Après avoir présenté son programme et annoncé l’année jubilaire, rejeté par ses concitoyens de Nazareth, Jésus poursuit sa mission en prêchant dans toute la Galilée. Aujourd’hui, nous le trouvons au bord du lac et, comme « la foule se pressait autour de lui pour écouter la parole de Dieu », il monta sur la barque de Simon, lui demanda de s’éloigner un peu du rivage, s’assit sur cette « chaire » improvisée et enseigna les foules depuis la barque. [...]

Appelés à émerveiller Dieu !
« Sur ta parole, je jetterai les filets. »
Luc 5,1-11

Après avoir présenté son programme et annoncé l’année jubilaire, rejeté par ses concitoyens de Nazareth, Jésus poursuit sa mission en prêchant dans toute la Galilée. Aujourd’hui, nous le trouvons au bord du lac et, comme « la foule se pressait autour de lui pour écouter la parole de Dieu », il monta sur la barque de Simon, lui demanda de s’éloigner un peu du rivage, s’assit sur cette « chaire » improvisée et enseigna les foules depuis la barque.

Lorsqu’il eut fini de parler, Jésus invita Simon à avancer en eau profonde et à jeter les filets pour la pêche. Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais sur ta parole, je jetterai les filets. » Ils firent ainsi et prirent une telle quantité de poissons que les filets menaçaient de se rompre et les barques de couler ! À cette vue, Simon Pierre se jeta aux genoux de Jésus en disant : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur. » Pierre et ses compagnons étaient saisis d’étonnement. Alors Jésus dit à Simon : « Ne crains pas ; désormais, ce sont des hommes que tu prendras. » Et, ramenant les barques à terre, Pierre et ses compagnons laissèrent tout et le suivirent.

C’est ainsi que saint Luc raconte la vocation des premiers apôtres : Simon Pierre, Jacques et Jean. Les trois lectures de ce dimanche nous parlent de vocation. Dans la première lecture, le prophète Isaïe déclare : « J’entendis la voix du Seigneur qui disait : “Qui enverrai-je, et qui ira pour nous ?” Et je répondis : “Me voici, envoie-moi !” » Dans la deuxième lecture, saint Paul parle de sa vocation apostolique : « Je suis le plus petit des apôtres et je ne suis pas digne d’être appelé apôtre. »

Trois caractéristiques unissent ces vocations : un contexte d’expérience forte de Dieu ; la conscience de son propre péché et de son indignité ; et la promptitude à répondre à l’appel de Dieu. Nous pourrions en ajouter une quatrième, qui est soulignée dans le cas d’Isaïe et des apôtres : la crainte ! Voilà pourquoi le Seigneur dit à Simon et à tout appelé : « Ne crains pas ! »

Pistes de réflexion

La vocation d’Isaïe, de Paul, de Pierre et de leurs compagnons est une vocation spéciale et exceptionnelle, car ces figures ont profondément marqué l’histoire du salut. Cependant, à travers le récit de leur appel, la Parole de Dieu veut aussi nous parler de notre vocation personnelle. Alors, que nous dit cette Parole ?

1. Dieu a un plan pour le monde et pour chacun de nous.

Notre vision de l’univers, de la vie et de l’existence humaine a profondément changé. Nous ne sommes pas à l’abri de l’influence d’une société qui a exclu Dieu de son horizon. Nous sommes passés d’une vision où la présence et l’action de Dieu étaient perçues partout — « Pas une feuille ne bouge sans la volonté de Dieu » — à une mise à l’écart de Dieu dans notre monde et dans l’histoire. Même dans le domaine de la foi et de la théologie, il semble que certains soient gênés de parler de « miracles » ou d’« apparitions », comme si cela constituait une intrusion indue de Dieu.

Et pourtant, toute l’Écriture nous parle d’un Dieu proche, qui vit et marche avec nous, qui nous appelle par notre nom. Un Dieu qui a un dessein pour sa création et pour l’humanité (cf. Éphésiens 1,4-5) et qui le réalise avec patience, constance et amour pour ses créatures. C’est ce plan de Dieu qui donne sens à la vie, à l’histoire et à l’univers. Cependant, Dieu est un « Nous » et il veut que son œuvre soit aussi la nôtre, celle de chacun d’entre nous !

2. Une vocation unique et très personnelle.

Parler de vocation signifie accepter l’invitation de Dieu à collaborer à son projet d’amour. Mais quel sens cela a-t-il de parler d’un appel personnel adressé à chacun ? Chacun serait-il prédestiné à une mission précise ? Dieu aurait-il un dessein particulier pour chacun de nous ? Dieu n’est pas un Grand Horloger qui ajuste chaque pièce à sa place, ni un super-ordinateur qui contrôle le destin de chacune des huit milliards de personnes sur Terre. La vocation n’est pas un décret de la volonté de Dieu qui prédétermine ma vie ! C’est plutôt son rêve, son désir, son vœu pour mon existence, afin que je la réalise de la manière la plus féconde et la plus joyeuse, en tenant compte de ce que je suis, de mon histoire et de mes circonstances. Telle sera la joie de Dieu !

Face aux besoins du monde et de l’Église, en général, le Seigneur ne nous dira pas : « Fais ceci » ou « Fais cela ». C’est à nous « d’inventer » la réponse. Lorsqu’on nous présente comme exemples des figures telles qu’Isaïe, Paul ou Pierre, ce n’est pas pour que nous les imitions. Dieu ne veut pas de photocopies, mais des originaux. Nous sommes appelés à faire de l’argile de notre vie une œuvre d’art unique. Dieu est ouvert aux surprises. En réalité, il attend de nous un « coup de génie », capable de l’émerveiller !

« Un disciple demanda au Rabbi de Zloczow : “Quand mon œuvre atteindra-t-elle celle des Patriarches Abraham, Isaac et Jacob ?” Et il répondit : “Chacun en Israël a le devoir de reconnaître qu’il est unique au monde : s’il existait déjà un homme identique à lui, il n’aurait pas de raison d’être au monde. Chaque homme est une nouveauté dans le monde et doit accomplir sa nature dans ce monde. Tant que cela n’arrivera pas, la venue du Messie sera retardée.” » (Récit hassidique).

3. Suis-moi !

À ce stade, certains se demanderont s’il vaut la peine de parler de vocation alors que nous avons déjà pris les grandes décisions de notre vie, surtout si nous avons un certain âge. Face à de nouvelles propositions, il nous arrive spontanément de répondre comme Nicodème, parfois avec un mélange de tristesse et de déception : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et renaître ? » (Jean 3,4).

Or, l’appel de Dieu est permanent. Chaque jour, le Semeur sort pour semer sa Parole, germe de vie nouvelle. À chaque heure, le maître de la vigne sort pour appeler de nouveaux ouvriers (cf. Matthieu 20,1-16). Chaque âge a sa fécondité.

Mais que dire lorsque, en regardant en arrière, nous avons l’impression d’avoir travaillé en vain, de nous retrouver avec des filets vides, peut-être à cause de notre faiblesse et de notre péché ? Souvenons-nous alors de la pêche pascale après la trahison de Pierre (Jean 21). Le Seigneur ne nous demandera qu’une chose : « M’aimes-tu ? » Et quand nous lui répondrons avec un cœur triste et affligé : « Seigneur, tu sais tout ; tu sais que je t’aime », il nous appellera de nouveau : « Suis-moi ! »

« Dieu est assez grand pour faire une vocation même de nos erreurs ! » (Emmanuel Mounier).

P. Manuel João Pereira Correia, mccj

«Pécheurs» demandés… 
Jacques Houle

Luc 5,1-11

Quelle merveilleuse page d’évangile! Une page d’évangile qui nous parle de filets prêts à se rompre, une page d’évangile qui nous parle d’abondance se voulant le signe bien concret de l’irruption de la grâce en notre monde. Mais cette abondance a un prix, elle vient au bout d’un abandon de nos certitudes. Elle suppose la confiance.

Et c’est bien ce que Simon-Pierre aura du expérimenter, lui le professionnel de la pêche qui se fait dire par Jésus, un fils de menuisier qui ne connaît rien aux métiers de la mer: Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche.

Mais ceci dit, il me semble important d’attirer l’attention sur une autre dimension de cette page d’évangile, une dimension commune aux deux autres lectures qui nous sont proposées aujourd’hui. On entend d’abord Isaïe nous raconter l’histoire de sa vocation. Il ne se fait pas d’illusion sur son indignité, de même pour saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens, si bien que nos trois textes pourraient se retrouver sous un même chapeau: Pécheurs demandés, alors que l’évangile nous aurait tout spontanément suggéré quelque chose comme: Pêcheurs demandés.

Évidemment le jeux de mot peut sembler facile, même si dans le récit de la pêche miraculeuse Jésus se dit à la recherche de pêcheurs et plus particulièrement de pêcheurs d’hommes. Mais je persiste à croire que ce Pécheurs demandés n’est pas sans pertinence. Les pages d’Écriture qui nous sont proposées aujourd’hui nous invitent à porter notre regard bien au-delà des filets et des barques que Jésus trouve ce jour là sur le bord du lac de Génésareth.

Au fait que se passe-t-il? Jésus emprunte à Simon-Pierre une barque pour s’adresser à la foule qui se masse sur le rivage. Son entretien terminé, il pousse au large et lui fait vivre l’étrange expérience d’une pêche hors du commun. Mais ici la réaction ne se fait pas attendre. Il se jette à ses pieds et lui dit: Éloigne toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur.

Simon-Pierre vient de comprendre qu’il y a comme un abîme qui le sépare de Jésus. Il sent bien qu’une puissance l’habite et il a peur devant le signe qui la traduit. Pourtant Jésus ne veut ni l’effrayer, ni l’éblouir. Il est à la recherche de partenaires, de pêcheurs d’hommes comme il les appelle, parce qu’il désire les associer à son oeuvre de libération. En langage biblique, pêcher des hommes équivaut simplement à les soustraire aux forces du mal dont l’eau est ici le symbole.

Mais devant la puissance de Jésus, Simon-Pierre se sent indigne, fragile, tellement ordinaire et surtout il se sent pécheur! Or voilà précisément les candidats que Jésus recherche et il s’empresse de rassurer Simon. Il lui dit tout simplement :«Sois sans crainte», un peu comme s’il lui confiait: «Tu as vu ce que peux faire avec un filet et une barque, alors ne t’inquiète pas, viens, je m’occupe du reste». Avec Isaïe c’est un peu ce qui arrive. Lui aussi se trouve indigne avec ses lèvres impures. Tout comme Paul qui écrit: Il est même apparu à l’avorton que je suis… Je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre… Ainsi tous les trois se savent indignes, ils se reconnaissent pécheurs. Néanmoins ce sont eux les appelés. Qui enverrai-je, qui sera notre messager? demandait le Seigneur à Isaïe. Et il lui répond: Me voici: envoie-moi! Paul et Simon-Pierre feront de même.

On l’aura compris, ce qu’il sont c’est par grâce, tout comme ceux et celles qui ont pris le relais dans une longue suite de fidélité, tout comme ces personnes qui aujourd’hui travaille à bâtir des communautés. Dieu appelle des être fragiles, mais il est avec eux. Ce n’est donc pas – et surtout pas – à son degré de perfection qu’on reconnaît l’apôtre, mais à la confiance qu’il accorde à son maître. Lui seul est capable d’opérer la pêche miraculeuse. Lui seul est capable de cette abondance qui échappe à toutes les normes et à tous les calculs. Ça Pierre, Paul et Isaïe l’avaient bien compris.

Encore aujourd’hui, pour que la mission se poursuive, Dieu a besoin de partenaires et pourquoi les conditions d’embauche auraient-elles changé? Pécheurs demandés !

Seigneur, ton abondance est miséricorde, une miséricorde gratuite, déroutante et inépuisable. Seigneur, vois le pécheur que je suis, vois les pécheurs que nous sommes, nous t’offrons nos mains pour que se poursuive ton oeuvre de libération et que notre monde devienne toujours plus humain et plus beau.
Amen
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