P. Manuel João Pereira Correia, comboniano: “Aujourd'hui, le sourire est né !”

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Noël 2024
Chères amies et chers amis,
pour ma réflexion et mes vœux de Noël, je voudrais prendre comme point de départ une réflexion de Noël de mon illustre compatriote, saint Antoine de Lisbonne, que les gents de Padoue ont adopté, aimé et honoré. Dans l’un de ses sermons de Noël, le saint déclare :

« L’Ange dit aux bergers : Je vous annonce une grande joie. Aujourd’hui, un Sauveur vous est né. Cela correspond à ce qui est dit dans la Genèse : Isaac est né. Et Sara dit : Dieu m’a donné un motif de rire, et quiconque l’apprendra rira avec moi. Sara se traduit par princesse ou charbon. Elle est une figure de la glorieuse Vierge, princesse et notre reine, enflammée par le Saint-Esprit, comme un charbon ardent. Dieu l’a rendue aujourd’hui un motif de rire, car d’elle est né notre rire : “Je vous annonce une grande joie, car le rire est né, le Christ est né.” Aujourd’hui, nous avons entendu cela de l’ange : Quiconque l’apprendra rira avec moi. Rions donc et réjouissons-nous avec la Très Sainte Vierge, car Dieu nous a donné le rire, c’est-à-dire la cause de notre joie avec lui et en elle : Aujourd’hui, un Sauveur vous est né. Si quelqu’un se trouvait au seuil de la mort ou dans une prison douloureuse et qu’on lui annonçait : Voici, celui qui te sauvera est ici, ne rirait-il pas, ne se réjouirait-il pas ? Certainement. Réjouissons-nous donc aussi avec une conscience pure, avec une charité sincère, car aujourd’hui un Sauveur nous est né ! »

La célébration de Noël apporte chaque année une joie qui, malheureusement, contraste avec le tsunami d’injustices et de souffrances qui semble submerger tout espoir d’un monde de paix, de justice et de fraternité auquel nous aspirons tous. La joie de ce Noël 2024 semble particulièrement menacée par une vague effrayante et immense de violence et de haine, qui envahit puissamment les écrans de nos téléviseurs et autres médias, qui la renforcent souvent en nourrissant nos peurs.

Dans ce contexte tragique, pouvons-nous encore trouver une raison de nous réjouir à la fête de Noël ?

Beaucoup d’entre nous pensent que Noël est la fête des enfants, et tous, comme par magie, à Noël, nous redevenons des enfants, au moins pour une journée, en rêvant d’un monde différent : bon, beau, harmonieux, libre de guerres, d’injustices et de divisions. Ô bienheureuse innocence ! Malheureusement, le lendemain – le jour de saint Étienne, le premier martyr – semble nous ramener à la dure et cruelle réalité. Et pour les rêveurs les plus acharnés, le troisième jour arrive inévitablement la nouvelle d’un autre massacre d’innocents, perpétré par un nouvel “Hérode”, qui les réveille brutalement ! Oui, malheureusement, Noël n’était qu’un rêve : beau, mais toujours une chimère.

Cependant, Noël est vraiment un rêve, mais pas le nôtre : c’est le rêve de Dieu ! Chaque année, à Noël, l’Ange du Père, son Messager et Apôtre, se présente à nous comme un Enfant, pauvre parmi les pauvres, pleurant comme tout autre être humain, pour nous rappeler que Dieu est fidèle à ses promesses.
Il est beau et réconfortant de contempler l’Enfant Jésus dans la crèche, les bras ouverts et un sourire sur le visage. Il parvient à nous arracher un sourire, comme tout enfant, d’ailleurs. Chaque naissance est un sourire d’espoir ; celle de Jésus est le sourire de Dieu.

Le saint a bien raison lorsqu’il affirme : « Je vous annonce une grande joie, car le rire est né, le Christ est né » et nous invite au rire : « Rions donc et réjouissons-nous avec la Très Sainte Vierge, car Dieu nous a donné le rire ! »

Le rire, cependant, ne semble pas jouir d’une bonne réputation dans l’Église, depuis les temps des Pères de l’Église, nos premiers théologiens. « Le Christ n’a jamais ri, » affirme saint Jean Chrysostome. D’autres confirment que, dans les Évangiles, nous lisons qu’il a pleuré, mais jamais qu’il ait ri. Dans ce contexte, Nietzsche semble avoir raison lorsqu’il affirme que le christianisme a “tué le rire”.

Cependant, Dieu rit ! Le Paradis est la Patrie du Rire, et Dieu en est l’auteur. On pourrait dire que Dieu crée pour partager avec nous la plénitude de sa félicité. En créant l’univers, il y apporte la joie, constatant à sept reprises que ce qu’il a créé est bon et beau. On peut penser que le Saint-Esprit n’est pas seulement l’Amour entre le Père et le Fils, mais aussi la Joie du Père et du Fils qu’il a engendrée. La Joie et le Rire habitent au sein de la Trinité !

Quelle tristesse de voir que beaucoup d’entre nous, tant dans la société que dans l’Église, sont devenus des “observateurs permanents” du mal qui règne dans le monde. Il semble que pour beaucoup, la critique généralisée soit devenue une sorte d’adrénaline quotidienne.

Peut-être que l’ange de la “grande joie” nous inviterait aujourd’hui, comme il l’a fait jadis avec le prophète Isaïe : « Monte sur une haute montagne, toi qui annonces de bonnes nouvelles à Sion ! Élève ta voix avec force, toi qui annonces de bonnes nouvelles à Jérusalem ! Élève ta voix, ne crains pas ; annonce aux villes de Juda : “Voici votre Dieu !” » (40,9).

Voici mon vœu pour Noël et pour le Jubilé de l’Espérance : que chacun de nous devienne un “observateur permanent” du bien dans le monde, capable de reconnaître l’infinité silencieuse des gestes d’amour qui nourrissent l’espérance et font sourire Dieu.
Ces gestes sont les graines invisibles de bonté, semées par cette “immense foule que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, tribu, peuple et langue,” contemplée par Jean dans l’Apocalypse (7,9).
Cette immense foule est semblable à de petits ruisseaux, ou même à de modestes gouttes d’eau pure, qui ensemble convergent dans le grand fleuve qui jaillit encore aujourd’hui de l’Éden et se divise en quatre bras pour irriguer toute la terre (Genèse 2,10).

Joyeux Noël à vous tous, avec un sourire !

P. Manuel João Pereira Correia, mccj