Le pardon est une démarche difficile. Nous le savons bien, nous qui vivons en société, en communauté, en famille. Les relations d’amour, d’amitié, de fraternité ne sont possibles que si elles sont sans cesse renouvelées par des gestes ou des paroles de pardon : nos proches sont bien plus précieux que leurs faiblesses qui nous irritent, nous déçoivent ou nous blessent. Toutes nos eucharisties commencent par le « Kyrie », instant de renouvellement dans nos relations avec Dieu et entre nous, préalable à toute prière : « va d’abord te réconcilier puis viens à l’autel… »

Comme Jésus,
pardonner de tout notre cœur

Matthieu 18,21-35

Le pardon est une démarche difficile. Nous le savons bien, nous qui vivons en société, en communauté, en famille. Les relations d’amour, d’amitié, de fraternité ne sont possibles que si elles sont sans cesse renouvelées par des gestes ou des paroles de pardon : nos proches sont bien plus précieux que leurs faiblesses qui nous irritent, nous déçoivent ou nous blessent. Toutes nos eucharisties commencent par le « Kyrie », instant de renouvellement dans nos relations avec Dieu et entre nous, préalable à toute prière : « va d’abord te réconcilier puis viens à l’autel… »

Que de divorces surviennent parce qu’un chemin de pardon et de réconciliation n’a pas été trouvé entre deux êtres. Que de blessures dans nos familles et nos communautés quand deux membres ne se parlent plus et s’ignorent. Que de vieilles rancunes sont à la source de graves conflits entre les peuples. Elles conduisent parfois à des tueries, à des atrocités tant que des chemins de pardon et de réconciliation ne sont pas entrouverts. L’histoire récente de l’Afrique du Sud et du Rwanda nous l’a fait comprendre. Comment, alors qu’il va être question de la reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU, ne pas évoquer les impasses dans lesquelles se trouvent, en Terre Sainte, Juifs et Arabes, tant qu’ils refusent de se parler et de se réconcilier ?

« Rancune et colère sont des choses abominables dans lesquelles le pécheur s’obstine… » Le texte du livre du Siracide invite l’homme rancunier et assoiffé de vengeance à pardonner à « son semblable » par peur du châtiment de Dieu : « L’homme qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur. » Alors que le Siracide invite à une sorte de pardon par intérêt, Jésus demande à son disciple de pardonner COMME son maître lui pardonne : « Ne devais-tu pas avoir pitié de ton compagnon de service COMME MOI-MÊME j’avais eu pitié de toi ? »

Le « COMME MOI-MÊME » est la nouveauté radicale de Jésus, peut-être la seule véritable nouveauté par rapport à la Loi « ancienne ». Rappelons-nous toutes ces paroles où Jésus utilise le mot « comme » : « Le serviteur n’est pas au-dessus de son Seigneur : il lui suffit d’être COMME son Seigneur » (Mt 10,25). « Tout disciple accompli sera COMME son maître » (Lc 6,40). « Aimez-vous les uns les autres COMME je vous ai aimés » (Jn 13,34 ; 15,12).

La barre semble placée au-dessus de nos capacités ! Jésus la place simplement à son niveau ! Il n’est donc pas étonnant que, dans la parabole, la somme à rembourser au maître soit si immense. Jamais le serviteur ne pourra la rembourser seul, même s’il le laisse entendre. Ce qui

a tout changer, c’est son attitude : il se prosterne et il supplie… Son attitude émeut le maître dans ses entrailles et le conduit à remettre la dette sans condition. C’est bien la seule solution possible pour quelqu’un qui est insolvable !

Le cri des pécheurs qui se jettent aux pieds de Jésus le bouleverse et arrête sa marche : « Aie pitié de moi, sauve moi ! » (cf. Mt 15,22 ; Mc 10,47-48 ; Lc 18,38-39). C’est le cri de ceux qui sont perdus, le cri de Pierre qui s’enfonce dans la mer… (Mt 14,30). C’est ce cri de détresse et d’espérance qui obtient le salut : « Va en paix, ta foi t’a sauvée ! » (Mc 5,34 ; Lc 7,50 et 8,48).

Il est normal que le cri du serviteur éveille la compassion du maître et qu’il lui remette sa dette. Le cri du frère devrait aussi éveiller en nous cette même compassion et ce même empressement au pardon. Hélas, voilà bien en quoi nous ne sommes pas comme le maître… Nous sommes plutôt comme ce serviteur qui n’a pas remis une minuscule dette à son compagnon. La question que le maître lui pose, c’est à chacun de nous qu’il la pose : « Ne devais-tu pas avoir pitié de ton compagnon de service COMME MOI-MEME j’avais eu pitié de toi ? »

Le vrai pardon ne peut venir que d’un cœur qui aime, d’un cœur ému de compassion. Notre maître en miséricorde et en pardon, c’est Jésus : s’il nous demande de « pardonner au frère de tout son cœur » c’est parce qu’il nous pardonne ainsi ; s’il nous demande de pardonner « jusqu’à 70 fois 7 fois », c’est parce qu’il nous pardonne sans mesure, sans se décourager.

Seul Jésus qui aime sans limite peut pardonner sans limite… Comment alors peut-il nous demander d’être COMME lui ? C’est, je crois, que la source du pardon ne vient pas de nous mais de lui. Nous ne pouvons pardonner que parce que Dieu nous a pardonnés et nous a donné son Esprit Saint. L’Esprit est « Par-don », don suprême de l’amour de Dieu qui nous est donné dans le Christ. Le « COMME », si présent dans les formules de Jésus, est habité d’une présence, celle de l’Esprit ! Voilà bien pourquoi nous retrouvons le fameux « COMME » quand nous demandons : « Père, remets-nous nos dettes COMME nous les remettons à ceux qui nous doivent » : c’est la formule exacte de la cinquième demande du « Notre Père » selon saint Matthieu (Mt 6,12).

Le pardon accordé à nos frères n’est pas la condition pour obtenir le pardon de Dieu mais sa conséquence. Nos petits gestes de miséricorde sont des clins d’œil de l’Esprit qui sème ainsi un Royaume de grâce et de miséricorde au milieu du monde que les conflits et les haines semblent désagréger. Apprenons donc à pardonner de tout notre cœur et nous serons « comme » Jésus.

Frère François-Dominique CHARLES, o.p.
http://www.spiritualite2000.com

Maurice Zundel
https://www.mauricezundel.com