Nous sommes chanceux, cette année, que le Carême vienne plus tard, avec Pâques le 21 avril. Cela nous vaut quelques dimanches de plus, dans le Temps Ordinaire, avec l’Évangile de Luc qui nous plonge dans le concret de notre vie de disciples du Christ. Et c’est la sagesse du Christ qui encore nous interpelle. Une sagesse liée à son mystère de salut pour l’homme et la femme de tous les temps. La sagesse du Christ reliée à son mystère pascal, mystère de restauration, de rédemption pour nous tous.
Luc 6,39-45
«L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon»
Jacques Marcotte, o.p.
Nous sommes chanceux, cette année, que le Carême vienne plus tard, avec Pâques le 21 avril. Cela nous vaut quelques dimanches de plus, dans le Temps Ordinaire, avec l’Évangile de Luc qui nous plonge dans le concret de notre vie de disciples du Christ. Et c’est la sagesse du Christ qui encore nous interpelle. Une sagesse liée à son mystère de salut pour l’homme et la femme de tous les temps. La sagesse du Christ reliée à son mystère pascal, mystère de restauration, de rédemption pour nous tous.
Et ce dont il nous est parlé aujourd’hui, c’est d’intériorité, de ces ressources intérieures, inépuisables qui alimentent, dirigent, soutiennent notre action, qu’elle soit paroles, écritures, gestes physiques ou spirituels. Tout ce qui vient de nous prend la couleur de ce que nous sommes. Nous parlons de ce que nous sommes. L’agir suit l’être. Nous agissons comme nous sommes. De là notre originalité foncière. Chacun de nous est unique au monde. Chacun, chacune a le droit et même le devoir d’être soi-même.
C’est pourquoi on peut dire que nous sommes pareils à nous-même en tout ce que nous faisons. Et si nous changeons vraiment quelque part, nous changeons partout. C’est alors quelque chose comme une vrai conversion qui passe d’abord par le dedans. Et qui est notre maître à penser, à exister, à agir, si ce n’est le Christ Seigneur. Il est notre modèle. Le Père,lui, est le potier qui nous façonne avec amour, dans l’esprit, à l’image de son Fils. Laissons-nous donc travailler au-dedans par cette influence « trinitaire ». Mettons en pratique ce qu’elle nous inspire et nous communique.
De fait, nous sommes tous un peu sur les traces de quelqu’un. Nous imitons volontiers nos parents, notre grand frère, notre grande sœur, un ami, un professeur. Nous avons tous, peut-être en secret, un héros qui nous fascine. Ce rapport avec notre modèle nous façonne tranquillement au-dedans. Dans la dynamique familiale, il y a aussi le jeu des gènes et des autres transmissions biologiques qui déjà nous configurent pour des traits qui nous font nous ressembler tant au plan psychologique que physique. Et c’est aussi un fait que nous nous conformons ou nous résistons à l’exemple, au modeling suggéré par les gens de la famille ou de notre entourage.
La Parole de Dieu nous invite aujourd’hui à nous conformer surtout au maître intérieur qui nous inspire pour une œuvre à produire d’abord en notre intérieur. Un travail de libération, de purification. Pour que soit dégagée en nous la source toujours nouvelle qui s’alimente à l’infini de Dieu. Il ne s’agit pas là d’une prise de contrôle de Dieu qui serait comme une force extérieure qui pèserait sur nous. Dieu le premier nous laisse libres. Il est honoré par toute liberté bien assumée. Nous ne sommes donc pas des robots, comme si notre avion était pilotée à partir d’un autre avion ou d’une base quelconque éloignée de nous. Non, le rapport personnel à Dieu dont il est ici question fait que nous sommes encore plus libres et à notre meilleur quand nous entrons sous cette influence divine qui souffle au-dedans de nous. Dieu est à l’aise avec nous. Ce qu’il fait essentiellement, c’est de nous rétablir à notre meilleur pour que nous devenions plus nous-mêmes comme si nous en revenions au plan originel qu’il avait d’abord voulu pour nous.
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Jésus nous ramène à l’essentiel: la pureté du coeur
Armand Veilleux
À première lecture, cet évangile nous semble une collection un peu désordonnée de paroles de Jésus qui n’ont pas beaucoup de relation les unes aux autres. Mais cela n’est vraiment pas le genre de Luc, qui est un bon écrivain, et qui sait surtout combien structurer un récit. Examinons donc un peu le contexte. Ce morceau fait partie du discours de Jésus à la foule, qui correspond au “Sermon sur la montagne” de Matthieu. (En Luc Jésus se trouve non pas sur la montagne, mais dans un “endroit plat”). Il y a deux dimanches nous avions les béatitudes; puis, dimanche dernier, l’appel à être miséricordieux comme notre Père céleste. Et le texte se terminait par : “Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés. Pardonnez et vous serez pardonnés…”
Ce “Sermon à la foule” de Luc se termine par une parabole que le texte que nous avons lu ne nous donne pas. Notre texte commence bien par la mention: “Jésus s’adressait à la foule en paraboles” (Ce qui n’est pas une traduction exacte; il faudrait plutôt traduire: “Il leur dit aussi une parabole”). Or, cette parabole viendra dans les derniers versets de ce chapitre, que nous n’avons pas lu, et qui terminent le discours de Jésus. Il s’agit de la double parabole du disciple qui, ayant écouté la parole de Jésus, construit sa maison sur le roc solide ou sur le sable mouvant. Cette parabole est introduite par trois questions dont nous avons les deux premières dans notre texte d’aujourd’hui, la troisième étant : “Pourquoi m’appelez-vous ‘Seigneur, Seigneur’ et ne faits-vous pas ce que je dis?”
Reprenons donc le texte que nous venons de lire et qui commençait par la question: “Un aveugle peut-il guider un autre aveugle?”. Cette question est suivie de l’affirmation: “Le disciple n’est pas au-dessus du maître.” Ce que Jésus nous rappelle ici c’est que nous n’avons qu’un seule maître, tout comme nous n’avons qu’un seul père. C’est lui notre guide. Et si nous nous efforçons de nous guider par nous-mêmes, et encore plus si nous nous efforçons de conduire les autres selon nos propres lumières, nous sommes des aveugles conduisant d’autres aveugles à leur perte. Nous construisons sur le sable. Par ailleurs Jésus ajoute: “Celui qui est bien formé – celui qui s’est laissé formé par le maître – sera comme son maître”. La formation, la doctrine reçue, il faut la mettre en pratique et la transmettre aux autres. Cet enseignement est repris dans la parabole finale : “Celui qui entend mes paroles et les met en pratique est comparable à un homme qui a bâti sa maison sur le roc”.
Puis vient la seconde question: “Qu’as-tu à regarder la paille dans l’oeil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton oeil à toi, tu ne la remarques pas ?” La tentation – à laquelle nous succombons souvent – est d’interpréter ces paroles comme si Jésus nous invitait à ne jamais corriger notre frère, puisque nous sommes aussi pécheurs et même plus pécheurs que lui. Jésus est beaucoup plus exigent. Il nous invite bel et bien à enlever la paille dans l’oeil de notre frère. C’est là un devoir de charité. La correction fraternelle est un devoir auquel un chrétien ne peut pas se soustraire. Mais Jésus nous dit aussi qu’il faut nous corriger nous-mêmes, et le faire en tout premier lieu, en enlevant la poutre qui est dans notre oeil. Il faut faire les deux et non pas négliger l’un et l’autre. Le fait que Jésus parle ici de “ton frère” et non de “ton prochain”, montre que ces recommandations sont adressées en tout premier lieu à ses disciples, et qu’elle valent donc d’une façon particulière pour toute communauté chrétienne.
Si nous pratiquons ces recommandations nous seront comme de bons arbres dont les fruits seront l’amour, la fraternité, la joie, l’harmonie, la paix. Si nous les négligeons, nous serons comme un arbre mauvais dont les fruits seront la tiédeur, la haine, les tensions. Et comme toujours Jésus nous ramène à l’essentiel qui est la pureté du coeur. Si le coeur ne se laisse pas purifier par l’enseignement du maître, les paroles qui en sortiront seront fausses et conduiront les autres à leur perte comme un aveugle conduisant d’autres aveugles dans le précipice. Mais si le coeur est pur il sera ouvert à l’enseignement du maître, et pourra retransmettre cet enseignement par la parole de l’exemple. “Celui qui est bien formé sera comme son maître”.
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