En sortant du temple, Jésus voit un mendiant, aveugle de naissance… Ayant craché par terre, il fait une boue dont il recouvre les yeux de l’infirme, puis il l’envoie à la piscine de Siloé. L’homme va donc s’y laver. Et voici qu’il passe des ténèbres à la lumière, de la nuit au jour. Curieusement Jésus disparaît au moment où l’homme se met à voir. Ce dernier se retrouve donc seul avec cette grande nouveauté dans sa vie. (...)
Rien d’autre que le Christ
En sortant du temple, Jésus voit un mendiant, aveugle de naissance… Ayant craché par terre, il fait une boue dont il recouvre les yeux de l’infirme, puis il l’envoie à la piscine de Siloé. L’homme va donc s’y laver. Et voici qu’il passe des ténèbres à la lumière, de la nuit au jour. Curieusement Jésus disparaît au moment où l’homme se met à voir. Ce dernier se retrouve donc seul avec cette grande nouveauté dans sa vie.
Qui de nous n’a pas fait l’expérience déroutante d’une rencontre qui provoque chez lui un change-ment important, si bien qu’il ne voit plus les choses de la même façon. Comment dire aux autres ce qui lui est arrivé? Comment leur expliquer la mystérieuse certitude qui l’habite maintenant? Qui n’a pas éprouvé un jour cet inconfort et le sentiment troublant de n’être pas compris?
Le pauvre homme, si « merveilleusement illuminé », nous le suivons avec émotion alors que tout le monde autour de lui le remet en question. Les uns s’étonnent. D’autres ont peur. Ses parents même le laissent tomber. Les pharisiens l’accusent, le jugent et le condamnent. Ils vont jusqu’à le jeter hors de la synagogue. Au fil de cette saga, c’est de Jésus lui-même qu’il est question. On parle de lui, on le juge, on le persécute. C’est d’un procès qu’il s’agit, où Jésus est pris à parti dans celui-là même qui met sa foi en lui. Les deux histoires n’en font qu’une.
Voyons comment l’homme témoigne simplement de ce qui lui est arrivé. Il en parle calmement, sereinement, avec respect et douceur. Les persécuteurs n’arrivent pas à lui faire perdre son équilibre, sa liberté, sa paix intérieure. Quand on l’isole et l’exclut, il grandit en certitude. Il devient parfaitement disponible pour son Seigneur à la fin.
Ce récit évoque l’itinéraire de ceux et celles qui mettent leur foi dans le Seigneur Jésus? Baptisés dans le Christ, ils vivent de ce contact fondateur. Ils sont toujours en appel d’une rencontre ultime avec lui qui fera toute lumière. Pour l’instant ils évoluent dans l’inconfort de la foi pour un témoignage bien souvent contesté. Mais qu’importe. Une première rencontre initiatique, décisive, les a illuminés. Et ils portent désormais cette lumière comme un précieux trésor. Il leur faut relever le défi de l’expérience chrétienne : celui de témoigner de la grâce du baptême, d’en rendre compte par la vie et le discours, dans l’attente de la pleine manifestation du Fils de l’homme. Ils sont en mission pour lui, avec lui, dans les temps et les lieux de l’humilité, de la fidélité, au service de la Bonne Nouvelle de l’amour, de la compassion et de la miséricorde de Dieu pour le monde.
Il y a quelques années – soit en mars 2009 – un dimanche, c’était le 15 mars je crois, à l’heure de l’Angelus, le pape Benoît XVI disait à la foule rassemblée sur la place St-Pierre : « Je pars pour l’Afrique conscient de n’avoir rien d’autre à proposer et donner (…) que le Christ et la Bonne Nouvelle de sa Croix, mystère d’amour suprême, d’amour divin qui l’emporte sur chaque résistance humaine et qui rend même possible le pardon et l’amour envers les ennemis… Voilà la grâce de l’Évangile capable de transformer le monde »
Frères et sœurs, le baptême nous a configurés au Christ. Notre gloire et notre force, c’est d’être déjà habités de lui. N’est-il pas lumière en nos esprits, paix en nos coeurs, amour et liberté en nos gestes et paroles, lui le Ressuscité qui nous a déjà réconciliés par le don de l’Esprit Saint?
Par Jacques Marcotte, o.p.
http://www.spiritualite2000.com
Commentaire
Comme pour les trois dimanches du « scrutin » des catéchumènes, ces textes les mettent devant les diverses attitudes des interlocuteurs du Christ, après la guérison de la piscine de Siloé, pour assumer la confession de leur foi après le baptême dans la piscine pascale.
LES DISCIPLES
Habituellement, les disciples ne s’immiscent jamais dans les controverses du Maître. Aujourd’hui, dans cette rue de Jérusalem, ils ont un moment de calme. Il n’y a pas de foule autour d’eux lorsqu’ils croisent l’aveugle au bord du chemin. Ils le connaissent et savent qu’il est aveugle de naissance. Est-ce lui qui en est la cause ? sont-ce ses parents ?
Nous aussi, devant l’infirmité ou la maladie nous posons également des pourquoi. Et parfois même nous mettons Dieu en cause …*
Jésus leur répond directement. La souffrance ne doit pas être envisagée comme la conséquence de causes toutes pré-établies ou qui ne sont pas toujours le prolongement d’une responsabilité personnelle.
La guérison de l’aveugle ne sera donc pas le signe d’un pardon. Elle est la révélation de la bonté de Dieu, la manifestation du plan de Dieu : »afin que les oeuvres de Dieu soient manifestées » (Jean 9. 3) au travers des événements et des situations de nos vies humaines, limitées, fragiles et souffrantes. Elle figure aussi notre illumination spirituelle. Christ est lumière au coeur des hommes. Christ est lumière au coeur du monde. (Jean 9. 5)
Nous sommes insérés dans une création qui nous dépasse. Les lois de son évolution nous échappent alors même que nous en faisons partie et qu’elles sont les mêmes pour toute la nature. Mais, dans le même temps, l’homme et la femme sont autres car, par la grâce de Jésus, nous sommes insérés dans l’éternité du créateur et de son amour qui donne fait partager l’essentiel de la divinité.
L’AVEUGLE-NE
Après avoir reçu cette boue opaque de Jésus, c’est à la piscine que l’aveugle est devenu voyant. Nous aussi, quand Dieu nous laisse dans nos ténèbres humaines ou dans nos « nuits spirituelles » il nous demande d’aller vers sa grâce qui est « source jaillissante en vie éternelle » comme le dira Saint Jean de la Croix.
L’aveugle-né est un brave homme qui est pris dans le tourbillon de ce que nous appellerons aujourd’hui des interview. Il ne se trouble pas, mais, dans le même temps, il ne cherche pas tout de suite à retrouver son bienfaiteur.
Il ne manque pas d’humour dans ses réparties. Il a le bon sens d’une foi faite tout d’une pièce. « Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Dans sa nuit, il a pris le temps d’entendre ce qui se disait ou se faisait et ce qu’aucune image ne venait altérer. Dans son isolement, il a appris ce qu’était le mépris envers lui, il était « l’aveugle, né dans le péché ». Il avait souvent crié en vain, même s’il a connu des gens généreux, une famille, des amis. Mais il était d’un autre monde.
Quand, après son expulsion, Jésus vient le trouver, au terme de toutes ces allées et venues d’interrogatoire, l’aveugle est prêt à lui donner sa foi, car lorsqu’il se prosterne aux pieds de Jésus, il a parcouru tout un itinéraire spirituel depuis la piscine de Siloé.
C’est durant ce tourbillon de questions de pharisiens qu’il a reconnu progressivement et confessé que cet homme qui a mis de la boue sur ses yeux, est un prophète, puis un homme de Dieu, puis un homme qui honore Dieu et fait sa volonté, enfin un homme qui vient de Dieu, ce qui le conduit à confesser sa foi en Celui qui est la lumière du monde.
Et c’est l’ultime étape : »Je crois, Seigneur ! » quand il se trouve face à Jésus. A ce moment, le Seigneur enchaîne devant ceux qui sont là et surtout devant les apôtres : « Je suis venu pour une remise en question », une décision, précise l’un des sens grecs du terme « crima ».(Jean 9. 39)
L’aveugle s’est remis en question; nous aussi nous avons, tous et toujours, à remettre en question notre manière de penser et d’agir si nous voulons voir clair et rester dans la lumière, si voulons vivre l’instant ou les moments de nos vies qui nous mettent pleinement face au Seigneur, pour nous remettre en question.
LES PARENTS.
Ce sont sans doute des gens méritants qui ont bien élevé cet enfant handicapé. Ils aiment bien ce fils qui est encore à leur charge parce qu’il ne peut vivre seul. Une charge pesante à certaines heures, à laquelle ils refusent aujourd’hui d’ajouter celle d’une rupture qui les fera exclure de la synagogue.
Ils sont dans leur droit, leur fils est majeur et doit assumer ses propres responsabilités. Après tout, ils n’ont pas tort. Ils ont répondu aux deux premières questions, ils ne veulent pas ajouter autre chose, mais ils disent à mots couverts qu’ils savent comme cela est advenu : » et qui lui a ouvert les yeux. » (Jean 9. 21) Leur fils ne s’en était pas caché devant les voisins.
Ils ont peur de s’engager plus avant. Ce n’est pas une esquive; ils ont seulement peur d’aller plus loin au point de risquer des conséquences qu’ils connaissent. L’exclusion de la communauté les attend.
Nous sommes bien parfois comme eux quand le Christ nous demande d’aller au-delà des simples formalités d’une vie chrétienne pour nous entraîner dans une vie spirituelle qui nous entraîne à le suivre jusqu’à la croix.
LES PHARISIENS
Dans les premiers moments, ces pharisiens sont divisés, entre eux et en eux-mêmes. Ils sont troublés et l’aveugle leur redira ce qu’ils ont pensé dès le début : »Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? »
Et lui leur donne la réponse à leur questionnement intérieur : »Dieu n’exauce pas les pécheurs. »
Les pharisiens sont pris entre la réalité du geste du Christ qu’ils constatent et la Loi qu’ils observent scrupuleusement, « la lettre et l’esprit ». Mais la Loi du sabbat est plus forte à leurs yeux. Certains n’en restent pas moins désappointés. Alors ils n’osent pas trancher : »Que votre oui, soit un oui. Que votre non soit un non. » a dit le Christ.
Ils doutent d’eux-mêmes quand, après avoir interrogé, à deux reprises, l’aveugle, qui vient d’affirmer sa foi, ils se retrouvent à leur tour devant Jésus et devant eux-mêmes : « Serions-nous des aveugles ? » Ils ne sont pas malveillants à son égard ; ils sont des non-voyants dit le texte grec. Seraient-ils à leur tour des aveugles Ils n’osent pas faire la première étape de la remise en question dont le Christ vient de leur parler.
Devant sa Vérité, devaient-ils renier la leur ? Leur attitude est aussi parfois la nôtre. Avons-nous à le leur reprocher ?
En donnant priorité à la lettre de la Loi, ils se sont éloignés de la personne du Christ. Mais ils sont restés fidèles ace qui pour eux la vérité de la révélation.
En fait ils sont décontenancés et plutôt que de prendre un moment de recul et de réflexion, ils se sont emportés, de la colère de ceux qui n’ont plus d’autre argument que de forcer la voix. Quelques-uns ont bien senti cet échec, après s’être débattus avec les parents et l’aveugle, qui lui a fait le chemin de la foi, depuis « cet homme qu’on appelle Jésus » (Jean 9. 11) jusqu’à celui qu’il appelle : « le Seigneur. » (Jean 9. 38)
Nombreux sont les hommes et les femmes parmi nos contemporains qui en restent à « leur » vérité. Pouvons-nous leur reprocher ?D’ailleurs, nos aussi ne sommes-nous pas ainsi parfois.
***
L’itinéraire de l’aveugle-né est l’itinéraire proposé aux catéchumènes dans ces semaines préparatoires à l’illumination pascale. Ce doit être aussi le nôtre, un itinéraire toujours actuel, car il nous faut du temps pour accueillir pleinement cette lumière qui nous est donnée.
« Dieu qui éclaire tout homme venant dans ce monde, illumine nos coeurs par la clarté de ta grâce, afin que toutes nos pensées soient dignes de toi et notre amour, de plus en plus sincère ». (Prière de la communion de ce dimanche)
Par Jacques Fournier
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