Comboni, en ce jour

Dans une lettre à Elisabetta Girelli (1870) de Vérone l’on lit:
Nous sommes unis dans le Sacré-Cœur de Jésus sur la terre pour être unis ensuite au Paradis pour toujours. Il faut courir à grands pas sur les chemins de Dieu et de la sainteté, pour ne s'arrêter qu'au Paradis.

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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
1111
Card. Giovanni Simeoni
0
Khartoum
29. 08. 1881

N° 1111; (1065) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI

AP SC Afr. C., v.9, ff. 161-166

N° 14

Khartoum, le 29 août 1881

Eminent et Révérend Prince,

[6971]

Je vous envoie la Carte très précise du Dar Nouba que mes compagnons et moi avons tracée après mon importante exploration accomplie au mois de juin dernier avec beaucoup de diligence, mais en endurant des efforts indicibles et de nombreuses souffrances dans ces montagnes, afin de prendre les mesures nécessaires pour abolir l'infâme traite des esclaves qui, chaque année, a décimé ces malheureuses populations, et pour y établir notre sainte Foi.

Je ferai un rapport fort intéressant à ce propos et je vous l'enverrai le plus tôt possible, quand j'irai mieux, et quand j'aurai terminé mes autres travaux urgents. Une église vient d'être construite à Delen ; elle est deux fois plus grande que la maison des Chefs, du Cogiour et des Sultans du Dar Nouba, et c'est une merveille pour ces gens. J'y ai célébré la Messe Pontificale lors de la fête du Saint Sacrement et j'y ai solennellement administré le Baptême à huit ou neuf adultes et le sacrement de la Confirmation à 40 catholiques environ.


[6972]

Suite aux vives requêtes du Révérend Abbé Giovanni Losi, Supérieur provisoire de cette Mission, qui a rédigé un dictionnaire de plus de 3.000 mots de la difficile langue des Nouba, complètement inconnue de la science, et qui a traduit en cette langue les prières de l'Eglise et le catéchisme, j'ai nommé comme Supérieur de cette Mission l'Abbé Luigi Bonomi, que j'avais retiré de ce poste en 1879 pour qu'il me représente à Khartoum durant mon absence du Vicariat.

En effet, l'Abbé Losi me disait que l'Abbé Bonomi était le plus apte à donner un nouvel élan à cette Mission, et à surmonter toutes les difficultés qu'elle présente, et c'est vrai. A l'Abbé Losi qui lui avait donné la nouvelle de sa nomination l'Abbé Bonomi a répondu : "Il suffit que Monseigneur le désire, ou qu'il le souhaite et je suis très content de tout, parce que je ne veux accomplir que la volonté des supérieurs".


[6973]

Quant à l'abolition de la traite chez les Nouba, Son Excellence Rauf Pacha, Gouverneur Général du Soudan a suivi mes conseils à la lettre ; et d'ici un an, et peut-être moins, la totale abolition de la traite sera un fait accompli.

Je ne peux raconter l'immense joie et l'enthousiasme des chefs et de la population, car depuis ma visite, plus un seul fils, plus une seule fille, plus une seule vache, plus une seule chèvre n'ont été volés. Ils reconnaissent tous à l'unanimité que c'est l'Eglise catholique qui les a libérés. D'autant plus qu'ils ont vu les chefs des brigands Baggaras emprisonnés, tout comme je le leur avais promis de façon catégorique.

Cela rendra notre apostolat beaucoup moins difficile parmi ces gens. Rauf Pacha a aussi tenu compte de ma suggestion de diviser le Cordofan (où le Gouverneur, les employés, les magnats sont tous des voleurs, des assassins, et coresponsables de la traite dans la région des Nouba. A ce propos j'avais eu un entretien avec Son Excellence sur les mesures à prendre pour y remédier, bien que ce soit une tâche fort difficile), et de créer une province spéciale séparée depuis Birchet-Koli jusqu'à Bahar-el-Arab, à confier à un Européen qui ne soit ni voleur, ni filou.

Et cela aussi sera un fait accompli d'ici un an puisqu'à cette heure, le grand Pacha est en train de chercher en Egypte la personne convenable pour cette tâche, et il en a informé Son Altesse le Khédive, qui veut sincèrement en finir avec la traite des esclaves, qui continue encore en Abyssinie, à la frontière du Darfour, et dans quelques autres localités de la vaste monarchie égyptienne vers l'Equateur.


[6974]

Toutes proportions gardées j'ai réussi, à force de parler et d'écrire, à convaincre sérieusement Son Excellence le Gouverneur Général (j'en avais déjà parlé clairement au Khédive au Caire, qui m'a répondu avec de très belles paroles) de l'utilité et de la nécessité d'avoir une voie ferrée qui relie la Mer Rouge et le Nil à Khartoum. Outre les immenses avantages matériels pour l'Egypte et le Soudan, il y aurait aussi de grands avantages pour les Missions catholiques, et aussi pour faire cesser définitivement l'horrible plaie de la traite des esclaves en Afrique Centrale. Le fait est que hier, le Gouverneur Général est venu me voir ; il était enthousiasmé par la voie ferrée entre la Mer Rouge, le Nil et Khartoum, et il m'a dit qu'il avait écrit à ce sujet au Divan du Caire (qui y est opposé pour des raisons politiques), et qu'il ne le laisserait pas tranquille tant qu'il n'aura pas obtenu l'approbation ; et je suis sûr qu'il l'obtiendra.


[6975]

De cela aussi le Consul français est très convaincu. Il m'a promis de faire des démarches à Paris pour faire pression sur l'Egypte dans le même but. (S'il ne meurt pas, parce que depuis plusieurs jours j'envoie les Sœurs pour l'assister, car il souffre des fièvres brûlantes du Soudan). Entre-temps, Rauf Pacha prépare une bonne somme d'argent pour commencer la voie ferrée.


[6976]

Votre Eminence remarquera le Bahar-el-Arab au fond de ma carte du Dar Nouba. Eh bien ! depuis le mois de septembre de l'an dernier le Bahar-el Arab (j'étais alors à Rome, et j'ai lu sur les Missions Catholiques que les frontières septentrionales des Missions de Monseigneur Lavigerie, comme l'écrit ce Prélat, sont le Bahar-el-Arab), est pour moi, comme une épine dans le cœur, qui y restera jusqu'à la fin de mes jours ou bien jusqu'à ce que la Sacrée Congrégation prenne d'autres décisions plus opportunes et vraiment nécessaires.

Au Sud du Bahar-el-Arab, jusqu'au lac Albert Nyanza et l'Equateur vivent de nombreuses populations, qui parlent ou qui comprennent deux langues.

De ces langues, avec beaucoup d'efforts et d'étude, au bout de plusieurs années, nous avons pu rédiger un dictionnaire, un précis de grammaire, un catéchisme, et d'autres ouvrages déjà publiés (et je publierai le reste) qui constituent le matériel nécessaire et suffisant pour implanter la Foi dans ces régions, et ceci d'autant plus que ces pays font partie de la Couronne d'Egypte, qui est très favorable aux Missions catholiques de l'Afrique Centrale.

Mais j'ai confiance dans le doux Cœur de Jésus, et dans la sagesse, la charité et la justice du Saint-Siège, qui arrangeront tout.


[6977]

Aujourd'hui je souffre d'une autre épine dans le cœur qui m'arrive de Vérone à cause du profond désaccord entre mon bienfaiteur l'Eminent Cardinal de Vérone et moi, au sujet d'une vierge chrétienne, ou plus exactement au sujet de la vocation d'une certaine Virginie Mansur. L'Eminent la déprécie, moi, au contraire, je l'exalte. Mais ce chagrin s'efface petit à petit car, semble-t-il, l'Eminent Cardinal de Canossa a parlé de cette affaire avec Votre Eminence. J'en suis même réconforté (parce que à Rome on rendra la justice), et vu que mon cher Recteur l'Abbé Sembianti a reçu l'ordre de Votre Eminence de sommer Virginie de ne pas partir pour le moment en Afrique, je considère cet ordre comme très sage, vénérable, juste, et il sera exécuté à la lettre.


[6978]

Rien ne doit se faire au sujet de Virginie sans que cela soit décidé et ordonné par Votre Eminence, car vous êtes le véritable interprète de la volonté divine, quand vous aurez entendu les deux sons de cloche, c'est-à-dire celui de Vérone, et celui de l'Afrique Centrale, et ceci pour le triomphe de la justice, de la charité et de la vérité, dont l'asile béni est uniquement la Rome papale.


[6979]

La prochaine expédition étant proche, je ne peux pas commencer à vous écrire à ce sujet, mais je le ferai dans le prochain courrier de samedi, c'est-à-dire dans trois jours, si Dieu me donne la force et la santé, parce que je suis encore faible, et que je manque de sommeil et d'appétit.

Après les premières explications que je vous donnerai, je prierai votre bonté de bien vouloir écrire, si vous le jugez opportun, au Père Sembianti pour qu'il ordonne à Virginie de rester dans le couvent à Vérone en tant que postulante, qui est la condition la plus basse du couvent, et ceci jusqu'à nouvel ordre de Votre Eminence. Le couvent et l'institution sont à moi, Votre Eminence en est donc le maître.


Votre indigne fils

+ Daniel Comboni


1112
Père Giuseppe Sembianti
0
Khartoum
30. 08. 1881

N° 1112; (1066) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI

ACR, A, c. 15/132

N° 33

Khartoum, le 30 août 1881

Mon cher Père,

[6980]

Je vous envoie un extrait du petit Rapport sur notre exploration au Djebel Nouba rédigé par l'Abbé Vincenzo (il est arrivé à Berber, et il s'apprête à partir pour Souakin. Il est parti avec mon serviteur Domenico Correia, qui s'en va à Rome, car ici il risquait de mourir. Il est habitué à servir de grands messieurs, à se déplacer en carrosse, à bien manger et à boire. Ici il n'arrive pas à s'adapter, ni à supporter les privations... J'ai pris alors à mon service Giuseppe, de Toscane, il travaille dix fois mieux que Domenico, il est bon, brave, diligent, grand travailleur et plein de bonne volonté. Tout le monde est content de lui ; il avait besoin de travailler ; le manque de travail au Caire le faisait mourir. Que Jésus soit remercié). Vous pouvez publier cela dans les prochaines Annales. Je rédigerai moi-même le Rapport complet avec la carte géographique (qui est déjà tracée) quand j'irai mieux, et quand j'en aurai le temps, si d'ici-là je ne meurs pas. La forme des Annali del Buon Pastore s'est beaucoup améliorée ; et cela grâce à vos bons soins, et je vous en remercie beaucoup.


[6981]

Je ne sais pas que dire au sujet de la santé de l'Abbé Francesco Pimazzoni ; l'Abbé Arturo, quelques Sœurs et d'autres disent que cela les préoccupe.

Mon Dieu ! Que ferai-je si je le perds ? Ah ! J'ai confiance dans le Cœur de Jésus, je ne le perdrai pas. Que de croix et de souffrances pour mon esprit ! Mais Jésus est le premier qui a porté la croix, et tous ses disciples l'ont portée. La nuit (je ne dors presque jamais, mais cette nuit, j'ai dormi pendant 3 heures et demie), je suis content d'avoir tant souffert pendant les 24 heures précédentes, et je suis beaucoup plus content que quand, à Londres, à Paris, à Vienne et à St. Petersbourg, je rentrais à la maison après un grand dîner aristocratique.

Ah ! Jésus est plus aimable quand il rend visite à ses amis avec des épines. Les roses sont pour le monde.

Je suis convaincu que même la pauvre Virginie, que Dieu a confiée à mes soins jusqu'à ce que des décisions soient prises à son sujet à Rome, est proche de Jésus, pour lequel elle accepte volontiers de souffrir.


[6982]

Je comprends maintenant qu'elle avait bien raison de pleurer la nuit, et de souffrir. Vous savez parfaitement (mais moi je ne le savais pas) que dans l'Institut on ne voulait plus entendre parler d'elle. Elle n'a plus été invitée aux réunions avec les autres depuis le mois de mai, et ni la Supérieure, ni vous, mon cher Recteur, ne lui avez donné d'explications.

Elle m'a écrit une lettre, franche et objective ; Sœur Victoria qui l'a lue m'a dit : "d'après les sentiments qui apparaissent dans cette lettre, on voit qu'il s'agit d'une âme bonne, pleine d'abnégation, et qu'elle désire être religieuse. En un mot il me semble, en lisant cette lettre, qu'elle doit être une espèce d'héroïne".

Sans doute vous hocherez la tête, mon cher Recteur, et vous direz que c'est la passion qui parle.


[6983]

Non ! jamais une passion n'a pris racine dans mon cœur, sauf celle pour l'Afrique. Si j'avais eu une passion (ce qui est contraire à mon caractère, à ma vocation profonde, ancienne et extraordinaire) elle n'aurait pas été pour Virginie, qui est une Sœur qui se confesse, je ne l'aurais pas fait venir à Vérone, je ne l'aurais pas confiée aux Sœurs que j'ai fondées pour qu'elles deviennent saintes.

Tout est possible dans les petits esprits des paysans qui veulent se mêler de ce qui ne les concerne pas.

J'enverrai cette lettre de Virginie à mon Supérieur le Cardinal Simeoni, dès qu'il m'écrira à son sujet.

Oh ! Je suis vraiment content que Dieu ait inspiré à notre cher Evêque de Vérone d'écrire à Propaganda Fide. Si cela n'était pas arrivé, l'Eminent Cardinal di Canossa, vous, mon cher Père Sembianti, et moi, nous aurions vécu et nous serions morts avec chacun notre opinion sur Virginie, l'une tellement opposée à l'autre.


[6984]

Mais avec la grâce de Dieu, vous et l'Eminent Cardinal de Canossa, ou moi-même, nous devrons changer d'avis, en fonction de ce qui sera décidé à Rome, la Rome papale bénie, qui est l'oasis providentielle où la vérité et la justice se sont réfugiées, et qui répand sa lumière au milieu des ténèbres qui recouvrent tout l'univers. Vous et l'Eminent Cardinal de Vérone, vous êtes convaincus que par rapport à Virginie, j'agis par passion. Je crois au contraire que c'est vous et l'Eminent Cardinal, toujours guidés par l'esprit de Dieu et par des intentions vraiment saintes, qui agissez par passion, mais dans le sens contraire et ainsi Virginie en est victime et elle souffre. Personne ne lui apporte un véritable réconfort (parce que la Supérieure n'est pas du tout expansive).

Suite à la question que Virginie lui a posée au sujet de ce qui lui a été dit par Son Eminence, à savoir qu'il a su de la Supérieure (directement, ou par l'intermédiaire du Recteur) la vraie raison pour laquelle elle a quitté la Congrégation de Saint Joseph, la bonne Supérieure affirmait qu'elle n'en avait jamais parlé, ni avec le Cardinal, ni avec d'autres personnes. Puisque vous m'avez écrit que la raison pour laquelle Virginie avait été poussée à quitter la Congrégation n'était pas assez valable, il doit donc y avoir une part de vérité si on affirme que la Supérieure en a parlé avec quelqu'un car je ne peux supposer que l'Eminent et vous-même ayez pu tout inventer.


[6985]

Du reste, un an avant de quitter la Congrégation de Saint Joseph, Virginie en avait parlé avec les Sœurs. En Egypte, les trois graves raisons ont été examinées, et un Evêque religieux m'a alors dit que les raisons invoquées étaient valables... Virginie n'a pas quitté sa Congrégation à la légère, mais après avoir beaucoup réfléchi et avoir demandé de nombreux conseils. Mais ni vous ni Son Eminence vous ne me croyez, et vous pensez que tout est arrivé à cause d'une passion Mais vous vous trompez. Virginie prie, et le seul réconfort lui vient de Dieu, et de moi qui, comme ma sainte Provinciale, sa Supérieure et sa Mère, me l'a demandé mille fois, lui écris pour la réconforter, pour lui dire de rester inébranlable sur le roc de la confiance en Dieu. Vous, mon cher Recteur, Son Eminence et moi, disais-je, nous aurions vécu et nous serions morts avec chacun notre opinion.


[6986]

Mais maintenant que l'affaire est arrivée à Rome, si Rome prend une décision opposée à mon opinion (je parle au sujet de la vocation...), je serai le premier à reconnaître devant vous et Son Eminence que je suis un véritable âne ; et je crois que vous aussi vous conformerez paisiblement au jugement de Rome.

La première chose que j'écris à Rome est que vous êtes un véritable saint, comme l'est votre Congrégation, je dirai que vous vous occupez de mes affaires et de l'Afrique avec un réel engagement, avec un zèle et une grande charité, supérieure à celle que vous avez pour vos propres affaires et que c'est une vraie bénédiction que Dieu vous ait destiné à vous occuper des intérêts capitaux de la Nigrizia comme Recteur des Instituts Africains, et je dirai que je désire mourir avant vous pour le bien de l'Afrique.


[6987]

De toute façon, tout arrive grâce à une adorable disposition de Dieu ; donc, aimons-Le de tout notre cœur, et que notre confiance soit en Lui.

Bon courage ! et allez de l'avant, car un jour nous chanterons au paradis les louanges de Dieu, parce que, bien que nous en soyons indignes, il a fait de nous des instruments de la Rédemption des Noirs, qui sont les âmes le plus délaissées de l'univers.

Peu m'importent les potins désobligeants qui, à Vérone, peut-être, courent déjà sur moi et qui jettent le discrédit sur ma dignité, et sur ma personnalité

Peu m'importe si on pense et si on dit (en dépit de la vérité) que j'ai une passion pour une femme... comme le pensent certains paysans lâches... Cupio anathema esse pro fratribus ; amo pro nihilo reputari (Je désire être anathème pour mes frères ; j'aime n'être compté pour rien).

Ce qui m'importe vraiment et uniquement c'est la conversion de la Nigrizia (elle a été la seule et véritable passion de toute ma vie, et elle le sera jusqu'à ma mort, et je n'en ai pas du tout honte), que Dieu m'accorde et me conserve le personnel et les moyens qu'il m'a donnés, et qu'il me donnera pour atteindre ce but.


[6988]

Savez-vous ce que les Jésuites m'ont fait ? Ah ! Je vous ai dit plusieurs fois qu'en ce qui concerne la véritable sainteté, la délicatesse, le désintérêt, et le pur esprit de Dieu, vous avez plus de valeur que tous les Ordres et les Congrégations de l'Eglise de Dieu, et même que les Jésuites, que j'aime pourtant beaucoup, que j'estime et que je vénère.

Après avoir raconté aux Abbés Dichtl et Francesco, la sale histoire du Belge Neefs venu du Caire, écoutez ce que m'a dit Dichtl en présence de l'Abbé Francesco, alité. Au Caire, les Jésuites ont invité plusieurs fois, chez eux, les Abbés Francesco, et Dichtl, et l'Abbé Giuseppe Ohrwalder qui est au Cordofan et ils leur ont clairement proposé d'abandonner le pauvre Monseigneur Comboni... pour entrer chez les Jésuites.

Ce n'est pas tout ! quand le Père Villeneuve vint pour animer les Exercices Spirituels, arrivé à la méditation sur l'élection de l'état de vie il leur proposa un examen pour discerner s'ils devaient devenir Jésuites ou bien rester Missionnaires de l'Afrique Centrale. Toutes les raisons mises sur le plateau de la balance penchaient du côté des Jésuites. Alors les Abbés Dichtl et Giuseppe ont répondu que l'élection de l'état de vie ne les concernait pas parce que, quand ils avaient fait le serment et qu'ils avaient été ordonnés Sous-Diacres Titulo Missionis, ils étaient sûrs d'avoir la vocation pour l'Afrique, et qu'ils ne la changeraient jamais.

L'abbé Francesco a dit que du moment qu'il a prêté serment devant Monseigneur Comboni, il ne reconnaissait que celui-ci comme unique interprète de la volonté de Dieu sur lui, qu'il avait une confiance illimitée en Monseigneur Comboni, qu'il avait rejeté d'autres conseils de saints hommes qui voulaient le séparer de lui, et que ce dernier était maître de sa vie et de sa mort,...


[6989]

Sacré monde ! Damné égoïsme des frocards et des religieux !

Dans ce monde tout est mensonge, duperie, et tentation. Il n'y a rien de sûr et de stable en dehors du Christ et de sa Croix.

Je bénis tout le monde, l'Abbé Luciano, le couvent des Sœurs.

Présentez mes hommages à l'Eminent Cardinal, au Révérend Père Vignola (oh ! celui-ci vaut cent Jésuites, que pourtant j'aime bien ), et à Bacilieri, et priez pour

votre indigne

+ Daniel Evêque

et Vicaire Apostolique


1113
D. Zeff. Zitelli-Natali
0
Khartoum
?. 08. 1881

N° 1113; (1067) - A L'ABBE ZEFFIRINO ZITELLI-NATALI

AP SC Afr. C., v. 9, f. 157

Août 1881

Bref billet.

1114
Card. Giovanni Simeoni
0
Khartoum
03. 09. 1881

N° 1114; (1068) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI

AP SC Afr. C., v. 9, ff. 171-191

N° 15

Khartoum, le 3 septembre 1881

Eminent et Révérend Prince,

[6990]

L'Abbé Giuseppe Sembianti, Recteur de mes Instituts Africains de Vérone vient de m'écrire que Votre Eminence lui a ordonné de dire à Virginia Mansur, postulante orientale de mon Institut des Pieuses Mères de la Nigrizia, qu'elle ne doit pas entreprendre pour le moment le voyage en Afrique, et que vous lui avez aussi ordonné que cet ordre soit exécuté à la lettre.

Je sais cependant que ma Supérieure Principale d'Afrique Centrale, Mère Teresa Grigolini, et Sœur Victoria Paganini, Supérieure de Khartoum, qui sont des femmes aux éminentes vertus, très sages, et qui sont très au courant de tout, ont humblement demandé à l'Eminent Cardinal de Canossa de permettre à Virginie de venir en Afrique, et qu'elles en prendraient toute la responsabilité.

Elles étaient convaincues que cela serait très bénéfique pour la Mission (parce que Virginie travaille comme trois, elle a une bonne santé, et elle est disposée à mourir dans ces régions hostiles), et en même temps, qu'elle atteindrait le but de sa vocation. Mais j'ignore complètement si Virginie était disposée à venir cette année ; elle m'a même écrit, il y a peu de temps, que si les Supérieures répondaient favorablement à la demande de la Supérieure Provinciale d'Afrique, elle souhaitait aller tout d'abord à Beyrouth pour essayer de convertir son frère Abdalla, qui est schismatique grec, parce qu'on lui avait écrit de Syrie qu'il est malade depuis de nombreux mois, et qu'il a peu d'espoir de guérir.


[6991]

De toute façon, soyez tranquille ; votre ordre vénérable et sage sera fidèlement exécuté, et si Dieu veut que cette malheureuse, mais très vertueuse jeune fille, soit appelée en Afrique, elle ira mais avec l'autorisation et selon les décisions de Votre Eminence, qui êtes mon vénérable Supérieur et le Chef de toutes les Missions du monde.


[6992]

Je suis aussi très content que l'Eminent Cardinal de Canossa, comme il ressort de l'ordre que vous avez donné au Père Sembianti, ait saisi Votre Eminence de l'affaire Virginie, parce qu'il y a aussi là-dessous d'autres questions importantes qui concernent le bien de mon Œuvre, et je souhaite qu'elles soient connues à Rome, la sainte arche de la justice et de la charité, l'oasis providentielle, l'unique endroit où s'est réfugiée la vérité, qui répand sa lumière dans les ténèbres de l'univers.


[6993]

Depuis quelque temps je souhaitais, pour le plus grand bien de la Nigrizia, ouvrir mon cœur à Votre Eminence à propos de certains points, mais il me répugnait de le faire par égard pour l'Eminent Cardinal de Canossa qui, après tout, est mon grand bienfaiteur car il m'a accordé un important appui moral dès le début, en 1867, pour que je puisse fonder l'Œuvre, et sans lui, je n'aurais pu, peut-être, rien faire.

Mais c'est maintenant la deuxième fois que l'Eminent m'attaque et m'oblige à aller à Propaganda Fide pour rendre compte de toutes mes affaires qui concernent uniquement la rédemption de l'Afrique. Maintenant, je ne dois plus avoir d'égards envers qui que ce soit, parce qu'avant tout il y a Dieu et les intérêts de sa gloire.


[6994]

L'année dernière pour la première fois, j'ai appris que l'Eminent Cardinal de Canossa s'était plaint de moi auprès de Propaganda Fide ; je n'en savais rien, parce qu'il n'y avait jamais fait la moindre allusion devant moi, je m'en suis rendu compte quand Votre Eminence a daigné m'ordonner de débarrasser la Mission d'une certaine Virginie qui avait été remerciée par les Sœurs de Saint Joseph.

J'ai reçu votre lettre du 3 août à Ischl, où je rendais visite à l'Empereur d'Autriche. Le 15 août, j'ai reçu à Vienne une lettre de Vérone, qui me demandait de m'y trouver 22 août pour célébrer la Messe Pontificale et faire l'homélie lors de la fête de Saint Zénon dans sa grande basilique, parce que l'Eminent Cardinal était malade. J'étais très loin de penser que l'ordre que m'avait donné Votre Eminence de mettre à la porte Virginie provenait de Vérone, et encore moins de l'Eminent Cardinal de Canossa.


[6995]

Je suis allé à Vérone, et après la Messe et l'homélie du 22 août, je me suis présenté à l'Eminent Cardinal et en lui parlant de la lettre et de l'ordre reçu de Votre Eminence, je l'ai prié de plaider la cause de Virginie, en se renseignant sur elle auprès de la Supérieure qui connaît bien cette postulante désireuse d'entrer dans mon Institut ; et qu'il écrive ensuite à Votre Eminence : "Eh bien ! - m'a-t-il répondu - j'irai au couvent pour parler avec la Supérieure, et je m'occuperai moi-même du Cardinal Simeoni. Restez tranquille, et allez de l'avant". Il m'a alors pris dans ses bras, et il m'a embrassé deux fois en me disant : "J'ai beaucoup d'affection pour vous ".

Je suis rentré chez moi où j'ai trouvé une lettre fulminante de l'Eminent Cardinal de Canossa écrite une semaine auparavant, mais que je venais tout juste de recevoir, et dans laquelle il m'écrivait, entre autres, qu'il se repentait d'avoir dépensé 600 lires pour faire le voyage de Rome au mois de juin 1877 dans le but de me faire nommer Evêque ! ! ! ! J'enverrai cette lettre à Votre Eminence.


[6996]

Désolé, et en larmes, je suis retourné chez Son Eminence, et je lui ai demandé les raisons de son repentir et de cette lettre. Et lui, plein de bonté et de gentillesse, m'a dit : "Ce n'est rien ! ce n'est rien ! j'irai chez la Supérieure, et j'écrirai à Simeoni ; restez tranquille et allez de l'avant". Il m'a pris dans ses bras, m'a embrassé trois ou quatre fois, et m'a congédié en me confiant des commissions pour Rome. C'est alors que je me suis rendu compte que l'ordre de Votre Eminence concernant Virginie provenait de Vérone.

Oh ! les croix de Dieu sont chères et vénérables !


[6997]

Arrivé à Rome, je me suis présenté à Votre Eminence pour parler de Virginie et d'autres affaires, et c'est de votre propre bouche que j'ai su que l'Eminent Cardinal de Canossa vous avait écrit positivement au sujet de Virginie, et que par conséquent, l'ordre qui m'avait été donné de la mettre à la porte, n'avait plus de suites. Alors je me suis tu, et je n'ai plus pensé à cette pauvre malheureuse, occupé comme je l'étais par le travail que j'ai fait sur les quatre Pro-Vicariats de l'Afrique Equatoriale confiés à Monseigneur Lavigerie, et pour les préparatifs de mon départ pour l'Afrique.


[6998]

La veille de mon départ de Vérone pour l'Afrique, un bon laïc de mon Institut, mais qui a été un des premiers à s'opposer à la venue des Arabes à Vérone, car il ne se sentait pas capable d'apprendre l'arabe (il est bon, mais il est peu intelligent et têtu, et mon Recteur tient beaucoup à ce laïc), a dit : "Maintenant que l'Evêque part pour l'Afrique, nous nous libérerons vite du professeur et de l'Institutrice de langue arabe". Mon serviteur Domenico Correia peut témoigner de ces propos, lui que j'avais renvoyé à Rome sinon il serait mort en Afrique et qui maintenant se fait recommander par l'Eminent Sanguini, son ancien patron, pour trouver un emploi. Je n'ai pas donné beaucoup d'importance à ces propos, mais en effet tout s'est passé ainsi.


[6999]

Je touche maintenant tout de suite à l'affaire Virginie, et je vous parlerai ensuite d'autres problèmes, ainsi Votre Eminence comprendra que si à Vérone, depuis 1867, quand j'ai commencé l'Œuvre, jusqu'à aujourd'hui il y avait eu un Evêque véritable, sérieux, positif, ferme, toujours cohérent et généreux comme le sont les Evêques Verzeri de Brescia, Carsana de Côme, Scalabrini de Plaisance, Zinelli de Trevise, etc., mon Œuvre aurait fait des pas de géant, les Règles de mes deux Instituts fondamentaux de Vérone auraient déjà obtenu l'approbation formelle du Saint-Siège, moi-même je n'aurais pas été obligé de m'éloigner plusieurs fois du Vicariat pour m'occuper de mes Instituts de Vérone, et j'aurais déjà fait de grands pas sous l'égide de Propaganda Fide vers la conquête définitive de l'Afrique Centrale à la Foi.


[7000]

J'ai beaucoup de peine à proférer ces propos défavorables à l'Eminent Cardinal de Canossa qui, d'ailleurs possède de nombreuses et belles vertus, et je serais heureux de me tromper dans ce jugement que je ne confierai à personne d'autre au monde qu'à Votre Eminence, mon Vénérable et bien-aimé Supérieur. Vous savez donner le juste poids aux mots ; vous vivez à Rome en participant à toutes les affaires de l'Eglise, à Rome, où l'Excellent Cardinal de Vérone doit être connu, et spécialement au Saint-Office, à la Sacrée Congrégation des Rites, au Concile, etc., et vous savez donc accorder à mes paroles et à mes opinions leur juste valeur.

Ne croyez pas, Eminence, que je me décourage parce que je suis en retard avec mon Œuvre. Non ! Je ne me découragerai jamais parce que c'est une Œuvre de Dieu, et bien que je ne sois qu'un pantin inutile, servus inutilis entre les mains de Dieu, je suis certain qu'avec la grâce divine, je récupérerai le temps perdu, et avec l'aide du Saint-Siège, je ferai tellement progresser l'Œuvre, qu'avant ma mort, si elle n'arrive pas trop tôt, la conquête de l'Afrique Centrale à la Foi arrivera à bon port.


[7001]

Dans toutes les affaires, ainsi que dans le cas de Virginie je promets une totale obéissance à Votre Eminence, même si je devais en mourir de chagrin et y perdre ma vie, parce que depuis mon enfance, jusqu'à aujourd'hui et jusqu'à ma mort, j'ai toujours voulu faire et je ferai toujours la volonté de Dieu et de mes Supérieurs. Et je serais plus content d'être condamné à la prison à perpétuité et à la mort par le Pape au nom de l'Eglise, ma patronne et mère, plutôt que d'être roi, et de vivre glorieux et honoré dans le monde. Ce monde déchu est vraiment totus positus in maligno.


[7002]

Quant à Virginie, voici le principal désaccord entre l'Eminent Cardinal de Canossa et moi-même.

Il dit que Virginie est un fléau pour la mission, qu'elle n'a pas et n'a jamais eu la vocation religieuse, qu'elle est fausse, inconstante et indigne d'être Missionnaire en Afrique, etc. Mais moi, humblement, je pense et je dis exactement le contraire. S'il est vrai qu'elle ne montre pas actuellement de vocation (on ne m'a jamais donné d'argument valable à ce sujet à Vérone, ce ne sont que des affirmations gratuites et sans preuves), elle l'aura perdue à cause des dispositions vraiment vexatoires, qui ont été prises sans me consulter, comme on aurait dû le faire, et sans m'écouter en rien du tout (je prouverai tout cela à Votre Eminence, clairement et avec des arguments de poids).

Mais si Virginie est affectée à une autre communauté, qui n'ait pas de préjugés déplorables, elle pourra corriger les défauts qui se sont manifestés pendant les deux années de souffrances et d'humiliations endurées en Italie dans mon Institut, et elle sera heureuse, et sous la direction de mes Sœurs saintes et admirables, elle sera une bénédiction pour mon Œuvre.


[7003]

Je dois faire encore deux déclarations qui sont la pure vérité.

La première est la suivante : ce n'est pas l'Eminent Cardinal de Canossa qui est contre Virginie. Dans cette affaire il agit comme dans les autres. Mais, à mon avis, c'est uniquement mon cher Père Sembianti.

En général, l'Eminent Cardinal de Canossa fait toujours ce qu'on lui suggère ; un Prêtre, un Clerc sont capables de l'influencer, parce qu'il veut et aime le bien et être aimable. En général, ou du moins dans de nombreux cas, celui qui a raison est celui qui est près de l'Eminent Cardinal de Canossa, celui qui peut l'approcher au bon moment, quand (comme le disaient les vieux Prêtres et les nobles de Vérone) il n'est pas atteint par la "canossine" c'est à dire, l'irritation due aux palpitations...


[7004]

La deuxième vérité est la suivante : tant l'Eminent Cardinal de Canossa que mon Recteur le Père Sembianti agissent dans l'affaire de Virginie en toute conscience, animés par de saintes intentions, uniquement pour le bien de la Mission et pour le bien de Virginie (je crois au contraire que l'on ne fait pas attention au bien de cette pauvre malheureuse et de son frère converti, et cela est passé au second plan, bien que le Père Sembianti ait été enthousiasmé quand le frère de Virginie a abjuré devant moi, par disposition de Son Eminence, dans la belle église de sa Congrégation). De plus, je dois vous dire que je tiens beaucoup au Révérend Père Sembianti, bien qu'il soit têtu comme le sont tous les saints, un peu pessimiste et scrupuleux, car c'est malgré tout un Prêtre pieux et un honnête homme, il forme de bons Missionnaires pour moi, et il est certain qu'il enverra en Mission des sujets d'excellent esprit, prêts à mourir pour l'Afrique.

Tous ces désaccords sont permis par Dieu qui a construit la croix pour que nous la portions ; et Dieu saura en tirer de grands bienfaits au profit de l'Afrique et de nos âmes.


[7005]

Mais qui est cette Virginie ? Je ne vous en parlerai ici que très brièvement, mais ensuite je vous expliquerai et je prouverai tout selon la vérité.

C'est une orpheline qui est née et qui a vécu pour souffrir sur cette terre et être ensuite très heureuse au ciel. Après avoir vu, de ses propres yeux, son père et son frère aîné égorgés comme des moutons lors du terrible massacre des Chrétiens en Syrie en 1860, et après avoir vu les maisons paternelles brûlées, elle a été emmenée à Saïda à l'âge de 6 ans et accueillie par la Supérieure des Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition, Sœur Emilienne Naubonnet, qui est morte en 1877 alors qu'elle était ma Supérieure Provinciale à Khartoum, et qui m'a raconté ce que je vous dis.

A l'âge de 15 ans, elle a été placée dans une famille de Beyrouth par l'Evêque grec schismatique et par sa famille schismatique, aidés par un agent français franc-maçon. On voulait la marier de force à un jeune homme schismatique, qui lui avait fait la cour pendant 6 mois. Mais elle resta ferme comme une colonne, bien qu'elle fût obligée de rester à la maison avec l'interdiction absolue d'aller à l'église, de se confesser et de communier, parce qu'ils voulaient qu'elle devienne schismatique. Elle a subi ce martyre pendant six mois, jusqu'à ce qu'une nuit, voyant que personne ne la surveillait, elle se soit enfuie ; elle a marché à pied toute la nuit et le jour suivant, bien que pleine de blessures saignantes, puis elle a rencontré un maronite qui l'a conduite à Saïda ; et de là, elle a été envoyée en France par la Mère Supérieure. Après avoir achevé son noviciat à Marseille, elle a été affectée à Khartoum, suite à la demande de la Supérieure de cette Mission qui me disait que Virginie Mansur (Sœur Anna dans la vie religieuse ) faisait le travail de trois Sœurs.


[7006]

Pendant les six années qu'elle a passées dans mon Vicariat, elle s'est très bien comportée, elle a travaillé plus que toutes les autres, elle était estimée et aimée par les quatre Supérieures qui sont mortes en six ans, mais elle était haïe et persécutée par deux autres Sœurs, qui n'étaient pas des Supérieures, et cela injustement, comme je le prouverai.

Quand on baptisait solennellement à Khartoum huit ou dix filles en même temps, qui avaient été formées et préparées au Baptême par elle, alors que pour tout le monde c'était une fête, elle pleurait et disait : "Je suis en train de convertir les Noirs ici, et en même temps, je laisse périr éternellement ma mère, mes frères et mes sœurs qui sont schismatiques". Elle a demandé plusieurs fois à ma Provinciale Mère Emilienne (qui l'avait envoyée en 1870 en France pour qu'elle devienne Sœur) de lui permettre d'aller pendant quelques mois chez elle à Beyrouth pour convertir sa famille. Mais cette sainte et bonne Mère lui répondait justement que la Révérende Mère générale ne permettra jamais qu'elle retourne dans sa famille, même pour peu de temps, parce qu'elle avait été enlevée par les Sœurs de Saint Joseph pour être amenée en France, que sa famille n'avait plus jamais eu de ses nouvelles, et que la Congrégation de Saint Joseph serait compromise en Syrie à cause des schismatiques. Cela a été une épine qui transperça le cœur de Virginie, et ce fut la principale raison pour laquelle elle a commencé à envisager de quitter sa Congrégation, qu'elle aimait beaucoup, et c'est ce qui s'est passé.

Virginie a été poussée à quitter sa Congrégation par trois raisons principales dont je vous parlerai plus tard, parce que le moment du départ du courrier est proche.


[7007]

C'est un mensonge de ceux de Vérone de dire qu'elle a été renvoyée de sa Congrégation, parce que quand les Sœurs ont été rappelées de l'Afrique Centrale, elle avait une lettre d'obéissance, que j'ai moi-même vue, qui l'affectait à une maison de la Congrégation.

Je ne suis pour rien dans sa décision de quitter les Sœurs de Saint Joseph, parce que suite aux demandes qu'elle m'avait plusieurs fois adressées de vive voix et par écrit, j'ai toujours répondu que je ne conseillerais jamais à un religieux de quitter sa propre Congrégation ou son Ordre, et qu'en règle générale, je ne recevrais jamais dans mes Instituts quelqu'un qui avait été membre d'une autre Congrégation.


[7008]

Voici les principales raisons pour lesquelles elle a abandonné l'Institut de Saint Joseph ; je me borne à les citer, mais j'apporterai ensuite des preuves et des documents :

1°. pour convertir sa famille ;

2°. parce que les Sœurs de Saint Joseph ont quitté l'Afrique Centrale. Virginie dit qu'avec une seule communauté de Sœurs ici en Afrique, on convertit beaucoup plus d'âmes que dans toutes les maisons réunies de Syrie ;

3°. parce qu'elle a été horriblement maltraitée par certaines de ses compagnes, et parce qu'elle avait entendu dire que la paix régnait dans la maison des Pieuses Mères de la Nigrizia, et que ses religieuses s'aiment comme des sœurs ;

4°. Enfin, arrivée au Caire, elle a demandé et obtenu la lettre d'obédience pour aller à Marseille, pour dire à la Mère Générale que ce qui lui avait été écrit était une calomnie, et un mensonge, c'est-à-dire qu'en Afrique Monseigneur Comboni aurait fait souffrir de la faim les Sœurs, alors que Monseigneur avait traité les Sœurs mieux que lui-même, comme un père, et même plus ; et que quand il n'y avait pas assez d'eau au Cordofan, les Sœurs buvaient en premier, ensuite les Missionnaires...".


[7009]

Au mois de juillet 1879, Virginie quitta la Congrégation de Saint Joseph et partit pour la Syrie, à la grande douleur de beaucoup de ses compagnes.

Elle est donc restée dans la communauté religieuse dans les maisons de Saint Joseph en y travaillant très bien depuis 1860 jusqu'à la deuxième moitié de l'année 1879. Elle y est donc restée presque 20 ans.


[7010]

Je dis donc que l'affirmation de l'Eminent Cardinal de Canossa et du Père Sembianti est fausse et fort hasardeuse quand ils m'écrivent que Virginie n'a jamais eu la vocation religieuse ; alors qu'elle est restée pendant 20 ans dans un Institut approuvé par l'Eglise, et qui a fait beaucoup de bien dans les Missions.

Deux mois après son arrivée à Beyrouth, elle m'a écrit pour m'annoncer que trois membres de sa famille étaient déjà disposés à devenir catholiques, mais qu'il était nécessaire de les éloigner de sa maison, qui est à plus de deux heures de l'église catholique la plus proche, et que pour elle-même, qui était habituée depuis 20 ans à la vie religieuse de la communauté, rester chez elle était un purgatoire, surtout parce qu'il fallait deux heures à pied pour aller à la Messe. Elle m'a donc demandé :


[7011]

1°. si je la recevrais parmi mes Sœurs. Elle était prête à tout, et surtout à mourir en Afrique, et même tout de suite (et elle en a donné de magnifiques preuves pendant six ans) ;

2°. si je l'aiderais à placer son frère, sa sœur, et son cousin Alessandro dans une maison pour qu'il se préparent à abjurer.


[7012]

Comme je suis le fondateur, le responsable, et le chef de mes Instituts, et comme je connais les sujets et les besoins de mon Œuvre, (il lui faut en effet, des sujets qui sachent parler l'arabe), j'ai répondu affirmativement à sa première demande d'admission ; mais je me suis réservé le droit de réfléchir à l'endroit où je devais l'envoyer pour le Noviciat, à Vérone sous la responsabilité de la Mère Générale, ou bien en Afrique sous la responsabilité de ma Mère Principale Teresa Grigolini. En attendant, je lui ai écrit de faire tout son possible pour convertir sa mère.


[7013]

Quant à la deuxième demande, comme j'y étais habitué avec mon saint Supérieur l'Abbé Nicola Mazza, qui exultait quand je lui amenais dans l'Institut des âmes infidèles et des protestants pour les convertir, j'ai répondu à Virginie que je les recevrais tous les trois dans mes Instituts, à Vérone ou au Caire.

Je m'arrête ici, je continuerai ce récit dans mon prochain courrier, et je vous fait humblement une petite proposition.

L'Eminent Cardinal de Canossa ne m'a jamais parlé, ni écrit au sujet de Virginie, il ne m'a non plus jamais demandé de renseignements ou d'explications.

Il a toujours agi seul en suivant les conseils de personnes incompétentes, à part le Recteur sic sic., qui a été trompé aussi par un certain Grieff, qu'ensuite il a mis à la porte et renvoyé, et par deux paysans.


[7014]

Et pourtant, avant que le Père Sembianti ne soit Recteur, Son Eminence alors que j'étais à Rome en février 1880, a exclu, sans me consulter, Virginie et les deux Arabes des Instituts, alors qu'ils étaient des anges, et il les a confinés ensemble dans une de mes maisons à l'extérieur de mes établissements, en leur ordonnant de ne pas avoir de contacts avec les personnes des établissements sauf pendant l'heure où ils leur donnaient, sous surveillance, des leçons d'arabe.

Vous pouvez imaginez quel a été le purgatoire de Virginie si isolée, alors qu'elle était habituée depuis 20 ans à vivre en communauté, et dans une communauté aussi joyeuse et aussi active que celle des Sœurs de Saint Joseph.

C'est pour cette raison qu'au bout de quelques mois, je l'ai envoyée à Sestri


[7015]

L'Eminent Cardinal de Canossa dans ses prises de position envers Virginie non seulement n'a jamais daigné me consulter alors que j'étais un juge compétent, mais n'a même pas consulté la Supérieure de Vérone et de Sestri, avant d'écrire l'année dernière à Votre Eminence pour que vous m'ordonniez de débarrasser la Mission de Virginie qui avait été mise à la porte (sic) par les Sœurs de Saint Joseph. En voici les preuves :

1°. Le Cardinal après avoir parlé avec la Supérieure de Vérone, a écrit à Votre Eminence en disant le contraire, ce qui n'était pas conforme à ce qu'il avait écrit auparavant.

2°. Les deux annexes autographes ci-jointes en sont la preuve ; il s'agit d'une lettre de ma Supérieure Générale, Mère Maria Bollezzoli qui approuve le très bon esprit religieux de Virginie (annexe I ci-jointe) ; et une lettre de Sœur Matilde Corsi Supérieure de Sestri, qui dit la même chose (Annexe II ci-jointe).


[7016]

Votre Eminence pensera certainement que le Cardinal de Canossa, avant de vous écrire autant de mal au sujet de Virginie, et de vous prier de lui ordonner de ne pas aller pour le moment en Afrique, avait consulté la Supérieure de Vérone sur sa conduite. Non ! Eminent Prince. Il m'a écrit lui-même dans une longue lettre le 27 mai dernier (annexe III, que je vous enverrai avec le prochain courrier, parce que je dois en faire une copie) qu'il n'a consulté ni le Recteur Sembianti (sic !), ni la Mère Supérieure Générale. Voici textuellement les propos de Son Eminence :

"Virginie est un fléau pour la mission, c'est une femme fausse, capricieuse, inconstante, sans aucune vocation pour la vie religieuse... quand elle est partie de la Congrégation de Saint Joseph tout le monde à chanté (sic !) le Te Deum et si elle partait d'ici on ferait de même...".


[7017]

Après ce beau tableau, il ajoute : "Ne croyez pas que le Père Sembianti, ou la Mère Supérieure m'aient informé de cela ; non, ils ne m'en ont pas du tout parlé ; ils ne savent même pas que je vous écris... Mais j'ai été informé à demi-mots par certains personnes ça et là (Mon Dieu !), et par l'Abbé Tagliaferro ; j'ai donc rassemblé des éléments qui me poussent à penser ce que je viens de déclarer au sujet de Virginie".

La Mère Supérieure de Vérone ne m'a jamais donné de mauvaises nouvelles de Virginie, au contraire, elles étaient bonnes.

Il y a un mois, elle m'a écrit que Virginie était heureuse, que toutes les postulantes et les novices la respectent, l'aiment bien, etc. Donc si toutes la respectent et l'aiment bien, pourquoi l'Eminent Cardinal dit-il que c'est un fléau ?

Je vous enverrai les lettres de la Supérieure, mais maintenant, Eminence, je suis fatigué, et plein d'ennuis de santé, parce que je n'arrive pas à dormir...


[7018]

Mon Père, maintenant je vous demande une grâce. J'éprouve la crainte justifiée que ceux de Vérone renvoient immédiatement Virginie en Syrie parmi les schismatiques au risque de perdre son âme, comme ils ont fait il y a deux mois avec son frère Giorgio. Sans même informer Virginie, ni son frère, ils le conduisirent à Trieste et l'ont embarqué pour la Syrie.


[7019]

Donc, du moment que Votre Eminence a été si bienveillante et prudente en ordonnant à l'Abbé Sembianti de dire à Virginie que pour le moment elle ne doit pas aller en Afrique, je vous demande d'avoir la bonté d'écrire deux mots au Père Sembianti en le chargeant de dire à Virginie de rester dans l'Institut en tant que Postulante, jusqu'à nouvel ordre de Votre Eminence.

Dans mon Institut le Postulat est le niveau le plus bas. Il faudra à Virginie une bonne dose d'humilité et d'abnégation pour rester et voir que les autres, arrivées après elle, avancent et sont admises au Noviciat. Mais elle possède ces vertus.


[7020]

Voici la raison principale de mon humble requête.

Dès que le frère et le cousin de Virginie et Beschir sont arrivés à Vérone, les deux paysans et Grieff ont tellement influencé mon bon Père Sembianti, qu'il croyait cent fois plus en eux qu'en moi. Ils ont répété pendant des mois que ces Arabes ne deviendraient jamais catholiques. Ces derniers ont enduré avec une patience héroïque les plus grandes humiliations, les injures, l'indifférence, l'expulsion de la communauté, et le fait d'être confinés dans une dépendance de la maison.

Enfin, redoutant de ne pouvoir les convertir à Vérone, j'ai envoyé Alessandro, le cousin de Virginie, et Beschir à Rome chez le Père Dionisio Sauaia pour qu'il m'aide à les faire devenir catholiques. Le bon Père Dionisio, qui habite 17 rue Frattina, et qui est Procureur des moines grecs du Mont Liban, s'est occupé d'eux. En bref, vous n'avez qu'à parler avec le Père Sauaia, et il vous dira à quel point ces deux Orientaux étaient bons. L'un a abjuré devant Monseigneur Sallua, et l'autre qui était catéchumène a été baptisé par un Evêque, et ensuite je les ai conduits au Caire.


[7021]

Le Père Sembianti, étonné par ce qui avait été fait à Rome, en honnête homme, amena Giorgio, le frère de Virginie, chez les Pères de sa sainte Congrégation ; et quelques jours après, ceux-ci ont décidé que Giorgio pouvait abjurer tout de suite, parce qu'il avait une Foi catholique très solide.

Donc, par disposition de Son Eminence, j'ai moi-même reçu son abjuration dans l'église même des Pères de Gaspare Bertoni, secondé par le Révérend Père Général ; ce fut une fête émouvante.


[7022]

Le Père Sembianti aimait beaucoup Giorgio, et il l'amenait souvent dans son Institut. Mais que s'est il passé ensuite ?

Avant de quitter le Cordofan, j'ai reçu une lettre de l'Abbé Sembianti dans laquelle il me disait qu'après avoir entendu le conseil de Son Eminence et des conseillers habituels (qui sont des hommes fort pieux), "j'ai pris avec moi Giorgio dans un carrosse, et je suis allé à San Martino. Nous avons alors pris le train, et à Trieste j'ai fait embarquer Giorgio pour la Syrie. Mais Virginie ne sait encore rien, elle ne s'imagine même pas cela. Je l'informerai demain, et je verrai ce qu'elle dira. J'ai dû agir ainsi pour le bien de l'Institut, par prudence, en suivant le conseil de Son Eminence..."


[7023]

J'admets qu'ils ont agi ainsi pour des raisons justes et saintes, bien que je ne les connaisse pas. Mais Votre Eminence m'accordera, si Virginie est troublée et répond avec arrogance à une telle nouvelle, que cela soit normal. Moi j'aurais réagit de manière pire qu'elle.

Sembianti m'a écrit : "Le lendemain, je suis allé au parloir, et j'ai appelé Virginie en présence de la Supérieure. Je lui ai alors froidement annoncé que j'avais fait embarquer son frère Giorgio à Trieste pour la Syrie, et que, pour des raisons de prudence, l'Eminent di Canossa n'avait pas jugé bon de l'en informer, et qu'elle doit se résigner, etc.".

Virginie en a été stupéfaite, elle n'arrivait pas à y croire, et elle lui demanda ce que Giorgio avait fait de mal... Alors Virginie, écrit Sembianti, a dit qu'elle voulait partir, qu'elle ne voulait pas rester sous son autorité, etc.

Puis il m'a écrit que d'après ces réponses le Père Sembianti juge en toute conscience que Virginie n'a pas la vocation, ni la patience et qu'elle est inquiète... Cependant, la mère Supérieure m'a écrit que deux jours après elle pleurait encore mais qu'elle était tranquille, et qu'elle avait cessé de se plaindre du Père Sembianti, auquel elle avait dit qu'il n'avait pas bon cœur, et que s'il lui avait permis de parler à son frère, elle l'aurait corrigé, il aurait demandé pardon, etc.

Mais avec le Père Sembianti, tout fut inutile.


[7024]

Je vous enverrai les deux lettres autographes du Père Sembianti pour que vous puissiez juger vous-même.

Mais en attendant, Virginie n'a-t-elle pas raison de s'affliger parce qu'on lui a arraché son frère à qui elle n'a même pas pu faire ses derniers adieux, et qui a été envoyé en Syrie parmi les schismatiques, avec le danger de perdre la Foi à cause des traitements subis à Vérone ; un frère pour lequel elle a pleuré pendant de nombreuses années en Afrique, et qui lui a coûté tant de sacrifices, dont celui de quitter sa Congrégation pour convertir Giorgio et sa famille ?


[7025]

Voici la vérité. Je supplie donc Votre Eminence d'écrire à Vérone.

Le Père Sembianti a aussi retiré les Sœurs de l'Institut de Sestri (il avait mille raisons que j'approuve, à cause du changement d'attitude de l'Abbé Tagliaferro, qui ne se confesse pas, dit-on, depuis 30 ans, et qui vit habillé comme un paysan ; et parce que Virginie, en véritable Missionnaire, a exhorté deux fois Tagliaferro à s'habiller avec des vêtements de Prêtre pour faire honneur à Monseigneur (moi), et à se réconcilier avec Dieu pour aller au paradis, cet Abbé m'a dit que Virginie est une casse-pieds. Il ne faut pas s'étonner s'il a parlé en mal de Virginie à l'Eminent Cardinal de Canossa qui, comme cela est dit ci-dessus, cite Tagliaferro comme la source dans laquelle Son Eminence puise pour juger si mal Virginie.

Sembianti est parti de Sestri à une heure du matin avec les Sœurs, sans tambour ni trompette, sans rien dire au chef de la maison.

Je ne juge pas cela mal, mais en général, je n'aime pas ce genre de prudence.

J'embrasse votre Pourpre Sacrée, etc.



votre humble, obéissant et dévoué fils

+ Daniel Comboni Evêque

et Vicaire Apostolique


1115
Prince de Teano
0
Khartoum
03. 09. 1881

N° 1115; (1069) - AU PRINCE DE TEANO

ASGIR, v. IV, (18700), Esplorazioni e Spedizioni, c. 4

Khartoum, le 3 septembre 1881

Excellent Prince,

[7026]

Je vous demande pardon d'avoir pris du retard pour remercier Votre Excellence et les honorables Messieurs, le Commandeur Malvano, le Professeur Dalla Vedova, et tous les membres composant le Conseil de la Société Géographique Italienne, pour l'honneur qui m'a été accordé en me nommant Membre Correspondant de cette illustre Société, que Votre Excellence préside avec beaucoup de sagesse.

Le document et la lettre d'accompagnement m'ont été remis seulement avant que je quitte cette capitale pour visiter les Missions de l'intérieur du pays.

Et avant de vous adresser une réponse, je veux vous exposer un argument pratique pour vous prouver que je suis correspondant de cette illustre société, non seulement de nom mais de fait.


[7027]

Ayant effectué avec certains Missionnaires une importante exploration sur les montagnes du Dar Nouba, non seulement pour y fonder des Missions catholiques, mais aussi pour en finir définitivement avec l'infâme traite des esclaves, grâce à l'aide importante et à la volonté ferme de Son Altesse le Khédive et de son digne représentant Rauf Pacha, Gouverneur Général du Soudan, qui m'ont offert tout leur appui, je m'empresse d'envoyer à Votre Excellence une copie de la carte très détaillée que j'ai tracée avec mes Missionnaires suite à nos diligentes observations.

Dès que j'aurai un peu de temps libre, je peux vous assurer que je vous enverrai un rapport précis sur ces populations très intéressantes, et que j'ai commencé, après d'énormes difficultés, à instruire avec l'aide divine et avec un bon groupe de Missionnaires et de Sœurs de Vérone.


[7028]

J'espère que d'ici un an, la totale abolition de la traite des esclaves au Dar Nouba, qui décimait chaque année ces populations fortes mais malheureuses, sera un fait accompli, et que sera mise à exécution la proposition que j'avais présentée au très sage et honnête Gouverneur général.

Je suggérais de séparer de la juridiction du Cordofan ces montagnes qui en dépendaient, et d'établir une nouvelle Province dite du Dar Nouba, qui pourrait s'étendre de Birkat-el-Koli au 12ème degré de Lat. Nord jusqu'à Bahar-el-Arab et Bahar-el-Ghazal, et d'y mettre à la tête un Mudir ou un gouverneur européen. J'espère aussi que le bon vouloir de Son Altesse le Khédive, et la sagesse de ses ministres accorderont d'ici peu l'autorisation de construire une voie ferrée entre la Mer Rouge et le Nil jusqu'à Khartoum, étant donné que certaines personnes prennent en charge tous les frais du projet. Rauf Pacha en est très enthousiaste et il sait en présenter avec conviction les avantages matériels au profit du Soudan et de l'Egypte, ainsi que les avantages moraux beaucoup plus importants. La voie ferrée au Soudan signifie l'abolition définitive de l'esclavage.


[7029]

Par ailleurs, nous avons composé, avec beaucoup d'efforts, un dictionnaire de plus de 3.000 mots sur l'intéressante langue des populations du Dar-Nouba, qui est complètement inconnue de la science, et je publierai bientôt ce dictionnaire. Seul celui qui en a l'expérience peut comprendre les énormes difficultés qu'il faut surmonter pour décrypter une langue inconnue de la science, de la bouche même des indigènes, parmi lesquels certains connaissent un peu l'arabe, mais très mal.

J'en avais fait l'expérience alors que j'étais en 1858-59 parmi les Kichs avec l'excellent Abbé Beltrame et l'Abbé Melotto dans la Mission de la Sainte Croix dirigée par le fort sage Abbé Giuseppe Lanz du Tyrol (qui est mort à Khartoum en 1860), ensemble nous avons réussi à composer, avec beaucoup de difficultés et de travail, un dictionnaire, une grammaire, un traité sur la Religion, plutôt long, et plusieurs dialogues dans la langue Denka. Ces ouvrages ont ensuite été publiés (nous avions transmis les manuscrits à Brixen ) par le docte Professeur Mitterrutzner, et puis par l'excellent Abbé Beltrame.


[7030]

Je publierai bientôt un important volume manuscrit de l'Abbé Giuseppe Lanz, avec qui, l'Abbé Beltrame et moi avons vécu pendant plus d'un an chez les Kichs, où nous avons étudié ensemble le Denka. J'ai trouvé cet ouvrage dans la bibliothèque ; il comprend un long catéchisme, de nombreux discours en Denka prononcés devant ce peuple, et un autre travail que nous avons fait ensemble dans cette langue, il sera très utile et aidera les Missionnaires que j'enverrai bientôt parmi ces populations chez qui j'ai l'intention de fonder de nouvelles Missions en y installant des Missionnaires, des Sœurs et des Frères laïques artisans.

Quand j'ai fondé la Mission de Delen au Dar-Nouba, tous, hommes et femmes, étaient nus comme Adam et Eve. Nous avons introduit, et surtout mes bons Missionnaires l'Abbé Luigi Bonomi de Vérone, Supérieur, et l'Abbé Giovanni Losi de Plaisance (à qui revient le principal mérite du dictionnaire de la langue nouba), l'habitude d'acheter ce dont nous avions besoin pour nous nourrir, en donnant en échange des pièces de tissus. Quand j'ai visité ces villages, j'ai remarqué qu'une partie de la population, de Del à Dordor, est habillée. Par ailleurs, il n'y a aucun chef indigène, aucune homme, aucune femme, qui soit habillé au Dar-Nouba.


[7031]

Je suis très content de l'heureux succès du long voyage, le seul dans cette direction, réalisé en partie glorieusement par le Docteur Matteucci et par Massari, qui sont arrivés en Guinée, et qui sont maintenant sûrement arrivés en Italie.

C'est un grand honneur après les échecs de l'expédition Antinori et de l'infortuné Giulietti.

Votre Excellence, et aussi votre illustre Société, pouvez disposer de moi, pour tout ce qui peut être utile à la science et à la véritable civilisation de l'Afrique Centrale, parce que la devise de mon Œuvre ardue et laborieuse fondée avec tant de travail est la suivante : "Religion Catholique et Civilisation Chrétienne", comme vous pouvez le lire dans un opuscule que j'ai rédigé en 8 jours à Sestri Levante, et que j'ai fait imprimer à Vérone, mais sans avoir pu en corriger les essais, ce qui fait qu'il y a des coquilles ; cet opuscule a pour titre : "Tableau historique des Découvertes Africaines" ; je l'ai fait publier avant de quitter l'Europe, en septembre dernier, et je me permets d'en envoyer un exemplaire à Votre Excellence.


[7032]

En plus de cet opuscule, je vous en envoie un autre en allemand que j'ai publié à Vienne, et qui contient un résumé de l'histoire du Vicariat Apostolique de l'Afrique Centrale, de sa fondation jusqu'à ma nomination comme premier Evêque et Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale en 1877.

En plus de ces deux opuscules, je vous en envoie un troisième ; il s'agit du N° 25 des Annali del Buon Pastore que j'ai fondées à Vérone, et dans lequel il y a une lettre de Son Excellence Rauf Pacha, qui me charge d'étudier la question de l'esclavage au Dar-Nouba et de lui proposer les remèdes qui s'imposent.

J'ai exécuté tout cela à la lettre, et le Gouverneur Général a parfaitement adopté mes suggestions, comme vous le verrez dans le bref rapport que je vous enverrai dès que je l'aurai rédigé, si j'arrive à reprendre des forces.


[7033]

Je souhaiterais pouvoir envoyer des rapports à Votre Excellence, et afin d'être au courant des publications de cette célèbre Société, que Votre Excellence daigne me faire parvenir à Khartoum, à l'adresse de ma résidence provinciale, le Bulletin de la Société ; je vous en serais très reconnaissant.

J'ai l'honneur de me déclarer avec le respect le plus profond

votre dévoué, et véritable serviteur

+ Daniel Comboni, Evêque


1116
Son Père
0
Khartoum
06. 09. 1881

N° 1116; (1070) - A SON PERE

AFC

Khartoum, le 6 septembre 1881

Cher Père,

[7034]

Cette nuit, à trois heures, j'ai célébré la Messe dans mon salon (je ne dors presque jamais) ; le matin, je n'ai pas de souffle pour dire la Messe, ni pour l'écouter ; c'est pour cela que je la dis après minuit dans mon appartement, car j'ai un peu plus d'énergie, et j'ai célébré la Messe pour vous, pour votre 78ème anniversaire.

J'ai prié pour que Dieu vous sanctifie et vous donne beaucoup de grâces spirituelles pour assurer la grande affaire du salut de votre âme.

Je n'ai fait aucune prière pour que vous viviez plus longtemps, parce que c'est trop terrestre et mondain, bien que je sois très heureux de vous voir vivre jusqu'à l'âge de cent ans, ci cela contribuait à augmenter en vous la grâce et les mérites.

Mais en fait à quoi sert donc ce pauvre monde !


[7035]

En revanche, je prie beaucoup pour que la vie de ceux qui vivent loin de la grâce de Dieu soit prolongée, afin que Dieu leur accorde un temps de pénitence, au moins quand le monde est fatigué de ces personnes, et ne sait qu'en faire.

Je prie pour nos parents car ils ont une famille, mais pour vous comme pour moi, je ne dis pas la moindre prière pour obtenir une longue vie.

Nous devons plutôt prier pour sauver de nombreuses âmes, pour aller au paradis, non pas seuls, mais avec un grand nombre de convertis.


[7036]

L'Abbé Vincenzo Marzano est parti depuis plus de deux semaines avec mon serviteur Domenico. Il pleurait, et il est allé voir les Sœurs et la Supérieure pour leur dire : "Pour l'amour de Dieu !, je vous recommande Monseigneur, le pauvre, il n'a plus personne pour prendre soin de lui..."

A vrai dire, en toute sincérité, après le départ de Domenico, j'ai choisi comme serviteur Giuseppe, de la Toscane, un grand..., que vous avez vu à Vérone, et que j'ai reçu de Plaisance. Il vaut cent fois plus que Domenico, parce qu'en plus de me servir dix fois mieux que lui, il ne m'embête pas avec des cancans et des histoires inutiles comme le faisait Domenico ; mais il travaille beaucoup, il agit, et il se tait. C'est un exemple de gentillesse, il est plein d'amour et de respect.

Bref c'est un serviteur digne d'un Evêque.

En outre, il ne boit pas. Domenico buvait en cachette, et mentait très souvent ; il me déshonorait au point qu'à Vérone, à Rome et en Afrique, j'avais souvent honte de lui.


[7037]

Oh ! je suis beaucoup plus content, les Missionnaires et les Sœurs le sont aussi. Toutefois j'ai envoyé Domenico en Europe avec toutes les attentions possibles et avec gentillesse, parce qu'avec sa mauvaise langue et son impudence, il pourrait causer du tort à quelques Missionnaires à Rome, et surtout à l'Abbé Luigi qui ne voulait pas qu'il vienne au Djebel Nouba, parce que Domenico avait besoin de deux serviteurs pour lui seul.

A présent il est à Rome, en paix, très content de moi et de tout le monde ; il veut vous écrire, et vous rendre visite (il n'a pas d'argent, il ne viendra donc pas), et il considère tout ce qui m'appartient comme étant à lui.


[7038]

Mais je remercie le ciel qu'il soit parti. Au contraire, avec Giuseppe, je n'ai jamais été importuné, et je l'estime pour sa gentillesse, son attention et sa modestie. En outre ici il est au service de tout le monde, et tous les Missionnaires, auxquels il prête son aide, sont contents de lui.

Je salue les membres de notre chère famille qui de Milan et de Suisse, viendront sûrement à Limone en octobre. Je salue aussi Pietro, son épouse, ceux de Riva, Teresa et Faustina, etc.

votre affectionné fils

+ Daniel Evêque

P.-S. : Domenico est parti, et il croit que je suis désolé de son départ.


1117
Père Giuseppe Sembianti
0
Khartoum
06. 09. 1881

N° 1117; (1071) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI

ACR, A, c. 15/134

N° 35

Khartoum, le 6 septembre 1881

Mon cher Père,

[7039]

Dans votre lettre N° 30 du 11 juin vous m'écriviez : "Je ne veux pas terminer cette lettre sans manifester à Votre Excellence ma crainte que les Sœurs d'Afrique ne soient soumises à une pression pénible et déraisonnable en voulant Virginie dans le Vicariat. Je n'en sais rien, mais le passé me fait craindre le futur ; dans ce cas, il pourrait y avoir des victimes qui ne cesseraient de crier..."


[7040]

Tout d'abord c'est complètement faux que dans le passé, j'aie exercé une pression quelconque sur les Sœurs ou sur la Supérieure des Pieuses Mères de la Nigrizia, (il s'agit là d'une des nombreuses affirmations fausses qui sont dans vos lettres que je reçois depuis trois mois, au sujet de la malheureuse et pauvre Virginie), et puisque je suis en Afrique, je ne peux pas appeler en votre présence ces Sœurs de Vérone, sur lesquelles vous affirmez que j'ai exercé des pressions, pour vous faire connaître la vérité de la part des Sœurs de l'Afrique.

Puisque le bien de l'Œuvre me tient à cœur, et qu'il faut qu'entre vous et moi il y ait une estime réciproque, véritable, sincère et intime, et pour que l'on atteigne plus facilement les buts de l'Œuvre, j'ai décidé depuis que j'ai reçu votre lettre au Cordofan, d'envoyer Sœur Teresa Grigolini à Vérone pour qu'elle parle avec vous. Vous vous rendrez compte et vous serez convaincu que je n'ai jamais exercé de pression, parce qu'il n'y a personne plus que moi qui souhaite que tout marche bien, et que les Sœurs ne soient victimes de personne, et encore moins de moi, qui suis leur premier père, leur enseignant et leur fondateur.

J'ai choisi cette sainte Supérieure qui est sans exception le premier et le plus parfait modèle de la véritable Sœur fille de charité pour les nécessiteux de l'Afrique Centrale, je l'envoie à Vérone aussi parce que ses forces sont réduites de moitié, et qu'actuellement elle a besoin d'un peu de repos.

J'ai choisi cette Sœur, bien que ce soit le plus grand sacrifice que je puisse faire, parce que d'après les meilleurs Missionnaires qui la connaissent, et aussi d'après Sœur Victoria qui l'admire, elle est le soutien le plus solide de l'Afrique Centrale, elle est aussi mon réconfort, ma consolation, car c'est une âme totalement consacrée à Dieu.


[7041]

Quand j'ai lu votre lettre N° 35 du 24 juillet : "Il faut remarquer que la Mère (de Vérone) n'a plus de forces, qu'elle ne peut plus faire autant d'efforts qu'auparavant, et qu'elle a besoin d'être aidée dans son travail, etc.", ma décision s'est alors affermie davantage, et j'ai donc écrit au Cordofan à Sœur Grigolini pour lui annoncer qu'elle devait se préparer à venir à Khartoum après le Kharif, en lui ordonnant d'informer en mon nom celle qui doit la remplacer.

Je la ferai bien accompagner pendant son voyage jusqu'au Caire, et je suis sûr que son séjour à Vérone pendant quelques mois sera profitable pour le bien de l'Œuvre, pour l'Institut, et surtout pour la Supérieure elle-même qui pourra vraiment se reposer pendant plusieurs mois, faire des cures thermales, etc.

Elle arrivera en Italie au printemps prochain.


[7042]

Quand j'ai lu dans la lettre de Son Eminence adressée à Sœur Victoria, que cette dernière par obéissance a demandé à avoir Virginie à ses côtés, suite aux pressions d'autrui (c'est-à-dire moi), j'ai alors décidé d'envoyer aussi la Mère Grigolini à Rome, pour qu'elle présente un compte-rendu à Propaganda Fide sur l'apostolat des Pieuses Mères de la Nigrizia, pour qu'elle fasse connaître à la Sacrée Congrégation ce qui se passe vraiment en Afrique Centrale, et pour qu'elle dise clairement au Cardinal Simeoni si j'ai exercé une pression sur les Sœurs, au cas où l'Eminent Cardinal de Canossa aurait affirmé à Propaganda Fide que j'exerce cette pression, et que je fais des victimes.

Je veux aussi envoyer Sœur Grigolini au Caire pour prendre une décision au sujet de la vocation d'une postulante née en Egypte, et qui nous a été offerte (!) par les Sœurs Franciscaines (!), pour qu'elle se rende compte aussi de l'état de santé de mes Sœurs, et pour voir qui je peux faire venir en Afrique Centrale.


[7043]

M. Brown m'a écrit de Malte pour m'annoncer qu'avant de quitter Rome, il avait mis 400 livres sterling de côté (10.000 francs) que j'avais demandées, pour que son fils me les remette ; et ce n'est pas la faute du père si son fils Giuseppe Brown ne me les a pas remises. En plus je lui ai demandé de remettre, à moi ou à un des mes représentants, le magnifique anneau de Pie IX avec le certificat d'authenticité de Monseigneur Ricci (j'ai vu l'anneau et le certificat, et Brown disait qu'il valait 20.000 francs), mais il ne me l'a pas remis.

Vous trouverez ci-joint le billet écrit par Brown pour son fils à Rome, ainsi que la lettre que Brown m'a écrite.

Je vous prie de bien vouloir prendre conseil auprès du Comte Teodoro Ravignani afin de voir si on peut poursuivre en justice Giuseppe Brown pour récupérer ce qu'il me doit.


[7044]

J'ai écrit à M. Brown en italien à propos de cette affaire, pour que vous compreniez la lettre et pour que Brown la comprenne bien aussi, et je l'ai invité à me faire une déclaration légale en suivant le modèle que le Père Sembianti, mon Procureur, lui enverra, et que de Malte il vous l'envoie directement à vous.

Pour avoir de l'aide à Rome, pour comprendre l'anglais, ou pour parler au fils de Brown, il y a Monseigneur Antonio Grasselli, Archevêque de Colossi et Secrétaire de la Sacrée Congrégation de la Visite Apostolique, qui réside au Collège Grec, rue Babbuino à Rome, et qui connaît bien Son Eminence, dont il est un des amis, qui connaît bien tous les Brown ; vous trouvez ci-joint un billet pour lui aussi..

Voici la traduction du billet que Brown père a écrit de Malte à son fils qui est à Rome :



Annexe I

(de l'anglais) "Malte, le 22 juillet 1881

M. Giuseppe Brown Junior

131 via Rassella, Rome



Vous n'avez pas payé, me semble-t-il, à Monseigneur Comboni l'argent que j'ai mis de côté pour lui avant de quitter Rome. Je vous ai demandé aussi de remettre à lui ou à son représentant, le précieux anneau (de grande valeur) de Pie IX avec les certificats que je vous avais laissés, ou bien donnez-lui l'équivalent, si l'anneau a été vendu.

H.G. Brown"



Brown père m'a ensuite écrit une longue lettre (Annexe II) dont voici un extrait :



42, route de la Cathédrale

Sliema-Malte

le 22 juillet 1881


[7045]

"Vous m'accusez de préméditation ! Mais je peux prouver que quelques jours avant de quitter Rome, j'ai laissé les 400 livres sterling (10.000 francs) que vous m'aviez demandées. Je vous les avais préparées et elles étaient à votre disposition... Et vous m'accusez de préméditation ! ! !

Je suis vraiment surpris que mon fils Giuseppe ait pu vous dire que je vous procurerais ces 400 livres sterling à Naples, alors qu'il savait parfaitement que j'avais immédiatement obtempéré à votre demande... (en effet, il s'est mal conduit en de nombreuses situations, et il m'a traité indignement). Giuseppe a été notre perte...


[7046]

J'espérais toujours que vous vendriez l'anneau de grande valeur de Pie IX

(vous m'en aviez chargé, mais je n'avais trouvé personne pour l'acheter ; vous ne m'avez pas remis l'anneau, mais seulement une déclaration imprimée) ; la valeur intrinsèque de l'anneau était de 2.000 francs, mais avec le certificat de preuve qui l'accompagnait il pouvait valoir plus de 20.000.On disait qu'il valait plus de 20.000 lires. J'ai toujours mis cet anneau de côté pour vous, et vous trouvez ci-joint un document l'attestant, bien que je craigne que vous ne puissiez pas le récupérer auprès de mon fils".


[7047]

Réfléchissez à cela, et voyez avec Ravignani ce que vous pouvez faire pour récupérer l'anneau chez ce voleur (j'ai le droit d'appeler ainsi le Chevalier Brown Giuseppe fils, à Rome) d'après tout ce que raconte dans cette lettre son pauvre père, auquel dorénavant j'écrirai plus paisiblement.

Outre Monseigneur Grasselli (qui peut aider pour l'anglais ), contactez aussi mon Procureur qui n'a récupéré que le 5 % des 13.000 francs qui étaient sur les registres du vieux, afin de liquider le crédit Brown ; il s'agit du Chevalier Luigi Pelagallo, un homme très honnête qui habite à Rome, 9 rue Capo le Case, au 4ème étage.


[7048]

Mais le vieux Brown m'a écrit dans la même lettre qu'au mois d'août il n'a reçu aucun dépôt d'argent de ma part. Or, je le lui ai vraiment envoyé, mais en août dernier, et il a toujours fallu traiter avec le fils, même pour l'expédition ; j'ai mes registres, et je me souviens avec certitude qu'au mois d'août j'ai envoyé de l'argent à Brown à Rome (peut-être que le fils l'a reçu et qu'il n'a jamais rien dit à son père).


[7049]

Le 7 août 1880, j'ai envoyé de Vienne à Brown une lettre de change de Lyon (Veuve Guérin et Fils à Lyon, Compte N°. 355, Mandat 393) de 12.000 francs-or ; je l'ai expédiée, mais, comme je vous disais, le fils agissait au nom de son père, et quand il a reçu l'ordre d'envoyer 5.000 francs à Giulianelli, il m'a écrit qu'il ne savait pas s'il s'agissait de Giulianelli ou de Julianelli, et qu'il n'avait donc pas pu envoyer la lettre de change (le voleur !).

Je vous envoie toute la documentation, et je suis certain que les Instituts de Vérone obtiendront quelque chose.

Ah ! l'anneau de Pie IX : il est trop petit pour moi, mais bien des princes le payeraient n'importe quel prix.


[7050]

Je voulais envoyer à Son Eminence les 5 grandes feuilles qui font suite aux quatre que j'ai déjà envoyées d'El-Obeïd en réponse à votre lettre des 26 et 27 mai dernier de Vérone et de Monteforte, pour me justifier.

Mais maintenant que l'Eminent Cardinal de Canossa a provoqué une querelle avec le Cardinal Simeoni, ce n'est plus la peine de l'envoyer à Vérone, où je serais sûrement entendu comme je l'ai été jusqu'à présent : c'est-à-dire, pas du tout !

Je pense donc me servir de ces feuilles en les présentant à Rome si l'Eminent Cardinal Simeoni m'écrit à ce sujet.

C'est complètement faux que l'Archiprêtre de Sestri m'ait parlé clairement à propos de la vocation de Virginie, et je lui ai écrit immédiatement pour qu'il me fasse un compte-rendu sur ce qu'il prétend m'avoir dit. Il ne m'a jamais parlé de Virginie, ni en mal, ni en bien, et il n'a jamais été question de vocation à Sestri ; mais la pauvre Virginie a souffert beaucoup dans cette ville avec sa sœur qui s'échappait parfois du couvent, et Virginie devait courir après elle.

Avec ce courrier, je veux écrire encore une fois à cet Archiprêtre, et je lui dirai que c'est un mensonge que d'avoir dit qu'il m'a parlé de Virginie et de sa vocation.


[7051]

Je termine cette lettre avec une anecdote du grand Pie IX, qui m'est arrivée à Rome.

En 1864, j'étais à Rome après la béatification de Marguerite Marie Alacoque, et l'Eminent Cardinal Barnabò m'avait chargé d'aller à l'Hospice des catéchumènes (où Beschir avait été instruit) pour prendre un jeune de Damas, converti de l'Islam (aujourd'hui, c'est un riche lord qui vit à Londres) afin de le présenter au Pape Pie IX car il avait déjà reçu le Baptême.

Je suis allé à l'Hospice et j'ai vu aussi un pauvre jeune cordonnier de 10 ans, qui était juif, et qui avait été baptisé avec le jeune de Damas.

Le Recteur de l'Hospice et moi-même nous sommes montés avec les deux heureux convertis dans le carrosse de Monseigneur Jacobini, qui était alors Prélat des Catéchumènes, et qui est aujourd'hui Cardinal Secrétaire d'Etat de Léon XIII, et nous sommes allés chez le Pape. En rentrant, Monseigneur m'a conduit à Propaganda Fide où je devais m'entretenir avec l'Eminent Cardinal Préfet.

C'est à ce moment-là que j'ai fait la connaissance du jeune cordonnier du ghetto, beaucoup plus grossier et moins éduqué que nos cordonniers de campagnes, mais très content car il était devenu chrétien.


[7052]

Le dimanche suivant, au mois d'octobre, je déjeunais chez le Comte de Sartiges, Ambassadeur de France auprès du Saint-Siège, en compagnie du Baron Visconti, Commissaire des Antiquités, et de Monseigneur Place alors Auditeur de la Rote Romaine, devenu ensuite Evêque de Marseille, puis aujourd'hui Archevêque de Rennes.

L'ambassadeur nous a raconté comment, à la demande de l'Empereur Napoléon III, il était allé le jour précédent chez Pie IX pour lui annoncer que l'Empereur voulait que Sa Sainteté prenne des mesures afin que ce jeune cordonnier baptisé soit rendu à ses parents juifs. Le pape a répondu par un non résolu et définitif.

"Quelle folie ! disait le Comte de Sartiges, quelle bêtise ! quel fanatisme de la part du Pape que d'avoir refusé une si petite chose à l'Empereur ! Un cordonnier ! C'est du fanatisme ! C'est trop, refuser une si petite chose à l'Empereur des Français !

Ce n'est pas bien, ce n'est pas de la politique, etc.".


[7053]

Après avoir laissé parler le Commandeur Visconti et Monseigneur Place qui répondaient pour justifier le Pape, l'Ambassadeur s'est adressé à moi, et m'a dit : "et vous, mon cher Abbé, qu'en pensez-vous ? Vous n'auriez certainement pas agi ainsi ". "Je vous demande pardon, mon cher Ambassadeur - ai-je répondu - Vous ne voyez pas que le Pape est le parfait imitateur de Jésus Christ, lequel aurait répandu tout son sang rien que pour une seule âme ? Vous ne voyez pas le magnifique spectacle d'un Pape qui donne au monde une splendide leçon sur le prix d'une âme, pour laquelle le divin Rédempteur est mort ? Il me semble au contraire voir dans cet acte sublime du Souverain Pontife, toute la beauté de notre Sainte Foi. Oui, le refus que la plus haute autorité de la terre a opposé à l'Empereur le plus puissant du monde en refusant de rendre à un père juif, son pauvre fils converti, est vraiment un spectacle sublime digne d'une admiration universelle.

Ce surprenant courage de Pie IX, rejetant la requête de Napoléon III de rendre le jeune cordonnier, montre la grandeur d'âme, le zèle apostolique, et la charité surhumaine du plus grand Pape de l'ère moderne, que j'admire, et qui rend vraiment sublime le Pape Pie IX ".


[7054]

"Oh ! comme vous êtes poète, mon cher ami", dit l'Ambassadeur en souriant, et les autres ont applaudi à ma réponse.

De cette anecdote vous pouvez déduire, mon cher Recteur, que Virginie, bien qu'elle soit malheureuse et très peu importante, trouvera à Rome un peu plus de charité, que celle qu'elle a pu trouver dans certaines parties du monde.

Priez pour moi ; je vous bénis de tout mon cœur ainsi que les Instituts.

Votre affectionné

+ Daniel Evêque


1118
Père Giuseppe Sembianti
0
Khartoum
10. 09. 1881

N° 1118; (1072) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI

ACR, A, c. 15/135

N° 36

Khartoum, le 10 septembre 1881

Mon cher Père,

[7055]

Lisez d'abord la lettre que j'ai écrite à l'Abbé Rolleri, j'évite ainsi de vous expliquer pourquoi je l'ai laissé aller en Europe et je réponds en même temps à vos lettres dans lesquelles vous me disiez que je pouvais le retenir à Khartoum (je ne peux compter sur Rolleri et sur sa santé) comme administrateur.

Je vous envoie plusieurs lettres de Sestri, et le document de Brown sur l'anneau de Pie IX qu'il m'a chargé de vendre (uniquement avec l'étiquette, mais il a gardé l'anneau) à quelque prince, mais je n'ai pas eu le temps de le montrer à qui que ce soit à Vienne.


[7056]

Je vous envoie les lettres de Properzi, témoin des promesses de Tagliaferro, et les lettres de Tagliaferro. Gardez les 6.300 francs de Paris.

Le départ du courrier est imminent. Je vous écrirai dans le prochain courrier.

J'ai reçu la magnifique couverture de Virginie, qui a mis 32 jours pour arriver à Khartoum de Berber. Les Sœurs ont été enchantées, et elles ont dit que cette couverture est digne d'être offerte au grand Pacha.

Je bénis tout le monde.

Votre affectionné

+ Daniel Evêque


1119
Abbé Francesco Giulianelli
0
Khartoum
13. 09. 1881

N° 1119; (1073) - A L'ABBE FRANCESCO GIULIANELLI

ACR, A, c. 15/32

Khartoum, le 13 septembre 1881

Mon cher Abbé Francesco,

[7057]

Je répète ce que je vous ai écrit dans ma dernière lettre (N° 1) du 6, c'est-à-dire que je vous ai nommé Procureur Général avec la liberté totale d'utiliser les fonds confiés à votre conscience, d'acheter n'importe quoi qui vous semble bon pour le bien de l'œuvre, etc., mais je vous recommande l'économie la plus consciencieuse.

J'ai reçu vos lettres des 10, 15 et 22 août avec le compte-rendu du mois de juillet. Tout est en ordre.

Je vous enverrai petit à petit le montant de toutes les ressources dont nous avons disposé dans le courant de l'année, et qui ne sont pas passées par vos mains pour les enregistrer dans le registre de l'administration générale.


[7058]

A partir d'aujourd'hui, n'envoyez plus d'argent au Père Sembianti pour l'année 1881, parce que ce qu'il a, et ce qu'il recevra, suffira à gérer les Institut de Vérone pour finir l'année.

Après avoir pourvu aux stricts besoins du Caire avec l'argent qui arrivera, gardez ce qui reste, et mettez-le à ma disposition en fonction de mes ordres quand je vous écrirai.

Vous me rendrez compte de l'administration générale tous les trois mois.

Et vous continuerez à m'envoyer tous les mois le compte rendu de toutes les entrées et sorties mensuelles.

Quand vous m'écrivez, inscrivez, pour le classement, toujours le numéro du protocole comme j'ai commencé à le faire avec vous, et comme Propaganda Fide le fait toujours.


[7059]

J'espère que vous ayez renvoyé Domenico Donizzoni chez lui, et que Domenico Polinari acceptera d'aller au Cordofan. La Mission de Khartoum est pourvue en personnel. Tenez-moi toujours au courant de la conduite des séculiers et de vos dépendants.

J'insiste depuis longtemps auprès du Gouvernement de Khartoum pour avoir l'argent du copte catholique Armenios, lequel aurait obtenu 4.700 piastres au moins en vendant ses marchandises près du Fleuve Blanc, mais je n'ai rien pu faire jusqu'à présent.

Saluez de ma part le Délégué Apostolique des coptes Abuna Marco. Quand vous verrez le nouveau Délégué Apostolique Anacleto de San Felice, présentez-lui mes hommages et ma soumission.

[suit une note administrative]

J'ai bien reçu la quinine...

Je vous tiendrai au courant des autres sommes d'argent reçues à Vérone et des rentes du Vicariat, etc.

Saluez de ma part le Père Pietro, Germano, etc.. Je bénis tout le monde.



Votre affectionné

+ Daniel Evêque

et Vicaire Apostolique

P.S. Vous commencerez le registre de l'administration générale à partir du 1er janvier 1881.


1120
Père Giuseppe Sembianti
0
Khartoum
13. 09. 1881

N° 1120; (1074) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI

ACR, A, c. 15/136

Vive Jésus, Marie et Joseph !

N° 37

Khartoum, le 13 septembre 1881

Mon cher Recteur,

[7060]

Avec ma lettre N° 36 je vous ai envoyé plusieurs lettres de l'Abbé Tagliaferro et de l'Abbé Properzi qui en a été le porteur.

L'Abbé Properzi, qui est un homme dont le talent est extraordinaire, avait prévu tout ce qui est arrivé, c'est-à-dire que Tagliaferro n'est pas capable de faire un acte de générosité, et qu'il ne me donnerait jamais (comme il l'avait promis à lui et à moi) son domaine de Sestri. Properzi est un avocat, il est fin...

Je lui ai dit que j'aurais contraint Tagliaferro à me céder le couvent, en espérant être la cause et l'occasion pour remettre debout Tagliaferro, et le ramener sur les chemins de la grâce de Dieu, étant donné qu'il ne se confesse pas, dit-on, depuis de nombreuses années, qu'il est usurier, etc. Mon Dieu ! et c'était un religieux ! Corruptio optimi pessima (la corruption du bon est pire).

Si Properzi s'adresse à vous (soyez toujours réservé avec lui, car je suis en froid avec lui depuis qu'il m'a proposé l'affaire de Tagliaferro et à cause aussi d'autres affaires), ne refusez pas définitivement, mais répondez-lui que s'il croit bon de faire ce qu'il veut faire, eh bien qu'il le fasse !

Properzi est un homme qui a bon cœur, qui se vendrait lui-même pour les autres, il est plein de vertus et de péchés ; bref c'est un Napolitain.


[7061]

J'ai écrit sèchement à Tagliaferro en lui disant qu'il m'avait trompé, que vous ne pouviez pas faire autrement que de retirer les Sœurs, parce que les garder à Sestri aurait porté préjudice à l'Institut. Je lui ai écrit qu'il est un homme qui se fait payer les meubles, les lits misérables... et qu'il n'est pas capable de faire le don prétendu. Vous, ne payez pas, mais répondez en disant que je ne vous ai donné aucune instruction à ce sujet, et qu'il se mette d'accord avec moi. D'ailleurs, je ne comprends pas la raison de cette crainte. La convention n'a pas de valeur, et nous n'aurions pas pu la présenter au gouvernement. Quant aux frais de location qu'il exige de nous, il faut dire qu'il nous a donné le logement gratuitement (et c'est vrai)...


[7062]

Rolleri ne doit recevoir de moi pas même un centime. Le dépôt qu'il a reçu en novembre dernier, s'élevant à 2.200 lires, a été payé à Khartoum avec l'argent que je lui ai donné en tant qu'administrateur, pour le voyage du Caire à Khartoum.

Il y a dix jours, j'ai lu sur le journal de Graz que Sa Majesté l'Impératrice Marianne de Prague a envoyé à Monseigneur Comboni 500 francs (c'est bien peu !).

J'ai écrit à Monseigneur Gaspardis d'envoyer l'aumône à Vérone. C'est la règle générale ! Gardez les 6.300 francs de la Sainte Enfance de Paris, et aussi ces 500 francs, ainsi que tout l'argent qui vous parviendra pour les besoins de Vérone.

Je vous répète seulement que si j'avais extrêmement besoin de diminuer la caisse de Vérone pour renflouer celle du Vicariat, je le ferais, et je vous écrirais d'envoyer au Caire telle somme.

Ayez confiance en Dieu ! La confiance en Dieu est si rare même chez les âmes pieuses, parce que Dieu et Jésus-Christ sont peu connus, peu aimés. Si on connaissait, si on aimait vraiment Jésus Christ, on pourrait déplacer des montagnes. Le peu de confiance en Dieu est commun à presque toutes les âmes (ma longue expérience me le fait dire et l'Eminent Barnabò pensait de la même façon), même les bonnes qui s'adonnent beaucoup à l'oraison. Elles ont une grande confiance en Dieu du bout des lèvres et en paroles, mais n'ont que très peu ou pas du tout cette confiance quand Dieu les met à l'épreuve, et quand parfois il ne leur donne pas ce qu'elles veulent.


[7063]

Il m'est arrivé de voir cela chez des Religieux, des Jésuites, des Chartreux, et chez des Prêtres très bons. Je ne pensais pas que c'était comme cela, mais il en est ainsi. Je vous dis tout cela pour vous exhorter à avoir une confiance ferme et résolue en Dieu, en la Vierge Marie et en Saint Joseph.

Mais la plainte que vous avez exprimée dans une lettre m'a impressionné, quand vous avez su que de l'allocation de Lyon, je ne vous avais donné que 6.000 francs. Modicae fidei,quare dubitasti ? (homme de peu de Foi pourquoi as-tu douté ?). Ceux qui ont une Foi véritable et confiance en Celui qui est plus grand qu'eux, plus que moi et plus que les saints d'Europe (du moins la plupart) sont : Sœur Teresa Grigolini, Sœur Victoria Paganini, Sœur M. Giuseppina Scandola, et certains de mes Missionnaires, Nöcker, le saint Curé de notre Société de Cologne, et beaucoup d'autres que je connais personnellement.

Il faut donc prier et avoir la Foi ; il ne faut pas prier avec des mots, mais avec le feu de la Foi et de la charité. C'est ainsi que l'Œuvre africaine s'est implantée.

C'est ainsi que se sont implantées la Religion, et toutes les Missions du monde.


[7064]

Je n'ai pas eu le temps de vous informer au sujet de Domenico Polinari.

Je suis le seul à lui être favorable en Afrique, car, bien qu'il soit fou, ses mœurs sont solides, c'est un grand travailleur, et il est le plus ancien parmi les Missionnaires de la nouvelle phase du Vicariat, c'est-à-dire qu'il est là depuis l'époque où on m'avait confié le Vicariat à moi-même et à l'Institut de Vérone. Mais l'Abbé Bouchard, le Consul, les Missionnaires et les Sœurs (et ils ont mille raisons) ne veulent plus entendre parler de lui. Pourquoi veut-il me rendre compte à moi de l'administration du jardin ? Son devoir était d'en rendre compte au Supérieur local l'Abbé Luigi, et de lui obéir. Mais il vendait les produits du jardin à l'extérieur, et il ne laissait rien pour la maison, et l'Abbé Luigi n'a jamais vu un centime de ces ventes. Maintenant, en plus de procurer tous les jours à la maison les produits du jardin, le jardinier remet chaque jour au Supérieur un et même deux thalers gagnés grâce à la vente des citrons, et quand il y a d'autres fruits, il y a encore plus d'argent. Actuellement, outre les 400 thalers de dattes, on vend l'okalib, la canne à sucre, etc., et tout cet argent rentre dans la caisse de la Mission. Quand il y avait Domenico Polinari, la Mission ne voyait jamais rentrer un seul centime, et il ne voulait rendre compte à personne. Et il veut me présenter le compte-rendu de son administration maintenant ? Il est fou !

L'abbé Giulianelli m'a envoyé un télégramme du Caire en disant que Polinari ne veut pas y rester. "Ou bien le Soudan, ou il partira". J'ai alors prié l'Abbé Fraccaro de l'accueillir au Cordofan, et il a accepté. J'ai ensuite envoyé un télégramme pour dire que j'avais affecté Battista à Khartoum (toutefois sous les ordres de Lonardo, l'Africain responsable du jardin, jadis chassé par Polinari sans qu'il en ait rien dit au Supérieur, alors qu'il était dans le jardin depuis 22 ans), et j'ai envoyé Polinari au Cordofan.


[7065]

Je ne sais pas encore ce que Domenico a décidé de faire après avoir reçu mon télégramme. Je suis le seul à être content qu'il vienne.

J'écrirai au Baron de Bruck à Trieste, que je connais bien ; c'est le fils de celui qui était Ministre des Finances de l'Empire autrichien et qui, me dit-on, s'est suicidé.

Je le connaissais très bien, et c'est à Vienne au Ministère des Finances que j'ai connu le jeune Baron de Trieste.

Je n'ai pas encore trouvé le reçu de l'Abbé Tagliaferro, certifiant que je lui ai payé 1.999,50 lires en novembre, mais peut-être le retrouverai-je.


[7066]

L'Abbé Francesco Pimazzoni qui avait récupéré un peu de santé, et qui se promenait dans le jardin (peut-être trop), est retombé malade, je ne sais quoi dire. C'est une grande croix si je perds ce cher sujet.

Pauvre Matteucci ! Il a fait un voyage entre la Mer Rouge et l'Atlantique que personne n'avait fait avant lui, et il a ainsi atteint le même niveau que Stanley...

Il est mort à Londres, comme Gessi Pacha à Suez, juste avant de célébrer son triomphe. Quel monde injuste ! Porro unum est necessarium (une seule chose est nécessaire) : l'âme, les intérêts de la gloire de Dieu, et sauver les âmes.

Je salue l'Eminent Cardinal, le Père Vignola, Bacilieri, Ravignani, l'Abbé Luciano, et je bénis tout le monde.



+ Daniel Evêque




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P.S. Par ce courrier je vous envoie aussi les lettres de Tagliaferro et de Properzi. Je serais très content si je pourrais récupérer chez Brown l'anneau de Pie IX.

[en haut de la page 1] Oh ! Je serais très reconnaissant envers Dieu si je pouvais récupérer l'anneau de Pie IX, que je pourrais sûrement vendre pour 20.000 francs à Paris, ou ailleurs.

Faites tout votre possible, et faites prier saint Joseph ad hoc.

[dans la marge des pages 1 et 3] Toutes les Sœurs d'ici, et spécialement Sœur Victoria, Sœur M. Giuseppa et les Piémontaises, tissent les louanges de la petite Elvira dell'Astori, dont on ne connaît pas l'origine ; Sœur Victoria et Sœur M. Giuseppa Scandola disent qu'elles seraient très contentes de l'avoir à leurs côtés quand elle aura fait sa profession.