Plus encore que dimanche dernier, nos textes nous parlent de la joie. Nous avons besoin d’entendre cela, car beaucoup de gens voient la foi chrétienne comme une doctrine austère, pleine de devoirs, d’obligations, d’interdits. Il est vrai que nos prédications et explications ont trop souvent insisté unilatéralement sur la morale, la “bonne conduite”. Or, pour nous, la morale n’est pas première : elle est une conséquence en quelque sorte toute naturelle de la foi, c’est-à-dire de l’adhésion amoureuse à Dieu par la personne du Christ.
La joie, fille de la foi
Marcel Domergue
Luc 3, 10-18
La joie de la foi
Plus encore que dimanche dernier, nos textes nous parlent de la joie. Nous avons besoin d’entendre cela, car beaucoup de gens voient la foi chrétienne comme une doctrine austère, pleine de devoirs, d’obligations, d’interdits. Il est vrai que nos prédications et explications ont trop souvent insisté unilatéralement sur la morale, la “bonne conduite”. Or, pour nous, la morale n’est pas première : elle est une conséquence en quelque sorte toute naturelle de la foi, c’est-à-dire de l’adhésion amoureuse à Dieu par la personne du Christ. Devant mes yeux, le Christ, non ce que je fais ou ne fais pas. Paul passe beaucoup de temps à expliquer que nous ne sommes pas “sauvés” par notre observation de la loi, mais par la foi. En d’autres termes, c’est une question de relation.
À partir de là, “ne soyez inquiets de rien”, dit la seconde lecture. Pourquoi ? La première lecture nous répète, à trois reprises, que le Seigneur est en nous, nous habite, et qu’il trouve en nous sa joie. Certes, nous avons besoin d’être “renouvelés”, et c’est là l’aspect moral de notre adhésion, mais c’est son amour qui nous renouvelle, pas nos efforts. Laissons-nous envahir par celui qui vient sans cesse frapper à notre porte. Cessons de nous concentrer sur ce qu’il faut vendre, donc abandonner, pour acheter le champ où se trouve enfoui le trésor : c’est le trésor qui compte, ne pensons qu’à lui. Avec lui, la vie recommence, autrement. Le monde ancien a disparu, un monde nouveau est là.
La joie malgré tout
On l’a compris, la joie est la fille de la foi. Une foi qui ne se fonde pas sur la vue, mais sur la parole entendue. C’est pourquoi nos textes nous répètent que la vérité est du côté de la joie : l’Écriture n’insisterait pas autant si cela était évident. La joie qui nous est annoncée est une joie malgré tout, et même à partir de tout, y compris ce qui lui serait normalement contraire. L’avant-dernier mot peut être à la douleur, mais le dernier mot est à la joie. Le Christ vient habiter tout ce que la vie nous donne à subir. Dieu n’est impliqué dans aucune des causes de nos malheurs, mais il vient prendre sur lui, avec nous, tout ce qui nous affecte. C’est ce que signifie la crucifixion, et elle débouche sur une vie nouvelle à l’abri du pouvoir de la mort. C’est pourquoi notre 3e lecture se termine par les mots “bonne nouvelle”.
La joie qu’elle procure n’est pas forcément exubérante ; elle a quelque chose à voir avec la paix intérieure, au-delà de nos perturbations de surface. Après son dernier repas, selon le quatrième évangile, Jésus le répète à ses disciples, juste avant sa Passion. Rassurons-nous à propos des éclipses de notre foi et de notre joie : les disciples eux-mêmes, après avoir entendu Jésus, traverseront le désert du doute, la disparition de la foi, la perte de la joie. N’espérons pas faire mieux : quand cela nous arrive, attendons les lendemains. “Il vient celui qui est plus puissant que moi”, dit Jean Baptiste. Souvenons- nous : la vie est toujours devant soi.
“Que devons-nous faire ?”
Les gens qui viennent se faire baptiser par Jean désirent une vie nouvelle, un changement d’existence, et ils croient que le prophète peut le leur apporter : l’évangile du jour nous dit que “le peuple était en attente”. Au point qu’ils se demandent s’il n’est pas le Messie. Cette foi ne peut se vivre qu’à travers des comportements nouveaux. Comme on l’a dit, la foi est première, mais elle engendre une “morale” : c’est pourquoi ces gens demandent à Jean ce qu’ils doivent faire désormais. Surprise ! Dans les consignes qu’il leur donne, Jean ne leur dit pas un mot sur Dieu ni sur le Christ. Rien de proprement “religieux”. Une seule prescription positive, celle du partage. La suite se contente d’appliquer le décalogue à des situations particulières, celle des collecteurs d’impôts qui avaient tendance à majorer les contributions à leur profit et celle des militaires, qui ajoutaient facilement le pillage à leur solde.
On le voit, Jean en reste à la loi de la première Alliance, qui se récapitule et se condense en lui. Il s’agit de dégager le terrain, de faire place nette pour “celui qui vient”. Le Christ baptisera dans le feu qui ne s’éteint pas et qui brûle en nous tout ce qui nous empêche d’être nous-mêmes en vérité. Jean ne s’attache pas ceux qui ont répondu à sa voix “qui crie dans le désert”. Il est lieu de passage, chemin vers un autre. Au-delà du Christ il n’y aura plus rien à attendre, sauf son “retour”. Toute autre entreprise de révélation ne serait que régression en deçà de Jean-Baptiste.