire prier pour vous et pour l'Œuvre de la Propagation de la Foi. Je suis toujours
votre bien reconnaissant
+ Daniel Comboni Evêque
et Vicaire Apostolique
Texte original en français, corrigé.