Lundi, 23 juin 2014
«A l’approche de la fête du Sacré Cœur – vendredi 27 juin – je désire partager avec vous cette petite réflexion, afin qu’elle nous aide à nous préparer à cette célébration, en fixant notre regard dans ce Cœur ouvert, d’où naît notre vocation missionnaire, pour y puiser les forces dont nous avons besoin en ce moment de notre chemin, en tant qu’héritiers de saint Daniel Comboni.» P. Enrique Sánchez G., mccj (photo). Bonne fête à tous.

 

Le Sacré-Cœur
du peintre français
Odilon Redon
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Avec le cœur dans la mission

Je ne veux pas vous cacher que ma conscience était un peu inquiète quand le Saint-Siège m’a confié cette vaste et laborieuse Mission, car je connaissais ma petitesse face à cet énorme mandat que Dieu m’a confié par son auguste Vicaire Pie IX. J’ai alors pensé qu’avec nos seules forces nous ne réussirions jamais à fonder le catholicisme dans ces immenses régions où, malgré tous les efforts de plusieurs siècles, l’Eglise n’a pu réussir à s’implanter.

J’ai alors mis toute ma confiance dans le Sacré-Cœur de Jésus et j’ai décidé de consacrer, le prochain 14 septembre, tout le Vicariat, au Sacré-Cœur de Jésus.

A cet effet, pour célébrer cette grande solennité, j’ai envoyé une Circulaire, et j’ai prié cet apôtre admirable du Sacré-Cœur qu’est le Père Ramière, de rédiger l’acte solennel de Consécration, ce qu’il a fait (Ecrits 3318).

Chers Confrères,
A l’approche de la fête du Sacré Cœur je désire partager avec vous cette petite réflexion, afin qu’elle nous aide à nous préparer à cette célébration, en fixant notre regard dans ce Cœur ouvert, d’où naît notre vocation missionnaire, pour y puiser les forces dont nous avons besoin en ce moment de notre chemin, en tant qu’héritiers de saint Daniel Comboni.

Le 31 juillet 1873, saint Daniel Comboni écrivit une lettre à Mgr. Joseph De Girardin; c’est dans cette lettre que se trouve le texte avec lequel j’ai commencé cette réflexion. Je l’ai choisi parce que je crois qu’il contient certains éléments qui correspondent à la réalité que nous sommes en train de vivre en ce moment de notre vie et de notre mission, des éléments qui méritent une réflexion de notre part.

Comme en ce temps-là, aujourd’hui encore il n’est pas difficile d’affirmer que la mission qui nous est confiée est vaste et laborieuse; souvent elle nous apparaît très exigeante et au-delà de nos forces. Et cela – je le dis tout de suite – ne nous aide pas à la vivre avec responsabilité et efficacité.

Au cours des trente dernières années, en effet, notre Institut s’est développé de manière considérable et dans son processus de croissance il s’est engagé dans beaucoup de secteurs, sur beaucoup de fronts et dans de nombreuses et différentes réalités missionnaires, dont l’ampleur est évidente. L’immense Vicariat de l’Afrique Centrale est devenu pour nous encore plus immense, avec une présence dans quatre continents et une diversité d’engagements missionnaires telle que nous arrivons à croire que nous sommes présents sur tous les fronts de la mission. Ce fait, pour certains d’entre nous, est une chose bonne, il semble répondre au besoin d’affirmer un ego, nous fait croire que nous sommes de grands missionnaires parce que nous portons l’Evangile dans tous les coins de la planète et dans toutes les périphéries de l’humanité, si on veut utiliser cette expression qu’aime notre pape François.

A l’ampleur, il faut aussi ajouter la difficulté et la complexité d’une mission qui est exigeante, qui nous défie, qui vit un changement profond à cause de la transformation rapide du monde et de la société. La mission est en train de changer, sans nous laisser le temps de comprendre quelle direction prendre; le risque que nous courons est l’incapacité d’être à l’avance par rapport à ces mutations.

Mais la difficulté de la mission d’aujourd’hui devient un défi pour notre créativité, pour notre capacité de nous remettre en discussion, de rêver pour entreprendre des chemins nouveaux qui peuvent exiger que nous marchions sur des terrains inconnus, jamais fréquentés – comme cela nous a été dit il y a quelque temps – et qui nous invitent à ne pas vivre de l’héritage reçu, ce qui peut nous tromper avec la prétention d’une toute puissance missionnaire.

Comboni, dans cette lettre de 1873, disait d’hésiter parce qu’il connaissait sa petitesse. Aujourd’hui, nous aussi sommes en train de devenir davantage conscients de notre petitesse, et non seulement parce que les statistiques nous rappellent que le personnel missionnaire est en train de diminuer de façon constante. Je ne crois pas qu’il s’agit seulement de chiffres. Je crois que cette petitesse peut nous aider à comprendre que nos forces ne seront jamais suffisantes pour répondre aux exigences de la mission et que le Seigneur ne fait pas ses calculs en utilisant les mathématiques.

Comment alors orienter notre regard? Où puiser les forces et la lumière pour vivre avec radicalité notre vocation missionnaire combonienne?

Je crois que pour nous, aujourd’hui, la petitesse doit être mesurée en regardant à la qualité de notre vie, à la cohérence du vécu des nos engagements personnels et des options de vie que nous avons faites, à la capacité à ne pas être des personnes superficielles dans le vécu de notre consécration religieuse pour la mission, à notre disponibilité totale au service des plus pauvres, à la liberté de ne pas nous laisser confondre par les suggestions faciles de notre monde: le consumérisme, les apparences, la superficialité, etc.

Sans références à des personnes en particulier, et sans vouloir faire de reproches, je crois que chacun de nous doit reconnaître sa pauvreté, sa fragilité et ses limites, la tentation de faire devenir la mission une chose à son propre service et non cette réalité qui appelle à se donner sans conditions et sans utiliser de prétextes pour la faire devenir une ‘mission à sa propre mesure’.

P. Enrique Sánchez, au Brésil.

J’ai une admiration profonde pour tant de confrères qui vivent avec un enthousiasme énorme, avec l’esprit du don de soi et de sacrifice dans des situations de violence indicible et de danger. Ils sont ces pierres cachées dont la mission a besoin, comme nous le rappelle Comboni. C’est à la lumière des ces témoignages que nous devons mesurer notre réponse à la vocation que nous avons reçue et que nous réussirons à découvrir comment pourrons-nous devenir grands, forts et capables pour embrasser la mission qui aujourd’hui nous est confiée.

Comboni dit avec beaucoup d’humilité: “j’ai pensé qu’avec nos forces nous ne réussirons jamais”. Cette phrase n’est pas l’expression du découragement, au contraire elle exprime la conviction de porter une mission qui ne dépend pas de nous. “Alors j’ai mis toute ma confiance dans le Sacré Cœur de Jésus”. Peut-être, et sans peut-être, je crois que le moment est venu pour nous de faire cette expérience d’abandon et de confiance, de foi et d’ouverture à l’action de Dieu dans notre vie, ce qui ne veut pas dire se réfugier dans une spiritualité qui nous extrait de la réalité ou de la responsabilité de nous engager dans la construction du Règne.

Confier dans le Sacré Cœur de Jésus est pour nous aussi aujourd’hui le défi qui nous oblige à nous salir les mains dans la transformation de notre humanité, à travers notre service missionnaire, sans jamais oublier que l’unique et le véritable protagoniste de la mission est et sera toujours le Seigneur.

Si Comboni a voulu consacrer son Vicariat à ce Cœur, qui n’est rien d’autre que l’amour sans limites que Dieu a pour chacun de nous et pour toutes les personnes vers lesquelles il nous envoie comme ses missionnaires, je crois que cela vaut la peine de vivre cette fête en renouvelant notre disponibilité afin que le Seigneur réalises ses projets pour nous, en reconnaissant que la mission qui naît de son Cœur a devant soi un avenir beau. Et pour cela nous devons la vivre dans la confiance que le Seigneur ne va pas nous décevoir.
Bonne fête à tous.
P. Enrique Sánchez G., mccj