N° 1131; (1084) - A L'ABBE FRANCESCO GIULIANELLI
ACR, A, c. 26/4 n. 27
Khartoum, septembre ? 1881
Bref billet.
N° 1132; (1085) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 15/133 n.1
Khartoum, septembre ? 1881
Père Sembianti,
Aujourd'hui, j'ai eu des nouvelles du Cordofan, où tout le monde se porte plutôt bien. L'Abbé Losi perdait du sang, et il était proche de la fin, mais il va mieux maintenant, et il marche avec une canne.
Un ouragan a endommagé un peu l'église et les tôles, mais j'en enverrai quelques-unes de Khartoum.
Au Djebel Nouba tout le monde se porte bien. Ne pouvant pas écrire, je vous envoie les deux lettres de Sœur Amalia, la Supérieure, et de Sœur Eulalia.
Oh ! Je rêve nuit et jour d'avoir l'anneau du Pape avec le certificat de Monseigneur Ricci, que Brown doit me remettre. Oh ! Cher anneau ! qui a été porté par le saint Pontife qu'a été Pie IX ! Usez de toute votre prudence et de votre savoir-faire pour l'arracher des mains avides du fils de M. Brown, que je prenais pour un saint, que le Pape a nommé Chevalier parce qu'il avait été blessé lors de la bataille de Castel Fidardo. Oh ! Cher anneau ! J'imagine ce que je vais en faire. Je ne le porterai pas, parce que j'en suis indigne ; le vendre à des princes pour 1.000 ou 2.000 napoléons, non ! j'aurais l'impression de profaner l'anneau. Nous verrons. Priez et faites prier pour récupérer l'anneau. Prenez soin de vous.
+ Daniel Evêque
N° 1133; (1086) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 15/133 n. 2
Khartoum, septembre ? 1881
Bref billet.
N° 1134; (1087) - A L'ABBE FRANCESCO GIULIANELLI
ACR, A, c. 15/34
Vive Jésus, Marie et Joseph !
Khartoum, le 1er octobre 1881
Mon cher Abbé Francesco,
D'un côté, j'ai perdu 200 thalers avec l'expédition faite par l'intermédiaire du Consul grec ; d'un autre côté, je n'ai rien perdu.
En effet si j'y réfléchis bien, je n'ai rien perdu parce que vos lettres de change n'étaient pas payables au Cordofan, mais à Khartoum. Ainsi, le Consul grec avait raison de vouloir me payer à Khartoum.
Au Cordofan, le thalers megid vaut 16 piastres égyptiennes ; à Khartoum, il en vaut 16,35 et c'est le taux normal. Vous voyez bien qu'en encaissant l'argent au Cordofan, j'y aurais gagné, mais je ne pouvais pas prétendre que le Consul grec me paye au Cordofan avec le taux de change de Khartoum. Je n'ai donc rien perdu, en outre, le Consul est un honnête homme.
Comme nous sommes en train de faire des constructions, on dépense l'argent à pleines mains, nous allons faire ainsi : vous gardez l'argent que Jésus vous envoie. Quand j'en aurai besoin, je vous enverrai un court télégramme en disant par exemple : " J'ai besoin d'argent", ou bien, " Envoyez de l'argent " .
Vous irez alors chez le banquier habituel, comme vous avez fait pour les 300 guinées égyptiennes, et vous ferez envoyer un télégramme par le banquier au Consul grec pour qu'il lui demande s'il peut donner telle somme.
En même temps vous m'enverrez un court télégramme pour me dire que vous disposez de telle somme, que je retirerai chez le Consul grec. Exactement comme vous avez fait la dernière fois.
Il y a une semaine, j'ai reçu 3.000 francs sous la forme de 150 napoléons en or de la part du Gouvernement, et je les ai encaissés.
N'envoyez plus de médicaments, si ce n'est quand vous recevez un ordre formel de ma part, ou de la part d'un Supérieur ou d'une Supérieure, parce que j'ai acheté pour 325 megid (1.445 francs) une importante pharmacie bien fournie, où il y a de tout pour toutes les Missions, et pour longtemps.
Je ne fais pas venir de Sœurs du Caire, ni de Frères laïques. Faites en sorte qu'ils s'acclimatent au Caire. Ils pourront venir dès que l'église sera terminée, et dès qu'on pourra l'utiliser correctement, et que la chapelle des Sœurs et les dépendances pourront leur servir d'habitations, afin que les Sœurs restent le moins possible au rez-de-chaussée, parce que je crois que c'est une des causes de leurs maladies.
L'Abbé Paolo est à son aise sous la responsabilité de l'Abbé Losi chez les Nouba (l'Abbé Losi reste au Cordofan jusqu'après le Kharif).
Giuseppe Fortini va très bien, il travaille beaucoup. C'est un bon et pieux camérier, et une vraie bénédiction pour moi, pour la maison. Tout le monde l'estime.
Il a déjà relié plus de 40 volumes. C'est une manne ! Il dit qu'il est vraiment heureux, il a... [il manque la suite].
[+ Daniel Comboni]
N° 1135; (1088) - A L'ABBE GENNARO MARTINI
"Museo delle Missioni Cattoliche" XXIV (1881), pp. 710-711
Khartoum, le 1er octobre 1881
Mon cher Abbé Gennaro,
Je ne sais pas pourquoi vous êtes si réticent pour écrire.
J'attendais une réponse à ma lettre dans laquelle je disais que nous ferions une exploration aux Nyanza, mais je n'ai pas pu avoir de réponse, ni positive, ni négative.
J'ai lu dans le "Museo" que vous étiez malade à Beinasco ; j'attendais une lettre, mais rien. Ici, les Sœurs et tous les Missionnaires, et surtout l'Abbé Luigi, demandent toujours de vos nouvelles. Mais quelle réponse puis-je donner ?
J'ai fait une magnifique exploration à Nouba sur toutes les montagnes nubiennes, le grand Golfan, le petit Golfan (où on fondera une Mission après le Kharif), Tarda, Carkendi, Cuggiala, Giukkor, Carco, Sobès, Condokor, Kondrkara, etc, et nous avons tracé une carte précise (celle tracée par le Père Carcereri était fausse), que j'ai envoyée à presque toutes les Sociétés Géographiques d'Europe, et que je ferai imprimer moi-même.
J'ai fait cette exploration avec les Abbés Luigi, Vincenzo, Léon, et au petit Golfan avec l'Abbé Losi...
Chez les Nouba, où l'Abbé Losi a rédigé un dictionnaire de plus de 3.000 mots, étant donné l'immense difficulté pour apprendre la langue, nous avons décidé de nous installer dans les régions où on parle les langues Denka et Bari, car nous possédons les grammaires et les dictionnaires de ces langues depuis 16 ans (moi aussi j'y ai travaillé), parce qu'une langue est plus facile à apprendre quand on a des dictionnaires et des grammaires, que quand il faut la décrypter comme on l'a fait chez les Nouba.
Puisque la province du Bahar-el-Ghazal, qui comprend les Guaw Gram, les Makraka, etc. est très florissante, nous avons décidé de fonder une nouvelle Mission dans cette région. Gessi en a beaucoup écrit et parlé.
Le nouveau gouverneur, successeur de Gessi, Lypton Bey de Londres, m'a invité à y aller. Il part dans quelques jours et par confiance en moi il m'a prié, et j'ai accepté, de retirer, tous les mois, ses salaires ici à Khartoum, et de les garder dans ma caisse, ou chez le Supérieur local en mon absence.
Par ailleurs, la traversée ne se fera plus par le Fleuve Blanc, mais dEl-Obeïd par Bahar-el-Ghazal, Makraka et le lac Albert Nyanza.
Il est probable que l'Abbé Arturo et moi (et avec vous si vous venez) nous fassions avec l'Hoccombar, Rauf Pacha, en trois mois le voyage de Khartoum à Sebath, Bahar-el-Ghazal, Giser, Guaw Gram, Makraka et Albert Nyanza ; et après avoir fait le tour de tout le lac avec un bateau à vapeur, nous irons à Fatiko, Gondocoro, Ladi-Halfa et Khartoum, il me semble, à la fin du mois de novembre.
Ne dites rien et ne faites rien imprimer à ce sujet car j'aime faire les choses et ensuite en parler.
L'Abbé Antonio Dobale, un Africain que nous avons vu à Secakim, est mort à El-Obeïd. Sœur Maria, qui était partie du Caire avec moi, est morte à Malbès.
Après trois mois de pluies à El-Obeïd, il n'y a même pas une goutte d'eau dans les puits, et il faut donc dépenser encore de 8 à 10 thalers par jour pour l'eau, et cela depuis dix mois. Je suis donc sérieusement préoccupé pour le Cordofan, et je dois prendre une décision.
Ici, nous avons un très bon Consul français M. Voisin, autrefois diplomate en Birmanie et aux Indes. Il a de superbes cavas, il est bien installé, et est très bien payé. Hansal en est très content, parce qu'il dit que je suis une vraie force que les Français craignent.
Le Consul français vient toujours me demander des conseils, mais c'est un homme qui peut, lui aussi, donner de bons conseils. Son Conseiller est drogman, et rien de moins que le fils aîné de Faragialla Musalli. Giorgio Papa vit ici à Khartoum.
Il y a déjà 300 soldats chez les Nouba, mais j'ai fait changer l'Inspecteur et le Commissaire pour l'esclavage, et j'ai proposé au Gouvernement de nommer Pacha Roversi, de Bologne, notre compagnon d'exploration chez les Nouba, qui partira d'ici la semaine prochaine.
Le gouvernement a adopté toutes mes propositions pour mettre en déroute les Baggaras. L'Abbé Vincenzo Marzano (qui a très bien fait) est parti pour Naples, où il doit être déjà arrivé. Il quittera Naples après Noël pour revenir en Afrique. Mais auparavant il ira à Vérone.
Veuillez bien saluer de ma part votre mère, vos sœurs et votre frère, le Prévôt, le Maire, notre cher Abbé Casalegno et le Curé de Saint Pierre et Paul ; je vous bénis.
+ Daniel Evêque
N° 1136; (1089) - A L'ABBE VINCENZO MARZANO
ACR, A, c. 15/57
Khartoum, le 1er octobre 1881
Bref billet.
N° 1137; (1090) - AU PERE GIUSEPPE SEMBIANTI
ACR, A, c. 15/137
N° 41
Khartoum, le 2 octobre 1881
Mon cher Père Sembianti,
C'est avec beaucoup d'étonnement que j'ai pris connaissance de l'émoi de la Supérieure quand elle a reçu ma lettre dans laquelle je lui demandais certaines choses concernant son devoir, et que j'avais le droit de demander en toute conscience.
S'il en est ainsi, comme je ne veux être la cause d'aucun embarras, je vous assure, et vous pouvez rassurer aussi la Supérieure que je ne la troublerai plus jamais, ni par des lettres, ni par aucun autre document.
Qu'ils sont magnifiques les liens qui unissent un Institut où doit fleurir la charité, l'obéissance, la confiance, et le respect de l'autorité, qu'ils sont magnifiques, disais-je, les liens qui unissent l'Institut des Pieuses Mères de la Nigrizia à son fondateur, qui travaille d'arrache-pied, ne dort pas pour le soutenir et pour que rien ne lui manque. Quel esprit du Seigneur !
Ce matin, j'ai baptisé solennellement 14 infidèles païens et musulmans sous les auspices de la Vierge du Saint Rosaire.
On remarquait surtout la joie d'une jeune musulmane de 14 ou 15 ans, fille de l'épouse de l'ancien commandant général des troupes du Cordofan et du Darfour, qui a réussi, au bout de cinq ans de prières et de larmes, à obtenir de sa mère musulmane l'autorisation de recevoir le baptême. Avant cela, j'ai voulu obtenir un document officiel du Consul austro-hongrois déclarant que cette fille veut devenir catholique, et que sa mère lui en donne l'autorisation ; cette déclaration a été signée par de nombreux témoins. La mère, illettrée, bien que noble, a signé en faisant une croix, alors qu'elle est musulmane !
Le Général était parti au Caire avec sa femme et sa fille qui souffrait parce qu'elle voulait devenir catholique et Religieuse sous la direction de Sœur Victoria (et lors de son Baptême elle a reçu le nom de Victoria).
La jeune fille, à cause de cette souffrance, perdait chaque jour un peu plus de ses forces, jusqu'au moment où sa mère, pour ne pas la voir mourir, a décidé de l'accompagner à Khartoum chez Sœur Victoria.
Maintenant, après le Baptême, c'est la créature la plus heureuse du monde. J'écrirai un article spécial pour les "Annali del Buon Pastore", sur cette prodigieuse conversion parce que Dieu sera glorifié dans la conversion de cette musulmane.
J'ai également baptisé un Denka de 60 ans environ, converti par un miracle de la Grâce, et je lui ai donné le prénom de Mitterrutzner, Giovanni Crisostomo.
Pendant que nous étions au chevet de l'Abbé Francesco, qui est à nouveau malade, nous avons calculé que depuis le jour de la fête de Saint Joseph, le 19 mars, jusqu'à aujourd'hui, j'ai à moi seul baptisé 52 infidèles païens et musulmans, dont 46 adultes. Beaucoup d'autres Missionnaires, et les Sœurs Teresina et Victoria ont aussi fait leur part. Toutes ces âmes auraient été perdues pour l'éternité s'il n'y avait pas eu notre sainte Œuvre.
Toutefois malgré cette consolation, je sens dans mon cœur le poids de la Croix. La santé de Paolo Scandi, de Rome, s'est aggravée. L'Abbé Francesco Pimazzoni (qui a offert sa vie à Dieu pour que le Seigneur mette fin à la décimation des Missionnaires et des Sœurs dans le Vicariat) est à nouveau malade.
L'abbé Giovanni Battista Fraccaro se sent très mal.
Oh ! Mon doux Jésus n'a pas fait la croix pour que nous la regardions, mais pour que nous la portions. Oui, nous la porterons, et volontiers !
J'ai reçu des nouvelles plutôt bonnes du Cordofan. Priez et faites prier pour nous.
La somme d'argent prise avec mon accord par Giacomo, et avec l'obligation de la rendre quand il pourra pour qu'il engage le procès contre son frère, n'est pas notée dans la comptabilité. L'argent que vous recevez pour moi ou pour la Mission, gardez-le pour Vérone, en me faisant parvenir un compte-rendu.
Que Jésus soit loué !
votre dévoué
+ Daniel Evêque
Khartoum, le 3 octobre
N° 1138; (1091) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI
AP SC Afr. C., v. 9, ff. 242-245
N° 21
Khartoum, le 3 octobre 1881
Eminent et Révérend Prince,
P.-S. Ce matin, à 7 heures, Paolo Scandi, de Rome, est mort du typhus de façon très édifiante pour nous, dans la joie, entouré par tout le monde.
7 jours après être tombé malade, il m'a demandé la Communion comme viatique. L'Abbé Francesco, fortement impressionné, est presque à bout de force, et a demandé les Sacrements. L'Abbé Battista, après l'avoir confessé... et aidé le mourant jusqu'à la fin, est allé au lit avec une très forte fièvre.
Faites prier spécialement les Religieux des Stigmates.
+ Daniel Evêque
J'ai eu raison d'ordonner de laisser à sa place le catafalque qui avait servi pour célébrer les Offices et la Messe de Requiem des trois défunts dont j'ai parlé dans ma dernière lettre.
Ce matin, le Frère laïque Paolo Scandi a succombé à la fièvre typhoïde, il est mort de façon très édifiante et enviable. Il était forgeron, expert dans le travail du cuivre, et a rendu de nombreux services pendant l'année qu'il a passé au Cordofan ; je suis donc très touché par sa mort.
A l'heure où j'écris, l'Abbé Francesco Pimazzoni vient de me demander les derniers Sacrements ; il est sans aucun doute le premier sujet de la Mission grâce à sa piété, à sa sainteté et à sa capacité de jugement, il a un talent admirable.
Il a dû interrompre ses études pour le service militaire, il a sanctifié la caserne, il a gardé dans sa Compagnie la Foi et la Religion et a poussé de nombreux camarades à fréquenter l'église et à recevoir les Sacrements. Il connaissait assez bien la langue arabe et ici il commençait à avoir de bons résultats.
Nous avons donc mis Saint Joseph en croix, et nous le supplions ardemment pour que le Père Francesco ne meure pas. Ah ! Il ne doit pas mourir. Ainsi après les funérailles de Paolo Scandi, j'ai fait enlever tout de suite le catafalque parce que, pour le moment, il ne doit pas servir pour l'Abbé Pimazzoni. L'excellent Abbé Battista Fraccaro, mon futur Vicaire Général, immédiatement après les obsèques du défunt, qu'il avait assisté pendant toute la nuit car il était aussi son confesseur, a dû s'aliter parce qu'il a été assailli par la fièvre.
Mon Dieu ! Toujours des croix ! mais en nous donnant la Croix, Jésus nous aime. Toutes ces croix pèsent terriblement sur mon cœur, mais elles en accroissent la force et le courage de combattre les batailles du Seigneur, parce que les Œuvres de Dieu sont nées et se sont toujours développés ainsi.
L'Eglise a été fondée dans le sang de l'Homme-Dieu, des Apôtres et des Martyrs. Toutes les Missions catholiques de l'univers qui ont eu de bons résultats se sont développées de cette façon à l'image de l'Eglise, c'est ainsi qu'elles ont prospéré, qu'elles se sont renforcées, et qu'elles ont toujours continué à aller de l'avant malgré la mort, parmi les sacrifices, et à l'ombre de l'arbre salutaire de la Croix.
Hier c'était la fête de la Vierge du Saint Rosaire, et j'ai baptisé solennellement 14 adultes infidèles, parmi lesquels se distingue une jeune musulmane de 14 ans, au sujet de laquelle je vous ai écrit dans ma dernière lettre. C'est un vrai prodige de la grâce de Dieu si cette âme vigoureuse et bienheureuse a été amenée au sein de l'Eglise, elle est non seulement catholique, mais elle veut absolument devenir Religieuse chez les Pieuses Mères de la Nigrizia.
Cet événement est digne d'être raconté à Votre Eminence ; le voici en quelques mots.
Mohhammed Bey, commandant en chef des troupes du Cordofan et du Darfour était au Cordofan en 1877.
Deux Sœurs de Saint Joseph fréquentaient son harem pour des raisons médicales, et elles y ont baptisé un enfant à l'article de la mort. Une des deux Sœurs était Sœur Anna, c'est-à-dire la "pétulante" et "turbulente" Virginie, que le Père Sembianti a voulu éloigner de la communauté avant même d'être Recteur de mes Instituts de Vérone. Dans le harem, il y avait une petite fille qui s'appelait Sekina, et que Virginie appela Nina.
Cette fille a vu les Sœurs plusieurs fois, et elle a demandé avec insistance à sa mère d'aller chez elles pour apprendre à coudre...
Bref, puisque le Commandant général avait dû partir d'El-Obeïd pour le Darfour, son épouse a alors placé sa fille Sekina chez nos Sœurs. Cette fille disait qu'elle voulait devenir catholique, elle assistait toujours au cours de catéchisme que Virginie donnait aux jeunes Noires de la Mission, et elle demandait souvent des explications au sujet de notre Foi.
En 1879, quand mes Sœurs ont remplacé celles de saint Joseph, Nina s'est particulièrement attachée à la Supérieure Sœur Victoria, qui est actuellement Supérieure de la maison de Khartoum.
Mais quand le Commandant Général du Darfour est revenu, il a été rappelé tout de suite au Caire par Son Altesse le Khédive, il est donc parti avec toute sa famille. Nina pleurait beaucoup à l'idée de devoir quitter les Sœurs.
Au Caire, elle suppliait sans cesse sa mère pour aller chez les Sœurs au Soudan, avec Sœur Victoria. Mais sa mère et son père le commandant général lui ont répondu par un non catégorique. Nina continuait à pleurer et demandait à repartir au Soudan. Le Commandant est mort au Caire,(on dit qu'il a été empoisonné) et la mère, voyant que sa fille maigrissait et s'affaiblissait, décida de l'amener à Khartoum auprès de Sœur Victoria. Auparavant elle fit des démarches auprès du Gouvernement du Soudan pour réclamer la somme considérable des salaires de son mari qu'elle n'avait pas encore perçue, et qu'elle n'a toujours pas perçue.
Quand je suis arrivé à Khartoum, cette dame est venue me voir en me conjurant de ne pas permettre que sa fille reçoive le Baptême. Je lui a répondu que c'était une affaire qui dépendait entièrement de la volonté de sa fille. Elle a alors ajouté que toute la famille y était opposée.
Mais la fille a toujours insisté pour devenir chrétienne et ensuite Religieuse chez les Pieuses Mères de la Nigrizia.
Quand je suis revenu du Cordofan et du Djebel Nouba, la mère qui ne pouvait plus résister aux prières et aux larmes de sa fille, a donné son accord pour que Nina soit baptisée. Par mesure de prudence, sachant que cette affaire était connue par de nombreux Turcs hauts placés et par le Grand Pacha, j'ai d'abord voulu que le Consul austro-hongrois intervienne pour obtenir une autorisation légale de la mère et de la fille, ainsi que la signature de nombreux témoins, comme je vous avais dit plus haut.
Je ne peux décrire l'immense joie de cette fille, surtout hier au moment de recevoir le Baptême. Tout le monde a été surpris par cette célébration, et je sais que Son Excellence le Gouverneur Général du Soudan, bien qu'il soit mon ami, a rechigné à cause de cette affaire, car c'est un musulman très fanatique, mais il devra se calmer.
Après la cérémonie du Baptême, l'Inspecteur Général Sanitaire de tout le Soudan, Giorgi Bey, est venu me voir, et il m'a dit : "Son Excellence le Gouverneur Général voulait assister à la cérémonie de tous ces Noirs qui sont devenus chrétiens grâce à vous ce matin, mais quand il a su que la cérémonie devait avoir lieu de bonne heure, il s'est désisté".
Parmi les baptisés, il y avait aussi un vieillard de 60 ans, de la tribu des Denka, qui avait entendu parler du christianisme 23 ans auparavant, quand j'avais été dans le village des Ghogs au 6ème degré de Latitude Nord en automne de l'année 1858. J'ignore si ce vieux est venu à Khartoum parce qu'il n'y avait plus de Missionnaires dans sa région, ou parce qu'il a été amené à Khartoum en tant qu'esclave. En février dernier, il s'est échappé de chez son propriétaire, et s'est réfugié dans la Mission ; nous nous sommes arrangés avec le propriétaire en déboursant quelques écus.
Il est certain que nous avons toutes les raisons pour adorer l'aimable Providence divine qui par de nombreuses voies guide les âmes au port de l'église, là où seulement on trouve le salut éternel.
Quand les Sœurs visitent les harems, pour des œuvres de charité, pour y baptiser des enfants infidèles à l'article de la mort, ou encore pour des raisons de politesse et pour garder de bonnes relations avec les femmes des grands, la Foi catholique y gagne toujours. Le bon exemple et à la conduite des Sœurs est une leçon très éloquente pour les musulmans, qui sont toujours saisis d'admiration pour les Sœurs. C'est ce que j'ai constaté dans ma longue expérience.
La conversion de cette jeune musulmane qui a pris le nom de Victoria le jour de son Baptême, en est une belle preuve.
Cette nuit, alors que nous étions au chevet du laïque Paolo Scandi, nous avons calculé que, depuis le 19 mars, jour de la fête de Saint Joseph, jusqu'à hier, jour de la fête de la Vierge du Saint Rosaire, j'ai baptisé 52 infidèles dont des païens et des musulmans qui, sans notre Sainte Œuvre, auraient péri pour l'éternité, et parmi eux, il y avait 46 adultes. Ces chiffres ne concernent que les Baptêmes que j'ai moi-même administrés. Mais les autres Missionnaires et les Sœurs ont aussi fait leur part dans toutes les Missions du Vicariat.
Il faut noter que ce Vicariat est le plus difficile et le plus laborieux de toutes les Missions du monde. Nous devons presque toujours lutter contre un climat meurtrier, des maladies horribles, et contre la mort beaucoup plus que dans toutes les autres Missions d'Afrique.
Moi, j'ai dû lutter et le Seigneur l'a voulu ainsi, au prix de difficultés internes immenses et non moins dangereuses. Il est inutile que je vous en parle ici, parce qu'elles sont en partie connues de la Sacrée Congrégation, et à cause de cela, j'ai dû entièrement renouveler le personnel de la Mission, ce qui m'a fait perdre beaucoup de temps et d'énergie, et aussi la santé.
Je ne me suis jamais senti à l'aise comme maintenant parce que, bien qu'en nombre réduit, je peux disposer de Missionnaires qui ont de grandes vertus et le sens de l'abnégation, qui affrontent les privations les plus grandes et la mort elle-même, facilement comme bonjour. On doit tenir tout cela sérieusement en compte. Si Votre Eminence attend, verbi gratia, jusqu'à la fin de l'année 1890 pour donner un avis définitif sur toutes les Missions de l'intérieurs de l'Afrique récemment fondées, à savoir : l'Afrique Centrale, le Sahara, le Nyanza, le Tanganyika, le Haut Zambèze, le Bas et le Haut Congo, et l'intérieur de la Guinée, et si vous examinez soigneusement les différentes étapes, les progrès de chacune de ces Missions, en tenant compte des difficultés naturelles et extraordinaires et du personnel de chacune, Votre Eminence devra conclure, je l'espère, que l'Afrique Centrale ne se trouve pas à la dernière place, bien qu'elle soit la Mission la plus difficile et la plus dangereuse de toutes.
Je suis tourmenté par une forte fièvre rhumatismale. La chaleur de ces derniers jours et le vent du Khamsin (?) dépassent toute limite.
J'embrasse votre Pourpre Sacrée.
Votre humble et dévoué fils
+ Daniel Comboni Evêque
et Vicaire Apostolique..
N° 1139; (1092) - A L'ABBE GIOVANNI BERTANZA
AGFCR
Vive Jésus, Marie et Joseph !
Khartoum, le 4 octobre 1881
Mon cher Abbé Giovanni,
Je souhaite vraiment que Virginie puisse se reposer pendant quelque temps et recouvrer sa santé, avant de repartir en Orient, en passant par Rome, où je voudrais qu'elle ait la consolation d'embrasser les pieds du Saint-Père et de recevoir sa bénédiction.
Je vous prie donc d'aller vous-même à Vérone, ou bien d'y envoyer un ecclésiastique en qui vous avez confiance, pour aller la chercher et l'accompagner chez vous, où elle pourrait rester avec votre digne sœur la pieuse Teresina.
Si l'excellent Père Sembianti faisait des difficultés pour accorder une telle grâce à Virginie, suppliez-le avec votre charité, et je suis certain qu'il autorisera Virginie à partir avec vous.
Je suis sûr que vous ferez cela pour moi ; je vous prie de bien vouloir saluer de ma part Teresina, Monseigneur, le Docteur Manfroni, l'Abbé Pietro et tous mes amis avec l'Abbé Tilino. Je serai toujours
votre affectionné ami
+ Daniel Evêque et Vicaire Apostolique
N° 1140; (1093) - A L'ABBE FRANCESCO GIULIANELLI
ACR, A, c. 15/35
Khartoum, le 4 octobre 1881
Mon cher Abbé Francesco,
Paolo Scandi, de Rome, est mort hier à 7 heures du matin, frappé par la fièvre typhoïde...
Sept jours pus tôt, alors qu'il venait tout juste de tomber malade, il a lui-même demandé à recevoir les Sacrements, et a communié avec beaucoup de dévotion en me disant qu'il serait heureux si Dieu l'appelait. Les jours suivants, même s'il allait un peu mieux, il s'est confessé chaque jour. La nuit dernière la fièvre a soudainement augmenté, il a voulu communier une fois de plus, et a reçu l'Extrême Onction et la bénédiction Papale. Il dit alors : "Je suis vraiment content de mourir". Il remit à l'Abbé Battista son confesseur, sa montre pour qu'il l'envoie à son père et en véritable chrétien il rendit l'âme. Tout le monde a été vraiment édifié.
Les Abbés Francesco et Battista sont aussi malades. L'Abbé Francesco est extrêmement affaibli. Priez pour nous. Nous sommes heureux et disposés à porter la Croix, sur laquelle est mort notre doux Jésus.
Je ne comprends pas grand chose de votre télégramme. Je soupçonne que l'Eminent Cardinal Consolini, poussé par le Recteur du Séminaire Mastai ne vous appelle à Rome.
Je proteste énergiquement contre une telle décision, vous êtes Missionnaire de l'Afrique Centrale par volonté de Dieu et de la Sacrée Congrégation, et vous avez une charge très importante, que vous accomplissez très bien, au service de la Mission et ce travail rend vraiment gloire à Dieu !
Veuillez bien écrire au Père Sembianti de ne pas accepter le petit Domenico dans l'Institut, mais qu'il le renvoie chez lui ; cette décision sera positive pour les autres.
Priez particulièrement pour moi car j'ai de nombreuses croix à porter.
Mon cher Jésus ! Devrions-nous les refuser alors qu'elles nous permettent d'acquérir le ciel ?
Avant-hier nous avons baptisé solennellement 14 infidèles, parmi lesquels il y avait une musulmane.
Je bénis tout le monde.
+ Daniel Comboni