Mardi 23 avril 2019
"Chers amis: Avant tout, je vous souhaite une heureuse fête de Pâques. Que le Christ ressuscité vous emplisse de sa grâce et de ce bonheur qui nous vient de notre foi en notre résurrection avec le Christ. En attendant cela, ce qui importe le plus c’est de vivre avec intensité notre vie avec ceux et celles qui nous entourent et en rendant heureux tout ce monde que nous rencontrons tout au long de notre route quotidienne."
Chers amis:
Avant tout, je vous souhaite une heureuse fête de Pâques. Que le Christ ressuscité vous emplisse de sa grâce et de ce bonheur qui nous vient de notre foi en notre résurrection avec le Christ. En attendant cela, ce qui importe le plus c’est de vivre avec intensité notre vie avec ceux et celles qui nous entourent et en rendant heureux tout ce monde que nous rencontrons tout au long de notre route quotidienne.
Cette fois-ci, je vous écris comme évêque de Sarh. Vous êtes tous au courant, sans doute de ma nomination le 10 octobre comme évêque de cet immense diocèse où j’ai commencé mon travail missionnaire. Après presque 20 ans à servir l’Eglise Famille de Dieu qui est à Laï, que j’ai aidé à naître et à grandir, voilà que le Seigneur me confie une nouvelle mission. Je pensais terminer mon ministère épiscopal à Laï, car il ne me restait que 7 ans avant de présenter ma démission au Pape, mais le Seigneur en a décidé autrement. La mission on la reçoit, on ne la choisit pas ! Donc, me voici à Sarh depuis début novembre 2018 et depuis le 10 de ce mois-là, je suis officiellement évêque de Sarh.
J’aimerais bien vous présenter sommairement le diocèse :
Le diocèse a une superficie de 57.000 km² (entre les deux villages extrêmes il y a une distance de plus de 500 km), la population avoisine 1.700.000 habitants. Les catholiques, baptisés et catéchumènes, devons être près de 200.000 dans 22 paroisses ou quasi paroisses. Les prêtres actuellement dans le diocèse sont au nombre de 54 mais une vingtaine travaillent dans différents domaines extra paroissiaux : formation, éducation et santé. Il y a aussi 30 religieuses et 5 frères. Les grands séminaristes sont 17; l’un d’eux, diacre, sera ordonné prêtre le 1er juin prochain.
Du point de vue administratif, le diocèse comprend deux provinces (elles étaient des régions jusqu’à il y a quelques mois) avec un gouverneur dans chaque province. Il y a aussi neuf départements avec un préfet à leur tête ; il y a aussi beaucoup de sous-préfectures mais elles vont disparaître laissant la place à des communes.
Le diocèse est rural mais il y a deux villes assez importantes (Sarh et Koumra) et plusieurs autres plus petites. Les habitants sont, en majorité, des cultivateurs mais dans les deux principales villes il y a aussi des ouvriers – puisque nous avons quelques usines -, des fonctionnaires de l’État et des commerçants. Comme le diocèse a une longue frontière avec la République centrafricain, il y a beaucoup de réfugiés et des retournés, et plusieurs ONG travaillent avec eux, aussi notre Caritas diocésaine ; pour cela il y a aussi pas mal de cadres de ces ONG. Il y a aussi beaucoup de éleveurs venant du Nord du pays avec leurs troupeaux de bœufs, de moutons, et chèvres ; les uns sont nomades et d’autres ce sont déjà sédentarisés. Ce groupe social crée beaucoup de problèmes aux paysans et cela provoque continuellement des conflits sanglants et des dévastations de champs de céréales. Un autre grave problème pour les cultivateurs c’est le vol de bétail (les voleurs s’en prennent aux bœufs des cultivateurs et non pas aux bœufs des éleveurs).
Dans ces premiers mois j’ai cherché à connaître le diocèse : le territoire et les gens. J’ai commencé par la visite pastorale aux paroisses (le 28 avril prochain je visiterai la dernière). J’ai pu connaître les villes et beaucoup de villages ainsi que les problèmes des gens, leurs soucis et leurs joies. En général mes visites ont été rapides car je voulais aller partout afin que les gens voient leur nouvel évêque et que je les vois et les écoute aussi. En plus des grandes foules qui m’accueillaient, il y a eu aussi de nombreuses rencontres avec des catéchistes, responsables de communauté chrétienne et de Mouvements apostoliques, etc. Ainsi j’ai pu me rendre compte de ce qui se passe dans le diocèse et cela non pas seulement dans le cadre religieux ou ecclésial, mais aussi social.
Dans le cadre ecclésial, le problème principal c’est le manque de prêtres. Partout, les gens me demandaient de leur envoyer des prêtres. Dans le domaine social, le problème plus grave dont on me parlait partout est celui des conflits interminables entre cultivateurs et éleveurs, et le vol de bétail : des gens armés viennent à cheval voler les bœufs des cultivateurs, pas ceux des éleveurs, ensuite ils fuient, surtout, vers la RCA. La pauvreté augmente, surtout dans les villages, et à cela il faut ajouter le manque des services sociaux de base : santé et éducation (en beaucoup de villages il n’a a pas de cours, ils n’ont pas repris depuis la rentrée scolaire par manque d’enseignants). Les gens sont très découragés, voire désespérés. Beaucoup de jeunes de la zone Est du diocèse quittent les villages et vont vers le Soudan, à la recherche de l’or. Il y a une chose claire pour moi : je ne peux pas me taire devant ces situations ! Lors de mes dernières homélies à la cathédrale, qui sont retransmises par la radio diocésaine, j’ai déjà dénoncé ce qui se passe. Je sais que ma voix sera comme celle du prophète qui crie dans le désert, mais je continuerai à crier.
Deux de mes visites ont été un peu spéciales et je vous raconte un peu ce que j’ai fait.
La première a été la visite pastorale à la paroisse la plus vaste du diocèse : Kyabé (17.000 km²). Comme je ne connaissais pas bien cette partie diocèse et que j’ai compris par les renseignements reçus qu’elle présente le plus de difficultés pour un bon travail apostolique, je l’ai choisi pour une longue visite, j’y ai été pendant neuf jours. En effet, la paroisse est très vaste et au même temps très peuplé (± 200.000 habitants). Elle est desservie par 2 prêtres jésuites, qui vivent en communauté avec deux autres compagnons non-prêtres. Les deux sont très proches des gens et très dévoués, mais l’un est assez âgé et l’autre est au même temps directeur du collège qui vient de commencer. J’ai visité pratiquement les 15 secteurs (deux je les visiterai à partir de Sarh, puisqu’ils y sont très proches). Beaucoup de ces secteurs ont la visite du prêtre une ou deux fois dans l’année, à cause aussi de certaines routes qui sont impraticables en saison des pluies. Comme partout, les mêmes problèmes, surtout le manque de prêtres, mais la paroisse n’a aucun grand séminariste et le seul prêtre diocésain issu d’elle a été ordonné il y a 11 ans ! Ce qui a été le plus dur dans la visite a été la chaleur insupportable de ces jours. Je suis rentré à Sarh très fatigué.
La deuxième visite je l’ai faite à Korbol, une zone très vaste aussi, au moins 8.000 km², mais très peu peuplé et sans aucune communauté chrétienne (j’ai trouvé, quand-même, un militaire qui portait sa croix au cou !). La population locale vit entre la religion traditionnelle et l’islam. Ils m’ont reçu très bien et ils m’ont dit d’aller fonder l’Eglise. La zone est très abandonnée, même si elle vient de passer à Département ; par exemple un seul centre de santé avec des villages jusqu’à 200 km, le plus éloigné.
Mais la route était assez bonne grâce à la présence de Chinois, qui cherchent, et semble avoir trouvé, le pétrole. On va voir ce qu’on pourra faire, mais il est clair que nous devons sortir et aller dans les périphéries aussi géographiques, comme nous le rappelle le Pape continuellement.
Je compte sur votre appui comme par le passé !
Bien cordialement,
+ Miguel A. Sebastián
Sarh, 20 de abril de 2019
B.P. 87 SARH (Tchad)