Il m’arrive souvent de devenir très songeur devant l’avenir possible de nos communautés chrétiennes. Nous avons un urgent besoin de prophètes audacieux pour oser proposer la foi évangélique aujourd’hui dans les paramètres socio-culturels d’ici. Notre Église a glissé dans un silence inacceptable depuis longtemps et cela me fait souffrir. (...)
Luc 4,21-30
Quand retrouverons-nous une nouvelle audace prophétique
pour notre Église?
Homélie par Pierre-Gervais Majeau, prêtre
Il m’arrive souvent de devenir très songeur devant l’avenir possible de nos communautés chrétiennes. Nous avons un urgent besoin de prophètes audacieux pour oser proposer la foi évangélique aujourd’hui dans les paramètres socio-culturels d’ici. Notre Église a glissé dans un silence inacceptable depuis longtemps et cela me fait souffrir. Aucune prise de parole audacieuse de la part des principaux pasteurs de cette Église. Cela me questionne au plus haut point. L’onction baptismale nous a constitués prêtres, prophètes et rois. Notre vie chrétienne repose sur ce trépied et les trois avenues de notre vie chrétienne demeurent inséparables les unes des autres.
Le prophète Jérémie nous présente merveilleusement bien la fonction prophétique. On devient prophète par appel et on devient ainsi disponible à l’action de l’Esprit. « Ne tremble pas devant eux, sinon, c’est moi qui te ferai trembler devant eux. » Bel appel à l’audace et au courage si nécessaires au prophète. Cette fonction prophétique est décrite par Jérémie à travers de puissants symboles : tu seras comme une ville fortifiée, une colonne de fer, un rempart de bronze. « Ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer. »
L’évangile de ce dimanche nous présente Jésus à Nazareth. Il affirme audacieusement : « Cette parole de l’Écriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ». Affirmer cela ce n’est pas si innocent que cela. À vrai dire, c’est très risqué d’affirmer que l’Écriture s’accomplit par son propre ministère prophétique. Autrement dit, c’est affirmer qu’il accomplit les annonces messianiques et de fait, que les temps messianiques commencent avec et par lui. Dans l’assemblée, c’est le tollé! Et Jésus en remet en osant affirmer qu’il subira le même sort que les grands prophètes de la première Alliance et il rappelle qu’Élie a été envoyée à une veuve de Sarepta lors de la grande famine tout comme Élisée a été envoyé à un lépreux étranger, Naaman, alors qu’il y avait en Israël à l’époque, beaucoup de lépreux. C’est comme si Jésus nous disait que l’Esprit avait envoyé des prophètes chez les incroyants alors que les chrétiens d’ici en auraient eu grand besoin!
Le passage proclamé par Jésus dans la synagogue de Nazareth affirmait que l’Esprit l’envoyait vers les captifs, les aveugles, les pauvres, les opprimés… L’action prophétique doit prendre le chemin de l’amour véritable tel que nous le rappelle aujourd’hui l’apôtre Paul. Cet éloge de l’amour véritable est loin d’être une belle naïveté, c’est plutôt un appel à l’engagement, au pardon, à la vérité et à la justice, à la tolérance, à la simplicité et à l’authenticité. Ce passage de la lettre de Paul devrait être la base de toute évaluation éthique. Pour considérer quelle appréciation devrions-nous faire sur tel ou tel comportement ou engagement, nous devrions alors évaluer cela à la lumière de cet éloge de l’amour véritable. Par exemple, comment évaluer tel engagement amoureux vécu par tel couple, nous pourrions alors le confronter à ce texte de Paul.
Un grand réveil prophétique est urgent au sein de notre Église d’ici et ce grand réveil devrait prendre le chemin hautement prophétique de l’amour véritable comme l’apôtre Paul nous le suggère si fortement.
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Nous convertir d’un dieu des miracles au miracle de Dieu
Pape François
Chers frères et sœurs, bonjour !
Le récit évangélique d’aujourd’hui nous conduit une fois de plus, comme dimanche dernier, dans la synagogue de Nazareth, le village de Galilée où Jésus a grandi dans sa famille et est connu de tous. Celui qui depuis peu s’en était allé pour commencer sa vie publique, revient à présent pour la première fois et se présente à la communauté, réunie le jour du sabbat dans la synagogue. Il lit le passage du prophète Isaïe qui parle du futur Messie et déclare à la fin : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture » (Lc 4, 21).
Les concitoyens de Jésus, d’abord étonnés et admiratifs, commencent ensuite à faire la grimace, à murmurer entre eux et à dire : pourquoi celui-ci, qui prétend être le Consacré du Seigneur, ne renouvelle-t-il pas ici, dans sa patrie, les prodiges que l’on dit avoir été accomplis à Capharnaüm et dans les villages voisins ? Alors, Jésus affirme : « Aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie » (v. 24), et fait appel aux grands prophètes du passé, Élie et Élisée, qui accomplissent des miracles en faveur des païens pour dénoncer l’incrédulité de leur peuple. Alors, les personnes présentes se sentent offensées, se lèvent indignées, chassent Jésus et voudraient le jeter du haut du précipice. Mais lui, avec la force de sa paix, « passant au milieu d’eux, allait son chemin » (v. 30). Son heure n’était pas encore arrivée.
Ce passage de l’évangéliste Luc n’est pas simplement le récit d’une dispute entre concitoyens d’un même village, comme cela a lieu parfois également dans nos quartiers, suscitée par les envies et les jalousies, mais il met en lumière une tentation à laquelle l’homme religieux est toujours exposé — à laquelle nous sommes tous exposés — et dont il faut prendre résolument les distances. Et quelle est cette tentation ? C’est la tentation de considérer la religion comme un investissement humain et, par conséquent, de se mettre à « négocier » avec Dieu en cherchant son propre intérêt. Au contraire, dans la véritable religion, il s’agit d’accueillir la révélation d’un Dieu qui est Père et qui prend soin de chacune de ses créatures, même de la plus petite et insignifiante aux yeux des hommes. C’est précisément ce en quoi consiste le ministère prophétique de Jésus : annoncer qu’aucune situation humaine ne peut constituer un motif d’exclusion — aucune situation humaine ne peut être un motif d’exclusion ! — du cœur du Père, et que l’unique privilège aux yeux de Dieu est celui de ne pas avoir de privilèges. L’unique privilège aux yeux de Dieu est celui de ne pas avoir de privilèges, de ne pas avoir de parrains, d’être abandonnés entre ses mains.
« Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture » (Lc 4, 21). Cet « aujourd’hui », proclamé par le Christ ce jour-là, vaut pour tous les temps; il retentit également pour nous sur cette place, en nous rappelant l’actualité et la nécessité du salut apporté par Jésus à l’humanité. Dieu va à la rencontre des hommes et des femmes de tout temps et de tout lieux dans la situation concrète dans laquelle ils se trouvent. Il vient aussi à notre rencontre. C’est toujours lui qui fait le premier pas: il vient nous rendre visite avec sa miséricorde, nous relever de la poussière de nos péchés ; il vient nous tendre la main pour nous faire sortir du gouffre dans lequel nous a fait tomber notre orgueil, et nous invite à accueillir la vérité réconfortante de l’Évangile et à marcher sur les voies du bien. Il vient toujours nous voir, nous chercher.
Revenons à la synagogue. Ce jour là, il y avait certainement aussi Marie, la Mère, dans la synagogue de Nazareth. Nous pouvons imaginer les échos de son cœur, une petite anticipation de ce qu’elle souffrira sous la Croix, en voyant Jésus, là, dans la synagogue, d’abord admiré, puis défié, et puis insulté, menacé de mort. Dans son cœur, empli de foi, elle gardait toutes ces choses. Qu’elle nous aide à nous convertir d’un dieu des miracles au miracle de Dieu, qui est Jésus Christ.
Angelus 31.1.2016