Cartographie de la pastorale sociale de la Famille Combonienne

L'engagement social de la Famille Combonienne

Une contribution à la transformation sociale des communautés dans lesquelles elle travaille

La Famille Combonienne (FC) a entrepris, depuis plusieurs années, un parcours missionnaire en communion avec les mouvements populaires et sociaux engagés dans la régénération d'un monde où le cri des appauvris et de la terre elle-même jette un voile sur son insoutenabilité socio-économique et environnementale.

Depuis 2007, le FC participe activement au Forum social mondial, qui est organisé, en principe, tous les deux ans dans différentes villes du monde. A la même occasion, un Forum Combonien a également été organisé, dans le but de promouvoir une réflexion théologique et charismatique à partir des réalités sociales dans lesquelles les missionnaires sont insérés.

En 2018, un livre intitulé "Soyez le changement que vous souhaitez voir dans le monde", a été publié, un ouvrage qui documente le chemin parcouru – de 2007 à 2018 – et réfléchit sur les défis de la mission. En Mai 2020, un deuxième volume, cette fois intitulé "Nous sommes mission : témoignages de la pastorale sociale dans la Famille Combonienne" a suivi le premier. Ce deuxième volume présente l'immersion de la mission combonienne dans la réalité de la vie dans divers contextes culturels et sociaux et met en évidence l'originalité et la vitalité du charisme combonien dans le service ministériel avec des approches, des méthodes, des dynamiques et des moyens variés.

Cartographie des ministères sociaux de la Famille Combonienne dans le monde

Pour donner une continuité à ce processus d'action-réflexion, il a été décidé de cartographier les ministères sociaux de la FC dans le monde en poursuivant trois objectifs : évaluer la signification de la pastorale sociale combonienne ; mettre en évidence comment la FC vit sa ministérialité en ce temps de transition d'époque face à un nouveau paradigme missionnaire émergent ; et promouvoir un parcours synodal.

Dans cette première phase de cartographie, 205 expériences de ministère spécifiquement social ont été collectées, documentées et analysées. Ce nombre exceptionnel d'expériences, même s'il n'est encore qu'une partie, nous donne déjà la possibilité d'avoir une réelle perception de ce qui se fait et de son impact. Pour la première fois, il est possible d'avoir une vision empirique globale de la dimension sociale de la pastorale de la FC, basée sur des données concrètes et systématiques sans précédent, et de faire une étude comparative en croisant les données obtenues. Toutefois, il faut considérer que ce n'est que le début d'un long processus. En effet, il existe encore de nombreuses autres expériences qui pourraient être enregistrées, documentées et analysées ultérieurement. Par conséquent, cette cartographie peut continuer à être enrichie non seulement par de nouvelles expériences, mais aussi par la mise à jour continue des expériences déjà documentées.

En analysant la base de données des 205 expériences en cours, à l'aide d'une application web, nous pouvons faire quelques considérations, que nous présentons ci-dessous.

Considérations générales sur les données obtenues

Une première considération concerne l'approche du ministère social en soi. D'un point de vue historique, la praxis sociale de l'Église s'est combinée entre deux axes : d'une part, le service aux plus petits et aux exclus (appelé aussi service direct), qui, à son tour, se déploie dans deux directions, à savoir les œuvres de miséricorde et la promotion humaine ; et, d'autre part, l’engagement pour la justice et la paix (ou action sociale), une dimension prophétique, basée soit sur la dénonciation, soit sur la formation/sensibilisation des agents de transformation, soit sur la promotion d'alternatives structurelles.

Il en résulte que le service direct auprès des plus vulnérables et des plus démunis l'emporte sur la dimension de l’engagement dans le domaine de la justice, de la paix et de l'intégrité de la création (JPIC). En particulier, l'aspect qui semble le plus faible est la dénonciation ouverte des injustices. Une explication possible de cette faiblesse est le fait que certains missionnaires travaillent dans des pays où des régimes dictatoriaux et oppressifs sont en vigueur, ce qui exige d'eux une prudence particulière dans la dénonciation des violations systématiques des droits de l'homme et des injustices structurelles les plus flagrantes. Malgré cela, on note un effort de la part de ces mêmes missionnaires pour trouver une sorte d'alternative moins frontale, qui révèle déjà une option délibérée contre toutes sortes d'injustices et d'oppressions.

Dans la pratique, le service direct est présenté comme structurellement intégré aux ministères sociaux, tandis que la Justice et Paix (JPIC) ne l'est pas, du moins pas de manière évidente, malgré les diverses activités enregistrées dans ce domaine. Il convient toutefois d'éviter toute interprétation hâtive : il s'agit de chiffres moyens décrivant la réalité dans son ensemble, plutôt que chacune des expériences individuelles dans son contexte. Il serait donc nécessaire de les analyser au cas par cas. Cependant, la connaissance de ces valeurs moyennes est très utile car elle nous aide à comprendre les tendances et les priorités actuelles, dans une approche globale, des performances des ministères sociaux au niveau de la FC.

En Afrique, en particulier, la prévalence du service direct est légèrement plus évidente – par exemple, dans les domaines de l'éducation et du développement humain – tandis qu'en Amérique et en Europe, il y a un plus grand équilibre entre le service direct et la justice et la paix. Cela peut dépendre soit du contexte – en général, en Afrique, non seulement les besoins fondamentaux sont plus importants et plus urgents, mais l'accès aux services de base est également plus limité – soit de l'histoire ou de la tradition missionnaire du continent lui-même. En ce qui concerne l'Asie, la présence de la FC est encore numériquement faible, il est donc prématuré de tirer des conclusions particulières.

Une deuxième considération qui émerge des données cartographiques est l'image graphique des secteurs ministériels dans lesquels la FC est impliquée. En communion avec le Magistère et la praxis sociale de l'Église, deux secteurs émergent ; ils ne sont pas liés à des domaines de service, mais à des processus de transformation sociale, à savoir le développement humain intégral et la JPIC.

Dans le secteur du développement humain intégral, par exemple, nous trouvons l’aide caritative, le développement socio-économique, la dimension de la transformation sociale, c'est-à-dire le changement structurel par la bonne gouvernance et le plaidoyer. En outre, la formation des leaders locaux – une caractéristique très particulière du charisme combonien – apparaît comme l'une des priorités importantes de la pastorale sociale.

Dans le domaine de JPIC, nous trouvons différents types d'engagements comme, par exemple, les droits de l'homme, l'écologie et l'environnement, la paix et la réconciliation, la justice sociale et l'inclusion, le dialogue interreligieux et interculturel, toujours dans le but de créer plus de fraternité et de construire un monde plus juste.

Autres considérations sur les données obtenues

Après avoir vérifié et analysé les tendances globales détectées dans les données de la cartographie des ministères sociaux de la CF, nous pouvons entrevoir d'autres indicateurs pertinents qui caractérisent la mission combonienne depuis ses origines.

En premier lieu, la proximité de la vie des missionnaires avec les plus pauvres et les plus exclus est évidente, faisant cause commune avec eux. Non pas dans un sens paternaliste, mais dans une perspective de service qui fait des bénéficiaires les protagonistes de leur propre parcours de régénération, comme le prouvent également les efforts récurrents des missionnaires pour promouvoir la participation et l'autonomisation des personnes et des communautés dans leurs projets et activités. Un indicateur clé de cette attitude est l'insertion, vécue dans des contextes et selon des modalités différentes, comme par exemple : parmi les groupes humains les plus exclus, les communautés défavorisées et marginalisées, et dans des contextes socioculturels particuliers, dans lesquels la communauté chrétienne est non seulement minoritaire, mais aussi soumise à diverses restrictions, comme c'est le cas dans les pays à prédominance islamique.

Deuxièmement, nous sommes frappés par la vitalité et l'articulation de la collaboration ministérielle. En effet, les expériences recueillies montrent que l'évangélisation est d'autant plus fructueuse qu'elle se fait en communauté – et non individuellement –, qu'elle s'insère dans le tissu social et ecclésial, et qu'elle se réalise en étroite relation avec l'Église locale, en tenant compte des différents contextes et réalités. Le réseau dense de coopération de la FC avec d'autres acteurs de la société civile, même en dehors des frontières de l'Église elle-même, est également pertinent.

Troisièmement, le rôle central de la spiritualité et de l'identité ecclésiale dans le ministère social combonien est remarquable. Cela se confirme dans la description des activités d'accompagnement spirituel et dans le souci sérieux de la transformation de la réalité sociale en vue du Royaume de Dieu. Une manière de procéder qui devient fondamentale dans le processus de construction d'un "peuple" (cf. Fratelli tutti et Evangelii gaudium). En ce sens, les dimensions sociale et spirituelle de la pastorale sont considérées comme inséparables et vécues comme un tout interconnecté.

En quatrième lieu, la dimension de l'éducation apparaît clairement, ce qui signifie qu'en termes quantitatifs, on lui accorde une importance prépondérante, en suivant, sans aucun doute, la même vision missionnaire de Saint Daniel Comboni. Si la mission exige aujourd'hui une révolution culturelle, cet accent mis sur le domaine de l'éducation est une condition importante de la transformation sociale. L'importance à accorder à l'éducation est confirmée dans l'initiative du Pacte mondial pour l'éducation, promu par le pape François, qui met en garde contre la nécessité d'une transformation sociale qui implique la conscience des individus et des peuples, compte tenu du fait que la racine de la non-durabilité du monde actuel réside dans une vision du monde qui a perdu le sens authentique de l'humanité et de la vie.

Domaines et défis actuels à prendre en considération

Malgré tout ce qui est déjà accompli, nous identifions également certains domaines qui pourraient être davantage explorés et certains défis à prendre en compte, s'ils sont considérés comme des opportunités de présence prophétique en réponse aux signes des temps. C'est le cas des activités et des projets liés, par exemple, à la justice sociale et environnementale, à la réconciliation et à la promotion de la paix, qui, bien qu'ils apparaissent de manière significative dans certaines des expériences recueillies, ne sont pas encore considérés, en général, comme un axe transversal de la pastorale sociale. Aujourd'hui, la préoccupation sociale pour l'écologie et l'environnement exige un plus grand intérêt et un plus grand dévouement de la part des missionnaires pour promouvoir une nouvelle économie durable et équitable. De même, le dialogue interreligieux et interculturel, qui joue un rôle important surtout dans les ministères sociaux dans un contexte islamique ou de pluralisme religieux, pourrait être quantitativement plus promu dans d'autres contextes et dans d'autres domaines de la pastorale.

Conclusion

Compte tenu de toute la documentation de ces 205 projets et des expériences pastorales en cours, désormais disponible en ligne, une réflexion encore plus détaillée et approfondie peut être menée, en accroissant les données enregistrées et en établissant des liens entre des initiatives ou des expériences similaires. Ce type d'analyse permettra de construire des pistes menant au développement de pratiques pastorales spécifiques, comme, par exemple, celles liées à l'environnement, à la réconciliation entre les peuples et à l'attention portée aux minorités.

Après cette lecture attentive des données cartographiques, nous pouvons conclure qu'il y a encore des domaines de la pastorale sociale auxquels nous, en tant que Famille Combonienne, pourrions accorder une plus grande attention, à savoir le domaine de la dénonciation, dans le but de déconstruire les structures de péché qui nuisent à la dignité humaine, à la justice sociale et au bien commun. D'égale importance, nous pourrions également accroître l'intégration de certaines dimensions fondamentales dans la structure des ministères sociaux, telles que : l'écologie intégrale, la paix, la réconciliation, le dialogue interreligieux et interculturel, l'économie durable et équitable et l'accompagnement des jeunes.

Enfin, nous souhaitons réaffirmer la centralité de la dimension de la prophétie, qui requiert avant tout ouverture, humilité et disponibilité pour se laisser transformer. Une prophétie qui peut s'exprimer dans la culture de la rencontre, dans la tendresse, dans la compassion, en faisant cause commune avec les plus démunis, en évangélisant en tant que communauté et en créant une communion entre les ministères. La dimension prophétique est essentielle pour réaliser la transformation sociale, pour hâter la venue du Royaume de Dieu, pour donner une plus grande visibilité au Ressuscité qui régénère tout le monde et veut donner la vie en plénitude à tous.
P. Arlindo Pinto

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Sources :

Frère Alberto Parise, "L'impegno sociale comboniano : una mappatura - per cambiare il mondo" ; magazine Nigrizia, juillet/août 2021, pp. 56-59.

Maria Teresa Ratti, frère Alberto Lamana, frère Alberto Parise, "Presentazione della Mappatura dei ministeri sociali nella Famiglia comboniana", Bulletin MCCJ, n° 287, avril 2021, pp. 45-76.

Pour télécharger la cartographie qui donne le détail de chacune des 205 expériences enregistrées à ce jour, en langue italienne, cliquez ici.