Deuxième dimanche de l’Avent – Année C: Montagnes, ravins, chemins tortueux

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Ces images, 1ère lecture et évangile, évoquent des obstacles sur un chemin. Quels obstacles ? D’abord ceux de communautés humaines faites de dominateurs et de dominés, donc lieux de violence. Les chemins tortueux évoquent plutôt nos ruses et nos duplicités. Tout cela demande rectification, ce que notre évangile appelle “conversion en vue de l’effacement des péchés”. [Photo by Giorgio Parravicini on Unsplash]

Luc 3, 1-6

Montagnes, ravins, chemins tortueux

Ces images, 1ère lecture et évangile, évoquent des obstacles sur un chemin. Quels obstacles ? D’abord ceux de communautés humaines faites de dominateurs et de dominés, donc lieux de violence. Les chemins tortueux évoquent plutôt nos ruses et nos duplicités. Tout cela demande rectification, ce que notre évangile appelle “conversion en vue de l’effacement des péchés”. Cette abolition des péchés sera l’œuvre du Christ, mais elle ne peut nous atteindre que si nous nous tournons vers lui pour la recevoir. Jean est envoyé pour nous inviter à ce retournement, mais c’est déjà le Christ qui opère en lui puisque “la Parole de Dieu lui est adressée”.

Dans un désert qui figure un espace vide d’obstacles. Notons le contraste, violent, de la première phrase de ce passage d’évangile : d’abord les “montagnes”, puissants éphémères de ce monde, aplatis par le déroulement du temps, puis “Jean, fils de Zacharie”, un tout petit qui sera pourtant déclaré “le plus grand parmi les enfants des femmes” (Luc 7,28). Illustration du Magnificat : “Il a renversé les puissants de leur trône et élevé les humbles”. Et Jean est là pour toujours, dans la mémoire des croyants et par la pérennité de sa fonction, car le chemin du Christ a sans cesse besoin d’être préparé, aplani.

Question de temps

Les images de montagnes et de ravins, géographiques, évoquent l’espace, mais l’image du chemin est à la fois spatiale et temporelle : parcourir une route prend du temps. Le fait que Jésus ait été précédé par Jean nous renvoie au déroulement global de l’histoire du salut. Dieu est celui “qui est, qui était et qui vient”. On a répété que la figure de Jean récapitule l’attente immémoriale d’Israël : n’est-il pas le “nouvel Élie” (les trois synoptiques, par exemple Luc 1,17). Attente et aussi préparation, ou plutôt lent cheminement souterrain du Verbe dans l’histoire, à travers montagnes et ravins, dans l’épaisseur des résistances des libertés humaines ; jusqu’à ce que “es temps soient accomplis” (premières paroles de Jésus en Marc : 1,15).

Pourquoi à ce moment-là ? Peut-être parce que la prétention messianique d’Israël, véritable montagne à escalader, se trouve définitivement ruinée par l’occupation romaine : Israël va devoir se reconvertir pour accéder à sa vérité. Non pas puissance parmi les puissances, mais humble messager du Royaume qui vient, donc illustration de la figure de Jean. Sous l’un de ses aspects, l’Église est cela, voix qui crie dans le désert, figurant le Royaume mais toujours au seuil du Royaume. Un Royaume qui n’est pas son Royaume à elle mais le Royaume de Dieu.

Notre route

Il y a donc un parcours historique qui amène l’humanité à l’élection du peuple parmi les peuples, Israël ; un second parcours, branché sur le premier, qui va de l’élection d’Israël à la venue de celui que Dieu appelle “mon Fils, mon élu” (Luc 9,35). Ce Fils est la fleur, le fruit, l’accomplissement d’Israël en même temps que de l’humanité. Il entre dans une troisième phase historique à travers l’Église, en vue de la constitution de l’humanité Une rassemblée dans son corps, unique à l’image du Dieu Un. “Jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, à la taille même qui convient à la plénitude du Christ” (Éphésiens 4,13).

Nous sommes donc toujours dans un “Avent”, revivant l’aventure de Jean et annonçant celui qui vient. À cela près que chaque fois que nous créons des liens pour faire Un, le Christ est déjà là. On voit que l’image d’une route à parcourir, d’un chemin qu’il faut aplanir, si elle concerne l’humanité prise globalement, vaut pour chacun d’entre nous. Nous sommes à la fois des Jean Baptiste qui annoncent l’imminence de la venue du Fils, et ceux qui marchent, parfois si laborieusement, sur le chemin tracé. Et c’est bien par notre marche elle-même, plus que par des paroles, que nous annonçons celui qui vient.
Marcel Domergue, jésuite