L’Église célèbre aujourd’hui la grande solennité de la Pentecôte, fête de la descente de l’Esprit Saint, cinquante jours après Pâques, selon le récit des Actes des Apôtres (voir première lecture). La Pentecôte, qui signifie “cinquantième” jour (du grec), était une fête juive, l’une des trois fêtes de pèlerinage au temple de Jérusalem. [...]
Quel est notre projet de vie : Babel ou Pentecôte ?
“Tous furent remplis de l’Esprit Saint”
Actes des Apôtres 2,1-11
L’Église célèbre aujourd’hui la grande solennité de la Pentecôte, fête de la descente de l’Esprit Saint, cinquante jours après Pâques, selon le récit des Actes des Apôtres (voir première lecture). La Pentecôte, qui signifie “cinquantième” jour (du grec), était une fête juive, l’une des trois fêtes de pèlerinage au temple de Jérusalem. C’était une fête agricole, la fête du début de la récolte des céréales et des premiers fruits, célébrée le 50e jour après la Pâque, également appelée “fête des Semaines” en raison de sa survenue sept semaines après la Pâque. La fête agricole d’action de grâce pour les dons de la terre était alors associée au souvenir du plus grand don fait par Dieu à son peuple : la Loi, la Torah, par l’intermédiaire de Moïse au mont Sinaï.
La Pentecôte, point culminant de la Pâque
La Pentecôte chrétienne est intimement liée à la Pâque, avec laquelle elle forme un tout. En effet, dans les premiers siècles, la période de cinquante jours de Pâques était célébrée dans la joie et l’exultation comme “un grand dimanche” (saint Athanase). La Pentecôte est le point culminant de Pâques. C’est notre Pâques, la naissance de l’Église et le début de la mission. Tout comme le baptême de Jésus a initié son ministère, ce “baptême dans l’Esprit” marque le début de la mission apostolique de l’Église.
La Pentecôte d’Actes 2,1-11
La version de la Pentecôte présentée dans les Actes est très riche et évocatrice. Saint Luc élabore l’histoire en gardant à l’esprit certains textes du Premier/Ancien Testament : la tour de Babel, le Sinaï et le don de la Loi, le séjour d’Elie au Sinaï… Voyons ensuite quelques éléments du récit, sept pour être précis, car le sept, symbole de la plénitude, est la figure de l’Esprit.
1) “Comme le jour de la Pentecôte s’accomplissait…”. La concomitance de la descente de l’Esprit avec la fête juive de la Pentecôte suggère que l’Esprit Saint est le véritable prémices de l’Eglise et de la nouvelle Loi, non plus gravée sur des tables de pierre, mais écrite dans le coeur. “Voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël en ces jours-là – oracle du Seigneur – : je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai sur leur cœur. (Jérémie 31,33 ; cf. Ezéchiel 36,2 et Hébreux 8,10).
L’actualisation. Dans le silence et l’intimité de la prière, nous écoutons la voix de l’Esprit qui murmure en nous : Abba, Père ! Nous entendons l’Esprit comme une source d’eau vive qui jaillit dans nos cœurs et qui murmure en nous : “Viens au Père” (Saint Ignace d’Antioche).
2) “Ils étaient tous ensemble dans le même lieu”. Quel était ce lieu ? Sans doute celui dont il a été question plus haut : ” la salle de l’étage supérieur, où ils avaient l’habitude de se réunir ” (1,13).
Actualisation. Sans “fréquentation” de la “salle de l’étage”, il n’y a pas de Pentecôte. Chaque chrétien doit avoir cette “chambre”, un espace et un temps de silence, d’intimité et de dialogue avec “le doux hôte de l’âme”. (Séquence de la Pentecôte).
3) “Tout à coup, il vint du ciel un grondement, presque comme un vent impétueux”. Il s’agit d’une allusion à la révélation de Dieu au Mont Sinaï (Exode 19,16-19), avant le don des “Dix Paroles”, c’est-à-dire des commandements de la Loi, et à la manifestation de Dieu au prophète Élie (1 Rois 19,11-13). Cette impétuosité n’est pas seulement le signe de la théophanie divine, mais aussi le signe de la résistance que l’Esprit doit vaincre en nous. Notons qu’au contraire, la descente de l’Esprit sur Jésus lors du baptême se fait dans la douceur de la colombe (Luc 3,22).
L’actualisation. La visitation de l’Esprit n’est pas indolore. L’Esprit est un tremblement de terre qui ébranle les fondations de nos vies (Ac 4,31), un vent impétueux qui balaie nos égoïsmes, un feu qui brûle nos idolâtries. Quelles sont les résistances que l’Esprit trouve en moi ?
4) “Il remplit toute la maison où ils étaient”. Il ne s’agit pas de n’importe quelle maison. Nous pourrions penser que le mot “maison” fait référence au Temple. Ce Temple, c’est maintenant l’Église. Nous aussi, nous sommes devenus un temple du Saint-Esprit (1 Corinthiens 6,19).
L’actualisation. L’Esprit veut remplir non seulement nos cœurs, mais aussi nos “maisons”, les lieux où nous vivons, travaillons, fréquentons…. Nous sommes les “pneumatophores”, les porteurs de l’Esprit, dans ces lieux, comme la Vierge Marie dans la maison d’Elisabeth.
5) “Des langues leur apparurent, comme des langues de feu, qui se partagèrent et se posèrent sur chacun d’eux ; ils furent tous remplis de l’Esprit Saint et se mirent à parler en d’autres langues, selon la manière dont l’Esprit leur donnait de s’exprimer”. L’Esprit est donné à tous, mais il est différent pour chacun. “À chacun est donnée une manifestation particulière de l’Esprit pour l’utilité commune” (1 Corinthiens 12:7).
L’actualisation. L’Esprit est généreux, il nous a comblés de dons et de charismes. Chacun de nous est unique, parce que l’Esprit est l’imagination de Dieu, il ne se répète pas. Mais bien souvent, nous sommes comme des vitraux dans l’obscurité, fades, sans éclat. Lorsque la lumière de l’Esprit pénètre notre âme, notre vie se révèle dans toute sa splendeur et sa beauté.
6. “Alors habitaient à Jérusalem des Juifs pratiquants, de toutes les nations qui sont sous le ciel. A ce bruit, la foule se rassembla et fut troublée, car chacun les entendait parler dans sa propre langue. Ils étaient dans l’étonnement et dans la stupeur”. Nous trouvons ici une référence au récit biblique de la Tour de Babel (Genèse 10), où la dispersion de l’humanité a eu lieu avec la confusion des langues. À la Pentecôte, c’est le mouvement inverse, centripète, qui se produit, sans créer d’uniformité ou d’homogénéisation. Le langage de l’Esprit est l’amour, un nouveau langage qui étonne et suscite l’émerveillement. L’Esprit est une garantie de communion et d’harmonie.
L’actualisation. Notre vie peut être vécue selon deux plans : Babel ou Pentecôte. Le chrétien est appelé à vivre en sachant que chacune de ses actions peut être une brique dans l’édification de la tour de Babel ou une pierre vivante dans la construction du nouveau projet d’humanité qu’est la Pentecôte : “En tant que pierres vivantes, vous êtes aussi construits comme un édifice spirituel” (1 Pierre 2,5).
7. “Comment se fait-il que chacun de nous entende parler dans sa langue maternelle […] des grandes œuvres de Dieu ?” Il s’agit ici encore d’une allusion au Sinaï. Selon la tradition rabbinique, la Loi/Torah a été proposée en 70 langues, c’est-à-dire à toutes les nations de la terre, mais seuls les Juifs l’ont acceptée. La liste des peuples dressée ici par Luc, autour des quatre points cardinaux, souligne l’universalité du don de l’Esprit, offert indistinctement à tous les peuples, et pas seulement à Israël. C’est ce qui se produira avec l’accueil des païens dans l’Église.
L’actualisation. En célébrant la Pentecôte, chaque juif déclarait qu’il était lui aussi présent au Sinaï pour recevoir le don de la Torah. De même, à la Pentecôte, chaque chrétien est invité à se rendre en pèlerinage dans la “chambre haute” du Cénacle pour être rempli de l’Esprit Saint. Mais combien de chrétiens seront réellement présents à ce rendez-vous ?
Pour la réflexion hebdomadaire :
– Remerciez le Seigneur pour le don de son Esprit ;
– Demandez les sept dons de l’Esprit ou un don spécifique dont vous pensez avoir particulièrement besoin ;
– Relisez la deuxième lecture (Galates 5,16-25) et demandez-vous si votre vie est habituellement conduite par l’Esprit de Dieu ou par l’esprit de la chair.
P. Manuel João Pereira Correia mccj
Pentecôte
Tout commence aujourd’hui
20,19-23
Homélie de Maurice Zundel
Vous vous rappelez la dernière question posée par les apôtres au jour de l’Ascension. Tandis que Jésus les invite à se recueillir et à attendre l’Esprit saint qu’il doit leur envoyer, la dernière question qu’ils lui posent, c’est: “Est-ce en ces temps-là que tu rétabliras le règne en faveur d’Israël?”
Et voilà la réponse aujourd’hui, la réponse inattendue et merveilleuse: le règne de Dieu, le royaume dans lequel Jésus veut nous introduire, il ne peut se construire, il ne peut advenir qu’au-dedans de nous. Le ciel, auquel nous sommes appelés, est justement un ciel intérieur à nous-mêmes, comme nous le dit le pape saint Grégoire: “Le ciel, c’est l’âme du juste”.
Et cette lumière est inépuisable; cette lumière est à suivre qui nous conduit du dehors au-dedans. Nous sommes tous esclaves du dehors. Nous voulons jouer un rôle, nous portons un masque, nous désirons exercer une influence, jouir d’une primauté, être loués et admirés et, tandis que nous poursuivons toutes ces exhibitions de nous-mêmes, nous perdons notre substance, nous devenons toujours plus extérieurs à nous-mêmes et nous finissons par n’être plus qu’une apparence d’existence.
Et voilà justement que la lumière de la Pentecôte nous ramène à l’essentiel, nous révèle notre dignité, notre vocation, notre grandeur, notre immortalité, nous révèle notre égalité, notre égalité dans les hauteurs, notre égalité dans l’amour, notre égalité dans le dépouillement, notre égalité dans la pauvreté, notre égalité dans le don de nous-mêmes.
Toute âme – l’âme d’un enfant qui vient de naître -, tout esprit humain est capable de cette immensité, est appelé à cette grandeur et doit devenir le Royaume de Dieu. Chacun de nous est appelé à avoir et à devenir un dedans… un dedans. Ce petit mot de rien du tout, comme il est merveilleux!
Quand Augustin dit à Dieu: “Tu étais dedans et moi j’étais dehors”, il nous fait sentir toute la grandeur de ce petit mot, être dedans, c’est-à-dire être soi-même une source, être soi-même une origine, être soi-même une valeur, un trésor, être soi-même un créateur, être soi-même tout un univers.
Pasternak l’a admirablement compris. Il a une page extraordinaire, bouleversante et magnifique, où il nous montre que les temps nouveaux sont arrivés, les temps de la grandeur. Là où l’on parle, comme dit Tagore, “de l’ivresse pour être”, les temps nouveaux sont advenus.
Jusqu’ici, on voyait des foules, on voyait des armées. Jusqu’ici, on assistait à la migration des peuples, on comptait par le nombre et par la multitude. Et maintenant, qu’est-ce qui se passe? Voilà l’Ange qui s’adresse à Marie, voilà le dialogue de l’Annonciation, voilà une toute jeune fille dont le “oui” est attendu, dont le “oui” est indispensable à l’accomplissement de la création et c’est dans le secret de son cœur que se décide le sort du monde.
Désormais, il ne s’agit plus de multitudes, il ne s’agit plus d’assemblées où l’homme est tumultueux. Il s’agit, maintenant, de ce secret d’amour qui se murmure au fond du coeur. Il s’agit maintenant de ce dedans où chacun est libéré du dehors, où chacun porte en lui son éternité, où chacun peut devenir, pour les autres, un espace illimité, un ferment de libération et de grandeur.
Rien n’est plus merveilleux, rien ne nous atteint plus profondément, parce que rien ne nous libère davantage. Être libre de soi…, mais c’est totalement impossible si on n’a pas trouvé, au fond de son cœur, cette Présence infinie qui est seule capable de nous combler, qui est le seul chemin vers nous-mêmes, le seul chemin vers les autres, la seule signification de tout l’univers. Nous avons donc à recueillir ce merveilleux héritage, à découvrir ce matin ce don infini de l’amour éternel.
Tout commence aujourd’hui. Comme les apôtres sont radicalement transformés quand ils cessent de se regarder, quand ils ne voient plus que le visage du Christ imprimé dans leur cœur!
Comme ils vont partir maintenant jusqu’au martyre, partir à la conquête du monde, nous aussi, nous pouvons aujourd’hui naître de nouveau et entrer dans cette immense aventure qui est de donner le monde à la lumière infinie et à l’amour éternel et de consacrer le monde au Christ qui a donné sa vie et qui la donne éternellement aujourd’hui.
Aujourd’hui, nous pouvons entrer dans cet immense amour dans la mesure, justement, où nous commençons par nous recueillir, où nous commençons par entrer dans ce silence infini où naissent toutes les vies. C’est ce silence qui est l’origine de toute grandeur, c’est dans ce silence que l’on découvre la Présence infinie, c’est dans ce silence que l’on naît à soi, c’est dans ce silence que l’on rencontre toutes les présences, c’est dans ce silence que l’on atteint jusqu’à la racine de soi et jusqu’à la racine des autres.
C’est donc dans ce silence que nous allons nous enfoncer, en demandant au Seigneur de nous communiquer la plénitude de son Esprit et de nous délivrer, enfin, de ce vieux moi qui est usé jusqu’à la corde, de nous donner un point de vue neuf qui soit simplement un regard d’amour vers lui.
Qu’il nous envoie pour donner simplement par notre présence, pour donner au monde cette joie, cette joie de Dieu, cette joie de l’éternel amour, cette joie du visage du Christ après laquelle toute la terre soupire.
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Esprit d’amour et de paix !
La fête de la Pentecôte frappe d’abord notre imagination : elle nous rappelle le coup d’éclat du Saint Esprit qui, au tout début de l’ère apostolique, décide de la mise en route de l’Église du Christ. La venue de l’Esprit se fait remarquer; elle est déterminante auprès des apôtres rassemblés à Jérusalem. L’événement fait du bruit. Un pareil coup de vent ne passe pas inaperçu. Les disciples ont vu du feu, des langues de feu, qui se posèrent sur chacun d’eux pour produire aussitôt des effets étonnants de communication en diverses langues.
L’événement de la Pentecôte sonne le coup d’envoi. Il est le signal de départ du grand voyage de la Parole. La mission confiée d’abord aux disciples, se doit d’être portée chez tous les peuples, partout dans le monde. C’est bien là le sens de la demande exprimée par le Christ à ses disciples et apôtres au jour de son ascension.
Nous comprenon que cette mission universelle, ce voyage de la Parole nous concerne tous. Le Seigneur s’étant engagé auprès des disciples à leur envoyer de l’aide, celle de l’Esprit Saint, cet Esprit nous est encore donné à tous et à chacun, chacune, pour l’annonce de la Bonne nouvelle à tout homme et toute femme de bonne volonté. Oui, les merveilles de Dieu se doivent d’être proclamées dans toutes les langues. À chacun et chacune des croyants de se laisser remplir de l’Esprit Saint, à chacun, à chacune de s’exprimer selon le don de l’Esprit.
Les récits, autant celui de l’Évangile du jour que celui des Actes des Apôtres, nous parlent d’un Esprit qui s’introduit dans les lieux verrouillés; il nous rejoint dans nos prisons intérieures. Voici qu’il touche chacun dans sa propre réalité : Juifs ou étrangers, esclaves ou hommes libres, hommes ou femmes, vieux ou jeunes. Tous sont abordés personnellement; à tous le pardon est offert, en vue d’une totale réconciliation. Nous sommes tous invités à constituer sous l’influence de l’Esprit, le Corps du Christ ressuscité.
Aujourd’hui encore le Ressuscité souffle sur nous pour que nous soyons recréés de l’intérieur par le pardon et la paix. Le sacrement du Pardon et de la Réconciliation en témoigne sensiblement auprès du croyant. Voici que le souffle de Pâques se répercute dans nos vies pour accomplir une guérison.en nous personnellement. Mais ce pardon appelle de notre part un engagement. Le Christ lui-même nous envoie vers les autres. Comme autrefois pour les apôtres, il n’a pas soufflé sur nous pour rien : « Je vous envoie ». C’est bien ce qu’il nous dit à chacun Nous sommes devant lui et grâce à lui responsables de porter cette lumière du pardon dans tous les espaces enténébrés, dans tous les lieux fermés, là où l’espérance est en manque et où le cœur est en panne d’amour.
C’est à une bien grande aventure, toute intérieure d’abord, que nous sommes invités de participer dans l’unique Esprit, l’Esprit de Pentecôte.
Par Jacques Marcotte, o.p.
http://www.spiritualite2000.com