A la Pentecôte, nous fêtons la naissance de l’Église. À l’heure où l’institution a des raisons de douter de son avenir dans un monde en plein bouleversement, les chrétiens sont invités à s’interroger sur le sens des paroles de Jésus rapportées par l’évangéliste Jean sur l’Esprit Saint. Quelle « bonne nouvelle » entendre aujourd’hui ?

Fête de la Pentecote – Année C
Jean 14,15-16.23-26

Pour un nouvel enfantement

Dieu est au centre des paroles de Jésus. La question transversale est la poursuite du dialogue entre Dieu et les hommes. La dynamique est celle du futur des hommes (les verbes sont conjugués au futur). « Aimer » Jésus c’est d’abord, avant les discours, agir selon l’intelligence de l’Esprit, celui de la Création. Celui qui, de par son action, se nourrit de l’intelligence de l’Esprit en participant à cet Esprit grâce à son action, reçoit Dieu.

Ne peut-on pas penser que, premièrement, c’est en affrontant le désir d’aimer, et deuxièmement, en prenant en compte la « réalité » telle qu’elle se découvre grâce aux nouvelles connaissances du monde et de l’homme, en essayant en particulier de vivre ce désir en l’inscrivant dans la transformation de la société pour un plus d’humanité, que l’homme apprend à connaître et à vivre de l’intelligence de l’Esprit ?

Comme Jean, le sens des paroles de Jésus est à découvrir dans leur souvenir, mais aussi à travers le tamis de notre actualité. En ce XXIe siècle, le lecteur s’interroge sur la place de l’Église aujourd’hui. En fait, la grande question n’est-elle pas l’avenir de l’homme ? Et n’est-ce pas en fonction de cette première urgence que la question du rôle de l’Église dans le monde se pose dans le sillon de Vatican II ? Les chrétiens n’ont pas un mais quatre textes rapportant les paroles de Jésus et ne disant pas la même chose. Quelle chance ! Et quelle aventure s’ouvre alors aux hommes et aux femmes de notre temps !

Dès ses premières années, l’Église a évité le risque de la dictature des esprits – comme dans le récit de la tour de Babel – pour ouvrir l’espace du dialogue et de la liberté, de l’interprétation et de l’inventivité. Moment de grâce où l’Esprit déjà soufflait sur elle. Même si, par la suite, l’institution n’a pas toujours été à la hauteur de cette grâce, ne s’agit-il pas aujourd’hui de recevoir en « héritage » cette intelligence, signe d’amour, et d’en vivre face aux nouveaux et gigantesques défis ? Par exemple, les prodigieux progrès de la médecine modifiant les processus de la naissance et de la mort l’obligent à repenser la notion même de la vie et de la mort, celle aussi du « naturel ». Quel est le nouveau marqueur de ce qui est « l’humain » ? Sans parler de l’urgence écologique qui implique de repenser d’une façon radicale le politique, l’économique et le culturel. Les dernières élections européennes le montrent. Voilà l’homme au pied du mur, devant aller puiser au fond de lui-même et de son histoire pour se réinventer (ou se « retrouver ») avec de nouvelles réponses, autre et en même temps lui-même dans l’essentiel de ce qui le fait devenir homme aujourd’hui. En lui donnant ainsi la possibilité d’être acteur de sa propre vie. L’évolution du monde n’impose-t-elle pas l’expérimentation de nouveaux schémas de vie ?

Au carrefour d’un possible réenchantement du monde ou d’une terrifiante fin de l’humanité, la vocation de l’Église n’est-elle pas d’être « l’avocat » (ou le « Défenseur ») de l’homme ? Dans ce sens, ne s’agit-il pas d’abord de se mettre à l’écoute du monde et prendre en compte les nouvelles approches du réel ? Prendre la parole et entrer dans le dialogue ou le provoquer sur l’esplanade des médias ? Appeler l’homme à réfléchir loin des certitudes et des idéologies qui l’enferment, prendre du recul face au doute, interroger son désir de la vie et dénoncer les pièges de la toute-puissance qui le conduisent à sa mort ? Sans se substituer à lui, mais en l’éveillant à lui-même. Dire Dieu en découvrant avec lui ce qu’est « être homme » au XXIe siècle. Ouvrir ainsi à cet homme des chemins nouveaux d’amour et d’espérance. Et vivre de l’Esprit pour un nouvel enfantement.

Daniel Duigou, prêtre et journaliste
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