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N° Ecrit
Destinataire
Signe (*)
Provenance
Date
811
Père Stanislas Laverriere
1
Khartoum
02.01.1879

N° 811; (772) - A MONSEIGNEUR STANISLAS LAVERRIERE

"Les Missions Catholiques", 508 (1879), pp. 97-98.

Khartoum, le 2 janvier 1879


Lettre sur la famine.

812
Card. Giovanni Simeoni
0
Khartoum
02.01.1879

N° 812; (773) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI

AP SC Afr. C., v. 8, ff. 841-843

N° 1

Khartoum, le 2 janvier 1879


Eminent et Révérend Prince,

[5522]

Je ne vous écris que quelques lignes car je suis épuisé par les fièvres, les tribulations, les fatigues et les déchirements du cœur. Les Œuvres de Dieu, par une loi adorable de la Providence, doivent naître et prospérer au pied du Calvaire.

La Croix et le martyre sont la vie de l'apostolat dans les nations infidèles et l'Afrique Centrale se convertira sûrement à la vraie Foi grâce à la Croix et au martyre.
 


[5523]

Bien que mon corps soit épuisé, par la grâce du Cœur de Jésus, mon esprit est sain et vigoureux; et je suis résolu, comme je le suis depuis 30 ans (depuis 1849), à souffrir, et à donner mille fois ma vie pour la Rédemption de l'Afrique Centrale, et de la Nigrizia.
 


[5524]

Je vous ai parlé dans ma dernière lettre (N° 8) d'octobre dernier de l'épidémie terrible et meurtrière, effet de l'épouvantable famine et des pluies abondantes succédant à la grande sécheresse qui a duré presque 20 mois et a ravagé l'Afrique Centrale.

Dans une partie du Vicariat,(depuis Khartoum à l'Est-Ouest et au Sud) trois ou quatre fois grand comme la France, plus de la moitié de la population est morte.

A Khartoum, où il y a des médecins et des médicaments, plus d'un tiers de la population est morte. Dans certains villages que j'ai visités, non seulement toute la population est morte, mais aussi tout le bétail, et même les chiens, qui sont l'unique défense providentielle et l'unique sécurité de ces villages.
 


[5525]

De Berber à Khartoum, j'ai visité avec les Sœurs de Vérone de nombreux villages, Scendi, Mothamma, etc. Plus de la moitié de la population était décédée et les survivants n'étaient que des squelettes ambulants, les femmes étaient nues comme des cadavres, ils se nourrissaient d'herbe, de graines. Nous avons distribué du blé et de l'argent, et nous n'avons pas omis de baptiser les jeunes et les enfants des deux sexes à l'article de la mort.

Au mois d'août, en faisant d'énormes sacrifices, j'avais acheté à Khartoum à un prix exorbitant 20 sacs de farine de blé pour les envoyer aux Missions du Cordofan et du Djebel Nouba, où depuis six mois on ne mangeait que le dokhon (une espèce de mil), de la viande très maigre, quand on en trouvait.

J'ai mobilisé tous les commerçants ayant survécu à Khartoum, de nombreux Cheikhs et même le gouvernement pour avoir 15 chameaux pour le Cordofan.

Cela a été impossible jusqu'à aujourd'hui, nous sommes en janvier 1879, parce que presque tous les chameaux sont morts, on ne trouve pas non plus de chameliers car ils sont morts ou tombés malades à cause de la faim.
 


[5526]

Que dire de plus? La Supérieure du Cordofan étant morte en août dernier, il ne restait que trois Sœurs, et deux d'entre elles, pour des raisons de santé, ayant obtenu la permission de la Mère Générale, ont reçu l'ordre de rentrer à Marseille. Je leur ai demandé de venir à Khartoum mais depuis trois mois elles attendent les chameaux pour faire le voyage, et comme il n'y a ni chameaux, ni chameliers, elles sont encore aujourd'hui au Cordofan.

Après le départ de ces deux Sœurs, il ne restera que quatre Sœurs de Saint Joseph dans le Vicariat. Pour pourvoir aux besoins urgents des deux importantes Missions de Khartoum et du royaume du Cordofan, suivant l'avis de la Supérieure de Khartoum, j'ai affecté ici à Khartoum les quatre Sœurs de Saint Joseph qui sont encore là. (J'ai supplié, en vain jusqu'à présent, la Mère Générale de m'en envoyer d'autres, surtout des Arabes).

J'ai destiné au Cordofan les 5 Sœurs de l'Institut des Pieuses Mères de la Nigrizia que j'ai fondé à Vérone; elles étaient à Berber, et elles sont venues ici à Khartoum il y a 20 jours avec le bateau à vapeur que Gordon Pacha avait mis à ma disposition, je les enverrai au Cordofan dès que je pourrai avoir des chameaux.
 


[5527]

La terrible épidémie a aussi ravagé nos Missions d'une façon épouvantable. Depuis six ans que je suis chargé du Vicariat, aucun Missionnaire n'est mort en Afrique Centrale grâce à la méthode proposée par mon Plan.

Suite à la terrible sécheresse, aux pluies, et à l'épidémie, trois de mes Prêtres sont morts, parmi lesquels le bras droit de l'Œuvre sainte de l'Afrique Centrale, le pieux et bon Abbé Antonio Squaranti, jadis Supérieur de mes Instituts de Vérone, que j'ai fait venir l'an dernier en Afrique pour être Administrateur général des biens du Vicariat; j'avais l'intention de le nommer ensuite mon Vicaire Général, si sa santé le lui avait permis.
 


[5528]

C'était la première année qu'il se trouvait en Afrique Centrale et je l'avais envoyé visiter Berber, surtout pour l'éloigner de l'épidémie qui menaçait, dès que je me suis rendu compte qu'elle approcherait après les pluies.

Mais quand il a su, alors qu'il se trouvait déjà à Berber depuis 40 jours, qu'à Khartoum tous les Prêtres étaient malades, que de nombreuses personnes de la mission étaient mortes, que j'étais le seul Prêtre à tenir débout, et que pendant un mois, j'ai dû faire l'Evêque, le Prêtre, l'administrateur, le Supérieur, l'infirmier etc. etc. Squaranti partit de Berber sur une barque pour venir m'aider et arriva 15 jours après à Khartoum, plus mort que vif, parce que les fièvres l'avaient frappé pendant les quatre derniers jours du voyage.

Pendant plus de 12 jours nos soins ont été vains; enflammé par l'amour de Dieu, et pleinement résigné, il partit pour le repos éternel, me laissant dans une grande affliction.

Outre les trois Prêtres et les deux Sœurs qui sont morts, j'ai perdu aussi plus de la moitié des mes Frères laïques pieux, et très vertueux qui, frappés par l'épidémie, sont partis au Paradis.
 


[5529]

Suite à ces décès, un mouvement de panique s'est emparé de quelques Prêtres et Laïcs de la Mission, originaires des provinces méridionales d'Italie.

Un Prêtre napolitain et un laïc de Rome ont quitté la Mission à l'improviste, et ni les prières, ni les ordres n'ont réussi à les faire changer d'avis (ceux-ci n'ont pas été formés dans mon Institut de Vérone; tous ceux qui sont sortis de mon Institut demeurent fidèles et constants, et prêts à mourir sur le champ pour le Christ) ; deux autres Prêtres et un laïc napolitains m'ont demandé à être momentanément rapatrié. Au contraire, les autres de l'Institut de Vérone, et surtout les Supérieurs du Cordofan et du Djebel Nouba, les Frères laïques de Vérone survivants, et les 5 Sœurs Pieuses Mères de la Nigrizia de Vérone, loin de s'effrayer, m'encouragent.
 


[5530]

Ensuite, les Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition, et surtout la Sœur arabe Germaine Assouad d'Alep, ont fait des miracles de charité dans la terrible tempête, en méprisant leur propre vie, et en se sacrifiant toutes pour le Christ.

Epuisé par tant d'efforts et de tribulations, à la fin je suis tombé malade moi aussi, depuis plus d'un mois, je suis frappé par des fièvres, et j'ai du mal à tenir debout.
 


[5531]

Que Votre Eminence ne s'effraie pas de ces sombres nouvelles de l'Afrique Centrale. L'apostolat catholique a toujours été accompagné de sacrifices et de martyres. A la Passion et à la mort de Jésus-Christ a succédé la Résurrection. Il en sera de même pour l'Afrique Centrale. La fièvre arrive.

Je demande la bénédiction du Saint-Père et de Votre Eminence pour

votre fils obéissant

+ Daniel Comboni

Evêque et Vicaire Apostolique

P.S La famine continue.

Les moyens temporels sont le dernier de mes soucis. Saint Joseph, comme d'habitude, pensera à tout et cela suffit !


813
Jean François des Garets
1
Khartoum
02.01.1879

N° 813; (774) - A JEAN -FRANCOIS DES GARETS

APFL (1879) Afrique Centrale

Khartoum, le 2 janvier 1879


Lettre sur la famine.

814
Clerc Luigi Grigolini
1
Khartoum
03.01.1879

N° 814; (775) - AU SEMINARISTE LUIGI GRIGOLINI

APMR, VI/G/3/1879

Khartoum, le 3 janvier 1879


Bref billet

815
Mgr. Giuseppe Marinoni
1
Khartoum
03.01.1879

N° 815; (1221) - A MONSEIGNEUR GIUSEPPE MARINONI

"Le Missioni Cattoliche " VIII (1879), p. 124

Khartoum, le 3 janvier 1879


Lettre sur la famine.

816
Card. Giovanni Simeoni
0
Khartoum
16.01.1879

N° 816; (777) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI

AP SC Afr. C., v. 8. ff. 860-863

N° 2

Khartoum, le 16 janvier 1879


Eminent et Révérend Prince,

[5532]

Désirant ardemment une fervente Bénédiction du Saint-Père pour me réconforter de mes tribulations, je me suis permis de profiter du premier anniversaire de son élévation à la Chaire de Saint-Pierre pour lui présenter mes hommages, pour lui parler de mes croix, et pour implorer sa Bénédiction Apostolique pour moi et pour le Vicariat.

Je supplie donc la bonté de Votre Eminence de bien vouloir poser la lettre ci-jointe aux pieds du Saint-Père, et de m'obtenir la Bénédiction souhaitée.
 


[5533]

J'ai reçu avec un réel plaisir votre vénérable lettre du 29 novembre dernier, ainsi que celle que vous m'avez envoyée par l'intermédiaire des deux Prêtres du Collège de Saint Pierre et Paul, dans laquelle vous me recommandez, comme vous le recommandez aussi à tous les Vicaires Apostoliques, de rédiger un rapport concis mais complet sur l'histoire, le progrès et la situation de tous les Vicariats Apostoliques, qui devra être imprimé pour les Eminents Pères composant la Sacrée Congrégation afin qu'ils puissent dans le futur mieux prendre leurs sages décisions sur les affaires concernant chaque Mission.
 


[5534]

Si cette juste ordonnance, fruit du zèle et de la sagacité de Votre Eminence est utile pour toutes les Missions les plus anciennes et les plus connues du monde, elle sera encore plus utile et importante pour les Missions d'Afrique et surtout pour celles de l'Afrique Centrale et Equatoriale, parce qu'elles sont moins connues et beaucoup plus difficiles et rudes que les autres ; dès que je pourrai donc reprendre un peu de force (la fièvre ne manque pas de me rendre visite tous les deux ou trois jours), et quand j'aurai un peu de temps libre face à mes occupations importantes et exigeantes, je mettrai tous mes efforts et toute mon attention pour faire cet important travail de rédaction, qui sera suivi par un Rapport très important, concernant les lacs Nyanza, à propos desquels il me semble qu'en Europe on n'ait pas, du moins actuellement, des renseignements exacts et vrais.
 


[5535]

Propaganda Fide, au moment voulu, et avec les renseignements bien précis des Missionnaires zélés d'Alger, aura une idée claire et juste des régions du Victoria Nyanza où, j'espère, ils pourront s'installer durablement.

Propaganda Fide, suite à mon rapport, aura aussi une idée précise des importantes régions de l'Albert Nyanza, qui est à 28 heures de voyage à pied ou à dos de bœuf, de l'ancienne Mission de Gondocoro où j'étais en 1859, et à une demi-journée de navigation sur le fleuve maintenant parcouru par le bateau à vapeur de Gordon Pacha.

Le Victoria Nyanza est séparé de l'Albert Nyanza par un voyage très dur de 20 jours, parfois même un mois, et qui est encore plus dangereux à cause de l'inimitié séculaire des deux puissants rois d'Ouganda (à qui le lac Victoria appartient), et d'Unyoro (à qui le lac Albert appartient), avec lesquels cependant mon ami Son Excellence Emin Bey - à qui j'ai vivement recommandé les vaillants Missionnaires d'Alger- a actuellement de bons rapports et des relations amicales.


[5536]

En me référant à mes études approfondies et à mon expérience en Afrique, je fournirai toutes les informations que je pourrai sur les lacs susnommés et sur le vaste territoire de mon Vicariat, dont je céderai volontiers une grande partie à cette Institution puissante, importante et providentielle du bien méritant et vénérable Monseigneur Lavigerie.
 


[5537]

Quant aux deux sujets de Rome du Collège de Saint Pierre et Paul, j'ai ordonné qu'ils restent au moins un an pour s'acclimater et pour apprendre l'arabe dans mon établissement du Caire.

Les informations que j'ai de leur Recteur sont positives, mais peut-être sont-ils un peu âgés. Je souhaite que ce Collège m'envoie beaucoup de Missionnaires pour l'Afrique Centrale, mais j'aimerais qu'ils soient jeunes, qu'ils aient moins de 35 ans, qu'ils n'aient pas peur de la chaleur, ni de la mort, et qu'ils souhaitent souffrir beaucoup pour Jésus-Christ, en un mot que l'amour pour Jésus et pour les pauvres âmes des Noirs soit plus grand que tous les sentiments d'affection de la terre et de l'univers. J'ai aussi dit cela à l'excellent et pieux Recteur de cet établissement providentiel.
 


[5538]

Avant hier, cinq sœurs de l'Institut des Pieuses Mères de la Nigrizia, qui étaient à Berber, sont parties de Khartoum à bord d'un magnifique bateau que Gordon Pacha, Gouverneur Général du Soudan, a mis gratuitement à ma disposition; elles navigueront sur le Fleuve Blanc jusqu'à Duèn, d'où elles continueront jusqu'à la capitale du Cordofan avec des chameaux procurés par le susnommé Gordon Pacha.
 


[5539]

Les trois Sœurs de Saint Joseph, qui étaient là-bas arriveront ces jours-ci à Khartoum, et deux d'entre elles iront à Marseille ; elles ne seront donc que quatre à Khartoum. J'espère que la nouvelle Mère Générale se dépêchera de m'en envoyer d'autres.

Comme je n'ai pas le temps maintenant, je vous parlerai brièvement dans une autre lettre des nouvelles conversions qui ont eu lieu dans le Cordofan et au Djebel Nouba: c'est un petit gain pour celui qui ne sait pas combien est difficile une Mission à ses débuts, mais c'est un grand résultat pour celui qui sait ce qu'est la Mission d'Afrique Centrale ou Equatoriale.

J'embrasse votre Pourpre Sacrée, et je me déclare

votre humble, obéissant et dévoué fils

+ Daniel Comboni, Evêque

et Vicaire Apostolique


817
Card. Giovanni Simeoni
0
Khartoum
23.01.1879

N° 817; (778) - AU CARDINAL GIOVANNI SIMEONI

AP SC Afr. C., v. 8, ff. 864-868

N° 3.

Khartoum, le 23 janvier 1879

Eminent et Révérend Prince,

[5540]

Bien que ma santé se soit très affaiblie, car la fièvre me rend souvent visite, bien que je ne sois pas insensible au poids de tant de croix (puisque la Croix est le sceau des Œuvres de Dieu) et que ma confiance en Dieu soit toujours plus ferme et solide, je ne veux pas cependant omettre de vous donner des renseignements à propos de ce que la Sacrée Congrégation doit savoir.
 


[5541]

Khartoum est un des treize Sièges épiscopaux de l'Eglise Patriarcale des Coptes hérétiques. Quand je suis venu la première fois à Khartoum, il y a 22 ans, il y avait l'Evêque copte-hérétique, qui était un âne patenté en ce qui concerne la science et la conduite ecclésiastique; et toutes les fois que nous l'avons invité à entrer dans la vraie Eglise, il répondait toujours que son Eglise était la nôtre, et que si son Patriarche se réconciliait avec le Pape, il serait le premier à le suivre, pourvu qu'il lui conserve sa dignité épiscopale, ou bien qu'il lui obtienne une charge plus importante.
 


[5542]

Ce dernier est mort, alors qu'il était en pénitence, dans un des couvents schismatiques d'Egypte, et le Siège de Khartoum a été laissé vacant pendant 18 ans. Mais quand le Patriarche copte-hérétique a su que l'Eglise Catholique avait envoyé un Evêque Vicaire Apostolique à Khartoum, il s'est dépêché de nommer tout de suite Evêque un moine du couvent de Saint Macaire, qui, arrivé l'autre jour à Khartoum, est venu me rendre visite; nous avons noué une espèce d'amitié.
 


[5543]

C'est un homme d'environ 58 ans, pieux et bon, qui prie toujours, assez instruit dans l'Ecriture Sacrée, mais qui est cependant très ignorant pour le reste.

Il ne peut faire ni chaud ni froid contre les intérêts catholiques, parce que notre Mission est l'unique vraie puissance en Afrique Centrale qui soit reconnue comme telle par le gouvernement local, par les musulmans, par les païens et par les hérétiques en tout genre.
 


[5544]

Votre Eminence n'est pas sans savoir qu'en Abyssinie aussi est mort l'Evêque copte schismatique ; c'était l'unique berger de plus d'un million d'hérétiques abyssiniens. Puisque la nomination de cet Evêque dépend du Patriarche d'Alexandrie résidant au Caire et du Khédive d'Egypte, qui traditionnellement paye mille livres sterling pour le voyage, comme le Khédive a récemment mené une guerre acharnée contre Jean, roi de l'Abyssinie, qu'il l'a perdue, et qu'il a été contraint de payer au roi une grosse somme, le Khédive a alors déclaré au Patriarche copte qu'il ne voulait absolument pas envoyer l'Evêque réclamé aux Abyssiniens parce qu'ils sont ses ennemis; et la situation est restée ainsi jusqu'au début de ce mois de janvier.
 


[5545]

Mais qu'a fait Son Excellence Gordon Pacha ? Comme il y a des pourparlers en cours entre l'Abyssinie et l'Egypte, et comme il a été décidé entre les deux souverains que les représentants du roi Jean viendraient traiter ici à Cadaref (à 8 jours de Khartoum, où j'installerai bientôt une Mission, étant déjà revenus à Khartoum ceux que j'avais envoyés) avec Gordon Pacha représentant l'Egypte, c'est ainsi qu'a eu lieu cette rencontre entre les représentants des deux parties il y a maintenant deux semaines.

Pour faciliter le bon déroulement des pourparlers, Gordon Pacha a décidé de faire nommer par le Khédive l'Evêque de l'Abyssinie, et de le faire accompagner à ses frais jusqu'à son Siège par la route de Ghalabat.
 


[5546]

Le Khédive a télégraphié ici à Khartoum, que l'Evêque serait nommé et envoyé.

Le valeureux roi Jean a encore soumis à son sceptre le roi de Scioa Menelik, chez qui se trouve Monseigneur Massaia, ce roi a envoyé des dons au Saint-Père, et protège beaucoup les bons Pères Capucins et Monseigneur Massaia.

Toutefois, Menelik est resté roi de Scioa, bien que tributaire du très valeureux Roi Jean auquel il paye chaque année un important tribut. La plus grande amitié règne maintenant entre le roi Jean et le roi Menelik.

Malgré tout cela Gordon Pacha m'a dit que notre Vicaire Apostolique, Monseigneur Touvier, est très estimé par le gouvernement du roi Jean, et qu'il ne perdra rien.
 


[5547]

Gordon Pacha, ne connaissant pas trop les affaires de l'Eglise, avait répondu aux ambassadeurs abyssiniens qui demandaient à avoir un Evêque : "Mais vous n'avez pas en la personne de Monseigneur Touvier un homme estimable, etc.?" Ils ont alors répondu (il y avait parmi eux un parent du roi, et deux Prêtres abyssiniens) que l'Evêque ne devait pas être envoyé par le Pape, mais qu'il devait être sacré et envoyé par le Patriarche Copte d'Alexandrie.
 


[5548]

La famine et la mortalité ont soustrait beaucoup de bras au travail, la famine durera longtemps dans certains villages de mon Vicariat.

Mais c'est le dernier de mes soucis, parce qu'il y a mon administrateur général, Saint Joseph. Ayant eu un mauvais administrateur pendant mon absence, je l'ai déjà renvoyé chez lui, et mon bon et saint administrateur l'Abbé Antonio Squaranti étant mort, je gérerai moi-même l'administration générale jusqu'au 12 mai de cette année. D'après les pactes établis l'an dernier avec Saint Joseph, le troisième dimanche après Pâques, jour de la fête de mon cher économe Saint Joseph, je m'attends à une parfaite balance des comptes, non seulement du Vicariat, mais aussi de la gestion générale en Egypte tenue momentanément par le Supérieur de mes Instituts d'Egypte (il y avait plus de 70.000 francs de dettes). Mais pendant que je m'occupe de l'administration générale, je suis en train d'y former un excellent Prêtre Missionnaire qui est avec moi à Khartoum ; et quand les finances du Vicariat et de toute l'Œuvre seront complètement assainies et qu'il n'y aura pas même un centime de dette, je lui confierai l'administration générale qu'il gérera sous ma surveillance directe. Saint Joseph est le roi des honnêtes hommes et j'ai une pleine et absolue confiance en lui.
 


[5549]

Son Excellence Monseigneur Bianchi, Archevêque de Trani, qui a toujours été un ami pour moi, m'a informé confidentiellement et pour mon bien, qu'il était allé à Rome il y a peu de temps pour présenter ses hommages au Saint-Père, qu'il avait en même temps rendu visite à de nombreux Cardinaux et à d'importantes personnalités, et qu'il avait alors entendu qu'à Rome on n'approuvait pas du tout que je dépense maintenant d'importantes sommes pour des constructions inutiles.
 


[5550]

Afin d'éviter toute équivoque, je déclare maintenant à Votre Eminence que depuis mon arrivée en Afrique en tant qu'Evêque et Vicaire Apostolique, ni mon administrateur défunt, l'Abbé Squaranti, ni moi-même jusqu'à aujourd'hui 23 janvier, où je suis en train de vous écrire, nous n'avons dépensé un seul centime pour des constructions.

J'ai renvoyé chez lui celui qui a dépensé plus de 16.000 francs ici à Khartoum, pour des constructions qui n'étaient pas nécessaires. Il l'avait fait malgré mon interdiction absolue que je lui avais notifiée de Rome en 1877 par de nombreuses lettres écrites par moi-même et par mon Secrétaire Paolo Rossi, actuellement Supérieur des Instituts Africains de Vérone, qui a rencontré plusieurs fois Votre Eminence, et qui, auparavant, avait géré en mon nom l'administration générale pendant plus de deux ans.
 


[5551]

Je crois opportun d'en informer Votre Eminence, afin que, si par hasard à Rome vous entendiez que je dépense des grandes sommes d'argent pour des constructions, vous puissiez dire la pure et simple vérité.

Je ferai certainement des constructions et même importantes; mais seulement quand elles seront nécessaires pour le bien de l'Œuvre et qu'il y aura les fonds nécessaires selon la règle enseignée dans l'Evangile ... celui qui veux édifier une tour ... En outre, Saint Joseph présidera toujours à ces travaux .

En attendant j'embrasse votre Pourpre Sacrée, et je me déclare avec la plus profonde déférence

votre humble, dévoué et obéissant fils

+ Daniel Comboni

Evêque de Claudiopoli

Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale


818
Mgr. Giuseppe Marinoni
0
Khartoum
23.01.1879

N° 818; (779) - A MONSEIGNEUR GIUSEPPE MARINONI

APIME, v. 28, pp. 15-30

Khartoum, le 23 janvier 1879 Fête des noces de Saint Joseph


Illustre et Révérend Monseigneur,

[5552]

J'ai lu avec un grand intérêt la préface au Piccolo Ambrosiano, le calendrier milanais de 1879, et j'en ai été complètement saisi. L'histoire de l'Osservatore Cattolico, les idées exposées dans ces magnifiques notices, le pur et simple but des Œuvres de l'Osservatore Cattolico, tout m'a extrêmement plu. Ce sont mes idées, et mes sentiments clairs et nets, mais que moi je n'aurai pas pu si bien exprimer et développer. C'est l'expression de ce qu'un catholique sincère doit croire et penser dans l'horizon troublé et la confusion de l'esprit moderne: c'est l'expression de la droite pensée de la Civiltà Cattolica, le roi parmi tous les périodiques, l'œuvre magnifique et sublime qui suffit à elle seule à rendre illustre l'Ordre admirable qui la dirige avec beaucoup de sagesse.


[5553]

Bien que je sois abonné à beaucoup d'autres périodiques (voulant que les Instituts et tous les établissements que je dirige pensent correctement chaque jour, et je remercie Dieu car tous pensent correctement) parmi lesquels la Civiltà Cattolica, la Voce della Verità, l'Unità Cattolica, la Libertà Cattolica, etc., sans compter les journaux catholiques allemands, français et italiens, étant moi-même aussi Lombard de naissance, et m'intéressant à la religion en Lombardie et à ce qui se passe dans ma chère patrie, je m'adresse à votre immense bonté pour que vous m'abonniez à l'Osservatore Cattolico, et à ses œuvres, c'est-à-dire à Léonardo da Vinci , auquel je suis abonné et au Popolo Cattolico, que je vous prie d'envoyer à mon père Monsieur Luigi Comboni à Limone de Saint Jean sur le lac de Garde, lequel, et quand ma famille l'aura lu, me l'enverra régulièrement en Afrique.
 


[5554]

Je vous prie donc de m'envoyer directement au Soudan l'Osservatore Cattolico, les Missioni Cattoliche, le Léonardo da Vinci, et à Limone sur le lac de Garde dans la province de Brescia, le Popolo Cattolico.

Comme je sais que la librairie ambrosienne reçoit les abonnements pour tous les journaux catholiques, je vous prie donc de bien vouloir m'abonner au journal catholique anglais le Tablet, je crois à Londres, et de me le faire expédier à mon adresse ici à Khartoum.
 


[5555]

Quand vous écrirez aux évêques de Saint Calocero, Iderabat, Hongkong et Honan et à Marietti, recommandez-moi à leurs ferventes prières, parce que ma Mission est la plus laborieuse et la plus difficile de toutes.

Epuisé par les énormes fatigues, les angoisses, les fièvres, qui ont ruiné ma santé, je n'ai pas encore pu écrire aux Missions Catholiques pour brosser un tableau réel de l'hécatombe, de la famine, de la soif et des épidémies qui ont ravagé mon Vicariat. Mais, quand Dieu le voudra, je le ferai le plus tôt possible.
 


[5556]

La disette, la faim et la soif qui ont provoqué une féroce épidémie et une mortalité élevée, ont été beaucoup plus terribles et épouvantables que la faim et la disette aux Indes et en Chine.

Dans une partie de mon Vicariat en partant de Khartoum, région trois fois plus vaste que l'Italie, plus de la moitié de la population a péri pendant les trois mois de septembre, octobre et novembre, après la saison des pluies.

Dans beaucoup de villes et villages tous ou presque sont morts; les cadavres, pendant longtemps, n'étaient pas enterrés. Et dans de nombreux villages et villes peu distants de Khartoum, sont morts non seulement tous les habitants, mais aussi les chameaux, les animaux, et même les chiens qui assurent la sécurité de ces villages.
 


[5557]

Dans le royaume du Cordofan, les trois établissements que j'ai fondés n'ont pas eu de pain de froment depuis au moins huit mois, et les gens se nourrissent de dokhon.

Ma Supérieure d'El-Obeïd m'a demandé avec insistance, lors des derniers jours de sa vie, un morceau de pain avec de l'eau, comme ultime réconfort, on ne put en trouver, même pas à prix d'or, et elle mourut. L'eau sale et saumâtre pour boire et pour faire la cuisine coûte plus cher que le vin en Italie. Bref, je suis très embrouillé, et seul Saint Joseph, mon économe, pourra y remédier.
 


[5558]

Mais ce qui a déchiré mon âme, c'est que tous, les Missionnaires, les Sœurs, et les Frères coadjuteurs, sont tombés malades, et beaucoup sont morts frappés par l'épidémie, surtout ici à Khartoum. Parmi eux, il y a eu le bras droit de mon œuvre qui était Supérieur de mes Instituts de Vérone, et fut ensuite mon Administrateur général, c'est-à-dire l'Abbé Antonio Squaranti que vous connaissez sûrement car il est venu plusieurs fois à Milan. A un moment donné, j'étais le seul Prêtre debout, et j'ai dû faire non seulement l'Evêque, mais tout... et être l'infirmier de tous. Mais ça suffit parce que je ne me sens pas bien.
 


[5559]

Priez pour moi. La Croix est notre vrai et unique réconfort, parce qu'elle est l'empreinte de l'Œuvre de Dieu. Après la Passion et la mort de Jésus-Christ, a eu lieu la Résurrection. Il en sera de même pour l'Afrique Centrale.

A propos du paiement des abonnements susnommés, je vous envoie un virement pour mon banquier de Rome, Brown et Fils, le banquier du Pape, qui pourra vous payer; il habite via Condotti, près de Saint Charles, où il y a le Séminaire de Milan. Si quelques dons pour l'Afrique Centrale arrivent par le biais des Missioni Cattoliche, je vous prie de les envoyer à mon banquier susnommé, comme le fait toujours et vient de le faire encore Propaganda Fide, d'après ce que m'écrit le Cardinal Simeoni. M. Brown est un ami de Monseigneur Agnozzi.

Saluez de ma part le bon et pieux Scurati ainsi que tous ceux de San Calocero que j'affectionne comme des frères, et maintenant je me déclare dans les Cœurs de Jésus et de Marie

votre affectionné dans le Seigneur

+ Daniel Comboni, Evêque

et Vicaire Apostolique


819
Chanoine Giovanni C. Mitterrutzner
1
Khartoum
23.01.1879

N° 819; (780) - AU CHANOINE G. CHRISOSTOMO MITTERRUTZNER

ANB

Khartoum, le 23 janvier 1879


Autorisation pour recevoir des dons pour le Vicariat.

820
M. Eufrasia Maraval
0
Khartoum
30.01.1879

N° 820; (781) - A MERE EUPHRASIE MARAVAL

ASSGM, Afrique Centrale Dossier

Khartoum, le 30 janvier 1879

N° 1


Ma Révérende Mère,

[5560]

Depuis longtemps je suis très malade, bien que j'aie la plus grande confiance en Dieu pour lequel uniquement je sacrifie ma vie dans la plus difficile, mais la plus glorieuse Mission du monde, parce qu'il s'agit du dernier peuple qui est appelé à la Foi, qui est le plus malheureux, et pour lequel la Congrégation de Saint Joseph a si bien mérité pour les sacrifices généreux qu'elle a faits.
 


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Je n'ai pas la force d'écrire. Ma santé est trop faible et je souffre pour les pertes que j'ai subies. Mais Dieu qui a donné la Croix donnera la consolation.

La famine et l'épidémie en quatre mois ont fait des ravages inouïs. Jamais l'Afrique Centrale n'est passée par tant de malheurs et une telle mortalité.

Dans beaucoup de villages, non seulement toute la population est morte, mais aussi le bétail, les chameaux, et même les chiens qui sont les gardiens providentiels de la sécurité publique dans ces villages. Mais Dieu bénira nos sacrifices.
 


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Sœur Germaine a été un ange de consolation pour tous. Ah ! Je voudrais avoir 50 Sœurs Germaine; elle a beaucoup de défauts que vous connaissez, mais sa charité est héroïque et elle gagne les âmes d'une belle manière et avec une grande habileté.

Les Sœurs Marie et Anne partent prochainement, demain je crois. Ici restent quatre Sœurs. J'attends vos décisions depuis longtemps vous connaissez les miennes par les nombreuses lettres que je vous ai écrites.

J'espère que vous ne vous découragerez par pour les pertes que vous avez subies. Le climat n'a pas été aussi meurtrier qu'on voudrait le faire croire.

Sœur Arsène est morte parce qu'elle est tombée de mulet, et Sœur Thérèse est tombée de chameau; Sœur Joséphine et Sœur Madeleine étaient poitrinaires depuis longtemps, et en Afrique, elle ont prolongé leur vie. Toutes les autres Sœurs (excepté Sœur Geneviève) ne s'étaient pas acclimatées au Caire. Tout le groupe des Sœurs Xavérine, Marie, Anne et Ignace est intact parce qu'il a passé l'été au Caire, et parce qu'il a voyagé pendant la bonne saison.
 


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De plus, de bonnes et habiles Supérieures et une Provinciale sont nécessaires à Khartoum.

Bref, vous connaissez mes intentions; mais moi j'ignore les vôtres. Je crains que vous ne soyez découragée. Mais le Cœur de Jésus sûrement vous soutiendra.

La fièvre arrive, je vous prie de saluer de ma part toutes les Sœurs de Rome et la Sœur Secrétaire, priez pour

votre bien dévoué

+ Daniel Comboni Evêque

et Vicaire Apostolique de l'Afrique Centrale

P.-S.: Toutes les Sœurs se portent bien, seule Sœur Xavérine (qui pendant trois ans n'a même pas eu de maux de tète ) est un peu malade

Texte original français, corrigé.